Séance du 9 juin 1999






ÉPARGNE ET SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 399, 1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'épargne et à la sécurité financière. (Rapport n° 401 [1998-1999]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne présenterai pas à nouveau ce projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière que vous examinez en nouvelle lecture, mais rappellerai simplement quelles étapes successives ont conduit au débat qui nous réunit aujourd'hui.
Lors de la première lecture au sein de la Haute Assemblée, le débat avait permis d'améliorer très sensiblement le texte, mais avait également mis en évidence de réelles divergences politiques.
Les améliorations techniques ont porté principalement sur le volet sécurité financière du projet de loi et ont bien marqué la qualité des travaux de la Haute Assemblée, particulièrement des réflexions de M. le rapporteur général. Je citerai quelques-unes de ces améliorations.
La transposition de la directive européenne dite « post-BCCI » visait à renforcer les échanges d'informations entre les autorités prudentielles européennes entre elles ainsi qu'entre ces autorités et les commissaires aux comptes. Un nouveau dispositif de quatorze articles additionnels a été ajouté au projet de loi, imposant de nouvelles conditions d'agrément, aménageant les règles du secret professionnel, renforçant le rôle des commissaires aux comptes. Le Gouvernement est d'autant plus heureux de cette transposition de la directive que le Sénat s'est inspiré à la fois des travaux interministériels et de la large concertation menée avec les professionnels.
Par ailleurs, sur l'initiative notamment du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, et avec le plein accord de M. le rapporteur général, un certain nombre de précisions importantes ont été apportées au texte, s'agissant des sociétés de crédit foncier : l'introduction de la notion de quotité de financement pour les prêts cautionnés permet ainsi d'accroître la sécurité de ces derniers, mais aussi d'en harmoniser les conditions de mise en oeuvre avec celles qui sont applicables aux prêts hypothécaires ; en outre, des garanties et précisions ont été apportées sur le fonctionnement des sociétés de crédit foncier, particulièrement en ce qui concerne le lien pérenne qui doit être maintenu entre ces filiales et leur société mère.
Enfin, troisième et dernier exemple d'amélioration technique, le Sénat a préservé avec soin l'équilibre des dispositions relatives aux fonds de garantie des dépôts de l'assurance, apportant souvent des précisions utiles comme la radiation automatique et donc la liquidation des établissements ayant bénéficié de l'intervention des fonds de garantie.
Telles sont les améliorations techniques essentielles apportées par le Sénat.
Mais le débat de première lecture dans cette enceinte a également mis en évidence des divergences politiques manifestes, si marquées qu'elles expliquent, à mon sens, l'échec de la commission mixte paritaire.
Ces divergences politiques portent principalement sur la partie du texte relative aux caisses d'épargne. J'en donnerai quatre exemples, qui montrent la véritable divergence existant entre la volonté de banalisation des caisses d'épargne exprimée par la majorité sénatoriale et la volonté du Gouvernement de conserver, lorsque cela est possible, le meilleur des caractéristiques spécifiques.
Le premier exemple porte sur la suppression du dividende social, c'est-à-dire de la fraction du résultat affectée à ces missions d'intérêt général qui sont si importantes qu'elles sont définies dans l'article 1er du projet de loi sur les caisses d'épargne.
Dans son projet initial, le Gouvernement suggérait une possibilité d'affectation d'une partie du résultat des caisses d'épargne à des projets d'économie locale et sociale. L'Assemblée nationale est allée plus loin, en posant le principe d'une affectation obligatoire égale au tiers des sommes disponibles après mise en réserve. Cela marquait véritablement une volonté de donner un contenu fort et concret à ces missions d'intérêt général des caisses d'épargne, mais le Sénat a rejeté cette disposition.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois qu'il n'est ni équitable ni conforme à la vérité de dire que nous avons voté contre le dividende social ! Nous avons voté, en première lecture, contre le principe d'un plancher pour ce dividende social et, ce faisant, nous nous sommes bornés à rétablir le texte initial du Gouvernement, avant la première lecture à l'Assemblée nationale.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que vous exagérez, pour les besoins de votre démonstration, la portée de nos désaccords !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Pour une fois que nous vous soutenions, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Sourires.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, je reviendrai sur ce point dans la suite de mon intervention.
Le deuxième exemple sur lequel, peut-être, vous n'aurez pas la même appréciation que moi concerne la suppression par le Sénat du versement de 18,8 milliards de francs de capital social des caisses d'épargne au fonds de réserve pour les retraites.
M. Philippe Marini, rapporteur. Ça, c'est vrai !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement considère que la création de ce fonds de réserve et que ce premier versement sont des bases essentielles pour consolider les régimes de retraite par répartition.
Le Sénat s'est inscrit dans une perspective différente, alors que le Gouvernement cherche à sauvegarder les régimes de retraite par répartition et compte tirer le plein enseignement de la mission qui avait été confiée au commissaire général au Plan, M. Charpin.
Le troisième exemple est la volonté exprimée par le Sénat d'appliquer le droit commun du travail au réseau des caisses d'épargne, où, vous l'avez noté, aucun accord social n'a été conclu depuis plus de six ans. Le texte proposé par le Gouvernement, et adopté par l'Assemblée nationale, vise à concilier l'efficacité et la réactivation du dialogue social, en respectant les spécificités des caisses d'épargne grâce au maintien d'une commission paritaire nationale de dialogue et de négociation des accords sociaux.
Le dernier exemple porte sur l'indexation semestrielle automatique du taux du livret A sur l'inflation. Votée par le Sénat en première lecture, cette indexation marque une volonté de banalisation du livret A qui s'inscrit en contradiction avec l'engagement contenu dans la déclaration de politique générale du Premier ministre en juin 1997 de bien maintenir la spécificité de l'épargne réglementée.
J'en viens maintenant, pour ne pas prolonger ce débat, aux fruits de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, qui a tiré profit des nombreux amendements adoptés par le Sénat, notamment sur la partie relative à la sécurité financière. C'est, je crois, un exemple de bon travail parlementaire.
Sur des points tout à fait important, des compromis - qui, je l'espère, sont acceptables par tous - ont été trouvés. J'en citerai trois.
Le premier concerne - j'y reviens, monsieur le rapporteur ! - le dividende social, qui figure à l'article 6 du projet de loi.
L'Assemblée nationale a rétabli le plancher de versement, que vous condamniez, mais elle a préservé le plafond de versement qui avait été adopté par le Sénat en première lecture et qui était égal au montant de la rémunération versée aux sociétaires.
M. Philippe Marini, rapporteur. Vous voyez que nous pouvons nous rejoindre !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Grâce à cette bonne coopération entre l'Assemblée nationale et le Sénat, le dividende social évoluera ainsi dans une sorte de corridor défini par ce plancher et ce plafond.
Le deuxième exemple concerne le capital social des caisses d'épargne, qui figure aux articles 21 et 24 du projet de loi.
De longs débats ont eu lieu sur le niveau le plus opportun et le plus objectif de ce capital social, et M. Raymond Douyère, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, a fait adopter un dispositif innovant qui, vous le savez, comprend deux points : au maintien du capital social à 18,8 milliards de francs, égal à la somme des dotations statutaires actuelles des caisses d'épargne, il a ajouté la fixation d'une clause de rendez-vous dans quatre ans, à l'issue de la période de placement, assortie d'un plancher de 15,9 milliards de francs.
Ce dernier chiffre n'a pas été choisi au hasard, puisque M. le rapporteur l'avait évoqué en première lecture comme correspondant à la moyenne haute du ratio capital sur fonds propres des banques mutualistes.
M. Philippe Marini, rapporteur. Tout à fait !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce dispositif harmonieux concilie, d'une part, la réalité économique du réseau des caisses d'épargne et, d'autre part, les différentes contraintes mises en avant au cours du débat, s'agissant notamment des conditions de placement des parts sociales dans le public. Là aussi, j'espère que ce dispositif recueillera un accord relativement large.
Le dernier exemple est celui du régime des indemnités de remboursement anticipé, que les spécialistes appellent IRA.
