Séance du 3 novembre 1999







M. le président. Par amendement n° 1, M. Souvet, au nom de la commission, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les organisations syndicales d'employeurs et les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont appelées à participer à une conférence nationale sur le développement de la négociation collective ayant pour objet d'étendre le champ de la négociation collective, de promouvoir à travers des moyens adaptés la négociation collective dans les PME et d'améliorer la représentation des salariés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales du Sénat a toujours été favorable à une réduction négociée du temps de travail. Elle avait encouragé les partenaires sociaux dans leur démarche de 1995. Elle avait accepté la validation du mandatement prévu par cet accord et participé à la rédaction de la loi Robien du 11 juin 1996.
Lors de la discussion de la loi du 13 juin 1998, le Sénat avait voté les propositions de la commission qui prévoyaient une incitation à la réduction du temps de travail sous la forme d'une aide s'inspirant du barème de la loi Robien reprofilée.
Aujourd'hui, le Gouvernement justifie le recours à l'abaissement de la durée légale du travail par la faiblesse de la négociation collective sur le thème de la réduction du temps de travail jusqu'en 1998.
Cette faiblesse, atténuée par la mise en oeuvre de la loi Robien, est une réalité. Elle trouve ses origines dans la faiblesse de la représentation syndicale dans les petites entreprises, dans l'étroitesse du champ de la négociation collective et dans la faible participation des salariés à l'exercice de leur droit syndical.
Si l'on souhaite éviter que la loi ne se substitue à l'initiative des partenaires sociaux dans la définition des rapports de travail, il est donc devenu nécessaire d'entreprendre une profonde réforme de la négociation collective qui permette d'assurer l'application effective du huitième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, qui dispose : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. »
Cette réforme de la négociation collective doit tenir compte de l'évolution de la société et de l'économie.
Dans le rapport conjoint sur l'emploi pour 1999, la Commission européene considère que l'approche en partenariat doit être davantage développée, soulignant combien les partenaires sociaux jouent un rôle capital dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique du marché du travail sur le plan tant national que local.
Elle conclut qu'il est essentiel qu'ils soient impliqués à tous les niveaux dans le processus de l'emploi afin de canaliser les changements structurels dans le sens d'une amélioration de la qualité et de la quantité de l'emploi.
Pendant longtemps, le droit du travail s'est limité à édifier une législation protectrice des salariés, selon le fameux principe de la « crémaillère ». Cette conception a été doublement remise en cause, d'abord par la crise économique, qui a limité les marges de manoeuvre des entreprises, ensuite par le développement des nouveaux modes d'organisation des entreprises qui font appel à une forte implication des personnels. Dans ce nouveau cadre, les salariés sont à même de négocier leur participation active au fonctionnement de l'entreprise, pour autant qu'ils disposent des outils adéquats, comme le recours au délégué du comité d'entreprise, au mandatement voire au référendum lorsqu'ils en conservent la maîtrise.
Comme le déclarait M. Jacques Barrot à l'Assemblée nationale : « Le véritable enjeu pour l'avenir, c'est de favoriser un droit de la durée du travail de nature conventionnelle, où la loi ne soit que subsidiaire. Pour cela, il faut impérativement favoriser la signature d'accords d'entreprise, qui se heurtent aujourd'hui à des obstacles tantôt formels - il s'agit des modalités - tantôt matériels, la sous-représentation syndicale, qui freinent leur développement. La loi, au lieu de fixer le contenu des accords, doit faciliter leur émergence en formant leurs modalités. »
La question qui se pose aujourd'hui est celle d'une extension du champ d'application de la négociation collective, bien plus que celle du recours à la loi. L'enjeu est donc considérable, puisqu'il s'agit de revenir sur la légitimité des auteurs de la négociation.
Nul n'est mieux à même que les partenaires sociaux pour aborder les questions délicates de la représentation collective et de l'extension du champ de la négociation. C'est pourquoi la commission, du moins dans sa majorité, propose un amendement très important tendant à convoquer une conférence nationale relative au développement de la négociation collective. Cette conférence aurait trois objectifs principaux : étendre le champ de la négociation collective, promouvoir, à travers des moyens adaptés, la négociation collective dans les PME et, enfin, améliorer la représentation des salariés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement souscrit, bien évidemment, au souhait d'associer à ces démarches les partenaires sociaux, d'étendre le champ de la négociation collective et d'améliorer la représentation des salariés.
Il a d'ailleurs le sentiment d'avoir contribué à dynamiser la négociation collective, notamment sur la durée du travail. En témoigne largement le bilan que nous avons d'ailleurs dressé devant la commission nationale de la négociation collective, en juin dernier, celui que nous dresserons en juin prochain le confirmera, j'en suis sûre.
