Séance du 26 octobre 1999







M. le président. « Art. 11. _ I. _ La première phrase de l'article 33 du code de procédure pénale est supprimée.
« II. - A l'article 34 et au premier alinéa de l'article 39 du même code, les mots : "sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et de l'article 446 du code rural" sont supprimés.
« II bis. _ Les deuxième et troisième phrases du premier alinéa de l'article 40 du même code sont supprimées.
« II ter. - L'article 42 du même code est abrogé.
« II quater . - Dans le premier alinéa de l'article 51 du même code, après les mots : "procureur de la République", sont insérés les mots : "ou du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1".
« III. - Le premier alinéa de l'article 80 du même code est complété par les mots : "ou du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1."
« III bis. - L'article 497 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Au ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1. »
« III ter. - Dans le premier alinéa de l'article 546 du même code, les mots : "et à l'officier du ministère public près le tribunal de police" sont remplacés par les mots : ", à l'officier du ministère public près le tribunal de police et au ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1".
« IV. - La première phrase de l'article 551 du même code est complétée par les mots : "ainsi que du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1".
« V. - Dans le premier alinéa de l'article 567 du même code, après les mots : "ministère public", il est inséré les mots : ", par le ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1".
« VI. - Après l'article 720 du même code, il est inséré un article 720-1 A ainsi rédigé :
« Art. 720-1 A . - Les députés et sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment tout établissement de l'administration pénitentiaire situé dans leur département. »
Par amendement n° 38, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le II quater de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence, tout comme les amendements n°s 39 à 43.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 39, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le III de l'article 11.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 40, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le III bis de l'article 11.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 41, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le III ter de l'article 11.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 42, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le IV de l'article 11.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 43, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le V de l'article 11.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 71, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par le VI de l'article 11 pour l'article 720-1 A du code de procédure pénale, après les mots : « l'administration pénitentiaire », d'insérer les mots : « et les locaux utilisés pour les gardes à vue ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un amendement de conséquence.
Après un débat court mais intéressant, cet article 720-1 A a été adopté par l'Assemblée nationale avec un large consensus. Il dispose que : « Les députés et sénateurs » - on aurait pu dire les parlementaires - « sont autorisés à visiter à tout moment tout établissement de l'administration pénitentiaire situé dans leur département. » M. Montebourg avait donné pour exemple une loi qui est en vigueur en Italie depuis 1975. Il avait d'ailleurs précisé que les initiatives de l'Italie en matière judiciaire n'avaient pas toujours été heureuses mais qu'en l'occurrence, la disposition concernée s'appliquait sans aucun problème depuis 1975. Cette loi accorde l'entrée sans autorisation dans les prisons au président du conseil des ministres, au président du conseil constitutionnel, aux ministres, aux membres du Parlement, aux préfets et même aux conseillers régionaux.
Nous savons que les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ont le droit d'enquêter sur pièces et sur place dans toute administration. Heureux usage ! Les membres de cette commission qui sont rapporteur spécial et sont présents dans cet hémicycle ne me démentiront pas.
Souvent, nous avions regretté que ce contrôle ne s'exerce pas plus. En l'occurrence, il s'agit simplement de donner ce droit aux parlementaires du département en ce qui concerne les prisons.
Par notre amendement, nous proposons d'étendre le même droit aux parlementaires en ce qui concerne les locaux utilisés pour les gardes à vue. Nous connaissons tous les abus qui se produisent dans ces locaux. Nous ne connaissons pas tous le caractère scandaleux au regard des droits de l'homme de l'aspect d'un local de garde à vue, à savoir un local équipé en tout et pour tout d'une planche et plongé dans l'obscurité.