En première lecture, le Sénat avait, de façon très opportune, souhaité améliorer la situation de nos concitoyens victimes de ce que l'on pourrait appeler des accidents de la vie. Ce nouveau dispositif a été précisé par l'Assemblée nationale en des termes sur lesquels, je l'espère, nous pourrons tous nous retrouver : il s'agit de supprimer toute indemnité de remboursement anticipé en cas de vente du bien financé par le prêt à la suite d'une mutation professionnelle, du chômage ou du décès de l'emprunteur.
Tels sont les trois points sur lesquels le débat parlementaire a permis, me semble-t-il, de dégager de bonnes solutions.
Il reste effectivement des divergences concernant des points sur lesquels le Gouvernement comme la majorité de l'Assemblée nationale ont réaffirmé leurs choix en revenant au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.
Le texte a ainsi été parfois précisé, notamment - mais pas seulement - à la demande du groupe communiste, pour bien marquer notre attachement à la spécificité du livret A, à la fixation d'un tarif préférentiel pour la première part sociale acquise, ou encore au respect des droits sociaux acquis individuellement par les salariés des caisses d'épargne en matière de retraite.
Je tirerai de cet exposé liminaire deux conclusions.
Tout d'abord - je l'ai déjà indiqué et je le rappelle - en reprenant les mêmes amendements qu'en première lecture, vous confirmez bien qu'il existe des divergences de fond qui expliquent a posteriori l'échec de la commission mixte paritaire. J'espère, au demeurant, que nous n'allons pas reprendre tout le débat de première lecture - mais je suis à votre disposition.
Ensuite, la conclusion la plus importante est que ce texte a été préservé dans son dispositif général. Il a été enrichi par le débat parlementaire et il sera voté - c'est très important - avant la fin de la session, ce qui permettra, d'une part, d'assurer le succès de la réforme des caisses d'épargne et, d'autre part, de réaliser l'adossement en cours du Crédit foncier.
Ce texte, bien sûr, n'est pas parfait. Il peut encore être amélioré et, au nom du Gouvernement, j'y suis tout à fait disposé ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lorsque nous avons achevé la première lecture de ce texte après l'avoir très sensiblement modifié, l'Assemblée nationale a poursuivi son travail et, à l'issue de la nouvelle lecture au Palais-Bourbon, il ne reste plus que cinquante articles en discussion.
La commission des finances a déposé un certain nombre d'amendements à l'occasion de cette nouvelle lecture. Mais ce nombre est limité, ce qui démontre, monsieur le secrétaire d'Etat, que des convergences non négligeables sont apparues.
Ces convergences ne sauraient masquer pour autant les différences d'approche qui subsistent entre les deux assemblées et leur majorité respective, puisque la commission mixte paritaire a échoué. A ce sujet, vous nous avez donné, monsieur le secrétaire d'Etat, une explication a posteriori . Pour avoir vécu de l'intérieur les travaux de cette commission mixte paritaire, je me suis demandé pourquoi un tel désaccord était apparu...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est parce que l'accord n'a pu se faire ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. ... sur un article qui venait de faire l'objet d'un exposé des deux rapporteurs montrant bien qu'une solution semblait possible. Quoi qu'il en soit, les discussions ont été interrompues et le film s'est, en quelque sorte, cassé.
Nous comprenons, nous aussi a posteriori, que la majorité de l'Assemblée nationale a préféré négocier avec le Gouvernement plutôt qu'avec le Sénat. C'est naturellement son droit. Mais vous comprendrez à votre tour, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Sénat ne puisse se comporter en greffier d'un accord passé entre la majorité de l'Assemblée nationale et le Gouvernement !
Nous serons donc amenés, pour des raisons de principe, à proposer à nos collègues de rétablir les positions que nous avions prises en première lecture sur les dispositions qui font encore l'objet d'un désaccord.
Je vais rapidement reprendre les trois volets principaux de ce projet de loi, à savoir les caisses d'épargne, la sécurité financière et les obligations foncières.
Pour ce qui est des caisses d'épargne, l'Assemblée nationale est revenue, sur un certain nombre de points, à son texte de première lecture, notamment en ce qui concerne la structure du sociétariat à trois niveaux, que la commission des finances du Sénat persiste, elle, à considérer comme inutilement complexe. Mais il est vrai aussi que l'Assemblée nationale a fait un pas sérieux en notre direction sur le montant des versements des caisses en contrepartie de la cession de leur capital.
La commission mixte paritaire, avant de se séparer dans les conditions auxquelles j'ai fait allusion, avait ainsi eu le temps de constater son accord sur un certain nombre d'articles.
J'examinerai en premier lieu les accords qui sont intervenus au cours de la commission mixte paritaire, même s'ils sont officieux, puisque, chacun le sait, une commission mixte paritaire réussit globalement ou échoue globalement.
Quels sont les cinq points sur lesquels nous avons constaté, en commission mixte paritaire et en marge de celle-ci, des convergences, ou la volonté d'aboutir à une version commune entre les deux assemblées ?
A l'article 1er, sur les missions des caisses d'épargne, nous avons notamment précisé que les projets d'intérêt général devaient être financés sur les résultats des caisses et non pas sur l'ensemble de leurs ressources. C'est plus qu'une nuance, on en conviendra.
A l'article 6, qui concerne l'affectation des résultats et que vous avez fort bien exposé, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons concilié nos approches - un plancher d'un côté, un plafond de l'autre - pour créer ce que vous avez appelé, d'une jolie expression, un « corridor » du dividende social.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a souscrit à notre volonté de transparence, qui conduira les caisses à devoir publier dans une annexe à leur rapport d'activité la teneur et le chiffrage de tous les projets d'économie locale et sociale financés à ce titre.
S'agissant des articles 10 et 21 bis relatifs à la participation des caisses d'épargne dans la nouvelle caisse nationale, nous souhaitions en rester à une majorité simple. L'Assemblée nationale nous a presque rejoints, puisqu'elle a maintenu la clause des 60 %, mais pendant une période transitoire, pour aboutir ensuite à 51 %, c'est-à-dire une vision très proche de celle que nous avions développée.
Sur l'article 19 bis , qui régit les dispositions fiscales propres aux opérations intragroupe, en particulier le principe de non-soumission des opérations internes à la TVA, l'Assemblée nationale s'est ralliée à notre vision des choses.
Sur l'article 22, concernant la dévolution des fonds centraux, nous avons, en commission mixte paritaire, trouvé une voie médiane tenant compte de la position des uns et des autres.
Je ferai un sort particulier, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'article 21, c'est-à-dire à la question épineuse du capital social des caisses d'épargne, que vous avez vous-même évoquée dans votre exposé.
C'est sur cet article que la commission mixte paritaire s'est séparée. Pourtant, je persiste à dire qu'elle n'était pas loin, sur ce point - sans doute aurait-elle eu d'autres divergences sur d'autres articles ! - d'aboutir à un compromis.
Ce compromis s'est concrétisé lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, qui a rétabli, certes, sa rédaction, mais qui, tout en maintenant un capital initial égal à la somme des dotations statutaires, à savoir 18,8 milliards de francs, a prévu que les caisses d'épargne verseraient au fonds de mutualisation le produit exact de la cession des parts sociales et des certificats coopératifs d'investissement - je dis bien « le produit exact » - et non pas la somme prédéterminée de 18,8 milliards de francs.
Une clause de rendez-vous, que vous avez évoquée, a été instaurée. Fixant le rendez-vous au 1er décembre 2003, elle conduira à examiner à cette date si lesdits versements des caisses d'épargne seront ou non inférieurs à la somme de 15,9 milliards de francs.
Vous avez rappelé que ces 15,9 milliards de francs résultaient de la méthode qui a été employée par le Sénat et vous avez laissé entrevoir qu'un dialogue, intervenant au plus tard le 1er décembre 2003, pourrait éventuellement permettre d'en rester à cette somme.
Nous saluons cette avancée. Nous la jugeons toutefois encore quelque peu insuffisante et, en vue de clarifier le débat, en vue, notamment, de recueillir vos réponses, monsieur le secrétaire d'Etat, en vue de décider l'Assemblée nationale à mener une réflexion complémentaire, nous proposons encore, à ce stade, d'en revenir à la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture pour les articles 21 et 24.
Cette rédaction a trois effets sécurisants significatifs pour les caisses d'épargne.
En premier lieu, c'est la garantie que le capital social ne dépasse pas un chiffre correspondant à la moyenne constatée dans les autres réseaux mutualistes.