Le Gouvernement n'est pas favorable à la constitution d'une instance particulière qui se substituerait d'ailleurs, par ses objectifs et par ses missions, à la commission nationale de la négociation collective. Il est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous voterons contre cet amendement en trompe-l'oeil, un amendement à l'apparence trompeuse qui propose une fausse solution à un vrai problème.
Tout d'abord, nous lui reprochons de remettre éventuellement en cause la commission nationale de la négociation collective. Or, je le rappelle, c'est un des points auxquels les partenaires sociaux sont très attachés.
Certes, le dispositif proposé repose sur la constatation de vrais problèmes.
Aujourd'hui, la participation des salariés à l'exercice du droit syndical et aux décisions de l'entreprise est une réalité de notre pays, mais elle reflète le taux de syndicalisation. Cependant, la création d'une conférence nationale sur le développement de la négociation collective a bien plus de conséquences qu'il n'y paraît.
Permettez-moi de citer M. Barrot parlant de l'accord : « il est indispensable que, sous une forme ou sous une autre, il recueille l'assentiment de la majorité des personnels de l'entreprise. » M. Barrot relevait une deuxième contrainte, l'insuffisance, dans certaines entreprises, de la représentation syndicale. « Pour tenir compte de ces deux contraintes, ajoutait-il, il serait souhaitable d'imaginer d'autres conditions de validité d'un accord d'entreprise en rendant possible simultanément, et pour toutes les entreprises, plusieurs manières de procéder ».
C'est sur le fond que nous ne sommes pas d'accord. Nous faisons confiance à la loi. L'expérience de la première nous donne raison. Nous sommes donc fermement opposés à cet amendement.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le rapporteur, nous vous connaissons et nous vous estimons. C'est pourquoi nous pensons que vous valez mieux que cette sorte d'amendement, qui n'est qu'un leurre.
En effet, nous nous demandons d'où vous tirez ce besoin de créer une conférence nationale sur le développement de la négociation collective, que personne ne demande, alors qu'existe une commission nationale de la négociation qui fonctionne déjà ? Négocier pour négocier sur ce qu'il y aura à négocier, ma foi, c'est original !
Je n'aurai pas la placidité de ceux qui m'ont précédé. En effet, si je reconnais un revirement de doctrine sur ce point dans cette assemblée, puisque j'ai participé avec quelques autres ici, de très près à la discussion de la loi dite pour l'emploi de M. Balladur, où vous ne souteniez pas du tout ces thèses-là, je ne peux m'empêcher de vous dire que si, à l'époque, nous militions si ardemment pour qu'il y ait au moins des négociations, puisque vous ne vouliez pas de la loi, au moment où une loi prévoit des négociations, vous, vous proposez de négocier sur ce qu'il y a négocier.
Je veux toutefois vous apaiser, dans l'hypothèse où vous seriez inquiets.
Je vous ferai observer que le projet de loi qui nous est soumis prévoit de multiples dispositions de nature à développer la négociation dans les entreprises et à garantir l'approbation ou le refus des salariés sur ce qui leur sera proposé ; il en est de même dans les PME.
Nous entendons également vous rappeler, pour le cas où vous l'auriez oublié, que, avant ce dispositif étrange de conférence nationale, vous disposez déjà dans le code du travail de moyens pour qu'une représentation des salariés soit possible dans toutes les entreprises, y compris dans celles qui comptent moins de onze salariés où rien n'a jamais interdit la représentation du personnel. Mais, évidemment, nous butons là sur une difficulté : dans combien d'entreprises cela s'est-il concrétisé ? Combien d'entreprises de plus de cinquante salariés sont-elles encore dépourvues de comité d'entreprise au mépris de la loi ? Vous voyez qu'il y a plus urgent, déjà faire respecter la loi avant d'imaginer - on n'ose plus parler dans cette enceinte d'usines à gaz puisque nous en sommes déjà largement pourvus par vos interventions - un instrument aussi étrange que celui-ci. Combien de fois nous a-t-on dit que les entreprises contournent le seuil de cinquante salariés par la création d'établissements secondaires car le passage à cinquante salariés génère, pour elles, de redoutables complexités administratives ?
Bref, cet amendement ne peut pas recueillir notre assentiment. Des instruments légaux existent pour négocier. Une loi prévoit des cadres pour cela. Je dois tout de même vous faire une ouverture : si vous voulez développer les pouvoirs des comités d'entreprise et les possibilités d'étendre la représentation des délégués, nous sommes à votre disposition, notamment si vous voulez abolir les dispositions de la « loi Balladur » qui restreignent cette représentation. (Mme Danièle Pourtaud applaudit.)
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. J'exprimerai bien sûr un avis différent.
