Séance du 4 novembre 1999







M. le président. « Art. 3. _ I. _ L'article L. 212-8 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-8 . _ Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne trente-cinq heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, le plafond de 1 600 heures au cours de l'année. La durée moyenne est calculée sur la base de la durée légale ou de la durée conventionnelle hebdomadaire si elle est inférieure, diminuée des heures correspondant aux jours de congés légaux et aux jours fériés mentionnés à l'article L. 222-1. La convention ou l'accord doit préciser les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.
« Les conventions ou accords définis par le présent article doivent respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires définies par les deuxièmes alinéas des articles L. 212-1 et L. 212-7.
« Les heures effectuées au-delà de la durée légale, dans les limites fixées par la convention ou l'accord, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 212-5 et L. 212-5-1 et ne s'imputent pas sur les contingents annuels d'heures supplémentaires prévus à l'article L. 212-6.
« Constituent des heures supplémentaires soumises aux dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6 les heures effectuées au-delà de la durée maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l'accord, ainsi que, à l'exclusion de ces dernières, les heures effectuées au-delà de la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale selon la règle définie au premier alinéa et, en tout état de cause, de 1 600 heures.
« Les conventions et accords définis par le présent article doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, les modalités de recours au travail temporaire, les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation, ainsi que le droit à rémunération et à repos compensateur des salariés n'ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation de la durée du travail et des salariés dont le contrat de travail a été rompu au cours de cette même période.
« Le programme de la modulation est soumis pour avis avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. Le chef d'entreprise communique au moins une fois par an au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, un bilan de l'application de la modulation.
« Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement doit intervenir. Ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif lorsque les caractéristiques particulières de l'activité, précisées dans l'accord, le justifient.
« Les modifications du programme de la modulation font l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
« La convention et l'accord définis par le présent article fixent les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés et organisent, le cas échéant, l'activité des salariés selon des calendriers individualisés. Dans ce cas, la convention ou l'accord doit préciser les conditions de changement des calendriers individualisés, les modalités selon lesquelles la durée du travail de chaque salarié sera décomptée ainsi que la prise en compte et les conditions de rémunération des périodes de la modulation pendant lesquelles les salariés ont été absents.
« Les conventions et accords définis par le présent article peuvent prévoir qu'ils sont applicables aux salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire, ou à certaines catégories d'entre eux.
« Les absences rémunérées ou indemnisées, les congés et autorisations d'absence auxquels les salariés ont droit en application de stipulations conventionnelles, ainsi que les absences justifiées par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident ne peuvent faire l'objet d'une récupération par le salarié. Les absences donnant lieu à récupération doivent être décomptées en fonction de la durée de travail que le salarié devait effectuer.
« En cas de rupture du contrat de travail pour motif économique, intervenant après ou pendant une période de modulation, il ne peut être opéré aucune retenue ni sur le salaire ni sur les sommes dues au salarié au motif qu'il serait redevable d'un temps de travail. »
« II. _ Au premier alinéa de l'article L. 212-8-5 du même code, les mots : "tel que mentionné à l'article L. 212-2-1, au onzième alinéa (2° ) de l'article L. 212-5 ou à l'article L. 212-8" sont remplacés par les mots : "mentionnés aux articles L. 212-7-1 et L. 212-8".
« III. _ L'article L. 212-9 du même code devient l'article L. 212-10. Au premier alinéa de cet article, les mots : "au deuxième alinéa de l'article L. 212-5" sont remplacés par les mots : "aux premier alinéa du I de l'article L. 212-5, quatrième alinéa de l'article L. 212-5-1 et à l'article L. 212-7-1".
« IV. _ Les articles L. 212-2-1, L. 212-8-1, L. 212-8-2, L. 212-8-3 et L. 212-8-4 du même code sont abrogés.
« V. _ Les stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement des articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail applicables à la date de publication de la présente loi demeurent en vigueur. Toutefois, à compter de la date à laquelle la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures, les heures excédant une durée moyenne sur l'année de trente-cinq heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, une durée annuelle de 1 600 heures sont des heures supplémentaires soumises aux dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6 du même code. »
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Le présent article fond en un seul les trois régimes actuels de modulation des horaires de travail en mettant en place un dispositif inspiré de la modulation de type III, modulation instituée en 1995 par la loi quinquennale pour l'emploi et qui liait - enfin, en principe ! - l'annualisation à la réduction du temps de travail.