En deuxième lieu, cela conduit à constater que les certificats coopératifs d'investissement sont émis au profit des caisses d'épargne et non pas au profit de l'Etat par l'intermédiaire du fonds de réserve pour les retraites.
En troisième lieu, cela suppose que les caisses disposent bien d'un délai de huit ans pour placer leur capital.
Nous continuons à considérer que la modalité d'organisation en groupements locaux d'épargne ou société locales d'épargne - peu importe le titre ! - n'est pas pertinente.
Nous proposons, par amendement, une marge d'autodétention de 10 % du capital social pour faciliter la diffusion dans le public des certificats coopératifs d'investissement.
Nous considérons également que l'affectation du produit des cessions de parts au fonds de réserve pour les retraites n'est pas acceptable puisqu'il s'agit d'amorcer très petitement un mouvement dont on ne nous indique pas les vraies finalités économiques,...
M. Jean-Louis Carrère. Ils sont fâchés de ne pas en avoir eu l'idée !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... un mouvement dont on ne précise pas l'ordre de grandeur souhaitable, un mouvement dont on ne sait pas s'il doit aboutir à un fonds permettant de résoudre des difficultés conjoncturelles ou de traiter un problème structurel.
Nous ne voulons pas, quel que soit notre attachement à la sécurité des régimes par répartition,...
M. Jean-Louis Carrère. Je comprends !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... attachement qui est au moins aussi grand que le vôtre, monsieur Carrère, que, pour employer des termes triviaux, l'on mette la charrue avant les boeufs !
M. Jean-Louis Carrère. Vous n'avez plus de charrue !
M. le président. Monsieur Carrère, je vous en prie !
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous, nous sommes demandeurs d'un vrai débat sur les retraites, un débat qui aboutisse à de vraies solutions, et non d'un médicament distillé au goutte à goutte qui ne s'insère dans aucune thérapie dûment explicitée. (M. Jean-Louis Carrère s'esclaffe.)
M. Jean Chérioux. Nous voulons une ordonnance !
M. Philippe Marini, rapporteur. Voilà, en d'autres termes, les raisons pour lesquelles la commission des finances reste sur sa position.
Enfin, dernier point, nous maintenons notre désaccord sur l'agrément à la nomination du président du directoire de la caisse nationale, qui nous semble ne plus se justifier.
Donc, outre la question du capital social - de ce point de vue, nous observons la convergence avec l'Assemblée nationale, mais nous demandons quelques précisions - demeurent, il ne faut pas se le cacher, trois divergences de fond avec les députés : le sociétariat, l'affectation du produit des cessions de parts et l'agrément du ministre.
La seconde partie du texte, relative à la sécurité financière, n'a, malheureusement, pas pu être abordée en commission mixte paritaire. Si tel avait été le cas, nous serions très vraisemblablement parvenus à un accord global, car le consensus prévalait ; l'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté sans modification 25 articles sur 44 et, pour le reste, n'a adopté essentiellement que des amendements techniques ou rédactionnels, dont beaucoup ne suscitent pas d'observation particulière de notre part.
Quelques désaccords d'ordre technique subsistent - nous y reviendrons - qui auraient sans doute pu être levés dans une commission mixte partitaire normale, notamment aux articles 33 et 35, sur la nomination des commissaires du Gouvernement, et, de façon plus symbolique, à l'article 34 bis , fruit de l'imagination de M. Christian Cuvilliez, qui a souhaité créer un haut conseil du secteur financier public et semi-public, initiative d'autant plus étonnante que ce conseil englobe, notamment, le réseau des caisses d'épargne, alors que ce dernier, dans son nouveau statut, sera un réseau mutualiste, donc privé, même s'il demeure chargé de missions d'intérêt général.
Nous ne voyons pas de justification à cette espèce de nouveau « machin » bureaucratique autre que cosmétique vis-à-vis d'une partie de la majorité plurielle de l'Assemblée nationale !
Désaccord encore, plus technique, à l'article 49, sur le fonds de garantie des assurés, un peu plus prononcé, à l'article 51 bis , sur le fonds de garantie des cautions, ainsi qu'à l'article 52, sur le crédit d'impôt en termes de contribution des institutions financières.
Sur la plupart des autres sujets, nettement majoritaires donc, l'Assemblée nationale a adopté les positions du Sénat, partageant, en particulier - je le souligne, car c'est important - la volonté que nous avons eue de renforcer les systèmes de surveillance et de garantie et de bien faire figurer dans la loi le principe de la sanction des dirigeants et des entreprises défaillants, c'est-à-dire des entreprises au profit desquelles les nouveaux fonds de garantie seront appelés à intervenir.
Ce dispositif est de nature à lutter contre ce qu'il est maintenant convenu d'appeler l'aléa moral, l'aléa d'irresponsabilité des dirigeants financiers.
Enfin, je dirai quelques mots du titre IV, relatif aux sociétés de crédit foncier.
Là aussi, de manière globale, l'Assemblée nationale a donné son accord aux principales modifications introduites par les Sénat.
Toutefois, deux désaccords subsistent.
Le premier porte sur le titre. Nous persistons à dire que l'expression « obligations sécurisées » est plus conforme à la réalité économique du produit. En effet, il n'y aura pas que des actifs de nature foncière qui serviront à gager ces émissions de nouveaux produits financiers.
Le second désaccord, plus substantiel, porte sur l'article 62. Nous persistons à considérer comme dangereux que des crédits à des établissements publics non garantis par une collectivité publique puissent figurer dans les actifs susceptibles d'être refinancés par des obligations foncières.
En dernier lieu, nous avons observé que l'Assemblée nationale avait récrit l'article 64 bis, relatif aux indemnités pour remboursement anticipé. Elle a ainsi limité l'interdiction de toute indemnité aux seuls cas de vente de biens immobiliers motivés par la mobilité professionnelle, le décès ou la cessation forcée d'activité. Après en avoir débattu, la commission des finances s'est ralliée à cette position.
Je terminerai en relevant que, malgré l'échec de la commission mixte paritaire, un peu paradoxalement peut-être, mais non moins réellement,...
M. Jean-Louis Carrère. On peut donc espérer un vote conforme !
M. Philippe Marini, rapporteur. Souhaitez-vous m'interrompre, mon cher collègue ?
M. le président. Monsieur Carrère, de deux choses l'une : soit vous demandez à interrompre l'orateur et, s'il y consent, vous vous exprimez ; soit vous attendez tranquillement que votre tour de parole vienne, et il viendra !
M. Jean-Louis Carrère. Je vous ai déjà expliqué, monsieur le président, que les leçons, ça suffisait !
M. le président. Monsieur Carrère, je suis là pour faire respecter le règlement, et je le ferai respecter, que cela vous plaise ou non !
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Même si la commission mixte paritaire a échoué, disais-je, paradoxalement, le bicamérisme a bien fonctionné lors de l'examen de ce projet de loi sur l'épargne et la sécurité financière.
Je crois pouvoir dire que les travaux très approfondis menés par la commission des finances et les très nombreuses auditions auxquelles elle a procédé ont permis d'influencer très sensiblement ce qui devrait être la rédaction finale de ce texte.
Le travail s'est, dans l'ensemble, bien déroulé. Il a montré que les navettes sont utiles et que l'approche de la Haute Assemblée et de sa commission des finances, grâce à l'expertise accumulée sur ces sujets, peut être profitable à l'oeuvre d'élaboration de la loi.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques indications que je tenais à donner, au nom de la commission, au moment où s'ouvre cette nouvelle lecture devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur ce texte, encore une fois, la navette parlementaire aura démontré toute sa valeur et sa pertinence. Tant dans notre Haute Assemblée qu'auprès de nos collègues de l'Assemblée nationale les débats auront été de haute tenue et les observations des uns et des autres auront permis de conforter les conceptions, de préciser les dispositions et d'enrichir les propositions gouvernementales.
La discussion engagée sur le statut et les missions des caisses d'épargne a permis de comprendre que la nécessaire modernisation de ces établissements ne pourra se faire sans tenir compte des spécificités liées à leur histoire, à leur culture et à leur action.
Je laisserai le soin à mon collègue et ami Jean-Louis Carrère d'intervenir plus longuement sur ce sujet pour m'en tenir à quelques considérations touchant au deuxième volet de ce texte : la sécurité financière.
