Séance du 9 juin 1999







M. le président. « Art. 24. - I. - La Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance gère dans ses livres un fonds de mutualisation qui reçoit tous les six mois, à compter du 1er juin 2000 et jusqu'au 1er décembre 2002 inclus, le versement par chaque caisse d'épargne et de prévoyance d'un montant représentatif du produit de la souscription des parts sociales des sociétés locales d'épargne et des certificats coopératifs d'investissement, égal au huitième de son capital initial. Le fonds de mutualisation reçoit le 1er décembre 2003 un versement par chaque caisse d'épargne et de prévoyance d'un montant égal à la différence entre, d'une part, le produit de la souscription des parts sociales des sociétés locales d'épargne et des certificats coopératifs d'investissement, et, d'autre part, les sommes déjà versées au fonds de mutualisation. La somme des versements des caisses d'épargne et de prévoyance au fonds de mutualisation ne peut, compte tenu des versements effectués entre le 1er juin 2000 et le 1er décembre 2002, être inférieure à 15,9 milliards de francs. La Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance est responsable du bon versement de ces sommes. Ces versements sont sans effet sur la détermination du résultat fiscal et comptable des caisses d'épargne et de prévoyance. Le fonds de mutualisation est exonéré d'impôt sur les sociétés.
« Le fonds de mutualisation reverse avant le 31 décembre de chaque année, de 2000 à 2003 inclus, le produit des versements reçus dans l'année des caisses d'épargne et de prévoyance. Ce produit est affecté au fonds de réserve géré par le fonds de solidarité vieillesse en application de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale.
« II. - Supprimé. »
Par amendement n° 19, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Jusqu'au terme du délai de huit ans prévu à l'article 21, les caisses d'épargne et de prévoyance reversent tous les six mois à un fonds de mutualisation géré par la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance un montant représentatif du produit de la souscription de leurs parts sociales qui ne peut être inférieur au seizième de leur capital initial. Le total des versements au fonds de mutualisation ne peut excéder le montant total du capital initial des caisses d'épargne et de prévoyance. Ces versements sont sans effet sur la détermination du résultat fiscal et comptable des caisses d'épargne et de prévoyance. Le fonds de mutualisation est exonéré d'impôt sur les sociétés.
« L'affectation des sommes ainsi versées au fonds de mutualisation est déterminée dans la plus prochaine loi de finances. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. L'affectation du produit des placements des parts sociales au fonds de réserve pour les retraites est le point de désaccord le plus substantiel qui oppose sur le fond la commission et le Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous en prie, ne dites pas que la commission des finances n'est pas préoccupée par l'équilibre financier à terme des régimes de retraite !
M. Jean-Louis Carrère. Elle s'en préoccupe tardivement !
M. Philippe Marini, rapporteur. Mon cher collègue, je ne sais pas à quoi vous faites allusion en employant l'adverbe « tardivement ». Je vous renvoie aux nombreux travaux de notre commission, notamment une proposition de loi que j'avais moi-même déposée au début de l'année 1993, c'est-à-dire avant les élections législatives !
S'agissant de ce très grave sujet, enjeu de société, enjeu économique et financier considérable, qu'est l'avenir financier des régimes de retraite, nous sommes quelques-uns ici à n'avoir cessé de tirer la sonnette d'alarme. Et nous avons regretté de ne pas avoir été suffisamment entendus, par les uns ou par les autres.
Au demeurant, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons aujourd'hui sous les yeux le rapport Charpin. C'est bien, le rapport Charpin, mais il faut que ce soit un support pour l'action ! Après le rapport Charpin, il y a la concertation de Mme Aubry. C'est intéressant la concertation, mais il faut que cela débouche sur des prises de responsabilité !
Qu'est-ce qui est en jeu - en deux mots, afin de ne pas prolonger le débat ? Nous savons que, pour encore un certain nombre d'années, le système des retraites, en France, est économiquement déficitaire. Cela signifie que les droits des retraités, actuels et futurs, excèdent de beaucoup la capacité contributive, dans le cadre actuellement défini, des cotisants, employeurs et salariés. Or, nous le savons, si ce déséquilibre n'est pas corrigé d'une façon ou d'une autre, nous allons dans le mur. C'est aussi simple que cela !
Pour corriger, il existe toutes sortes de manières de faire, que l'on peut concilier, mixer les unes avec les autres.
Il y a le calcul des droits : combien d'années de cotisations à temps plein ? Il faut répondre à cette question !
Il y a la parité éventuelle entre le secteur public et le secteur privé. Il faut répondre à cette question !
Il y a le poids des prélèvements obligatoires, en particulier des cotisations sociales pesant sur les employeurs et sur les salariés. Il faut répondre à cette question !
Il y a la place du facteur « travail » dans l'assiette de ces cotisations. Il faut répondre à cette question !
M. Claude Estier. Vous y avez répondu, quand vous étiez au Gouvernement ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Moi, je n'ai jamais été au Gouvernement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ça viendra !
