Séance du 9 juin 1999







M. le président. L'article 37 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 28, M. Marini, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« L'article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée est ainsi modifié :
« 1° Après les mots : "est au plus égal", la fin de cet article est ainsi rédigée : "à la moyenne annuelle du taux à échéance constante à dix ans (TEC 10), calculé quotidiennement par le comité de normalisation obligataire, plus un point". »
« 2° Cet article est complété par un second alinéa ainsi rédigé :
« Les statuts des coopératives qui sont agréées en qualité de banque mutualiste ou coopérative peuvent toutefois prévoir que l'assemblée générale extraordinaire des associés peut déroger à cette disposition. Les dispositions de l'article 17 de la présente loi ne sont alors pas applicables. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je vais m'efforcer d'être aussi précis que possible car il s'agit là d'un sujet très important, qui intéresse un certain nombre de nos collègues.
Supprimé par l'Assemblée nationale en première lecture, l'article 37, dans la version initiale du Gouvernement, proposait de faire exception, pour les seules sociétés coopératives agréées en qualité de banques, au plafonnement de l'intérêt des parts sociales prévu par la loi de 1947 sur la coopération.
Cette loi, dans son article 14, fixe en effet comme limite à la rémunération des parts sociales servies aux coopérateurs le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées, dit « TMO ».
De plus, l'article 37 assignait aux banques coopératives ou mutualistes les mêmes obligations que celles qui sont prévues par l'article 6 du présent projet de loi pour les caisses d'épargne en matière de répartition du résultat distribuable.
L'Assemblée nationale, en première lecture, a donc refusé la version initiale du Gouvernement.
Le Sénat, quant à lui, lors de son examen en première lecture, a voté l'article 37 non pas dans la version initiale du Gouvernement mais dans une version qui était plus protectrice des intérêts des établissements bancaires mutualistes ou coopératifs. En effet, nous avons prévu que les coopérateurs de ces établissements, réunis en assemblée générale extraordinaire, disposent de la faculté de déroger aux dispositions de l'article 14 de la loi de 1947 sur la coopération, si les statuts de la coopérative le permettent.
J'insite donc sur l'approche différente qui a été la nôtre. Il y a deux verrous pour un éventuel déplafonnement : que les statuts le permettent ; que l'on procède par la réunion d'une assemblée générale extraordinaire décidant à la majorité qualifiée.
De plus, pour ne pas déroger au principe de l'impartageabilité des réserves, le Sénat a prévu d'écarter expressément les dispositions de l'article 17 de la loi de 1947 dans tous les cas où les associés feraient usage de cette faculté de déplafonner, dans certaines conditions, la rémunération des parts sociales, et ce pour éviter que ce ne soit un moyen d'appauvrir les coopératives et de conduire à puiser dans leurs réserves.
Par ailleurs, nous avions substitué au TMO, qui n'a plus cours sur les marchés financiers, une référence plus pertinente, en tout cas une référence applicable - je n'entre pas dans les détails techniques.
En dépit de ces aménagements, l'Assemblée nationale a de nouveau supprimé l'article 37, en ajoutant aux arguments qu'elle avait invoqués en première lecture l'argument technique selon lequel le déplafonnement de la rémunération des parts sociales relèverait du conseil d'administration et non de l'assemblée générale.
Je réponds à l'Assemblée nationale que cet argument n'est pas pertinent puisque, précisément, nous nous plaçons dans l'hypothèse où les statuts de la coopérative en question confèrent cette compétence et cette capacité à l'assemblée générale extraordinaire.
Il est vrai que, aux termes du droit en vigueur, l'Assemblée nationale a raison ; mais, selon le droit tel que nous avions envisagé de le modifier en première lecture, nous attribuions la compétence en question à l'assemblée générale extraordinaire.
L'Assemblée nationale n'a pas non plus retenu une nouvelle rédaction de l'article proposée par le Gouvernement, qui tendait à doubler le taux servant de plafonnement à l'intérêt servi aux porteurs de parts sociales pour les seules banques coopératives.
A ce stade, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de rétablir le texte que nous avions voté en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage les deux principes qui inspirent M. le rapporteur : permettre une juste rémunération des sociétaires ; assurer le développement et la solidité financière des coopératives.
La rédaction initiale de l'article 37 a suscité beaucoup d'incompréhension. Il en est résulté la suppression de cet article par l'Assemblée nationale et le retour au droit commun, c'est-à-dire à l'article 14 de la loi de 1947, modifiée en 1992.
Pourquoi tant d'incompréhension ? Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a reconnu qu'il y avait trois difficultés. Elles ont d'ailleurs été mentionnées par M. le rapporteur, avec l'honnêteté intellectuelle qu'on lui connaît.
La première difficulté est que se référer aux emprunts d'Etat, c'est-à-dire à un risque souverain, n'avait pas de sens pour des coopératives.
La deuxième difficulté tient au fait que la décision de déroger au plafonnement par une assemblée générale extraordinaire introduit une innovation dans le droit qui n'est pas vraiment convaincante dans la mesure où le droit des sociétés prévoit que l'affectation des résultats est de la compétence du conseil d'administration et non de l'assemblée générale.
La troisième difficulté est qu'il s'agit là d'un sujet très délicat ; il mérite d'être appronfondi, en concertation avec le mouvement coopératif, et il ne faut donc pas prendre de décision précipitée. Là encore, monsieur le rapporteur : diagnostic, dialogue, décision ! Tant que ce dialogue n'aura pas été mené à son terme, mieux vaut s'en tenir au droit commun de l'article 14 de la loi de 1947, modifiée en 1992.