Quelque riches qu'aient été les débats au cours de la première lecture, quatre points méritent, à mon sens, une attention particulière.
Concernant l'article 37, tout d'abord, je ne peux que me féliciter que le Gouvernement ait accepté, ainsi que nous le lui avions demandé lors de la première lecture, de ne pas adopter de position figée concernant la rémunération des parts sociales du secteur coopératif. Il nous semble en effet tout à fait sage de laisser la concertation avec les professionnels de ce secteur se poursuivre afin de favoriser l'émergence d'un consensus sur ce dossier. La modernisation de ce secteur ne pourra se faire sans la participation des professionnels et nous ne pouvons qu'approuver la démarche pleine de sens du Gouvernement.
L'article 49, et plus particulièrement le texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article L. 423-2 du code des assurances, avait provoqué un débat animé dans notre assemblée. Je ne rappellerai pas les objections que nous avions alors formulées quant à l'opportunité d'une deuxième délibération en cas de saisine du fonds de garantie des assurés.
Le Gouvernement, par la voix du ministre des finances, nous avait exprimé son souhait de permettre, par cette disposition, une concertation toujours renouvelée. Ces intentions sont, à n'en pas douter, tout à fait louables et nous ne remettons pas en cause leur bien-fondé.
Il n'en reste pas moins vrai qu'il n'est pas dans les habitudes de la commission de contrôle des assurances de trancher de façon précipitée et que l'octroi de quinze jours supplémentaires ne devrait pas révolutionner de manière fondamentale ses débats.
En revanche, le risque existe, à nos yeux, que cette procédure ne permette aux professionnels de l'assurance de faire pression sur la commission de contrôle afin de l'amener à trancher systématiquement dans le sens d'un non-engagement des fonds.
D'aucuns ont comparé cette démarche à celle qui sous-tend la deuxième délibération parlementaire. Mais, mes chers collègues, cette délibération ne prend son sens que si le Gouvernement souhaite faire revenir les parlementaires sur un vote précédemment acquis, et cette démarche ne saurait être appliquée à la commission de contrôle.
Nos craintes se sont malheureusement trouvées confirmées à la lecture d'un communiqué émanant de l'AGEFI en date du 7 juin, qui note avec satisfaction que « la commission de contrôle des assurances voit sa marge de manoeuvre réduite pour solliciter le fonds de garantie ».
Nous ne saurions, à l'inverse de cette position, considérer cette conséquence comme un succès. Même si l'amendement, qui d'ailleurs ne nous est pas étranger, adopté par l'Assemblée nationale souligne que la saisine par le ministre d'une commission arbitrale doit se faire dans l'intérêt des assurés, il nous semble tout de même que toute pression exercée sur la commission de contrôle ne peut que limiter son indépendance et contraindre la portée de ses missions en faveur des assurés.
Sur cette question, j'en appelle à la plus grande vigilance du Gouvernement.
Le règlement du dossier Mutua Equipement fait l'objet de l'article 51 bis , ce dont nous nous félicitons.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif législatif qui a été adopté à ce sujet et qui est tout à fait pertinent en la matière, mais plutôt sur les engagements pris de façon conjointe par le Gouvernement en faveur des victimes de cette escroquerie.
Dans l'attente de leur indemnisation, un gel d'impôts devait leur être accordé. Or il apparaît que certaines directions des impôts n'appliquent pas encore à l'heure actuelle cette modalité, considérant que les requérants ne répondent pas aux critères fiscaux traditionnellement retenus en matière de revenu. En outre, il leur est souvent répondu qu'un éventuel gel ne saurait courir jusqu'au terme de leur indemnistation.
Je profite donc de la présence de M. le secrétaire d'Etat au budget pour l'inviter à donner les instructions qui s'imposent en la circonstance afin de mettre fin à toute forme d'ambiguïté sur la question. Je le remercie par avance de saisir cette occasion pour établir le bilan et les perspectives de l'ensemble du dispositif d'indemnisation.
Enfin, pour conclure ce propos, j'évoquerai l'article 64 bis, qui avait provoqué, lors de la première lecture, une certaine agitation.
Je me félicite que nos collègues de l'Assemblée nationale se soient prononcés pour un dispositif équilibré. La voie choisie souscrit à l'idée d'une mobilité professionnelle parfois nécessaire à certains emprunteurs, sans que ceux-ci soient, comme c'était le cas jusqu'à présent, injustement pénalisés lors des remboursements anticipés de leur emprunt. En définitive, cette modalité, dont la portée consumériste se révèle tout à fait bénéfique, est néanmoins suffisamment encadrée pour ne pas bouleverser les professionnels du secteur bancaire, parmi lesquels les établissements de crédit foncier astreints à une gestion rigoureuse de leur actif-passif.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Bernard Angels. Ce texte, mes chers collègues, ne prendra tout son sens que s'il respecte tout à la fois l'activité professionnelle liée à la banque et à l'assurance, mais aussi les usagers de ces réseaux. C'est dans la concorde et le respect qu'il trouvera son équilibre futur et sa portée réformiste. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici donc saisis en nouvelle lecture de ce projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière, alors que le Sénat avait témoigné d'une très grande bonne volonté lors de la commission mixte paritaire en acceptant des compromis qui auraient permis d'afficher un accord des deux chambres dans un domaine qui exige le consensus. Mais il ne fallait surtout pas qu'apparaisse, sur un point essentiel - le niveau du capital des caisses d'épargne - que le Sénat pouvait avoir vu juste !
Alors, nous nous sommes séparés sur un désaccord - qui a déjà été longuement commenté - et il nous est proposé, dans une version plus complexe qui nous revient de l'Assemblée nationale, une formule qui est à peu près celle du Sénat, laquelle serait d'ailleurs meilleure. Que de temps perdu pour une simple question d'apparence politique !
Pour et sur l'essentiel, nous sommes d'accord avec le projet de réforme des caisses d'épargne. L'idée même de la transformation des caisses d'épargne en sociétés coopératives ne vient-elle pas du Sénat ? En effet, c'est dans le rapport présenté, au nom de la commission des finances, par son président, Alain Lambert, voilà deux ans et demi à peu près, qu'a été pour la première fois avancée l'idée d'un support coopératif pour les caisses d'épargne.
Nous soutenions cette idée.
Vous l'avez reprise et vous avez eu raison, comme vous avez eu raison d'affirmer le rôle social des caisses d'épargne. En effet, c'est sur un projet social qu'elles ont été constituées au siècle dernier et c'est selon des modalités sociales empruntées au principe de gestion participative qu'elles fonctionnent depuis toujours.
Quand le projet de loi précise les modalités de l'affectation des résultats en prévoyant une attribution obligatoire aux projets de développement locaux ou à des projets sociaux, c'est d'une certaine manière superfétatoire, car il impose aux caisses d'épargne ce qu'elles s'imposent depuis toujours elles-mêmes avec ce qu'elles ont appelé le « principe du dividende social ».
Je comprends mal l'âpreté des débats sur ce sujet, comme si le législateur imposait aux centres communaux d'action sociale de faire du social !
Ce n'est pas parce que les caisses d'épargne se sont donné naturellement un caractère social qu'elles ne doivent faire que cela ; leur rôle premier demeure la finance et l'intermédiation financière.
Avant de redistribuer des résultats dans la sphère locale, ce que, je le répète, elles font depuis toujours, les caisses d'épargne doivent veiller à rester compétitives, en mesure de combattre la concurrence et de croître en investissant, c'est-à-dire en constituant des réserves appropriées.
Même si la nouvelle mouture de l'article 6 est plus satisfaisante que celle que nous avait transmise l'Assemblée nationale en première lecture, il n'en reste pas moins que cette volonté de brider les affectations sociales d'établissements qui n'ont jamais eu à subir d'injonction pour participer beaucoup plus que d'autres au développement local est pour le moins surprenante, je dirai même vexatoire.