Ce premier amendement de la commission des affaires sociales va dans le bon sens, en prenant le parti de remettre les choses dans le bon ordre.
Ainsi que nous l'avions déjà clairement formulé au cours de la discussion générale, mes collègues du groupe du RPR et moi-même ne sommes pas opposés à la réduction du temps de travail.
Dans bon nombre de situations, la réduction du temps de travail peut être une réponse à des questions humaines touchant aux aspirations des salariés, comme à la nécessité de la réorganisation de l'activité d'une entreprise.
Mais, encore une fois, et nous n'aurons de cesse de le rappeler tout au long de l'examen des articles de ce projet de loi, nous sommes mille fois opposés à la méthode préconisée.
La méthode autoritaire ne répond pas aux questions qui se posent au sein de chaque cellule de vie qu'est une entreprise.
Si le postulat est juste, les réponses apportées sont mauvaises.
Oui, la faiblesse de la négociation collective a pour conséquence la non-mise en oeuvre de l'abaissement de la durée du temps de travail dans les entreprises.
En soi, cette affirmation est juste et nous ne vous contredirons pas sur ce point.
En revanche, ce qui nous choque profondément, c'est la réponse que vous apportez pour remédier à cette carence : puisque la négociation collective est insuffisante, qu'importe, nous passerons outre pour faire ce qu'elle aurait dû faire.
C'est là que nous divergeons profondément, madame le ministre.
Pour ce qui nous concerne, nous considérons que, si la négociation collective est insuffisante, il faut lui donner les moyens de s'épanouir, et ne pas la réduire plus encore.
Vous prenez le problème à l'envers en passant par dessus le dialogue social. S'il ne suffit pas, il faut alors lui donner plus de moyens, et certainement pas le bâillonner sous prétexte qu'il est muet.
La loi de Robien avait dans un premier temps, certes de manière partielle, atténué la faiblesse du dialogue social.
Mais le problème de fond est que la faiblesse du dialogue social en France est due à la faiblesse de la représentativité syndicale, par rapport à nos partenaires européens.
Ainsi, plutôt que de bâillonner les acteurs sociaux, il faut tout faire pour leur rendre la parole.
C'est pourquoi, avec M. le rapporteur, nous souhaitons entreprendre une profonde réforme de la négociation collective.
Nous souhaitons la tenue d'une conférence nationale sur le développement de la négociation collective.
Cette conférence nationale aura pour objet de permettre aux organisations syndicales d'employeurs et de salariés de se réunir pour promouvoir la négociation collective, notamment au sein des PME, qui souffrent souvent de sous-représentativité.
Cette conférence nationale aura pour mission de trouver les réponses adéquates pour un renouveau de la négociation sociale au sein de l'entreprise.
C'est par cette voie, et par cette voie seule, que la modernisation de l'entreprise et la réduction du temps de travail pourront s'effectuer.
Elles seront en effet le fruit d'un travail de dialogue entre partenaires sociaux avançant vers un même objectif.
La seule solution qui vaille, c'est de redonner toute sa place au dialogue social en refusant toute initiative d'en haut se substituant à la réalité du terrain.
La seule solution qui vaille, c'est d'améliorer la représentativité des salariés.
Mes chers collègues, je conclurai en citant, ce que je n'ai pas l'habitude de faire, M. le Premier ministre. Le 17 juin 1997, lors de sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale, celui-ci déclarait : « Ce à quoi aspirent les syndicats, c'est d'obtenir par eux-mêmes les acquis sociaux qu'ils souhaitent, et non pas les obtenir par en haut comme des offrandes accordées. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et sur plusieurs travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Il fallait le faire quand vous étiez au pouvoir !
M. Jean Chérioux. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les clauses des conventions ou accords collectifs étendus ou des accords d'entreprise ou d'établissement conclus en application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, sous réserve des prescriptions de l'article 6 du code civil, continuent à produire leur effet jusqu'à la conclusion d'un accord collectif s'y substituant ou, à défaut, jusqu'à leur terme dans la limite de cinq ans après la date de promulgation de la présente loi. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 58, présenté par MM. Gournac, Esneu, Jourdain, Lassourd, Mme Olin, MM. Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, et tendant, à la fin du texte proposé par l'amendement n° 2, à supprimer les mots : « dans la limite de cinq ans après la date de promulgation de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Louis Souvet, rapporteur. Chacun l'aura compris, cet amendement ne vise pas à revenir sur l'ordre public social absolu, contrairement à ce qui a pu être dit tout à l'heure, madame le ministre.
La loi du 13 juin 1998 invitait les partenaires sociaux à anticiper la réduction du temps de travail en définissant les modalités d'application adaptées pour la négociation collective.
