Séance du 25 juin 1999
M. le président.
« Art. 19
bis. _ Une commission de suivi de la détention provisoire est
instituée. Elle est placée auprès du ministre de la justice.
« Elle est composée de deux représentants du Parlement, d'un magistrat de la
Cour de cassation siégeant à la commission d'indemnisation de la détention
provisoire, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un professeur de droit pénal, d'un
avocat et d'un représentant d'un organisme de recherche judiciaire.
« Elle est chargée de réunir les données juridiques, statistiques et
pénitentiaires concernant la détention provisoire, en France et à l'étranger.
Elle se fait communiquer tout document utile à sa mission et peut procéder à
des visites ou à des auditions.
« Elle établit et publie dans un rapport annuel les données statistiques
locales, nationales et internationales concernant l'évolution de la détention
provisoire ainsi que la présentation des différentes politiques mises en
oeuvre. Elle établit une synthèse des décisions de la commission
d'indemnisation de la détention provisoire.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 39, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose
de supprimer cet article.
Par amendement n° 227, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 19
bis :
« Tous les deux ans, le garde des sceaux dépose sur le bureau des assemblées
un rapport réunissant les données juridiques, statistiques et pénitentiaires
concernant la détention provisoire en France et à l'étranger, la présentation
des différentes politiques mises en oeuvre et une synthèse des décisions des
commissions d'indemnisation de la détention provisoire. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 39.
M. Charles Jolibois,
rapporteur. La commission estime que la création d'une commission de
suivi de la détention provisioire chargée de collecter des données juridiques,
statistiques et pénitentiaires concernant la détention provisoire, en France et
à l'étranger, d'élaborer un rapport annuel et de faire une synthèse des
décisions de la commission d'indemnisation n'est pas souhaitable : ce serait
faire une énième commission, un énième rapport, alors qu'il incombe au
Gouvernement d'assurer ce suivi, notamment en ce qui concerne les statistiques.
Il existe d'ailleurs à Nantes un service des statistiques en matière de
décisions judiciaires qui fait un travail remarquable et que M. Fauchon et
moi-même avions visité lorsque nous préparions le rapport sur les moyens de la
justice.
Par conséquent, la commission a pensé que l'on pouvait se passer de cet
alourdissement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 227.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ma préoccupation première était un peu la même. Une commission très lourde me
paraît tout à fait inutile. On commence par dire qu'elle serait composée de
deux représentants du Parlement. Il y a tellement de commissions où le
Parlement est représenté qu'il n'y aura bientôt plus personne pour sièger dans
cet hémicycle !
En revanche, dans la mesure où la question de savoir combien de temps mettra
le Conseil d'Etat pour indemniser des gens placés à tort en détention
provisoire est intéressante, pourquoi ne pas demander au garde des sceaux de
déposer tous les deux ans sur le bureau des assemblées un rapport - je sais
bien que de nombreux rapports sont déposés, mais si nous voulons que la
question soit suivie... - réunissant les données juridiques, statistiques et
pénitentiaires concernant la détention provisoire, en France et à l'étranger,
la présentation des différentes politiques mises en oeuvre et une synthèse des
décisions des commissions d'indemnisation de la détention provisoire ?
Cela étant, pour que cet amendement soit cohérent avec le texte tel qu'il
sortira des travaux du Sénat, je le rectifie pour viser les décisions « prises
par le Conseil d'Etat ». Mais j'espère que ce ne sera que provisoire !
Quoi qu'il en soit, sur le principe même, je pense qu'un rapport déposé tous
les trois ans - tous les ans si vous le souhaitez, mais cela me paraît un peu
lourd - répondrait au souci manifesté par les parlementaires lorsqu'ils ont
proposé et voté l'article 19
bis, puisque cet article ne figurait pas
dans le projet initial.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je voudrais que nous soyons bien d'accord sur la
rectification de votre amendement : vous souhaitez supprimer les mots : « des
commissions » et ajouter les mots : « prises par le Conseil d'Etat » ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Faisons plus simple ! Ecrivons : « des décisions d'indemnisation de la
détention provisoire ».
M. le président.
Je suis donc saisi, par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste
et apparentés, d'un amendement n° 227 rectifié, visant à rédiger comme suit
l'article 19
bis :
« Tous les deux ans, le garde des sceaux dépose sur le bureau des assemblées
un rapport réunissant les données juridiques, statistiques et pénitentiaires
concernant la détention provisoire en France et à l'étranger, la présentation
des différentes politiques mises en oeuvre et une synthèse des décisions
d'indemnisation de la détention provisoire. »
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur. M. Dreyfus-Schmidt propose un système différent. Nous
voulons, nous, supprimer la commission de suivi et ne souhaitons pas la
remplacer par un rapport.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 39 et 227 rectifié
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 227
rectifié. J'indique d'ailleurs que le projet de loi sur l'action publique
prévoit que, chaque année, le ministre établira un rapport sur la mise en
oeuvre de la politique pénale. Or je crois moi aussi qu'il ne faut pas
multiplier les rapports.
M. Charles Jolibois,
rapporteur. Ce serait le énième !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. S'agissant de l'amendement n° 39, je m'en remets à la
sagesse du Sénat. En toute hypothèse, la création d'une telle commission ne
relève pas du domaine de la loi.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 39.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne suis pas très sûr que l'indemnisation des détenus provisoires à tort
soit un élément de la politique pénale !
Notre proposition avait pour objet de tenir compte du souci - légitime,
d'ailleurs - des députés. Mais je n'insiste pas. Notre suggestion n'était pas,
je crois, mauvaise, mais ce n'est pas extrêmement grave.
Finalement, mieux vaut supprimer l'article que de mettre en place cette énième
et lourde commission.
M. Hubert Haenel.
C'est la sagesse !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 19
bis est supprimé et l'amendement n° 227
rectifié n'a plus d'objet.
Chapitre III
Dispositions renforçant le droit à être jugé
dans un délai raisonnable
Article 20