En conséquence, je suis défavorable à l'amendement de la commission, même s'il reprend la rédaction initiale du Gouvernement, sur laquelle ce dernier est revenu à la suite du débat qui a eu lieu devant l'Assemblée nationale en première lecture.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 28.
M. Marcel Deneux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Je ne vais pas, à mon tour, refaire tout l'historique de l'article 37 et de ses multiples péripéties en première et en deuxième lecture, au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Je comprends l'esprit de l'amendement de la commission, qui tente d'apporter une solution.
Monsieur le rapporteur, ne croyez-vous pas cependant que votre montage est une quasi-usine à gaz, qui risque de créer des difficultés à toutes les personnes actuellement soumises au droit en vigueur ? Il sera très difficile de faire prendre des décisions par les assemblées générales extraordinaires.
La meilleure méthode, c'est de replacer cette question dans une discussion d'ensemble, qu'il nous faudra engager dans l'année qui vient. En effet, pour des raisons d'harmonisation européenne, il faudra bien retoucher le droit coopératif, y compris en ce qui concerne - c'est un point essentiel - la manière de rémunérer les parts sociales.
La réflexion ne me paraît pas mûre, et vous avez souligné avec raison, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on avait promis de procéder à une concertation avec les milieux coopératifs et mutualistes. Elle n'a pas eu lieu, je le regrette. On ne sait pas exactement à quoi elle aurait pu aboutir.
Toutes ces raisons étant posées, et puisque nous devrons améliorer notre droit coopératif dans un avenir proche pour des raisons d'harmonisation européenne, je souhaite demander à M. le rapporteur - mais j'ignore si la procédure le permet, monsieur le président - de retirer son amendement. Si celui-ci devait être maintenu, je voterai contre.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission des finances a souhaité participer à ce débat, car on peut considérer que la proposition initiale du Gouvernement était un peu brutale, et il faut reconnaître qu'elle a été mal interprétée dans les milieux coopératifs.
Nous avons donc souhaité revenir sur le sujet, avec l'esprit de modération qui caractérise cette maison,...
M. Jean-Louis Carrère. Jouez, violons ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. rapporteur. Merci d'apprécier notre musique, mon cher collègue !
... et montrer que, s'il doit y avoir dérogation par rapport à la loi de 1947 sur la coopération, cette dérogation doit être accordée de façon solennelle.
Que redoute-t-on, en effet ? On redoute de telles pressions de la part des coopérateurs et des porteurs de parts qu'il en résulte des distorsions dans l'affectation des résultats des coopératives.
Prenons l'exemple du Crédit mutuel, ou bien celui du Crédit agricole, puisque c'est bien de ceux-là qu'il s'agit, mes chers collègues : on redoute que la pression des sociétaires ne diminue la capacité de ces établissements à abonder leurs réserves par affectation des résultats. Il ne s'agit pas d'autre chose.
En effet, sur le plan économique et financier, on peut considérer comme important, comme essentiel même, que ces grands groupes disposent des moyens, par le jeu de leurs activités et par autofinancement, d'accroître chaque année leurs fonds propres.
Je rappelle, en effet, que ces groupes n'ont pas plein accès aux marchés financiers. D'ailleurs, je sais que, au Crédit agricole, on s'interroge sur telle modalité à l'échelon central pour accéder au marché des fonds propres. Il est vrai que, dans la dynamique de développement international d'un tel groupe, cela fait défaut, et il faudra bien un jour résoudre ces contradictions.
Je comprends donc que les milieux de la coopération spécialisés dans le domaine bancaire soient inquiets sur ce sujet. Pour les rassurer, nous avions voulu une procédure très solennelle de décisions statutaires successives, avec une première décision d'assemblée générale extraordinaire pour réviser les statuts et une seconde décision, toujours prise en assemblée générale extraordinaire, pour prévoir les conditions d'affectation du résultat - car il s'agit non pas de l'affectation du résultat, monsieur le secrétaire d'Etat, mais des règles d'affectation du résultat.
Mais peut-être le sujet n'était-il pas arrivé à un degré suffisant de maturité, ce que la commission comprend très bien.
En outre, un argument d'une très grande importance a été utilisé par notre collègue Marcel Deneux - et cela ne me surprend pas de sa part - c'est l'argument européen.
En effet, mes chers collègues, s'il peut m'arriver d'être réservé quant à une évolution à mon avis trop fédérale de l'Europe dans le domaine des institutions politiques, en revanche, sur tous les sujets d'ordre économique, financier, boursier, monétaire ou fiscal, je serai toujours d'accord pour demander avec vous, le plus rapidement possible, davantage d'intégration et d'harmonisation européennes.
Je partage donc, monsieur Deneux, votre souci de profiter du processus européen pour assurer une incorporation correcte des directives européennes « Mutualité » et « Coopération ».
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, peut-être pourriez-vous nous donner quelques informations et, compte tenu des discussions à venir sur ces sujets, nous confirmer que votre souci de faire progresser les choses se situe aussi dans le cadre de l'harmonisation européenne. Peut-être la commission - je parle sous le contrôle de son président - serait-elle alors disposée, après vous avoir entendu, à retirer son amendement.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vais faciliter la tâche de M. le rapporteur : j'indique à M. Deneux que la concertation a commencé et qu'elle prendra pleinement en considération la dimension européenne.
J'ai le sentiment que M. le rapporteur va prendre une décision tout à fait sage, à laquelle je l'encourage ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 28 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 28 est retiré.
L'article 37 demeure supprimé.

Articles 38, 41 decies et 47