Comme le reconnaît le paragraphe II de l'article 14 du projet de loi, qui prévoit une validation partielle des accords contraires au projet de loi pour une durée d'un an, certaines des dispositions des accords de branche ou des accords d'entreprise conclus en application de la loi du 13 juin 1998 se trouveraient en contradiction avec le texte s'il était finalement voté dans la version retenue par l'Assemblée nationale en première lecture.
En effet, les branches ou les entreprises signataires de ces accords se trouveraient placées devant l'alternative suivante : ou bien renégocier leurs accords pour les mettre en conformité avec la loi, ou bien considérer les dispositions non conformes à la loi comme caduques et ne pas les appliquer, mais c'est alors tout l'équilibre de ces accords qui pourrait, bien sûr, s'en trouver compromis. En effet, ces dispositions sont partie intégrante d'un ensemble et contribuent à son équilibre, chacune des parties signataires s'étant déterminée au vu de l'ensemble des mesures adoptées.
On peut, à titre d'exemple, citer quatre catégories de dispositions figurant dans les accords et qui risquent de devenir illégales.
La première, ce sont les dispositions qui n'intègrent pas dans le temps de travail effectif le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par la réglementation, le règlement intérieur ou le contrat de travail, celles qui n'intègrent pas dans le temps de travail effectif les pauses, lorsque le salarié est à la disposition de l'employeur et ne peut pas vaquer à des occupations personnelles.
La deuxième catégorie, ce sont les dispositions qui soumettent les salariés à un aménagement de leur temps de travail sans leur offrir des contreparties pertinentes et proportionnelles aux sujétions professionnelles et personnelles imposées. Il en est ainsi de tous les accords qui ont prévu un aménagement de la durée du travail, notamment sous forme de modulation ou de travail en cycle.
La troisième catégorie, ce sont les dispositions qui prévoient une durée annuelle de travail supérieure au plafond de 1 600 heures. Nombre d'accords fixent cette durée au-delà de 1 600 heures, comme dans le négoce alimentaire, le plus souvent autour de 1 645 heures. C'est le cas du BTP, de la chimie et de l'UIMM. Ces heures accomplies au-delà de 1 600 heures devront être rémunérées en heures supplémentaires. A cette occasion, il convient de souligner que les accords de branche qui se contentent de faire référence à la durée hebdomadaire du travail calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives - actuellement 46 heures - devront être renégociés. En effet, cette durée ne pourra pas, désormais, dépasser 44 heures, sauf si un accord de branche porte cette durée à 46 heures.
La quatrième et dernière catégorie, ce sont les dispositions qui prévoient des forfaits sans référence horaire. La première catégorie de cadres exclue de la réglementation de la durée du travail est encadrée de façon si restrictive par le projet de loi voté par l'Assemblée nationale que quasiment tous les accords de branche ayant prévu une catégorie de personnels relevant d'un régime de forfait sans référence horaire devront être renégociés. C'est le cas du sucre, du négoce alimentaire, du BTP et de l'UIMM. Sont le plus souvent visés dans les accords tout le personnel de l'encadrement : le personnel d'encadrement exerçant des fonctions de management élargies, libre et indépendant dans la gestion de leur temps pour remplir la mission qui est confiée, tous les salariés relevant de la convention collective « ingénieurs et cadres » ainsi que les salariés non cadres au sens des conventions collectives, c'est-à-dire les commerciaux, les cadres en raison de l'autonomie et de la capacité de délégation attachées à leur fonction ou de l'autonomie résultant de leur grande expertise.
La commission estime que le Gouvernement a pris un engagement voilà dix-huit mois vis-à-vis des partenaires sociaux en leur demandant, en particulier, d'innover et qu'il convient aujourd'hui de le respecter. Aussi, elle vous propose d'adopter cet amendement, qui a pour objet de valider les accords conclus pour une durée maximale de cinq ans dans la mesure où ils ne comprennent pas de dispositions contraires à l'ordre public social absolu.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter le sous-amendement n° 58.
M. Alain Gournac. Ce sous-amendement a pour objet de rendre cohérente notre logique.
L'amendement de la commission tend à valider les accords conclus pour une durée maximale de cinq ans dans la mesure où ils ne comprennent pas de dispositions contraires à l'ordre public social, ce qui est tout à fait normal.
Nous comprenons la logique de concertation de la commission, qui a souhaité faire la moitié du chemin en espérant que le Gouvernement effectue ensuite l'autre moitié.
Reprenons le problème à son début. Le Gouvernement souhaite ne pas valider les accords.
Le paragraphe II de l'article 14 précise à ce sujet que, à l'exception des dispositions contraires à l'ordre public social absolu, les clauses des accords conclus en application de la première loi Aubry contraires aux dispositions de la présente loi ne continueraient à produire leurs effets que durant une période d'un an après l'entrée en vigueur de la présente loi.
