Séance du 9 juin 1999







Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. François Gerbaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous venons d'examiner approuve l'avenant nécessaire à la transposition des dispositions de l'accord du 13 février 1998 dans la concession d'Eurotunnel, qui a été signée le 29 mars dernier.
Il est l'aboutissement d'un plan de redressement qui se traduit par un allégement de 40 % des frais financiers d'Eurotunnel, résultant notamment de la conversion en actions d'une partie de la dette. Ce plan permet l'attribution gratuite aux actionnaires de bons de souscriptions d'actions, dont l'exercice est lié à l'allongement effectif de la concession.
Ce projet de loi est aussi l'aboutissement d'un accord définitif sur la prolongation de la concession en comportant, d'une part, les dispositions relatives aux conditions d'application de la concession prolongée et, d'autre part, une série de mesures susceptibles de favoriser le développement du fret ferroviaire à travers la Manche, le fret étant, en tout domaine, l'un des grands éléments de demain.
Je tiens, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, à rendre hommage à M. le rapporteur, notre collègue Désiré Debavelaere, pour la qualité de son travail, pour la pertinence de son analyse et pour son jugement sûr sur ce dossier qui, même s'il ne nous fait pas sortir du tunnel, nous permet d'en voir le bout. (Sourires.) Il a su, notamment, être sensible à la situation des premiers actionnaires d'Eurotunnel qui se sentent aujourd'hui floués, et prendre une attitude pragmatique face à cet accord conclu entre les Etats, les concessionnaires, les banques créancières et la majorité des actionnaires, accord qui ne laisse guère de place à une solution alternative crédible.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. Joël Bourdin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre excellent rapporteur, M. Désiré Debavelaere, a très bien résumé les données du problème.
Certes, le financement du projet Eurotunnel a un caractère uniquement privé. Il relève donc de la responsabilité exclusive de l'entreprise et de ses créanciers. L'Etat n'avait donc pas à s'immiscer dans les négociations qui ont abouti au plan de restructuration de la dette.
Certes, les pouvoirs publics pouvaient d'autant moins intervenir qu'Eurotunnel est un projet non pas franco-français mais franco-britannique, et nous connaissons les réticences des Anglais à l'égard de toute implication de l'Etat.
Certes, il n'existait probablement pas d'alternative crédible au plan conclu entre les concessionnaires et les banques créancières. Eurotunnel était au bord de la faillite et il fallait bien trouver une solution, aussi insatisfaisante soit-elle.
Certes, enfin, refuser aujourd'hui la nouvelle prolongation de la concession mettrait en péril le fragile redressement amorcé par l'entreprise. En 1996, la commission des affaires économiques avait, pour la même raison, renoncé à créer une commission d'enquête sur Eurotunnel. Il s'agissait, alors, de ne pas gêner l'entreprise qui était en train de négocier une solution financière pour éviter le dépôt de bilan.
Malgré tout, le groupe des Républicains et Indépendants considère que les petits actionnaires ne doivent pas être passés par pertes et profits. Notre conception du libéralisme place au contraire l'individu au coeur de notre projet économique et social.
A la fin de l'année 1996, le nombre total d'actionnaires individuels d'Eurotunnel était de 715 000, dont 581 000 Français. Beaucoup d'entre eux s'estiment aujourd'hui victimes de prévisions de trafic surestimées et d'un montage financier inadapté. Certains affirment avoir perdu les deux tiers de leur mise. Le groupe des Républicains et Indépendants considère que le caractère privé d'Eurotunnel ne doit pas conduire l'Etat à se désintéresser de leur sort.
Les Etats ont une part de responsabilité dans les difficultés financières d'Eurotunnel. Ils ont notamment accumulé des exigences de sécurité, dont nous ne contestons absolument pas la nécessité ; certains événements récents sont là pour nous le rappeler. Cependant, ces exigences ont eu tendance à se multiplier de façon soudaine, entraînant alors des surcoûts importants que l'entreprise ne pouvait anticiper.
Sans renoncer à ses missions essentielles, l'Etat doit mieux évaluer les conséquences économiques de chaque nouvelle réglementation. Cela est valable pour tous les types de réglementation et pour tous les secteurs de notre économie.
Plus globalement, les mésaventures d'Eurotunnel sont susceptibles de nuire au développement de l'actionnariat et au financement futur de nouveaux grands travaux d'infrastructures qui, notamment sur le plan européen, pourraient faire appel à l'épargne individuelle. Nous considérons que l'Etat doit tout faire pour favoriser une plus grande confiance des petits porteurs à l'égard de ce type de projet.
C'est dans cette perspective que le groupe des Républicains et Indépendants approuvera le projet de loi soumis à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Pierre Lefebvre. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je souhaite tout d'abord remercier M. le rapporteur, qui a expliqué dans le détail les propositions formulées dans ce projet de loi, et M. Fatous, qui a exposé de manière constructive les raisons de l'approbation du groupe socialiste.
MM. Gerbaud et Bourdin, dans leurs explications de vote, ont également fait part de leur approbation de ce texte tout en exprimant quelques interrogations et préoccupations.
Si je suivais le raisonnement de M. Bourdin, l'Etat se devrait de « socialiser » les pertes, les profits restant toujours privés. Telle est sa démarche. Mais je comprends que nous puissions diverger quant à la façon de gérer les affaires !
M. Philippe Marini. Il n'a pas dit cela !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. M. Lebebvre a exprimé la préoccupation du groupe communiste républicain et citoyen, que j'ai bien comprise. Les sénateurs communistes avaient d'ailleurs, en 1994, voté contre une première prolongation de la concession. Ecoutant cette intervention, j'en suis venu à me demander s'il ne vaudrait pas mieux, à l'avenir, s'agissant de ce type d'infrastructure - et, disant cela, je pense à ce qui aurait pu être fait pour Eurotunnel - réfléchir à un partenariat public-privé permettant à la fois d'associer l'intérêt général et la mobilisation des moyens financiers.
M. Gerbaud s'est soucié des petits actionnaires. Mais si l'allongement de la concession prévu par ce projet de loi n'avait pas lieu, les prêteurs, c'est-à-dire les banques, se substitueraient aux actionnaires, notamment aux petits. L'objectif du Gouvernement est donc, avec ce texte, de créer une condition fiable afin d'éviter d'en arriver là.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez à mon avis bien fait d'approuver le projet de loi qui va, me semble-t-il, dans le bon sens en prenant en compte la situation, le passif et la réalité actuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)

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