Séance du 16 juin 1999







M. le président. Par amendement n° 189, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 2 C, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 63, il est inséré dans le code de procédure pénale un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les interrogatoires des personnes gardées à vue font l'objet d'un enregistrement sonore. L'enregistrement original est placé sous scellés fermés et sa copie est versée au dossier.
« Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original peut être écouté au cours de la procédure.
« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Evidemment, cet amendement s'expose à l'article 40 de la Constitution. Mais ce n'est pas l'habitude en matière de procédure pénale, et de surcroît lorsqu'il s'agit d'appliquer une règle posée par le code lui-même. Où allons-nous ?
Enfin, je résisterai à l'envie qui m'avait pris de quitter cet hémicycle en abandonnant le débat ; il en serait sans doute allé plus vite et c'est peut-être ce que l'on cherchait.
Mon amendement n° 189 entraîne certes des dépenses, puisqu'il y est précisé :
« Les interrogatoires des personnes gardées à vue font l'objet d'un enregistrement sonore. L'enregistrement original est placé sous scellés fermés » - les scellés coûtent cher - « et sa copie » - parce qu'il y a une copie - « est versée au dossier. »
« Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original peut être écouté au cours de la procédure. » Cela allonge les choses.
« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois. »
Tel est l'objet de cet amendement. Bien entendu, s'il n'est pas question pour moi de commenter un quelconque article 40, le Sénat comprendra l'intérêt qu'il aura de bien vouloir voter tout à l'heure l'amendement qui prévoit que l'avocat puisse, lui, assister - fût-ce sans rien dire, à part l'entretien - à la garde à vue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement n° 189 a suscité un débat très intéressant au sein de la commission. Vous le savez, l'enregistrement a fait son apparition dans notre droit positif tout récemment, à l'occasion du projet de loi sur les mineurs et les infractions sexuelles, que j'avais eu l'honneur de rapporter.
Cette nouveauté avait donné lieu à un débat très important pour plusieurs raisons, qui tenaient non pas au coût de l'enregistrement, mais au fait, d'abord, qu'on ait voulu le limiter à la déposition des malheureuses victimes.
Nous nous sommes heurtés à des difficultés très graves, notamment quant à ce qu'il allait advenir de la cassette, à la possibilité de la faire visionner par le tribunal, chacun ayant soulevé cette énorme difficulté que présenterait l'utilisation de la cassette dans le cadre d'un débat en cour d'assises. Nous avions pensé qu'une réflexion devait être conduite sur l'effet que pourrait produire l'écoute en audience publique de l'enregistrement d'un aveu ou de phrases malheureuses prononcées dans ce moment d'émotion. Nous avions donc estimé qu'il serait peut-être préférable, dans un premier temps, de faire l'expérience de ce premier effort d'enregistrement, qui vient d'être mis en application voilà un mois.
D'ailleurs, je viens de voir un très long article sur ce sujet, dans lequel les juges s'expliquent sur la difficulté de mettre ce système en oeuvre. C'est là un véritable problème. Il s'agit d'une nouveauté.
La commission des lois n'est pas favorable à l'enregistrement sonore des interrogatoires de garde à vue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Moi non plus, je ne suis pas favorable à cette disposition. Je m'en suis d'ailleurs longuement expliquée à l'Assemblée nationale. L'enregistrement automatique des auditions de garde à vue est une garantie illusoire. C'est une fausse bonne idée.
D'abord, il peut y avoir dans la garde à vue des moments qui ne seront pas enregistrés et au cours desquels des pressions seraient illégitimement portées sur les personnes. Or, c'est précisément ce que l'on veut éviter.
Ensuite, la diffusion d'un tel enregistrement devant une juridiction de jugement peut être de nature à désavantager la personne qui aura été auditionnée, compte tenu de l'impact que représente évidemment tout enregistrement sonore ou a fortiori audiovisuel.
Les moyens que nécessiterait une telle mesure seraient mieux employés s'ils étaient consacrés à l'amélioration des locaux de garde à vue.
Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement n° 189. Mais j'émettrai un avis favorable sur l'amendement de votre commission visant à supprimer la disposition de l'article 2 ter aux termes de laquelle l'enregistrement sonore est prévu pour les seuls mineurs.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 189, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement, n° 112 rectifié, M. Charasse, propose d'insérer, après l'article 2 C, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 212-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Toute plainte pour violation du secret de l'instruction est instruite par le Conseil supérieur de la magistrature dans des conditions déterminées par la loi organique relative à cette instance. La violation du secret de l'instruction donne lieu à versement aux victimes de dommages et intérêts par l'Etat. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne suis pas le seul à l'avoir constaté, lorsqu'on dépose une plainte pour violation du secret de l'instruction, elle est rarement instruite, ou en tout cas avec une lenteur savante... surtout si des agents de l'Etat - magistrats ou fonctionnaires - peuvent être soupçonnés d'avoir participé à la violation dudit secret.
Je propose que nous prenions une position de principe dans le code de procédure pénale. Il convient de préciser que, dans ce cas, comme il s'agit, au fond, de quelque chose qui touche le fonctionnement de la justice, l'instruction sur cette plainte soit confiée au Conseil supérieur de la magistrature dans des conditions déterminées par la loi organique relative à cette instance. Il convient aussi de préciser que, dans tous les cas, la violation du secret de l'instruction donne lieu à versement aux victimes de dommages et intérêts par l'Etat. Comme c'est déjà le cas, cela ne changerait rien, sauf que, dans ce cas, l'Etat se substituerait...
M. Hubert Haenel. L'article 40 va s'appliquer !
M. Michel Charasse. Non ! C'est déjà le cas, ai-je dit.
Monsieur le président, j'ai essayé d'aller le plus vite possible, ... puisqu'il paraît qu'il faut aller vite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Plusieurs points du texte de cet amendement ont arrêté la commission.
D'abord, prévoir dans une loi ordinaire une disposition qui s'appliquera dans des conditions déterminées par une loi organique qui ne sera adoptée qu'après une révision constitutionnelle portant sur le Conseil supérieur de la magistrature, c'est déjà, pour moi, une difficulté insurmontable.
M. Hubert Haenel. C'est le télescopage de la loi organique et de la loi ordinaire !
M. Charles Jolibois, rapporteur. C'est vraiment gravir Khéops !
Il y a plus : véritablement, cela ne relève pas du travail du Conseil supérieur de la magistrature, et cela reviendrait encore à donner à ce dernier une juridiction sur un cas particulier, dans des conditions qui me paraissent tout à fait impossibles.
Nous ne discutons pas, pour l'instant, d'un texte sur la responsabilité des magistrats ! D'ailleurs, à cet égard, quand il avait été question de juger les magistrats, j'avais précisé qu'il faudrait aussi étudier la possibilité de juger les magistrats jugeant leurs pairs. C'est en effet une question philosophique extrêmement importante.
Je dois reconnaître, monsieur Charasse, que vous avez rectifié votre amendement afin de supprimer le membre de phrase - « dont le montant est prélevé, s'il y a lieu, sur la masse indemnitaire des magistrats ou des autres agents publics concernés » - qui constituait un obstacle insurmontable à un avis favorable de la part de la commission.
Néanmoins. en l'état actuel, compte tenu des règles sur la loi organique et du fait que le Conseil supérieur de la magistrature ne peut pas être chargé de cette fonction-là, la commission des lois émet un avis favorable sur l'amendement n° 112 rectifié.
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° 112 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je prends date pour le texte sur la responsabilité des magistrats, et je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 112 rectifié est retiré.

Article 2 D