Séance du 8 juin 1999
M. le président.
« Art. 3. _ Quand une décision administrative fait l'objet d'une requête en
annulation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner
la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets,
lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer,
en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la
décision.
« La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en
annulation de la décision. »
Par amendement n° 20 rectifié, MM. Delevoye et Haenel proposent d'insérer,
après le premier alinéa de l'article 3, un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le recours risque de porter atteinte à la fiabilité d'un document
d'urbanisme ou d'un acte ayant vocation à y être intégré, et par là même
d'entraver le développement harmonieux d'une collectivité ou d'un groupement de
collectivités, le maire ou le président de l'établissement public peut demander
au juge des référés si, en l'état de l'instruction, il existe un doute sérieux
quant à la légalité de la décision attaquée. Si un tel doute existe, le juge
peut, le cas échéant, suspendre l'acte. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Cet amendement comme d'ailleurs les suivants que j'aurai l'occasion de
défendre, aessentiellement pour objet de répondre à des questions que se posent
certains de nos collègues maires confrontés aux lenteurs et à la complexité de
la juridiction administrative.
Cet amendement vise à permettre à la collectivité de demander au juge des
référés d'examiner si les moyens invoqués sont sérieusement susceptibles
d'entraîner l'annulation.
En effet, le requérant ne demande souvent le sursis à exécution que s'il est
sûr des motifs de droit qu'il invoque. Dans le cas inverse, il a au contraire
tout intérêt à faire durer le plus longtemps possible les choses dans le seul
but de gêner la collectivité locale. C'est notamment le cas en matière
d'urbanisme.
Cet amendement tend donc à permettre au défendeur de demander lui-même le
sursis à exécution.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur. L'avis de la commission est défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. L'avis du Gouvernement est également défavorable.
En effet, même si l'on ne peut qu'être sensible au souci de sécurité juridique
- les décisions d'urbanisme sont bien sûr importantes - nous ne pouvons
souscrire à la logique du mécanisme proposé.
Ou bien il s'agit, pour la collectivité, de demander au juge de suspendre
l'exécution d'une décision dont elle est l'auteur, et l'on se heurte alors au
principe de l'irrecevabilité des autorités administratives à demander au juge
le prononcé des mesures qu'elles ont pouvoir de prendre. Cette irrecevabilité
résulte du principe selon lequel les collectivités publiques ont l'obligation
d'exercer les pouvoirs dont elles sont investies.
Ou bien il s'agit, pour la collectivité, d'obtenir un avis officiel du juge
sur la légalité de ses actes, mais il faut alors souligner que le rôle du juge
est de trancher des litiges et non de donner des avis. Ce serait donc
introduire une confusion des rôles.
Par ailleurs, en constituant un groupe d'étude sur la responsabilité des
décideurs publics, le Gouvernement a engagé une réflexion sur cette
question.
M. le président.
Monsieur Haenel, l'amendement est-il maintenu ?
M. Hubert Haenel.
Compte tenu de ces explications, monsieur le président, je retire
l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 20 rectifié est retiré.
Par amendement n° 21 rectifié, MM. Delevoye et Haenel proposent, après le
premier alinéa de l'article 3, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« A dater de la décision du juge des référés et au plus tôt à l'expiration du
délai de recours, aucun moyen nouveau tiré de la légalité interne ou externe ne
peut être invoqué par le requérant. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Cet amendement va dans le même sens que le précédent. Nous traduisons les
interrogations de nombreux maires formulées au sein de l'Association des maires
de France.
Nous proposons de limiter la durée de l'instruction en fixant un terme à la
possibilité d'invoquer des moyens nouveaux. En effet, dans le souci d'accélérer
la procédure, il semble nécessaire de permettre au contentieux de se nouer
complètement à l'issue d'une décision en référé.
L'objet de l'amendement proposé est de diminuer la période de l'instruction en
interdisant au requérant de « conserver » de façon tactique un moyen fort dans
le but de prolonger l'instance.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur. Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet
amendement. Nous comprenons les préoccupations de M. Haenel, mais ces
dispositions posent des problèmes, notamment au regard de la convention
européenne des droits de l'homme.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Haenel ?
M. Hubert Haenel.
Il s'agit non pas de mes préoccupations, mais de celles de certains maires qui
ne comprennent pas toujours la jurisprudence complexe des juridictions
administratives. Toutefois, je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 21 rectifié est retiré.
Par amendement n° 2, M. Garrec, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi le second alinéa de l'article 3 :
« Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en
annulation de la décision dans le délai d'un an. A défaut, la suspension prend
fin au plus tard à l'issue de ce délai. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec,
rapporteur. S'agissant d'un assouplissement notable des conditions
d'octroi de sursis à exécution, la commission a pensé qu'il fallait limiter les
effets de la suspension dans le temps. Cela concerne également les
collectivités locales. Elle propose donc d'impartir au juge un délai d'un an
pour statuer au fond.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
L'amendement que nous propose la commission des lois est intéressant. Il vise
à limiter le délai de suspension à un an, ce qui conditionne aussi à un délai
d'une année la décision au fond.
L'une des critiques majeures de la majorité sénatoriale est que ce texte ne
permettra sûrement pas de « remédier à la lenteur du juge au fond ».
En instaurant une limite maximum de jugement, vous entendez rétablir des
délais raisonnables. Cependant, la méthode que vous employez ne me semble pas
la bonne. Ce n'est pas en imposant des mesures de compétitivité aux tribunaux
administratifs sans leur donner les moyens de les réaliser que vous obtiendrez
des résultats intéressants en termes de réduction des délais de jugement
répondant à une bonne administration de la justice. Cette proposition, non
assortie de moyens, conduira à un blocage sans précédent des juridictions
administratives. Ce dont ont besoin les juridictions administratives, ce sont
des moyens, notamment humains ; il faut recruter des magistrats, je l'ai dit
dans la discussion générale.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4