Il reste, monsieur le secrétaire d'Etat, que le groupe des Républicains et Indépendants, au nom duquel je m'exprime, ne comprend toujours pas la nécessité de créer un échelon intermédiaire dans le fonctionnement des caisses d'épargne. C'étaient les groupements locaux d'épargne, les GLE, en première lecture ; ils se sont mués en sociétés locales d'épargne, les SOLE, en nouvelle lecture, sans doute pour affirmer que les caisses d'épargne doivent être bien implantées dans leur secteur local ; mais ils apparaissent comme un élément de complication et de lourdeur dans l'organisation des caisses d'épargne. A une époque où la croissance et les alliances entraînent des échanges de participations, on conçoit mal que les organes dirigeants des caisses d'épargne soient obligés de passer par une structure sans réelle signification pour s'affirmer sur leur territoire.
Le groupe des Républicains et Indépendants est pour la simplicité et l'efficacité et, je le répète, il ne saisit toujours pas pourquoi le dogme des sociétés locales d'épargne doit primer pour satisfaire, prétendument, au bon fonctionnement des caisses d'épargne.
Je reviens sur le niveau du capital, pierre d'achoppement de la commission mixte paritaire et point sur lequel le Gouvernement semblait intransigeant, en s'appuyant sur la force d'un argument formel : le niveau atteint par les dotations statutaires.
En première lecture, nous avons été nombreux, avec M. le rapporteur, à affirmer le caractère arbitraire d'un critère aléatoire ; mais le Gouvernement n'a pas voulu plier. Nous nous fondions pourtant sur des raisonnements rationnels en mettant en avant la situation des banques mutualistes concurrentes ou la capacité des caisses d'épargne à rémunérer un tel niveau de capital. C'était indiscutable.
Le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale, s'il est finalement beaucoup plus proche de celui que nous souhaitions, n'en reste pas moins alambiqué et complexe. Certes, il fait droit à notre argumentation mais il laisse planer des incertitudes.
Pourquoi, alors que le Gouvernement a fait montre de sa capacité d'adaptation, ne pas aller jusqu'au bout et accepter la rédaction simple de la Haute Assemblée ?
Bref, monsieur le secrétaire d'Etat, faites encore un effort et votre texte pourra atteindre la semi-perfection du consensus !
Le groupe des Républicains et Indépendants, qui ne désespère jamais de son prochain, est prêt à participer à une rédaction plus consensuelle de ce texte. Il se peut que nous y parvenions ; peu de choses, en fait, nous séparent. Il y avait entre nous, il y a encore quelque temps, un malentendu de trois milliards de francs, il s'est dissipé sur l'essentiel. Une simple incertitude subsiste que nous souhaiterions voir réduite. Nous attendons un effort de votre part. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste. - M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la nouvelle lecture de ce projet de loi portant sur l'épargne, la sécurité financière, mais aussi le devenir des caisses d'épargne présente certaines caractéristiques sur lesquelles il nous semble utile de revenir.
Tout d'abord, je souhaiterais donner à nouveau notre position de fond quant aux attendus du projet de loi en lui-même.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi portait en effet sur trois questions pour le moins assez différentes.
La première était la mise en oeuvre d'une réforme du réseau des caisses d'épargne assez largement inspirée du rapport Douyère et qui n'était pas exempte de contradictions quant à ses objectifs.
La deuxième était l'ensemble des dispositions assez largement inspiré par une « harmonisation » européenne, relatives aux règles prudentielles appliquées au fonctionnement des établissements de crédit, des compagnies d'assurances ou encore des entreprises d'investissement.
La troisième question était relative au devenir du Crédit foncier de France et à l'ouverture d'un nouveau marché des obligations foncières assorti d'un système de garanties spécifiques, assez directement inspiré du mode de fonctionnement des Pfand briefe allemands.
Le projet de loi se trouvait donc, dans son essence, à la croisée des chemins.
En ce qui concerne la première question, il s'agissait en fait de créer une nouvelle catégorie juridique d'établissements de crédit, à mi-chemin entre l'objet originel des caisses d'épargne, à savoir collecter l'épargne des plus modestes sans visée lucrative, et la banalisation pure et simple du réseau, qu'illustre assez spectaculairement la réforme déjà ancienne du réseau des caisses de Crédit agricole, dont quelques-uns des aboutissements se traduisent par l'absorption d'Indosuez et par la position de chef de file assumée par la Caisse nationale de crédit agricole dans la privatisation du Crédit lyonnais.
Il est tout à fait clair que la ligne de partage sur ce projet de loi s'est dessinée, dans les deux assemblées, en fonction de l'orientation que chacun souhaitait donner à cette réforme des caisses d'épargne, la majorité sénatoriale optant en particulier assez nettement pour la « banalisation-dissolution » de l'objet social des caisses d'épargne.
On notera que cette orientation de la droite sénatoriale concerne d'ailleurs autant la définition des missions du réseau que les conditions de diffusion du capital des caisses ou encore les critères d'affectation du résultat ou de rémunération des pertes sociales, sans parler, évidemment, de la modification du niveau de rémunération du livret A, principal « produit » du réseau.
Quant au fond, voici donc une attaque systémique du réseau des caisses d'épargne qui porte à la fois sur son fonctionnement interne et sur son environnement, illustrant le choix idéologique déjà ancien opéré, en matière de crédit, par la majorité de la commission des finances : celui du tout-marché.
Le prochain débat sur les orientations budgétaires nous permettra d'ailleurs de nous exprimer sur cette question.
L'obsession du marché, comme des déficits, ne vous conduit-elle pas, mes chers collègues, à ne voir crédits et investissements que sous un angle créateur en partant de potentialités reconnues ?
Pouvons-nous dire, de notre point de vue, que le texte, une fois accomplie la navette et constaté l'échec de la commission mixte paritaire, nous convienne ?
Le débat mené dans notre Haute Assemblée a montré notre souci d'intégrer la question de la mutation éventuelle du réseau des caisses d'épargne dans un cadre plus large, celui de la constitution d'un pôle financier public mettant le crédit au service du développement de l'emploi et de la formation.
Lors de l'examen du texte, nous avons donc décliné les caractères fondamentaux de ce que nous pourrions appeler le pôle financier public.
Pardonnez-m'en, monsieur le secrétaire d'Etat, mais nous sommes dans l'obligation de constater que, si quelques avancées ont pu être réalisées en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, nous sommes encore loin du compte.
Nous le sommes encore plus dans un schéma où la dernière grande banque nationalisée, le Crédit lyonnais, est en voie de privatisation par simple soumission au diktat de la Commission de Bruxelles, qui vient pourtant de montrer, sur un certain nombre de sujets, qu'elle était relativement mal placée pour indiquer la voie à suivre, tout comme la Banque européenne, avec son souci exclusif de définir des taux ne servant qu'à alimenter les marchés financiers.
Nous ne pouvons par ailleurs que constater que le caractère spécifique du réseau des caisses d'épargne - à but non lucratif - n'a pas été maintenu à l'issue du débat parlementaire, alors même qu'il constituait une donnée essentielle du problème, le texte ayant cependant pris en compte nombre de propositions émergeant soit de l'intersyndicale du réseau des caisses, soit de notre groupe.
Faut-il vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en région Rhône-Alpes, par exemple, la fermeture de trente et une caisses est prévue ? Ces établissements ne répondent plus aux critères de rentabilité, tout en demeurant, jusqu'à ce jour, à but non lucratif. Malheureusement, il en sera certainement de même dans d'autres régions.
Permettez-moi d'ailleurs de souligner que, si l'on peut apprécier la mise en oeuvre du principe d'utilisation sociale du résultat des caisses d'épargne, on peut aussi se demander si une telle obligation ne devrait pas être appliquée à d'autres établissements de crédit.
L'une des véritables questions qui nous sont en effet posées avec la discussion de ce projet de loi portant sur l'épargne et la sécurité financière est celle de l'utilisation de l'argent.
Il est inscrit dans la loi qu'à défaut de préserver le caractère non lucratif des caisses d'épargne on a dû concéder la mise en place d'une règle spécifique d'utilisation et d'affectation des résultats, ce qui était d'ailleurs une revendication de l'intersyndicale du réseau.
Pour autant, ce principe nous semble devoir être transféré à l'ensemble des établissements de crédit, à tout le moins, afin qu'ils intègrent clairement la priorité du développement de l'emploi et de la formation, seule manière de résoudre la contradiction qui traverse l'ensemble de nos établissements de crédit entre abondance de la ressource et persistance de l'exclusion bancaire, face visible de l'exclusion sociale pure et simple de millions de nos compatriotes.
