Séance du 25 juin 1999
M. le président.
« Art. 29. _ L'article 420-1 du même code est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa :
«
a) Après les mots : "par lettre recommandée avec avis de réception",
sont insérés les mots : "ou par télécopie" ;
«
b) Les mots : "dont le montant n'excède pas le plafond de la
compétence de droit commun des tribunaux d'instance en matière civile" sont
supprimés ;
«
c) Les mots : "elle joint à sa lettre toutes les pièces
justificatives de son préjudice. Cette lettre et ces pièces sont jointes
immédiatement au dossier" sont remplacés par les mots : "elle joint à sa
demande toutes les pièces justificatives de son préjudice. Ces documents sont
immédiatement joints au dossier" ;
« 2° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Avec l'accord du procureur de la République, la demande de restitution ou de
dommages-intérêts peut également être formulée par la victime, au cours de
l'enquête de police, auprès d'un officier ou d'un agent de police judiciaire,
qui en dresse procès-verbal. Cette demande vaut constitution de partie civile
si l'action publique est mise en mouvement.
« Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, la partie civile n'est pas
tenue de comparaître. » ;
« 3° Au dernier alinéa, les mots : "dans la lettre" sont remplacés par les
mots : "dans la demande" ».
Par amendement n° 247, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent de supprimer le
b du 1° de cet article.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cet article 29 a bonne allure ! Il explique ainsi que l'on peut être partie
civile sans être amené à se présenter devant le tribunal, en le déclarant
simplement à la police et sans que la demande soit plafonnée. Or, actuellement,
on peut se constituer partie civile par simple lettre dans la limite du plafond
de la compétence du tribunal d'instance. Au demeurant, cette compétence vient
d'être relevée considérablement de manière à étendre celle du juge unique,
suivant en cela une tendance malheureusement trop répandue depuis un certain
nombre d'année.
Cet article 29 nouveau stipule donc que, sans être obligé de comparaître, on
peut se constituer partie civile soit auprès de la police, soit par lettre,
soit par télécopie, sans aucune limitation.
Cette mesure paraît très favorable aux victimes. En vérité, c'est très
exactement le contraire ! Comme je l'ai dit au cours de mon intervention dans
la discussion générale, seul un avocat - et toutes les victimes peuvent en
avoir un puisque, même si leurs moyens ne le leur permettent pas, elles peuvent
en avoir un gratuitement, totalement ou partiellement - seul un avocat, dis-je,
est capable de constituer un dossier, alors que la malheureuse victime qui aura
fait sa demande à la police n'aura pas forcément fait constater, par exemple,
qu'elle est atteinte d'une incapacité permanente, elle ne saura pas qu'il faut
procéder à une expertise pour en déterminer le montant, etc.
Quant au tribunal, il n'a pas pour rôle de constituer ce dossier. Si
l'intéressé, de surcroît, n'est pas présent, le tribunal ne pourra pas lui
demander s'il a eu un arrêt de travail plus long que prévu ou non, par exemple.
Or, au moment où il porte plainte, il ne sait pas encore de quelle durée sera
son incapacité de travail, et le tribunal ne saura pas s'il y a un
praetium
doloris, un préjudice esthétique, un
damnum juventutis, c'est-à-dire
le chef de préjudice propre à un jeune qui ne peut plus pratiquer les sports de
son âge, etc.
Cet article 29 nouveau est donc un cadeau empoisonné : sous prétexte de
protéger les victimes, il les dessert. Voilà pourquoi nous demandons la
suppression du
b de son 1°.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur. La commission a accueilli favorablement la simplification
contenue dans le projet, estimant qu'elle n'empêchait aucunement la personne de
consulter un avocat.
Par conséquent, elle a émis un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Il est évidemment préférable qu'une victime soit
assistée d'un avocat, mais il n'y a pas de raison d'interdire à une personne
majeure et responsable de demander des dommages et intérêts au tribunal, quel
qu'en soit le montant, sans l'obliger à se déplacer à l'audience.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 247.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous n'avons jamais dit que les victimes étaient empêchées, par ces
dispositions, de consulter un avocat. En revanche, elles sont poussées à s'en
passer, et ce sans comparaître, je le répète, ce qui est visiblement contraire
à leurs propres intérêts.
Voilà pourquoi nous insistons vivement pour que le Sénat adopte
l'amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 247, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 258, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent de rédiger ainsi le 2° de l'article 29 :
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé : « La partie civile n'est pas,
alors, tenue de comparaître. »
Par amendement n° 61, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose
de compléter
in fine la seconde phrase du deuxième alinéa du 2° de
l'article 29 par les mots : « et que le tribunal correctionnel ou de police est
directement saisi ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 258.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'a plus d'objet, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 258 n'a plus d'objet.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 61.
M. Charles Jolibois,
rapporteur. L'article 29 du projet de loi tend à faciliter les
constitutions de partie civile. Il permet notamment de demander une restitution
d'objets ou des dommages et intérêts auprès d'un agent ou d'un officier de
police judiciaire. Cette demande vaudrait constitution de partie civile en cas
de mise en mouvement de l'action publique.
Manifestement, cette simplification est faite pour les procédures rapides,
telles que la comparution immédiate. Il ne paraît pas souhaitable à la
commission qu'une demande de dommages et intérêts à un officier de police
judiciaire vaille constitution de partie civile en cas d'ouverture d'une
information.
Il n'y a pas de raison de court-circuiter le juge d'instruction. Au contraire,
puisque, de par le projet de loi, il est chargé d'informer les parties civiles.
S'il y a instruction, il doit donc conserver son rôle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 61.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'avoue ne pas comprendre pourquoi la demande de restitution formulée par la
victime auprès d'un officier ou d'un agent de police vaudrait constitution de
partie civile. Ce n'est pas la même chose ! La demande de restitution est une
chose, la constitution de partie civile en est une autre.
Je tenais simplement à dire que je ne comprenais pas du tout la logique de
cette disposition.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 29, ainsi modifié.
(L'article 29 est adopté.)
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