La commission propose donc de laisser plus de temps aux branches et aux entreprises pour rebondir face à cet autoritarisme, en fixant le seuil à cinq ans.
Pour notre part, nous nous refusons à nous inscrire dans cette logique.
Un accord est soit bon, soit mauvais.
S'il est mauvais, c'est qu'il est contraire à l'ordre public social absolu, et il est alors légitime qu'il ne soit pas validé.
Dans tous les autres cas, il est bon, puisqu'il est le fruit du dialogue social et a été signé par les partenaires sociaux.
Nous ne voyons donc aucune raison pour laisser aux entreprises un délai de cinq ans pour signer de nouveaux accords si ceux-ci sont bons. Si ceux-ci sont légitimes, ils ne souffrent aucun délai. Ils doivent alors tout bonnement être validés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 58 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Les auteurs de ce sous-amendement ont souhaité supprimer la limite de cinq ans à la validation des accords, retenue par la commission ; je comprends ce souci. Si un accord a été négocié, il doit être reconnu.
Cependant, la commission considère que le délai de cinq ans devrait être maintenu pour des raisons pratiques, afin de ne pas favoriser la confusion entre les règles de droit applicables. On peut imaginer par ailleurs que le délai de cinq ans est suffisant pour permettre un rapprochement de la loi et des textes conventionnels.
J'invite donc les auteurs du sous-amendement à retirer ce dernier, leur préoccupation me semblant déjà être prise en compte par l'amendement n° 2 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 et sur le sous-amendement n° 58 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai été amenée à répondre tout à l'heure sur le fait que les accords de branche, comme les accords d'entreprise, seront applicables si le projet de loi tel qu'il existe aujourd'hui est voté.
J'avais fait part des trois points sur lesquels nous avions prévu des exclusions : le travail le dimanche, l'extension du forfait à des agents de maîtrise et la formation d'adaptation sur le poste de travail, point que, d'ailleurs, M. le rapporteur n'a pas relevé comme choquant. Je voudrais donc revenir sur les exemples qu'il a cités.
En dehors de la question du temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage, temps qui a été inclus par l'Assemblée nationale dans le travail effectif à la suite de l'adoption d'un amendement, ce qui pose problème dans certaines professions - je pense notamment au secteur agro-alimentaire, que nous sommes en train d'étudier - le texte de loi ne modifie en rien la réalité, puisqu'il reprend essentiellement une jurisprudence constante selon laquelle est considéré comme temps de travail le temps pendant lequel le salarié peut à tout moment être appelé à travailler et ne peut pas vaquer à ses occupations, ce qui inclut éventuellement le temps de restauration ou de pause. Il n'y a donc rien, dans la définition du travail effectif, en dehors du point que j'ai soulevé, qui puisse poser problème à des accords précédents.
De la même manière, monsieur le rapporteur, vous avez signalé les modulations du travail en cycle. C'est totalement repris dans l'article 3 du projet de loi.
Vous avez également soulevé la question de la durée maximale du travail, c'est-à-dire le dépassement des 1 600 heures. Comme vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, monsieur le rapporteur, le fait que certains accords dépassent la durée de 1 600 heures retenue par le projet de loi comme la durée moyenne annuelle de travail ne les empêche pas de s'appliquer. Ces accords sont d'ailleurs très peu nombreux, puisque seuls 7 % des salariés sont concernés par eux. En outre, 5 % de ces 7 % de salariés ont des durées de travail de 1 600 à 1 603 heures, ce qui signifie que l'employeur, s'il ne souhaite pas renégocier sa convention, aura simplement à payer trois heures supplémentaires dans l'année. On ne peut donc pas dire que cette disposition n'est pas applicable.
Il en est de même pour les quelques cas très rares dans lesquels la durée maximale annuelle est de 1 645 heures : il s'agit en fait de conventions qui ont prévu que les jours fériés pouvaient ne pas être considérés comme des temps chômés. Là aussi, ces quarante-cinq heures peuvent tout à fait perdurer et être payées en heures supplémentaires si la branche ne souhaite pas renégocier. Il n'y a donc aucun problème pour que les conventions soient applicables.
J'en viens aux durées maximales. Comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, le projet de loi tel qu'il a été voté prévoit une durée maximale de travail de quarante-quatre heures sur douze semaines consécutives. Mais il prévoit également que les secteurs peuvent, après une convention collective étendue, être autorisés à y déroger. Cela veut bien dire que la loi prévoit des possibilités dans des cas exceptionnels ; à cet égard, nous pensons essentiellement au secteur agro-alimentaire - sucre, cultures diverses et variées, conserves - pour lequel existent des problèmes saisonniers liés au climat. Ainsi, il sera possible de déroger par convention collective reprise par décret.
