Séance du 8 juin 1999







M. le président. La parole est à M. Paul Girod, auteur de la question n° 469, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
M. Paul Girod. Madame le secrétaire d'Etat, vous le savez, je ne suis ni un fanatique de la centralisation, ni un partisan de l'unicité de décision des préfets sur l'ensemble du territoire, surtout quand il s'agit de l'administration des collectivités territoriales. Mais je suis aussi un ardent défenseur de l'économie d'initiative et de liberté et, en même temps, d'une saine concurrence entre ceux qui travaillent au service de la population de notre pays, plus spécialement encore lorsqu'il s'agit d'actes commerciaux de base.
Or nous savons bien que, dans l'état actuel des choses, les dates des soldes sont fixées par les préfets dans des conditions qui ne sont pas d'une totale transparence. Je ne mets pas en cause la pureté de leurs intentions, mais il reste que ceux qui bénéficient de dates d'ouverture des soldes favorables, qu'il s'agisse du public ou des commerçants, sont quelquefois très en peine de s'expliquer à eux-mêmes pourquoi telle décision a été prise par rapport à telle autre, et surtout de faire face aux distorsions de concurrence que ces dates induisent.
Bien entendu, lorsqu'un secteur démarre les soldes avant les autres, il a tendance à capter la clientèle ; les autres se retrouvent avec des soldes qui ne partent pas. Je n'ai pas besoin de vous décrire le phénomène.
Dans une revue spécialisée du secteur textile, au début de cette année, vous avez dit que vous étiez favorable, soit par voie réglementaire, soit par voie législative, à une unification des dates d'ouverture des soldes sur tout le territoire, à l'exception, peut-être, de certaines régions à activité saisonnière, touristique en particulier, qui posent des problèmes spécifiques.
Pourriez-vous nous dire, madame le secrétaire d'Etat, où vous en êtes de votre démarche ? Quelles sont les perspectives que peuvent espérer les commerçants qui voient, à nouveau, arriver la période des soldes sans, me semble-t-il, être très rassurés sur le sujet ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur Paul Girod, c'est vrai, ce problème - je le constate chaque fois que je me rends en province, c'est-à-dire au moins une fois par semaine - est au centre des préoccupations de tous les commerçants de France.
Les auteurs de la loi du 5 juillet 1985 ont voulu bien faire - et je rends hommage à mon prédécesseur - mais son application a conduit à des situations difficiles. Il s'agissait à la fois d'adapter le régime juridique des soldes pour protéger les consommateurs et de laisser une certaine liberté d'action à l'ensemble des acteurs sur le territoire. Or nous nous rendons compte que cette liberté d'action est toujours limitée par la géographie puisqu'une région qui prend opportunément la bonne décision de fixer la date d'ouverture des soldes les 5, 6 ou 7 janvier a forcément une frontière avec une autre collectivité locale ; les commerçants des communes de cette région voient leurs clients franchir cette frontière artificielle et aller faire leurs courses le 2 ou le 3 janvier si telle est la date qui a été retenue par la région voisine.
Je reste persuadée, monsieur le sénateur, qu'il faut d'abord fixer une date unique et revoir ensuite le système du nombre de semaines de soldes. Vous savez que ce sont cinq semaines deux fois par an. Cela requiert une étude approfondie.
Le calendrier parlementaire étant très chargé, je n'ai pas trouvé de place, monsieur le sénateur, pour déposer un texte sur ce sujet. En conséquence, la loi en vigueur s'applique. J'entends néanmoins demander - c'est un scoop - à l'ensemble des préfets de France d'accepter, en concertation avec les chambres de commerce et d'industrie, les associations de commerçants et les collectivités locales, même si cela ne figure pas dans la loi de fixer au moins de janvier 2000, si nous n'avons pas pu modifier la loi, une date quasi unique d'ouverture des soldes.
Je souhaite, monsieur le sénateur, que cette date ne soit pas trop proche du 1er janvier. En effet, rejoignant les soucis des représentants des fédérations textiles et des cuirs et peaux, je trouve absolument anormal que la majorité des cadeaux de Noël et du Nouvel An des grands-parents à leurs petits-enfants soit achetée au lendemain du réveillon, lorsque débutent les soldes.
Je trouve dommage qu'on n'incite pas plutôt à faire des achats dits normaux ; cette pratique conduit à une conséquence qu'on mesure mal aujourd'hui dans l'industrie de l'habillement et de la chaussure : on fabrique cent articles à des prix dits normaux, et on en fabrique vingt, trente, quarante ou cinquante pour les vendre dès le premier jour les soldes. C'est cela qui n'est pas normal.
Les soldes ont été instaurés pour écouler des stocks non vendus, et non pour permettre des opérations de discount. Je souhaite donc que la date des soldes soit éloignée du 1er janvier. Je réunirai d'ailleurs l'ensemble des préfets, je le répète, pour que nous parvenions à retenir une date unique sur l'ensemble du territoire si nous n'avons pas le temps de voter une loi.
Je souhaite aussi que l'ensemble des consommateurs se rende bien compte que les soldes, c'est du déstockage, et non une pratique de vente. Nous aurons du mal à faire passer ce discours.
Il faut encourager les commerçants des centres-villes, en particulier, à résister. Les meilleurs d'entre eux ne font d'ailleurs plus de soldes du tout.
Et puis, il faut mettre un terme aux pratiques de certains commerçants qui, connaissant le caractère limité des périodes de soldes, s'arrangent toujours pour obtenir, par exemple, une autorisation de liquidation avant travaux...
Tout cela est affaire d'échange, d'éthique économique, de solidarité économique entre les entreprises, entre le secteur de la production et le secteur de la distribution.
Je reste persuadée, monsieur le sénateur, que nous ferons figurer cette date unique dans la loi. Mais, avant, nous devons instaurer cette pratique, tout en prévoyant une possibilité de dérogation pour les territoires touristiques.
A cet égard, tout le monde est d'accord. Puisque autant de gens sont du même avis, monsieur le sénateur, je pense qu'on peut arriver effectivement à trouver une bonne pratique en attendant le nouveau texte.
M. Paul Girod. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je remercie Mme le secrétaire d'Etat de sa réponse, qui prouve son excellente connaissance du dossier. J'ai d'ailleurs cru comprendre qu'elle suit des cours de recyclage hebdomadaires ! (Sourires.)
Je prends acte avec intérêt de son intention de déposer un projet de loi. Je lui fais toutefois observer que le Gouvernement aurait pu différer l'inscription de certains textes. La majorité sénatoriale aurait d'ailleurs pu lui faire quelques suggestions à cet égard...

AIDES AUX COMMERÇANTS EN ZONE RURALE