Séance du 25 juin 1999







M. le président. Par amendement n° 229, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin du premier alinéa de l'article 84 du même code, les mots : "par requête motivée du procureur de la République, agissant soit spontanément, soit à la demande des parties" sont remplacés par les mots : "soit par requête motivée du procureur de la République, soit par les parties".
« II. - Le même article est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé : "S'il n'y a qu'un seul juge dans le tribunal, la requête ou la demande visée au premier alinéa sont adressées au premier président de la cour d'appel qui statue dans les formes et conditions indiquées aux deux premiers alinéas du présent article". »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le premier alinéa de l'article 84 du code de procédure pénale - article très important qui n'est pas suffisamment appliqué, et il faut parvenir à ce qu'il le soit davantage - prévoit que « le dessaisissement du juge d'instruction au profit d'un autre juge d'instruction peut être demandé par le président du tribunal, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ».
Voilà une affaire qui traîne. On ne sait pas pourquoi, on ne sait pas comment. Les plaideurs, notamment les victimes - puisque le présent projet de loi porte sur les droits des victimes - mais aussi les prévenus ou les accusés ont, et c'est normal, le droit de demander qu'un autre juge d'instruction soit nommé !
Cependant, actuellement, le président du tribunal n'intervient que sur requête motivée du procureur de la République, lequel « agit soit spontanément, soit à la demande des parties ». Lui seul peut donc saisir le président du tribunal.
L'amendement n° 229 tend à donner aux parties la possibilité de demander elles-mêmes le dessaisissement du juge d'instruction. L'article 84 ne visant, en outre, que les tribunaux où il y a plusieurs juges d'instruction, cet amendement a également pour objet de reconnaître, dans le cas où il n'y a qu'un seul juge d'instruction, au premier président de la cour d'appel le pouvoir de désigner le nouveau juge d'instruction s'il estime devoir dessaisir le premier.
De nombreux dossiers, en France, traînent inexplicablement dans les cabinets de juges d'instruction. Il est absolument indispensable que les intéressés, victimes, prévenus ou accusés, puissent demander que le juge soit dessaisi au profit d'un autre !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. M. Dreyfus-Schmidt souhaite permettre aux parties de demander elles-mêmes le dessaisissement du juge d'instruction sans passer par l'intermédiaire du procureur.
Là encore, il convient de rappeler que le dessaisissement peut être demandé dans le souci d'une bonne administration de la justice. Dans ces conditions, retenir le passage par un filtre - on aime ou on n'aime pas, et M. Dreyfus-Schmidt n'aime pas - permet d'éviter les demandes de dessaisissement pour convenances personnelles.
Par conséquent, la commission a estimé qu'il était préférable de conserver le filtre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Défavorable.
Le dessaisissement est une procédure qui doit être diligentée par les autorités judiciaires, garantes du bon fonctionnement de la justice, et non par les parties elles-mêmes.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 229.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Je crois qu'il serait cohérent que le Sénat vote cet amendement : la semaine dernière, nous avions étendu la possibilité de demander le dépaysement de certaines affaires en ne la limitant pas au seul procureur de la République. Il me paraît souhaitable que les parties soient sur le même pied d'égalité que le procureur de la République.
Dans certaines affaires, que je ne nommerai pas mais qui sont brûlantes d'actualité (Sourires), il serait souhaitable que les parties puissent avoir un mot à dire sur la saisine d'une juridiction.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 229, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 21.

Article 21