De la même manière, en ce qui concerne le forfait, le projet de loi, faisant d'ailleurs largement référence aux conventions collectives et renvoyant à ces dernières pour définir ces catégories, rend applicables les accords signés et étendus. Je n'en connais aucune exception.
Vous avez fait part de l'accord de l'UIMM. Cet accord s'est situé volontairement en dehors de la loi et a prévu des salaires au forfait pour des agents de maîtrise pouvant gagner 11 000, 12 000 ou 13 000 francs par mois. Là encore, si le Sénat souhaite que, en France, ces personnes gagnant 11 000, 12 000 ou 13 000 francs par mois n'aient plus de durée maximale de travail, plus de contrôle de leurs horaires, il faut le dire ! En tout cas, ce n'est pas la conception du Gouvernement.
Sur ce point effectivement, et parce qu'il y a un désaccord, l'accord n'a pas été étendu ; je souhaite donc vivement que la métallurgie, qui est un secteur très important, reprenne ses négociations pour que nous puissions rapidement étendre cet accord, après modification.
Je crois avoir répondu à chacun de vos points, monsieur le sénateur. Il n'y a donc pas nécessité de sécuriser les accords de réduction du temps de travail. Les accords, tels qu'ils ont été signés, sauf dans les quelques cas où ils portent atteinte à l'ordre public, sont aujourd'hui étendus et applicables.
Je me permets de dire qu'à partir du moment où nous sommes au Parlement, je trouve normal que des accords - la convention collective est la base même du code du travail - respectent les lois. Vous avez vu que les quelques points que j'ai soulevés sont des lois bien antérieures à la loi sur la réduction de la durée du temps de travail.
Je ne pense pas souhaitable, pour le repos dominical, par exemple, que, à l'occasion de la réduction de la durée du travail, nous revenions sur ces clauses existant dans notre code du travail depuis de multiples années.
En résumé, le Gouvernement se prononce contre l'amendement n° 2 et le sous-amendement n° 58.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 58.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'amendement proposé par la commission des affaires sociales vise à valider les accords conclus, en application de la loi du 13 juin 1998, pour une durée maximale de cinq ans, y compris les accords que le ministère a refusé d'agréer.
Sans vouloir polémiquer ni accuser la majorité sénatoriale d'être la courroie de transmission du MEDEF,...
M. Alain Vasselle. S'il y a des accords, c'est bien que des syndicats ont négocié ! Il n'y a pas que le MEDEF !
M. Guy Fischer. Mais, écoutez...
M. le président. Monsieur Fischer, ne répondez pas à ceux qui essaient de vous interrompre !
M. Guy Fischer. Cela ne me dérange pas, monsieur le président. D'ailleurs, je crois avoir touché juste, puisque je déclenche des réactions !
M. Alain Gournac. L'objectivité a du bon !
M. Jean Chérioux. A l'impossible, nul n'est tenu !
M. Guy Fischer. Je disais donc que, sans vouloir polémiquer, je ne peux m'empêcher de relever la similitude manifeste entre cette proposition et une critique majeure faite au texte de cette deuxième loi par Ernest-Antoine Seillière.
Une des dix bonnes raisons avancées par le patronat pour dire « non » au texte est que celui-ci remettrait en cause des accords de branche conclus. En niant les résultats de ces négociations, votre projet, madame la ministre, « casserait le dialogue social et créerait une grande incertitude pour les entreprises et les salariés ».
M. Alain Vasselle. Il a raison !
M. Guy Fischer. Comment prendre au sérieux cet attachement soudain du MEDEF au dialogue social qu'il préfère avoir avec des syndicats minoritaires - je pense à l'accord UIMM - ou au paritarisme, alors qu'il agite constamment la menace de retrait définitif des organismes sociaux ?
Aujourd'hui, nous savons que les organismes sociaux ne seront pas mis à contribution pour financer les 35 heures. Pour autant, le MEDEF réserve encore sa réponse, pose encore des conditions et continue encore son chantage.
Mais quels sont les « acquis » des premières négociations, chers à certains dirigeants d'entreprise ? Des contingents annuels d'heures supplémentaires démesurés, une annualisation de plein droit comme certaines branches le prévoient, le travail le dimanche, la formation professionnelle sur le temps libre du salarié.
Nous n'avons assurément pas la même appréciation. Ce qui représente un acquis pour certains ne l'est pas nécessairement pour les salariés. En l'espèce, ces dispositions constituent de véritables atteintes au droit social. Il n'y a aucune raison qu'elles demeurent applicables ou que la loi ne s'en inspire.