La sécurité de notre système de crédit dépendra, sur la durée, de la capacité que nous aurons de relancer les usages les plus vertueux du crédit, au profit de l'emploi et de la formation, en lieu et place des gâchis financiers que nous ne cessons de constater, notamment depuis que le secteur bancaire s'est « banalisé » dans la foulée de la loi de 1984, des lois de privatisation de 1986 et 1993 et des injonctions de la technocratie bruxelloise.
Echapper à cette spirale des montages financiers les plus hasardeux et les plus spéculatifs, qui fait de la rentabilité sur fonds propres et de l'exclusion bancaire des petits comptes ou des petites entreprises ses outils ou ses objectifs, impose sans doute d'autres solutions que celles qui sont définies dans ce projet de loi.
La constitution du pôle financier public que nous avons défendu lors de la lecture du projet de loi au Sénat répondait à cette attente sociale : faire valoir d'autres critères d'efficacité du crédit, tout simplement parce que celui-ci doit être un atout de notre développement économique et social et non l'inverse.
Dans ce contexte, le débat sur la sécurité financière prend, bien entendu, un autre relief.
Si l'on peut en particulier admettre la nécessité de mettre en place des outils de régulation du secteur financier dans son ensemble, on ne peut le faire qu'en gardant en mémoire les effets désastreux de la libéralisation bancaire, qui ont pu être mesurés ces dernières années.
Rappelons que la facture du krach de l'immobilier a tout d'abord été payée sur les deniers publics, sous la forme d'allégements fiscaux multiples, divers et variés, que vous avez votés, messieurs de la majorité sénatoriale, en faveur des sociétés immobilières. Et je ne reviendrai pas ici sur la gestion, pour le moins discutable, des actifs du CDR qui a marqué les années 1995 à 1997, nonobstant les difficultés majeures du Crédit lyonnais.
Est-ce à dire que les dispositifs de sécurisation mis en place sont à la hauteur des enjeux ?
Que l'on ne s'y trompe pas : dès lors que l'ensemble du secteur du crédit demeurera marqué par la seule logique des critères de rentabilité dérivés de l'application du ratio Cooke, les mécanismes de sécurisation risquent de devoir servir à de multiples reprises, d'autant que la faiblesse des moyens liés au mouvement des taux d'intérêt pèse sur les décisions prises et favorise notamment les investissements les plus destructeurs d'emplois et les plus consommateurs de valeur ajoutée.
Là encore, une réorientation s'impose et elle passe par une impulsion du pouvoir politique, sous toutes les formes appropriées, dans la stratégie de diffusion du crédit dans notre pays.
Cette impulsion politique serait-elle d'ailleurs inconcevable, alors même que se prolonge la bataille entre la BNP et Société générale-Paribas, bataille dont l'emploi risque d'ailleurs de faire les frais, et pas seulement celui des salariés des trois banques ?
A quoi peut en effet servir un rapprochement entre établissement si rien ne change dans la distribution du crédit, si nos banques ne font qu'accompagner restructurations industrielles, plans de liquidation d'activité ou externalisation des productions ?
C'est bien pourtant ce qui risque de se produire dans cette course à la « masse critique » recherchée par le P-DG de la BNP.
La même observation vaut pour la mise en oeuvre du marché des obligations foncières.
Si cette partie du projet de loi offre une solution honorable à la transformation du Crédit foncier de France, ne risque-t-elle pas de priver, à l'avenir, notre pays d'un outil de développement d'une véritable politique d'accession sociale à la propriété ?
Nous ne suivrons évidemment pas notre rapporteur dans la logique qui marque l'essentiel de ses amendements et qui n'est que la déclinaison, sans autre variation que celle de l'opportunité, des dogmes du libéralisme en matière financière.
Nous serons donc amenés à rejeter le texte issu des travaux du Sénat si les amendements de notre rapporteur étaient adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je voudrais tout d'abord dire à mon collègue M. Bourdin qui, s'adressant à nous voilà quelques instants, regrettait le retard de la réforme nécessaire du groupe des caisses d'épargne : que ne l'avez-vous faite ! Que n'avez-vous demandé au Président de la République de permettre qu'elle soit réalisée et engagée par le précédent gouvernement ! Dans le même temps, pourquoi regretteriez-vous que l'on retienne une bonne idée : la transformation des groupes des caisses d'épargne en sociétés coopératives ?
Mon orthodoxie ou, plutôt, mon ouverture politique m'incline à reprendre vos bonnes idées... quand parfois vous en avez !
M. Joël Bourdin. Il faut continuer !
M. Jean-Louis Carrère. Le plus difficile est de les voir poindre en ce moment !
Mais pas de blessure inutile...
Nous abordons la dernière lecture de ce texte. Je ne reprendrai pas les arguments que j'ai développés lors de mon intervention en première lecture, au nom de mon groupe. Je rappellerai simplement que deux préoccupations nous animaient dans cette réforme du statut des caisses d'épargne.
En premier lieu, la réforme devait permettre à ce grand réseau bancaire de l'économie sociale de poursuivre son adaptation et son développement, dans le contexte de modification profonde du métier bancaire et de l'environnement concurrentiel en Europe, en France, et dans le monde, sans s'y diluer.
En second lieu, la modernisation du statut ne devait pas remettre en cause la tradition sociale et la vocation d'intérêt général de ce réseau.
Comme la majorité des Français et des Françaises, le groupe socialiste est en effet très attaché au maintien des spécificités de ce réseau, car il est de l'intérêt de tous que subsiste et se développe une banque différente, tournée vers l'intérêt général, le développement de l'épargne populaire, l'appui aux projets locaux, l'intervention dans le domaine social, bref une autre conception de la banque de proximité.
Le projet de loi initial répondait largement à ces préoccupations, même si nous avions plusieurs améliorations à proposer ou inquiétudes à dissiper. Les débats parlementaires et la navette ont permis, je le crois, d'améliorer l'équilibre du projet, au-delà de la position idéologique de banalisation totale du réseau adoptée malheureusement par la majorité du Sénat.
Ainsi, la définition des missions spécifiques d'intérêt général que devront remplir les caisses d'épargne est maintenant assez complète et reflète bien nos préoccupations pour ce grand réseau social. L'ajout de l'Assemblée nationale énonçant noir sur blanc que les caisses d'épargne ont une utilité économique et sociale spécifique est d'ailleurs significatif, même s'il est vrai que le caractère normatif de cet énoncé peut être discuté.
L'organisation et les fonctions des structures locales destinées à fédérer le sociétariat ont été améliorées, comme leur dénomination, heureusement modifiée de GLE en SOLE, monsieur Bourdin, même si cette dénomination peut se prêter à jeux de mots.
En fait, je trouve le raccourci saisissant lorsque le seul argument, qui était, voilà quelques jours, qu'il fallait supprimer les GLE, est maintenant qu'il faut supprimer les SOLE parce qu'il s'agit d'une étape ou d'un enjeu intermédiaire qui va poser des problèmes administratifs et qui va compliquer les choses !
M. Philippe Marini, rapporteur. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne réussira cette réforme que si les salariés et les futurs sociétaires se l'approprient, et les futurs sociétaires issus des milieux populaires qui épargnent et qui sont des clients des caisses d'épargne ne se l'approprieront que s'ils s'approprient la structure intermédiaire qui leur permet de faire entendre leur voix au sein de ce réseau. Ce n'est ni plus compliqué ni plus idéologique que cela !

M. Philippe Marini, rapporteur. Qu'ils s'approprient le tout, ce sera plus simple !
M. Jean-Louis Carrère. L'un des apports les plus importants de la navette est l'assurance d'une réelle affectation des résultats au financement des projets d'économie locale et sociale : un équilibre entre les différents objectifs recherchés me semble avoir été trouvé avec la définition d'un plancher et d'un plafond. D'aucuns diraient d'un « corridor » !
Nos débats ont également permis de préciser le cadre des futurs partenariats, notamment le rôle de la Caisse des dépôts dans la Caisse nationale.
