Séance du 17 juin 1999
M. le président.
Par amendement n° 110, M. Hyest propose d'insérer, après l'article 15, un
article additionnel ainsi rédigé :
« La première phrase du deuxième alinéa de l'article 397-3 du même code est
complétée par les mots : "dans les conditions prévues à l'article 143-1". »
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cet amendement a pour objet d'aligner les conditions de la détention
provisoire ordonnée par le juge de la détention ou le juge d'instruction sur
celles qui sont ordonnées en comparution immédiate.
L'élévation des seuils de la détention provisoire d'instruction risque d'avoir
pour effet d'inciter les parquets à renvoyer en comparution immédiate encore
plus de dossiers pour obtenir des mandats de dépôt qu'ils ne pourraient plus
espérer du juge d'instruction ou du juge de la détention.
Les mesures ordonnées en comparution immédiate participent très largement aux
excès de la détention provisoire. Elles sont moins souvent dénoncées, car les
personnes concernées n'ont pas la notoriété de certains mis en examen. Elles
concernent pourtant autant de justiciables.
En 1997, 30 930 détentions provisoires ont été ordonnées par les juges
d'instruction et 28 851 comparutions immédiates. Si l'on se réfère aux seuls
délits, on constate que les tribunaux correctionnels ont été beaucoup plus
sévères : 28 851 détentions provisoires ont été ordonnées en comparution
immédiate contre 24 505 par les juges d'instruction.
L'alignement proposé ne ferait que maintenir l'équilibre actuel, puisque les
seuils de détention prévus pour le tribunal correctionnel en comparution
immédiate pour justifier sa compétence sont les mêmes que ceux qui sont prévus
par l'article 144, alinéa 1, actuel, pour l'instruction.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur. Il est envisageable d'aligner les seuils à partir desquels la
détention provisoire est possible en matière de comparution immédiate et en
matière d'instruction. La commission estime cependant qu'il n'est pas choquant
qu'une différence de seuils existe entre la détention au cours d'instruction et
la détention à l'issue d'une comparution immédiate. En effet, en comparution
immédiate, le tribunal correctionnel lui-même décide éventuellement de placer
une personne en détention dans l'attente d'une audience. L'expérience prouve
d'ailleurs que, souvent, c'est le prévenu qui demande à ne pas être jugé tout
de suite et l'on fait une remise pour qu'il puisse organiser sa défense,
appeler un défenseur autre que le défenseur commis d'office.
Dans le cas de la comparution immédiate il n'y a pas de détention provisoire
longue. Au bout de quelque temps, si une personne est encore en détention,
c'est qu'elle a été condamnée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
Il y a, c'est vrai, une logique à aligner les seuils, - une logique
intellectuelle, en tout cas -, mais cela pose des difficultés pratiques et des
problèmes d'opportunité.
Tout d'abord, l'alignement des seuils entre détention provisoire et
comparution immédiate ne s'impose pas nécessairement dès lors que l'on
considère que les situations sont différentes. Je ne reviens pas sur ce qu'a
dit M. le rapporteur voilà un instant.
Je souligne qu'en cas de renvoi de l'affaire la durée de la détention
provisoire est extrêmement brève, le plus souvent quelques jours, deux mois au
maximum, selon le code de procédure pénale.
J'attire par ailleurs l'attention du Sénat sur le fait qu'il s'agit de délits
très sensibles. Je pense, en particulier, aux dégradations. Ainsi, l'auteur de
destructions ou de dégradations simples, par exemple celui qui a lancé des
pavés dans une vitrine, encourt une peine de deux ans d'emprisonnement. Or,
s'il n'est identifié que plus de huit jours après les faits - s'il l'est avant,
il s'agit d'un cas de flagrance - la comparution immédiate ne sera plus
possible en pratique. Je ne pense pas que, dans un cas pareil, affaiblir la
comparution immédiate soit très opportun.
Si nous suivions cette orientation, nous risquerions de priver la lutte contre
la délinquance urbaine d'un outil utile et efficace. Vous savez à quel point
les populations victimes de la délinquance urbaine de jour comme de nuit ont
besoin de savoir que, contre les auteurs d'infractions, il y aura une réaction
immédiate.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 110.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je comprends les objections. Je note toutefois que, pour un certain nombre de
délits simples, la convocation par officier de police judiciaire est prévue, et
qu'elle est rapide.
Bien souvent, même pour des vols simples, on place le délinquant en détention
provisoire et, ensuite, on fixe, bien entendu, une peine de prison ferme. Or,
la détention provisoire peut durer, notamment du fait de l'encombrement des
tribunaux.
Pourtant, il serait possible, pour de tels délits, de trouver, notamment pour
les jeunes, des solutions autres que de courtes peines de prison. On veut
éviter la détention provisoire, certes, mais nous savons très bien que les
conditions de détentions provisoires décidées en comparution immédiate ne sont
pas très dignes, s'agissant notamment des jeunes mineurs.
Je retire mon amendement, tout en estimant qu'il faudrait revenir sur ce
problème en deuxième lecture.
M. le président.
L'amendement n° 110 est retiré.
Article 16