Séance du 29 juin 1999







M. le président. « Art. 37. - I. - Après l'article 40-10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un chapitre V ter ainsi rédigé :

« Chapitre V ter

« Traitement des données personnelles de santé
à des fins d'évaluation ou d'analyse
des activités de soins et de prévention

« Art. 40-11. - Les traitements de données personnelles de santé qui ont pour fin l'évaluation des pratiques de soins et de prévention sont autorisés dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Les dispositions du présent chapitre ne s'appliquent ni aux traitements de données personnelles effectuées à des fins de remboursement ou de contrôle par les organismes chargés de la gestion d'un régime de base d'assurance maladie, ni aux traitements effectués au sein des établissements de santé par les médecins responsables de l'information médicale dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 710-6 du code de la santé publique.
« Art. 40-12. - Les données issues des systèmes d'information visés à l'article L. 710-6 du code de la santé publique, celles issues des dossiers médicaux détenus dans le cadre de l'exercice libéral des professions de santé, ainsi que celles issues des systèmes d'information des caisses d'assurance maladie, ne peuvent être communiquées à des fins statistiques d'évaluation ou d'analyse des pratiques et des activités de soins et de prévention, que sous la forme de statistiques agrégées ou de données par patient constituées de telle sorte que les personnes concernées ne puissent être identifiées.
« Il ne peut être dérogé aux dispositions de l'alinéa précédent que sur autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés dans les conditions prévues aux articles 40-13 à 40-15. Dans ce cas, les données utilisées ne comportent ni le nom, ni le prénom des personnes, ni leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques.
« Art. 40-13. - Pour chaque demande, la commission vérifie les garanties présentées par le demandeur pour l'application des présentes dispositions et, le cas échéant, la conformité de sa demande à ses missions ou à son objet social. Elle s'assure de la nécessité de recourir à des données personnelles et de la pertinence du traitement au regard de sa finalité déclarée d'évaluation ou d'analyse des pratiques ou des activités de soins et de prévention. Elle vérifie que les données personnelles dont le traitement est envisagé ne comportent ni le nom, ni le prénom des personnes concernées, ni leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques. En outre, si le demandeur n'apporte pas d'éléments suffisants pour attester la nécessité de disposer de certaines informations parmi l'ensemble des données personnelles dont le traitement est envisagé, la commission peut interdire la communication de ces informations par l'organisme qui les détient, et n'autoriser le traitement que des données ainsi réduites.
« La commission détermine la durée de conservation des données nécessaires au traitement et apprécie les dispositions prises pour assurer leur sécurité et la garantie des secrets protégés par la loi.
« Art. 40-14. - La commission dispose, à compter de sa saisine par le demandeur, d'un délai de deux mois, renouvelable une seule fois, pour se prononcer. A défaut de décision dans ce délai, ce silence vaut décision de rejet. Les modalités d'instruction par la commission des demandes d'autorisation sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Les traitements répondant à une même finalité portant sur des catérogies de données identiques et ayant des destinataires ou des catégories de destinataires identiques peuvent faire l'objet d'une décision unique de la commission.
« Art. 40-15. - Les traitements autorisés conformément aux articles 40-13 et 40-14 ne peuvent servir à des fins de recherche ou d'identification des personnes. Les personnes appelées à mettre en oeuvre ces traitements, ainsi que celles qui ont accès aux données faisant l'objet de ces traitements ou aux résultats de ceux-ci lorsqu'ils demeurent indirectement nominatifs, sont astreintes au secret professionnel sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal.
« Les résultats de ces traitements ne peuvent faire l'objet d'une communication, d'une publication ou d'une diffusion que si l'identification des personnes sur l'état desquelles ces données ont été recueillies est impossible.
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 78-7 du 6 janvier 1978 précitée est complété par les mots : ", ainsi que des articles 40-13 et 40-14".
« III. - La première phrase du dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie est complétée par les mots : "ou, à défaut, à condition qu'elles ne comportent ni leur nom, ni leur prénom, ni leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques".
« IV. - Dans le dernier alinéa du I de l'article L. 710-7 du code de la santé publique, après les mots : "respectant l'anonymat des patients", sont insérés les mots : "ou, à défaut, ne comportant ni leur nom, ni leur prénom, ni leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques". »
Par amendement n° 62, M. Claude Huriet, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit cet article :
« Sans préjudice de l'application des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés aux données de santé non visées par le présent article, les données mentionnées dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie et à l'article L. 710-7 du code de la santé publique sont communiquées à des tiers dans les conditions prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, après avoir subi un traitement garantissant qu'elles ne permettront pas d'identification, même indirecte, des personnes qu'elles concernent. »
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Il s'agit là aussi de rétablir la rédaction que le Sénat avait retenue en première lecture.
L'article 37 est relatif au traitement des données personnelles de santé à des fins d'évaluation ou d'analyse des activités de soins et de prévention. C'est sans doute l'un des points sur lesquels je suis très surpris et très déçu de voir que l'Assemblée nationale n'a pas suivi les propositions du Sénat, alors que personne ne peut contester que ces dispositions avaient le mérite de la simplicité.