Les débats ont longuement porté sur les modalités de constitution du capital social des caisses d'épargne. Là encore, je crois que le temps passé n'a pas été vain. Je serais tenté de dire, même si, je le reconnais, l'idée existait - elle était dans cette maison, mais n'était-elle pas ailleurs ? Je ne revendique pas le fait de l'avoir eue avant certains, pourtant, je l'ai eue moi aussi - que l'important est qu'elle figure dans le texte, qu'on en revienne au projet présenté par le rapporteur Douyère et que ce texte soit finalement adopté. Car l'objectif est que les caisses d'épargne en tirent profit !
Enfin, le maintien du dialogue social est une donnée essentielle du succès de la réforme. Le projet rapprochait les caisses d'épargne du droit commun de la négociation sociale, tout en maintenant les accords déjà conclus.
J'observe que la commission des finances allait encore plus vers le droit commun. Je vous le dis tout net, pour ma part, j'aurais souhaité que perdure en l'état l'originalité du système du dialogue social des caisses d'épargne, sous réserve d'un garde-fou obligeant la conclusion d'accords afin d'éviter une situation de blocage absolu, comme celle que nous avons connue pendant les six dernières années.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cela n'était donc pas le statu quo !
M. Jean-Louis Carrère. Peut-être que la sagesse l'aurait emporté ! Il arrive que la sagesse l'emporte sur la loi !
Nous aurions préféré rester plus proches du mode actuel. Mais je pense qu'il faut retenir comme très positif l'engagement clairement explicité du maintien des droits sociaux, notamment pour les retraites.
Une nouvelle lecture est l'occasion, me semble-t-il, d'apporter les derniers réglages à un projet de loi. Je regrette par conséquent la position fermée, voire - je vais risquer le mot, monsieur le rapporteur - quelque peu capricieuse de la commission des finances, qui redépose les amendements qu'elle avait adoptés ou fait adopter en première lecture. Selon toute vraisemblance, le projet voté par le Sénat en nouvelle lecture sera par conséquent à peu de choses près le même que celui qui a été adopté en première lecture, ce qui, monsieur Bourdin, me semble gravement compromettre l'éventualité d'un vote conforme. Nous ne pourrons donc que refuser d'adopter ce texte une nouvelle fois, ce qui me navre !
Le groupe socialiste ne proposera que trois modifications.
La première concerne le dispositif de création, d'implantation et de désignation des administrateurs des SOLE, qui demeure entièrement piloté, aux termes du texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, par les directoires des caisses d'épargne. Il est fondamental et d'essence démocratique, monsieur le secrétaire d'Etat, que les COS, qui sont les seuls véritables détenteurs de la légitimité du fait de leur élection, aient leur mot à dire dans ces créations. Nous demandons par conséquent qu'ils puissent pour le moins être consultés.
En effet - et je parle en présence d'un collègue président de COS - si ce texte ne prenait pas en compte une telle demande, si les directoires avaient seuls l'apanage de cette mise en oeuvre, vous risqueriez de provoquer à l'intérieur des caisses des conflits préjudiciables aux avancées de cette réforme. Je ne demande pas que les COS se substituent aux directoires, je souhaite qu'ils soient consultés !
Le deuxième point d'ajustement concerne l'élection des membres des nouveaux COS.
Sur proposition de notre groupe, avec l'accord du ministre, le Sénat avait repoussé le délai maximal de treize mois à deux ans et prévu qu'il fallait que 50 % des parts sociales aient été acquises. L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, est revenue à son texte.
Je pense qu'il y a une incompréhension.
Il faut élire le plus vite possible les membres des COS. Mais il faut aussi que la majorité des parts sociales au moins aient été placées, je veux dire vendues. Sinon, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle légitimité pour ces nouveaux organismes ?
Il convient donc de repousser, me semble-t-il, la date limite pour tenir ces élections. Vingt-quatre mois, cela peut vous sembler un report trop important. Mais, entre vingt-quatre mois et treize mois, il y a le temps de la négociation, en espérant que les caisses auront pu placer les 50 % de parts sociales qui me paraissent correspondre à la base minimale nécessaire à la légitimité d'un COS.
Le troisième et dernier point d'ajustement porte sur la composition de la Fédération.
Le texte initial du Gouvernement avait prévu que la fédération regrouperait l'ensemble des caisses d'épargne, représentées chacune par deux membres de leur conseil d'orientation et de surveillance, dont le président, et par le président de leur directoire.
Par souci de simplification, l'Assemblée nationale avait réduit la représentation des COS à leur seul président. Si ce souci de simplification peut se comprendre, il nous a semblé que la représentation des COS n'était pas suffisamment assurée au sein de cet organe, qui aura pour principales missions la représentation, la concertation et la coordination des actions du réseau, en un mot la détermination de ses orientations politiques. C'est pour cette raison que je plaide en faveur du retour à la proposition initiale du Gouvernement.
La proposition que j'avais faite initialement est, toute réflexion faite, encore insuffisante, et le mieux est donc de revenir au texte initial, qui garantit, au-delà de la présidence, la présence significative des élus du COS en nombre représentatif.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, laissez-moi vous féliciter et féliciter le Gouvernement d'avoir mené à bien, pour l'instant, cette importante réforme des statuts. Bien sûr, je ne vous cacherai pas qu'elle ne nous satisfait pas totalement, mais ne suis-je pas trop immergé dans ce réseau pour m'en extraire en tant que législateur ?...
C'est maintenant aux salariés, ainsi qu'aux déposants, futurs sociétaires, de poursuivre la modernisation engagée, pour faire de ce réseau la grande banque différente à vocation sociale, pôle d'intérêt public de référence, que l'opinion publique souhaite, que nos clients souhaitent et que nous souhaitons tous. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de cette discussion générale, et avant que M. le secrétaire d'Etat réponde, je souhaiterais dire quelques mots, que son propos introductif m'a d'ailleurs inspirés.
Je partirai des deux principales conclusions qu'il a tirées.
La première visait à expliquer a posteriori, comme l'a souligné M. le rapporteur, l'échec de la commission mixte paritaire. La seconde tendait à reconnaître la qualité du débat parlementaire et l'amélioration du texte que permet la navette parlementaire. Nous souscrivons à ces conclusions.
S'agissant du premier point, à savoir l'échec de la commission mixte paritaire - après tout, nous écrivons l'histoire des caisses d'épargne cet après-midi... - je voudrais verser ma modeste contribution en vous faisant une confidence ! C'est la première fois que, personnellement, j'assiste à une commission mixte paritaire qui échoue parce que ceux qui y siègent sont d'accord ! J'ai en effet remarqué qu'ils l'étaient. Mais, pour des motifs que l'on imagine, il a fallu constater un désaccord, qui n'était que formel.
Cela veut dire que le Gouvernement - je le dis tout net, mais sans aucune méchanceté - est contraint par une majorité qui n'est pas homogène, contrainte à mon avis pénalisante pour les textes que nous votons et contraire à l'intérêt des textes que nous adoptons...
M. Jean-Louis Carrère. Vous nous en racontez de belles !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... en l'occurrence à l'intérêt des caisses d'épargne, sujet dont nous parlons cet après-midi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat, en tout cas sa majorité, a vraiment abordé ce texte sans préoccupation idéologique.
Il l'a fait avec des idées simples, qui visaient à donner les meilleures chances possible de succès aux caisses d'épargne, lesquelles occupent une place utile dans le paysage bancaire, en créant un nouveau statut, le moins éloigné possible du droit commun.
Chers collègues de l'opposition sénatoriale, à chaque fois que vous avez accepté, pour rechercher un minimum de consensus au sein de votre majorité, d'introduire des dispositions qui n'étaient pas utiles, vous avez selon moi, et je le dis encore franchement, affaibli d'autant - sans que vous le vouliez en revanche, je vous en donne acte volontiers - les chances de réussite des caisses d'épargne.
Pour que ces dernières prospèrent, il leur faudra passer de bonnes alliances. Mais un statut trop éloigné du droit commun effarouchera les partenaires potentiels. Une chose nous rassemble : c'est le souhait sincère de donner aux caisses d'épargne les meilleures chances, mais nous divergeons sur les moyens d'atteindre cet objectif.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous semblez craindre que l'on ne confonde la politique menée par le Gouvernement et la majorité qui le soutient avec celle que souhaite la majorité du Sénat. Mais je vous rassure : nous ne mènerions pas du tout la même politique ! (M. le secrétaire d'Etat sourit.)