M. Claude Estier. Vos amis y étaient !
M. Philippe Marini, rapporteur. Enfin, et ce n'est pas la moindre des choses, se pose la question de savoir quelles sont les responsabilités de l'Etat. Celui-ci est de fait garant de l'équilibre financier à terme des régimes de retraite. Qu'il s'agisse du régime général de la sécurité social ou des régimes complémentaires par répartition, l'Etat en est garant. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, vous devriez en toute rigueur faire figurer, en engagement hors bilan, en annexe au budget de la nation, ce que l'Etat devra. Vous le savez fort bien, il s'agit d'un sujet majeur, dont nous parlerons de nouveau lors du débat d'orientation budgétaire.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'allais le dire !
M. Philippe Marini, rapporteur. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes parfaitement d'accord sur ce point !
Il faut donc répondre à toutes ces questions avant de créer une petite cagnote de 2 milliards de francs, puis de 20 milliards de francs. Les personnes que nous avons auditionnées - M. Charpin, tout récemment, le directeur de la prévision, hier encore, et de nombreux économistes - nous ont déclaré, s'agissant du fonds de réserve, que de deux choses l'une : ou c'est un fonds destiné à traiter des problèmes conjoncturels, et il doit engranger non pas 2 milliards, ou 20 milliards de francs, mais quelques centaines de milliards de francs ; ou c'est un fonds structurel visant à alléger sur le long terme les cotisations demandées aux employeurs et aux salariés, et l'objectif est alors, si l'on en croit ce qui se passe à l'étranger, notamment au Canada, de quelques milliers de milliards de francs !
L'affectation à un fonds de réserve, c'est très bien ! Mais quel fonds et pour quoi faire ?
Comment répond-on à toutes ces questions ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est pour toutes ces raisons et en vertu de cette analyse que la commission des finances n'accepte pas de marcher à l'aveuglette, dans le brouillard, au risque de rencontrer de nombreux obstacles ou de tomber dans un trou !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. le rapporteur ayant fait un tour de chauffe pour le débat d'orientation budgétaire (Sourires.), je développerai, si vous me le permettez, monsieur le président, deux propos généraux.
Je voudrais tout d'abord évoquer la démarche du Gouvernement en matière d'examen du problème grave des régimes de retraite par répartition ; cette démarche se résume en trois mots : le diagnostic, qui résulte de l'excellent rapport du commissaire au plan, le dialogue, qui est en cours sous l'autorité de Mme Aubry et d'autres ministres, et la décision, qui interviendra au terme de ce dialogue. Tel est le développement que nous suivons en 1999.
Si je devais résumer la démarche suivie en 1995, j'emploierai les mots « décision », « désordre », « dédit », la démarche adoptée ayant été destructrice et non progressive, et n'ayant pas visé à consolider nos systèmes de retraite par répartition.
J'en reviens au fonds de réserve pour les retraites. Vous connaissez l'image des grains de blé sur le jeu d'échec, monsieur le rapporteur général : 2 milliards de francs pour la première case, 18,8 milliards de francs - que vous refusez - pour la deuxième case,...
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit de 15,9 milliards de francs !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. De 15,9 à 18,8 milliards de francs ! Mais ce sera 18,8 milliards de francs. Nous ne savons pas où nous nous arrêterons en la matière.
Monsieur le rapporteur général, adoptant une attitude de spéculation intellectuelle, vous préférez ne pas avancer, en l'absence de sécurité totale face à l'avenir. Nous, nous avançons, et, en plaçant 18,8 milliards de francs dans le fonds de réserve, nous prenons une décision allant dans le sens de l'avenir et de la consolidation des régimes de retraite par répartition.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 19.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le rapporteur général, s'il est louable d'avoir signé et déposé une proposition de loi en 1993, il est regrettable que vous n'ayez pu influencer vos amis afin de les rallier à votre initiative, même si cela peut arriver à tout un chacun !
M. Philippe Marini, rapporteur. Une loi a été votée en juillet 1993 !
M. Jean-Louis Carrère. Elle est restée sans beaucoup d'effets, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur. Les effets sur le régime général ont été nombreux !
M. Jean-Louis Carrère. Je regrette que vous adoptiez une attitude très idéologique, qui vous conduit à apprécier les problèmes posés par l'évolution des retraites par répartition en fonction du différentiel existant entre le volume des retraites servies et le volume possible de cotisations. Vous reconnaissez certes que l'idée est bonne mais, pour des raisons culturelles et idéologiques, parce que vous ne l'avez pas eue et qu'elle est l'apanage de la majorité plurielle, vous cherchez des arguments plus ou moins intellectuels pour la repousser.
C'est navrant. Cela procède exactement de la même méthode misérable - j'emploie le mot à dessein - que celle que vous employez pour lutter contre les budgets qui vous sont proposés ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Joseph Ostermann. Eh bien...
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 24 est ainsi rédigé.

Article 25