L'article 14 du projet de loi valide les stipulations des conventions ou accords conclus en application de la première loi conformes aux dispositions de la présente loi. Cela représente 98 % des accords conclus, comme vient de le préciser Mme la ministre. Les autres auront un an pour renégocier les dispositions contraires à cette seconde loi - cela concerne très peu d'entreprises - exception faite des dispositions relatives aux heures supplémentaires.
Et vous considérez, monsieur le rapporteur, que ce n'est pas assez, que le texte n'est pas assez favorable ? Vous l'aurez compris, nous n'accepterons pas de faire de la validation de dispositions contraires à l'ordre public social une condition d'acceptation de cette loi ! Par conséquent, nous voterons contre le sous-amendement n° 58 et l'amendement n° 2.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je voudrais simplement faire remarquer à mon collègue M. Fischer que c'est non pas le rapporteur mais la commission qui « considère ».
M. Guy Fischer. Excusez-moi, monsieur le rapporteur. Mais vous savez bien qu'il n'y avait de ma part aucune volonté de personnaliser le débat.
M. Alain Gournac. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Après les arguments développés, non par Mme la ministre, mais par M. le rapporteur, je retire le sous-amendement n° 58.
M. le président. Le sous-amendement n° 58 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. La discussion de cet amendement montre bien les clivages : on a, d'une part, un gouvernement et une majorité plurielle qui veulent tout faire figurer dans la loi et qui autorisent une négociation, mais en l'encadrant dans des limites extrêmement étroites (Protestations sur les travées socialistes), et, d'autre part, une majorité du Sénat qui souhaite que les dispositions des accords signés en application de la loi du 13 juin 1998, qui ne sont pas contraires à l'ordre public social, bien évidemment - c'est inscrit dans le texte - soient validées et qu'un délai de renégociation soit donné. Je trouve que le délai d'un an que prévoit le projet de loi est beaucoup trop court, compte tenu de ce que nous pouvons savoir des habitudes de négociation.
Par conséquent, il me semble, madame la ministre, que vous pourriez accepter cet amendement. Il donnerait la preuve que le Gouvernement, comme l'ensemble du Parlement, croit à la négociation entre les partenaires sociaux. (M. Alain Gournac fait un signe d'assentiment.)
Il me semble tout de même que deux points ont été négligés dans le débat jusqu'à maintenant.
Premier point : ces accords dont nous parlons ont été signés non pas uniquement par des chefs d'entreprise ou par des organisations patronales, mais aussi par des organisations syndicales. Or c'est, me semble-t-il, faire peu de cas de ces dernières et du dialogue social que de dire que c'est le ministère qui décidera si telle clause est bonne ou pas. Cela me paraît contradictoire avec la finalité du dialogue social ! (M. Jean Chérioux acquiesce.)
Deuxième point : un certain nombre d'accords ont été signés. Je pense, par exemple, à l'affaire du travail le dimanche, dans laquelle on s'est préoccupé non pas seulement des conditions de vie des salariés du secteur, mais aussi de l'ensemble des consommateurs. En effet, notre société - il suffit de parcourir l'Europe pour s'en persuader - n'évolue pas dans le sens de ce qu'a connu la Suède voilà vingt ans, dans les bonnes années social-démocrates, époque à laquelle tout commerce était interdit le samedi à partir de dix-sept heures, tous les magasins étaient fermés le dimanche, et toute activité, y compris de transport, cessait.
On doit aussi, au Parlement, s'occuper des citoyens et des consommateurs.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. A rester dans une logique strictement corporatiste à l'intérieur d'un certain nombre de professions, nous passons à côté de l'objectif.
Ce sont les deux raisons pour lesquelles j'appuierai l'amendement n° 2.
Je remercie M. Gournac d'avoir retiré son sous-amendement n° 58 parce que, pour le coup, il allait un peu loin. (M. Alain Gournac sourit.) Par conséquent, il me paraît que l'amendement de la commission est un bon élément de transaction entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale.
M. Jean Chérioux. Très bien !
Mme Nelly Olin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Madame le ministre, avec cet amendement de la commission, nous touchons peut-être là l'un des points les plus épineux du projet de loi que vous nous soumettez. En, effet, il concerne l'épée de Damoclès que vous maintenez au-dessus de la tête des partenaires sociaux concernant la validation des accords conclus.
Lors de l'examen de votre première loi, vous nous assuriez que votre objectif était non pas d'imposer la réduction du temps de travail, mais de laisser les partenaires sociaux la mettre en oeuvre.
Déjà, à l'époque, nous nous insurgions contre le fait que cesdits partenaires avaient très peu de marge de manoeuvre, puisqu'ils devaient se maintenir dans le couloir étroit de dispositions fort restrictives qui figuraient dans le corps de votre projet de loi.