M. Jean-Louis Carrère. Sarkozy, Bayrou et les autres...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. S'agissant du présent projet de loi, nous aurions veillé - et nous nous étions donné la peine de déposer, voilà deux ans, une proposition de loi sur ce sujet - à ce que le statut des caisses d'épargne soit le moins éloigné possible du statut de droit commun, afin que celles-ci aient les meilleures chances de réussite.
Cela dit, j'ai bien aimé la conclusion de notre collègue M. Angels, qui est toujours pondéré dans ses appréciations. Il a parlé de concorde et de respect. Nous abordons effectivement cette nouvelle lecture dans un tel état d'esprit et l'idée de donner aux caisses d'épargne les meilleures chances possible ne nous quittera pas ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Comme M. le rapporteur l'a dit dans son propos liminaire, et comme M. le président de la commission des finances vient de le rappeler, ce texte est un modèle, ou en tout cas la preuve que le travail parlementaire enrichit les projets présentés par le Gouvernement.
Après ce constat de « respect », de « concorde » - les termes de M. Angels sont effectivement excellents - je ferai un certain nombre de remarques ponctuelles et brèves.
Monsieur le rapporteur, à propos du fonds de réserve vous avez dit : je refuse le mouvement tant que je ne sais pas où je vais. Il s'agit là, me semble-t-il, d'une attitude un peu frileuse, qui conduit à ne prendre aucun risque.
Nous, nous savons d'où nous partons : du fait que les régimes de retraite par répartition sont menacés par un choc démographique en 2005 ; et nous savons où nous voulons aboutir : à la consolidation de ces régimes.
M. Philippe Marini, rapporteur. Comme tout le monde !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le fonds de réserve est une première étape précieuse - le projet de loi qui les dote d'une somme importante en prend acte - pour consolider les régimes de retraite par répartition. Vous avez peut-être un autre sentiment ; je le respecte mais je ne le partage pas.
Par ailleurs, vous avez ironisé sur la création du Haut Conseil du secteur financier public et semi-public, dont Mme Beaudeau, avec beaucoup de conviction, a affirmé qu'elle ne procédait pas d'une décisions d'opportunité, comme vous le pensez, mais répondait à une conviction de fond, à savoir que, dans notre pays, le financement de l'emploi et le développement de la solidarité supposent l'existence d'un pôle public fort.
Vous vous êtes demandé si des organismes qui ne sont pas de droit public pouvaient être incorporés dans un tel conseil. Je vous répondrai qu'il arrive que des entreprises purement privées assurent des fonctions de service public et que M. Séguin avait proposé, dans un moment d'imagination, de nationaliser les sociétés de distribution d'eau, au motif qu'elles exercent une mission de service public.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cela n'a rien à voir !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ma dernière remarque sera un peu taquine ; elle porte sur votre innovation sémantique.
L'expression « obligations foncières » remonte à 1852 ; vous voulez y substituer l'expression « obligations sécurisées », qui fleure un peu l'anglo-saxon et contre laquelle M. Druon émettrait, à mon avis, quelques objections.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous sommes moins conservateurs que vous ! (Sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Angels, pour sa part, a développé une réflexion solide et constructive.
Je voudrais le rassurer sur deux points.
Tout d'abord, existe-t-il un risque que le fonds de garantie refuse d'intervenir ? La réponse que je vous apporte au nom du Gouvernement, monsieur Angels, est négative, puisque la commission de contrôle des assurances peut confirmer sa décision à l'issue d'une seconde délibération. Dans ce cas, le fonds est obligé d'intervenir.
Vous m'avez également demandé s'il existait un risque de confusion des rôles. Je crois que non, parce que l'intervention du ministre - c'est lui qui demande cette seconde délibération - est tout à fait légitime dans la mesure où, comme vous le savez, le code des assurances définit son rôle comme celui d'une autorité prudentielle.
Vous vous êtes demandé s'il ne fallait pas s'accorder quinze jours de réflexion pour, éventuellement, trouver une solution plus favorable aux assurés. Il faut en effet se donner le temps de la réflexion car, comme vous l'avez souligné, l'important, ce sont les assurés.
Votre deuxième interrogation a porté sur le cas ponctuel de la société de cautions Mutua-Equipement.
Avant de répondre à votre question relative au comportement des services fiscaux, je rappellerai qu'en première lecture l'Assemblée nationale a créé avec effet rétroactif un fonds de garantie des cautions, qui pourra donc intervenir au profit des victimes de cette société.
Quant aux services fiscaux, ils ont, je vous le confirme, reçu instruction de porter une attention particulière aux situations individuelles liées à cette affaire et de prendre toutes les décisions nécessaires, y compris, éventuellement, l'octroi de délais de paiement exceptionnels.
Si vous jugez nécessaire qu'un rappel soit fait aux services fiscaux, je m'y emploierai, je vous le promets.
Je rappelle par ailleurs que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a engagé des procédures judiciaires pour préciser les responsabilités.
J'en viens aux questions de Mme Beaudeau.
J'ai déjà répondu à celles qui concernent le Haut Conseil du secteur financier public et semi-public.
Je ne commenterai pas la vaste fresque des risques qui résulteraient d'un libéralisme complètement débridé. Je crois que Mme Beaudeau a bien souligné - ce qui constitue une réponse au président de la commission des finances - qu'il ne s'agissait pas d'opportunité, qu'il y allait d'une question de fond.
Il y a ceux qui sont partisans - et je respecte leur position - d'une banalisation complète des caisses d'épargne et ceux qui estiment nécessaire de trouver le moyen de conserver à ces établissements une certaine spécificité, ne serait-ce qu'à propos du livret A, dont a parlé Mme Beaudeau.
Il ne s'agit pas d'en faire des organismes à but non lucratif ; il s'agit d'engager ces organismes à faire plus de résultats, et cela non pour le plaisir de faire des profits mais pour exercer un rôle de solidarité accrue.
M. Carrère a bien souligné, dans son intervention, que si les idées appartiennent à tout le monde, il faut rendre hommage, monsieur le président Lambert, à ceux qui lancent ces idées. Ainsi, les réformes des caisses d'épargne qui ont été effectuées en 1983, 1991 et 1999 l'ont été par la même majorité. Je ne pense pas que ce soit une pure coïncidence. Comme M. Carrère l'a expliqué, nous avons un véritable projet humain et social efficace, et nous ne cherchons aucunement à mettre au point une construction juridique abstraite. Je pense que cela répond à la question posée par M. Bourdin sur les fameuses SOLE, c'est-à-dire cet échelon proche du terrain, mais aussi des clients et des actionnaires...
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit : « des actionnaires » !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est un lapsus ! Je voulais dire : « des détenteurs de parts ». Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de m'écouter avec autant d'attention ; j'en ai ici la preuve.
Quoi qu'il en soit, il est très important qu'existe cette relation de proximité, que M. Carrère a fort bien commentée.
Monsieur le rapporteur, vous aviez proposé de créer des sections locales d'épargne ; c'est exactement la même chose sauf qu'elles n'ont pas la personnalité juridique.
M. Philippe Marini, rapporteur. C'était plus simple !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Bourdin, je vous rappellerai que le président du directoire des caisses d'épargne, que votre commission a auditionné, souhaite que cette organisation, qui vous paraît compliquée - les constructions humaines sont parfois un peu compliquées - soit mise en place.
M. Carrère a évoqué le dépôt d'amendements que je crois judicieux mais que je ne commenterai pas en cet instant.
Enfin, M. le président Lambert a évoqué le caractère non homogène de la majorité.
Je me réjouis du fait que, ayant à préparer l'intervention qu'il devait prononcer aujourd'hui, il n'ait pu regarder la télévision lundi soir : il aurait été obligé de constater où étaient les véritables difficultés en matière d'homogénéité ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Il ne s'agissait pas des mêmes sujets.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. La majorité est au Sénat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Plus sérieusement, je dirai, monsieur le président de la commission, que la majorité plurielle est solide ; elle l'a montré par beau temps, elle l'a montré aussi quand l'orage a grondé, comme cela a été le cas récemment.
Je vous remercie donc de la sollicitude que vous portez à la majorité plurielle, mais l'expérience des crises partagées montre que cette majorité est solide et qu'elle va durer encore longtemps ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte ou un chiffre identique.

Article 1er