Séance du 29 juin 1999
M. le président.
« Art. 1er. - Il est créé, pour les résidents de la France métropolitaine et
des départements d'outre-mer, une couverture maladie universelle qui garantit à
tous une prise en charge des soins par un régime d'assurance maladie, et aux
personnes dont les revenus sont les plus faibles le droit à une protection
complémentaire et à la dispense d'avance de frais. »
Par amendement n° 1, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de compléter cet article par une phrase ainsi rédigée : «
Cette protection complémentaire est assurée par la création d'une allocation
personnalisée à la santé. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur. J'ai bien écouté les propos amènes de M. le secrétaire d'Etat
à la santé.
(Sourires.)
Le point sur lequel nous nous opposons essentiellement, c'est le
chiffrage du coût de cette réforme. Nous sommes en effet nombreux à affirmer
que les 1,7 milliard de francs prévus par le Gouvernement ne suffiront pas.
Mais, je vous ai entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, affirmer - et le
Journal officiel en fera foi - que, si le coût constaté dépassait le
chiffre annoncé, l'Etat paierait un peu plus. Eh bien, j'espère que ce propos
aura franchi la Seine et que M. Strauss-Kahn l'aura entendu, mais j'en doute
!
En tout cas, je suis prêt à en faire le pari, les 1,7 milliard de francs ne
suffiront pas, et nous pourrons le vérifier lors de l'examen des lois de
financement de la sécurité sociale des prochaines années.
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, que notre système de sécurité
sociale était déresponsabilisant. Puisque vous êtes aux affaires, réformez-le !
Je vous invite à faire preuve du même courage que le gouvernement précédent,
notamment à propos des retraitres. J'ai indiqué, et cela a été repris dans la
presse cette semaine, que, si M. Jospin annonçait au début de l'année prochaine
un calendrier de réforme des retraites, notamment de celles qui relèvent des
régimes spéciaux, il ferait alors preuve d'un grand courage politique.
Là aussi, je suis prêt à prendre le pari : j'attends de voir si, le 1er
janvier, M. Jospin et le gouvernemnet auquel vous appartenez annonceront une
réforme des régimes de retraite telle que celle que préconise le rapport
Charpin.
En ce qui concerne le médecin référent, j'ai pu contater que ce dispositif ne
recueillait guère d'approbation puisque j'ai cru comprendre qu'il inspirait
aussi à Mme Borvo certaines réserves.
Sur le fond, mes chers collègues, nous avons largement exprimé notre désaccord
en première lecture et lors de la discussion générale avec le système proposé
par le Gouvernement, notamment en ce qui concerne les seuils.
Je ne reviendrai pas sur les adjectifs que j'avais employés en première
lecture et que M. le secrétaire d'Etat a évoqués, mais, bien entendu, je ne les
renie nullement.
Je considère que l'allocation personnalisée à la santé que nous proposons est
un meilleur système mais il est clair que, demain, l'Assemblée nationale
retiendra finalement le texte du Gouvernement. Comme vous venez de le dire,
monsieur le secrétaire d'Etat, il y a une majorité et une opposition. Eh bien,
l'opposition s'est opposée, mais pas aussi systématiquement que vous l'avez dit
dans votre propos liminaire, afin de souligner les carences du texte
gouvernemental.
Dans quelques semaines, quand, notamment, toutes les personnes âgées qui
perçoivent aujourd'hui le minimum vieillesse ou les personnes handicapées se
rendront compte qu'elles ne bénéficient pas de la couverture maladie
universelle, nous leur dirons qu'elles le doivent au Gouvernement, qui s'est
entêté dans un système qui n'était pas bon !
M. Alain Vasselle.
Tout à fait !
M. Charles Descours,
rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 1, nous réaffirmons la
nécessité de la création d'une allocation personnalisée à la santé, proposant
de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de compléter l'article 1er par un alinéa ainsi rédigé :
« Les Français résidant à l'étranger bénéficient également du droit à la
couverture maladie universelle. Un décret déterminera les modalités
d'application du présent article et précisera notamment les seuils de revenus
donnant accès à ce droit ainsi que les organismes habilités à gérer la
couverture maladie universelle pour les Français de l'étranger. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur. Par cet amendement, nous proposons de faire bénéficier les
Français résidant à l'étranger du droit à la couverture maladie universelle.