Les partenaires sociaux ont joué pour la plupart le jeu de la négociation et sont arrivés souvent à des accords.
Ces accords, madame le ministre, même s'ils ne vous conviennent pas, ont été signés par les partenaires sociaux. Personne n'a forcé la main aux syndicats représentatifs des salariés pour les signer. Pourtant, ceux-ci ont bel et bien été signés dans pas moins de 118 branches.
Peut-être l'ont-ils été parce que les syndicats connaissaient la vie quotidienne de leur entreprise et ses besoins ? Peut-être l'ont-ils été parce qu'ils étaient simplement justes et équitables pour toutes les parties, les entrepreneurs s'assurant du bon fonctionnement de leur entreprise et les salariés s'assurant de l'obtention de droits nouveaux en contrepartie d'autres efforts.
Pourtant, vous avez d'ores et déjà refusé bon nombre de ces accords sous prétexte qu'ils ne correspondent pas à ce que vous attendiez.
Vous avez appelé à la négociation. Des partenaires se sont mis d'accord. Vous avez le devoir de respecter le fruit de leurs négociations !
Vous aviez assuré que les dispositions de votre deuxième loi suivraient les initiatives avancées par les accords. De quel droit refuser les accords de branche qui avaient retenu un contingent d'heures supplémentaires supérieur à 130 heures ?
N'avez-vous pas envisagé que, si la CGT acceptait des accords avec un contingent de 180 heures dans la métallurgie ou dans le BTP (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.), c'était peut-être parce qu'il en allait de la survie de leur branche compte tenu de la nature de certains impératifs économiques ?
De quel droit refuser, en matière d'annualisation du temps de travail, des accords prévoyant 1 645 heures annuelles dans la chimie ou l'industrie automobile ? Le contrôle de légalité que vos services exercent sur ces accords est, en réalité, en contradiction avec le principe même du dialogue social.
J'ajoute que, ce contrôle se permettant de valider tout ou partie des accords, il est de nature à porter une atteinte grave à leur équilibre. En effet, souvent telle disposition est la contrepartie d'une autre. En refusant d'en valider une, vous prenez le risque de faire s'écrouler tout l'équilibre d'un dispositif négocié. Une des parties sera doublement perdante, puisqu'elle ne pourra bénéficier de tel point de l'accord tout en subissant sa contrepartie, qui n'aura pas forcément été annulée.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que nous sommes favorables à la validation de tous les accords signés jusqu'ici dans le cadre des négociations issues de votre première loi, tant il est inconcevable de ne pas reconnaître le dialogue qui a eu lieu jusqu'ici. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame Olin, permettez-moi tout d'abord de vous dire que la CGT n'a signé ni l'accord dans la métallurgie ni l'accord dans le bâtiment, contrairement à ce vous avez laissé entendre.
Par ailleurs, les services qui étendent les accords n'ont aucune marge d'appréciation, comme vous le prétendez. Ils étendent les clauses légales et ils refusent les clauses illégales, il n'y a aucune subjectivité en la matière.
En ce qui concerne les accords qui ont été présentés à l'extension avant le vote de la présente loi, ont été exclues, comme je l'ai dit tout à l'heure, les clauses illégales, celles qui portaient atteinte au travail le dimanche ou aux principes de la formation, par exemple, parce que nous savions qu'elles resteraient illégales. Ont été réservées, en revanche, et en accord avec les fédérations patronales, celles dont nous savions qu'elles seraient légalisées si le projet de loi du Gouvernement était effectivement voté.
Toutes ces clauses étant aujourd'hui validées par le projet de loi, elles seront donc étendues de la même manière. Il n'y a donc aucune subjectivité, mais simplement une stricte lecture de l'accord par rapport à la loi.
Lorsque nous avons été conduits à exclure certaines clauses parce qu'elles étaient contraires à la loi - et je ne pense pas que le Parlement reprochera au Gouvernement de faire appliquer la loi ! -, nous avons systématiquement demandé aux représentants patronaux et syndicaux si une telle exclusion ne remettait pas en cause l'équilibre de l'accord.
Je tenais à vous apporter ces précisions, car je considère que vous avez sans doute été mal informée : je ne mets évidemment pas en doute votre bonne foi, mais vos propos sont véritablement erronés, que ce soit sur la signature des syndicats, sur la méthode d'extension ou sur la façon dont nous travaillons avec les organisations patronales et syndicales représentatives.
J'ajoute que cette méthodologie de l'extension existe depuis plus de deux ans : j'ai moi-même été directeur des relations du travail voilà quelques années et, comme mes prédécesseurs, j'ai toujours appliqué cette procédure dans les mêmes conditions. Nous continuons donc, en faisant appliquer la loi qui a été votée par le Parlement de la République.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.

Chapitre Ier