Dans ce même débat, Mme le garde des sceaux avait cru devoir nous opposer l'article 40 de la Constitution lorsque nous demandions qu'en matière de garde à vue il n'y ait pas de prolongation sans que l'intéressé soit déféré toutes les vingt-quatre heures au procureur ou au juge d'instruction, à moins que ce soit le procureur ou le juge qui se déplace. L'invocation de cet article se fondait sur des raisons financières, même s'il est choquant que le coût de ce qui est la règle soit tel que cela permette l'invocation de l'article 40. Il reste que les locaux utilisés pour les gardes à vue doivent être contrôlés.
Je me souviens que la commission des lois avait désigné une mission. Nous avions vu notamment un enfant de seize ans qui n'avait pas encore dîné à vingt-trois heures, alors qu'il était en garde à vue depuis l'après-midi. Il y avait à l'époque une grève totale des transports publics à Paris, et peu de monde était en garde à vue.
D'aucuns prétendent que, si le parlementaire connaît le gardé à vue, des contacts très regrettables risquent de s'établir. Pour ma part, je trouve regrettable que l'on puisse tenir de tels propos !
Il est évident qu'un parlementaire agit en qualité de parlementaire. On ne s'est jamais posé la question de savoir si certains policiers ou certains gardiens de prison étaient des amis ou des camarades de personnes gardées à vue ou emprisonnées. La garde à vue ou la prison sont des privations de liberté. Dans les deux cas, il est sain, enrichissant, salutaire qu'un parlementaire du département - cette disposition se limite en effet aux parlementaires du département - puisse se rendre sur place et observer ce qui se passe aussi bien en prison - beaucoup en parlent souvent sans vraiment savoir ce que c'est - que dans les locaux de garde à vue.
Telle est la philosophie de l'amendement n° 71, qui ne fait que compléter, heureusement, nous semble-t-il, les dispositions déjà fort opportunes arrêtées par l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission est perplexe, et finalement hostile à cet amendement.
Tout d'abord, il faut cadrer le droit de visite reconnu aux parlementaires dans les principes constitutionnels généraux.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Le Parlement a un droit de contrôle en tant que Parlement.
M. Jean-Jacques Hyest. Exactement !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Autant que je sache, il n'existe pas dans la Constitution un principe particulier définissant les droits des parlementaires,...
M. Jean-Jacques Hyest. Il n'y en a aucun !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... leur reconnaissant le droit de contrôler ceci ou de faire cela.
Nous sommes là dans une matière d'ordre constitutionnel ou quasi constitutionnel. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Il faut donc adopter une démarche extrêmement prudente. En effet, lorsque l'on commence à faire la liste des endroits où les parlementaires peuvent aller, on n'en finit pas. On peut penser qu'il leur faut aller dans des services publics divers, dans les commissariats de police, etc. On n'en sort pas ! Il y a là une pente qui nous paraît appeler à tout le moins une réflexion plus approfondie que ne le permet l'examen de ce texte.
L'Assemblée nationale a admis cette autorisation de visite pour les établissements pénitentiaires. La commission est d'accord sur ce point, mais elle ne pense pas que l'on puisse aller au-delà, pour les raisons que je viens d'indiquer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les locaux de garde à vue ne sont-ils pas des locaux de détention ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cela nous paraît en effet devoir appeler une réflexion plus approfondie. Transférer le pouvoir de contrôle, qui appartient au Parlement, aux parlementaires pris individuellement nous semble quelque peu hasardeux.
Cela étant, nous nous doutons tous, bien sûr - il faut y être allé pour le savoir - que les locaux de garde à vue posent des problèmes graves. Je crois d'ailleurs savoir que vous n'y êtes pas indifférente, madame la garde des sceaux, et que vous vous êtes souciée de cette question assez récemment. Tout cela est effectivement grave, et les moyens d'améliorer la situation doivent être recherchés. On les cherche d'ailleurs, je crois, mais il y a probablement pour beaucoup des problèmes de financement.