Elles avaient d'ailleurs recueilli l'aval d'interlocuteurs aussi différents que la Ligue de défense des droits de l'homme ou des spécialistes du PMSI. Ce sont des dispositions techniques simples, qui apportaient, semble-t-il, des réponses, alors même que le débat en première lecture à l'Assemblée nationale avait été particulièrement difficile et passionnel.
Les dispositions proposées par le Sénat sont donc marquées au coin du bon sens - ce n'est ni la première ni la dernière fois que je le souligne. Elles visaient, je vous le rappelle, mes chers collègues, à dissocier, dans des informations médicales, tout un tronc commun comportant des données dites « identifiantes ». Les techniciens nous avaient bien expliqué qu'il était possible de supprimer ces données directement ou indirectement identifiantes, et qu'une fois que ces données avaient été écartées et rendues non accessibles il était tout à fait envisageable d'autoriser un accès très large à des informations qui ne pouvaient plus être personnalisées.
Ces dispositions ne sont donc absolument pas marquées par des considérations politiques ou idéologiques, et je suis extrêmement surpris de voir que l'Assemblée nationale, sur ce point comme sur d'autres, n'a pas suivi le Sénat, comme si elle en faisait une question de principe.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Défavorable. S'il s'agissait en effet d'une question de principe, je serais d'accord avec M. le rapporteur.
Mais nous avons acquis la conviction que le texte adopté par l'Asemblée nationale est le bon. Le compromis qui a été trouvé est une procédure d'autorisation par une autorité incontestable et indépendante, la CNIL - le Gouvernement ne peut s'y dérober. Je n'y ai pas cru au début, mais on m'a fait la démonstration qu'avec un ordinateur, en connaissant simplement la date et le lieu d'entrée, on pouvait s'immiscer dans l'intimité pathologique des personnes.
Ce compromis, c'est encore des garanties pour limiter les risques. Jamais, en effet, les informations fournies ne seront directement nominatives et la CNIL a le pouvoir de demander que certaines informations soient supprimées des données transmises. C'est enfin le renvoi aux sanctions de la loi pénale.
Cela ne m'amuse pas du tout d'avoir à consulter la CNIL, car je veux que la liberté de la presse soit respectée et qu'elle puisse se servir de ces informations. Voilà pourquoi cela nous apparaît maintenant le meilleur moyen.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 62.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. La question est grave. Pour ma part, je ne dispose que de peu d'éléments techniques pour l'apprécier, mais j'ai lu le rapport de M. Huriet, au nom de la commission. Je trouve que les propos qu'il tient à ce sujet sont extrêmement préoccupants : « La commission ne peut accepter, comme le prévoit cet article, que des données susceptibles d'être identifiantes puissent faire l'objet d'une communication à des tiers ».
Je voudrais bien comprendre, monsieur le secrétaire d'Etat : le dispositif que vous envisagez permet-il oui ou non la transmission de ces données identifiantes à des tiers ? Nous remarquons avec la commission que la protection des personnes « ne peut être à la charge des destinataires de telles informations, même si » - comme vous le dites - « toutes les garanties sont prises a priori pour s'assurer que ces données ne seront pas utilisées à des fins d'identification. »
La commission me semble avoir raison de noter que la CNIL « ne dispose d'aucun moyen pour vérifier que la durée limite de conservation des données aura été respectée, ni qu'un travail d'identification n'aura pas été accompli, volontairement ou non, à l'occasion des traitements statistiques. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, les doutes exprimés dans le rapport de la commission, il faut que vous en fassiez justice ; il faut que vous nous disiez clairement que nous nous trompons ; il faut que vous nous expliquiez pourquoi, techniquement. Car le sujet que nous évoquons à cette heure tardive ou matinale...
Mme Nicole Borvo. Il est trop tard !
M. François Autain. Oui, il est tard ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. ... est un sujet de liberté publique, mes chers collègues. C'est un sujet qui est très sensible du point de vue des libertés publiques. On ne peut pas le traiter sans l'approfondir correctement, car les travaux préparatoires de cette loi, dont nous sommes responsables les uns et les autres, doivent être clairs pour bien apprécier les conditions dans lesquelles le législateur prend sa décision.
M. Alain Vasselle. Très bien ! Très bonne argumentation !
M. François Autain. On ne vous suivra pas là-dessus !
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huriet, le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je veux également développer l'argumentation très forte et très brillamment défendue à l'instant par notre collègue Philippe Marini quant aux dispositions que l'Assemblée nationale a finalement adoptées et qui mettent en cause les libertés publiques.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ah bon ?
M. Claude Huriet, rapporteur. Il y a également un autre élément, qui n'est pas de même portée, j'en conviens, mais qui concerne les attributions confiées à la CNIL.
Pour chaque demande, la CNIL vérifie les garanties présentées par le demandeur pour l'application des présentes dispositions et, le cas échéant, la conformité de sa demande à ses missions et à son objet social.
Monsieur le secrétaire d'Etat, peut-on admettre que la CNIL a dans ses attributions à la fois ce rôle et les moyens de le jouer pour vérifier de telles données ? C'est bien un argument qui nous avait amenés à considérer que les dispositions que nous avons défendues et adoptées, à une très large majorité d'ailleurs, répondaient beaucoup mieux à des impératifs contradictoires.
Sur ce point, j'espère donc encore que l'Assemblée nationale fera preuve de sagesse et d'objectivité.
M. François Autain. Il ne faut pas trop espérer !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 37 est ainsi rédigé.

Article 37 bis AA