Pour ce faire, nous rétablissons le texte tel qu'il avait été rédigé en
première lecture, à l'exception de la disposition concernant
Saint-Pierre-et-Miquelon, que l'Assemblée nationale a retenue mais en la
déplaçant à l'article 38.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Hubert Durand-Chastel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
On ne peut retenir l'argument invoqué par le Gouvernement pour rejeter
l'extension de la CMU aux Français de l'étranger, à savoir que cette
disposition remplacerait le critère de résidence par celui de nationalité.
En effet, le principe de l'extension aux Français résidant hors de France de
l'assurance maladie dans son ensemble est formellement appliqué depuis
plusieurs décennies. On ne comprendrait pas, d'un point de vue juridique,
qu'une modalité de l'assurance maladie soit l'objet d'une exclusion, pour cette
raison.
J'ajoute que les Français de l'étranger sont des Français à part entière et
qu'il ne convient pas de faire une discrimination sur une question aussi
vitale.
A partir du moment où l'extension de ce droit est limitée aux allocataires de
l'aide sociale du ministère des affaires étrangères, elle paraît non seulement
raisonnable mais juste.
Nous vivons une époque de mondialisation. L'emploi, première préoccupation des
Français, dépend beaucoup de l'exportation. La moitié de notre production
industrielle est destinée à l'étranger, rappelait M. Dondoux, secétaire d'Etat
au commerce extérieur, le 23 juin dernier à l'Assemblée nationale. Il convient
donc de favoriser le départ de Français à l'étranger, où ils sont en nombre
insuffisant.
Enfin, je remercie le Sénat d'avoir appuyé cette revendication et la
commission des affaires sociales de proposer de rétablir cette disposition
après sa suppression à l'Assemblée nationale.
Je souhaite vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous acceptiez
d'étudier un dispositif spécifique permettant d'étendre la CMU aux Français de
l'étranger allocataires de l'aide sociale.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
J'approuve tout à fait les propos qui viennent d'être tenus par M.
Durand-Chastel et je remercie, moi aussi, M. le rapporteur d'avoir déposé un
amendement de cette nature.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour un Gouvernement qui se dit le champion de
l'égalité de traitement, non seulement des Français sur l'ensemble du
territoire national mais aussi, plus largement, de tous ceux qui ont la
nationalité française, voilà une drôle de conception !
Il y aurait donc deux catégories de Français : ceux qui vivent en métropole et
ceux qui vivent à l'étranger, les premiers bénéficiant des droits ouverts par
le présent projet de loi, les seconds en étant exclus !
Il est tout à fait logique que M. le rapporteur dépose un amendement
élargissant le dispositif à nos compatriotes expatriés et je suis surpris que
vous puissiez émettre un avis défavorable d'une façon aussi péremptoire et
lapidaire. C'est faire bien peu de cas de tous les Français qui vivent à
l'étranger, qui y représentent la France et qui peuvent éprouver, à un moment
ou à un autre de leur vie, des difficultés : celles-ci devraient leur donner
droit à des soins qui leur sont aussi nécessaires qu'à tous les Français qui
vivent en métropole.
Je suis vraiment étonné de la légèreté du Gouvernement dans sa réponse !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Monsieur Vasselle, nous avons déjà évoqué cette
question, mais sans doute votre mémoire vous fait-elle défaut !
Il n'y a aucune légèreté de la part du Gouvernement. C'est simplement pour
éviter d'allonger inutilement les débats que je me suis contenté d'indiquer que
le Gouvernement était défavorable à cet amendement. Nous ne pouvons tout de
même pas faire comme si nous nous rencontrions pour la première fois !
En première lecture, nous avons reconnu que, en particulier pour les
allocations d'aide sociale du ministère des affaires étrangères, un problème se
posait et qu'il fallait l'étudier. Votre collègue Mme Cerisier-ben Guiga est
précisément chargée de ce travail, vous le savez parfaitement ; elle va nous
faire des propositions.
Monsieur Vasselle, j'ai beaucoup travaillé à l'étranger, et comme médecin. Je
sais donc un peu ce qui s'y passe !
M. Alain Vasselle.
On peut se poser la question !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. Alain Vasselle.
Heureusement que nous sommes là pour les Français de l'étranger !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 3