En tout cas, je ne crois pas ce soit par la création d'un droit exorbitant de visite pour les parlementaires que l'on résoudra en réalité le problème.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les parlementaires peuvent donner l'alerte !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Telles sont toutes les raisons pour lesquelles la commission des lois regrette de ne pouvoir émettre un avis favorable sur l'amendement n° 71.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je comprends, évidemment, les objectifs de cet amendement, qui tend à renforcer le contrôle parlementaire sur les institutions dont la mission est d'exercer la contrainte en exécution et sous le contrôle de la justice. C'est le cas des établissements pénitentiaires, c'est le cas de la garde à vue.
J'avais toutefois fait part de mes réserves devant l'Assemblée nationale en ce qui concerne la possibilité donnée aux parlementaires de visiter à tout moment les établissements pénitentiaires.
Le texte a été adopté sur ce point. Je ne souhaite pas sa suppression.
La visite des locaux de garde à vue soulève toutefois, me semble-t-il, certaines difficultés particulières.
La première est, bien évidemment, celle de la séparation des pouvoirs.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est évident !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Mais il convient également d'avoir présentes à l'esprit la règle du secret de l'enquête et de l'instruction, et celle de la présomption d'innocence.
Il est difficilement imaginable, au regard de ces règles, qu'un parlementaire rencontre une personne gardée à vue à l'occasion de sa visite des locaux.
Il est difficile aussi de concevoir, sur le plan de la sécurité, qu'un parlementaire, par exemple, visite un commissariat alors que, dans le cadre d'une enquête concernant des infractions qui ont été commises sur sa commune et qui ont gravement troublé l'opinion publique - par exemple des violences urbaines - plusieurs personnes y sont en garde à vue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est officier de police judiciaire !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ajoute que le contrôle - les contrôles - de la garde à vue sont largement renforcés par les projets de loi en cours d'examen. J'attire votre attention sur ce point.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses améliorations, que vous connaissez, qui figurent dans le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence. Je pense notamment à la disposition relative à l'avocat dès la première heure.
Je souhaite évoquer également la commission nationale de déontologie de la sécurité, qui comprendra parmi ses membres un député et un sénateur, commission qui est instituée par un projet de loi adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et que le Sénat examinera bientôt. C'est mon collègue Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, qui le défendra devant vous.
Je crois vraiment que, sur un sujet aussi complexe, qui met en jeu des principes aussi cardinaux dans une démocratie, la réflexion doit être approfondie.
C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 71.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Mme le garde des sceaux a dit que l'amendement, mais aussi, et surtout, l'article voté par l'Assemblée nationale posent un problème constitutionnel. Il n'y a aucun pouvoir pour un parlementaire en tant que tel d'interférer dans l'administration. C'est un principe absolu. Imaginez un peu : on pourrait étendre cela à tous les services publics !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et alors ?
M. Jean-Jacques Hyest. Cela ne correspond pas à nos principes constitutionnels !
Le Parlement doit contrôler l'administration, mais c'est le Parlement qui désigne les membres chargés de contrôler : les rapporteurs budgétaires, les commissions d'enquête. Ce n'est certainement pas un parlementaire pris individuellement qui a des pouvoirs d'enquête ou de contrôle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si la loi les lui donne ?
M. Jean-Jacques Hyest. Non, parce que c'est contraire à nos principes constitutionnels !
Les auteurs de l'amendement n° 71, en proposant l'extension aux locaux de garde à vue du contrôle des députés et sénateurs, se situent dans la logique de la rédaction adoptée par les députés. Mais, pour ma part, je suis contre cette dernière ! Pour moi, les centres de détention ou les maisons d'arrêt, c'est pareil !
Je voterai donc contre l'amendement n° 71.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, il est dix-neuf heures quarante, et il nous reste trois amendements, dont deux très importants, et un sous-amendement à examiner.
Je vous invite donc à faire preuve de concision, sans pour autant, bien sûr, négliger le débat de fond, si vous souhaitez achever l'examen de ce texte à une heure raisonnable. Sinon, je serai dans l'obligation de suspendre nos travaux pour les reprendre après le dîner. Je n'en dis pas plus, la décision vous appartient, mes chers collègues.

Articles additionnels après l'article 11