Vous comprendrez, madame la ministre, qu' a priori nous soyons un peu réticents ! En effet, le bilan de ces quinze dernières années de modulation est, à notre sens, plutôt négatif. Enfin, cela dépend de quel côté on se place ! Car, pour les entreprises qui relèvent de secteurs où la nature de l'activité n'appelait pas ce type de souplesse, la modulation a été profitable.
Bien souvent, en contrepartie d'une baisse de la durée moyenne annuelle de quelques jours de congés supplémentaires, on a imposé aux salariés des fluctuations non planifiées, on a fait exploser les amplitudes horaires. Résultat : aujourd'hui, le nombre de salariés ne disposant pas régulièrement de deux jours de congés consécutifs est estimé à cinq ou six millions. Les salariés n'ayant pas d'horaires réguliers sont donc de plus en plus nombreux.
Et pour vous, messieurs, « la formulation d'un horaire sur l'année est un progrès incontestable » !
Ce formidable outil à gommer et à passer outre le paiement des heures supplémentaires a profondément contribué à faire évoluer les règles, bousculant ainsi le droit du travail, flexibilisant le marché de l'emploi.
Le projet gouvernemental ambitionne « de lier une modulation du temps de travail mieux maîtrisée, justifiée, encadrée, à une vraie réduction du travail ». Soit, mais alors pourquoi ne pas avancer le principe selon lequel tout aménagement du temps de travail doit se faire sur des heures inférieures à la durée légale ?
Le texte précise seulement que la durée annuelle de travail ne doit en aucun cas dépasser 1 600 heures et 35 heures en moyenne hebdomadaire pour conditionner la validité de l'accord. Cela exclut de fait la réalisation des 35 heures par étapes dans le cadre de la modulation, mais les nouvelles modalités d'aménagement ne sont plus subordonnées à une réduction de l'horaire pratiqué précédemment dans l'entreprise.
Pour que l'on parvienne, effectivement, à une modulation programmée, conciliable avec la vie de chacun, fondée sur des variations saisonnières, les parlementaires communistes ont fait un certain nombre de propositions visant soit à réduire fortement les amplitudes de modulation autorisées, soit à interdire les dérogations conventionnelles au délai de prévenance ou à augmenter ce dernier à quinze jours, soit à justifier le recours à la modulation ou encore à prévoir que les modifications du programme de modulation doivent recevoir l'accord du comité d'entreprise.
Seules ces deux dernières dispositions ont été adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture. Ces ajouts au projet de loi seront autant de points d'appui dans les négociations.
Toutefois, les garanties apportées aux salariés restent faibles, les risques de banalisation grands, surtout pour les salariés à temps partiel.
Enfin, nous craignons qu'en autorisant les accords pour mettre en place des calendriers individualisés on n'ouvre la voie à l'annualisation de l'horaire individuel de travail.
Autant de raisons qui font qu'en l'état nous souhaitons que le dispositif figurant dans cet article soit renforcé.
Bien sûr, ce n'est pas au sein de la Haute Assemblée que les choses vont évoluer, la commission proposant, évidemment, d'alléger le plus possible les garanties offertes aux salariés !
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en m'exprimant sur cet article, je commencerai par saluer l'évolution majeure du Gouvernement sur le sujet.
Certes, le texte proposé souffre encore de bien des contraintes, mais qui aurait cru qu'un jour la majorité plurielle nous rejoindrait sur le terrain de la flexibilité, car c'est bien de flexibilité qu'il s'agit ? (MM. Gournac et Vasselle applaudissent.)
Certes, le terme « modulation », qui est employé, semble plus acceptable. Il n'en demeure pas moins, madame le ministre, que ce n'est qu'un synonyme, plus politiquement correct pour votre majorité, du terme « flexibilité ».
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nelly Olin. La possibilité de recourir à l'annualisation est une bonne chose pour nos entreprises. Elle permettra à bon nombre de branches de coller un peu plus à la réalité du travail, à la réalité des activités de production de nos entreprises.
Madame le ministre, est-il besoin de dire qu'on ne travaille pas autant l'hiver que l'été dans une entreprise fabriquant des réfrigérateurs ?
La « modulation » - puisque c'est le terme que vous avez choisi - est donc une avancée notable dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Néanmoins, nous regrettons toutes les barrières que vous érigez aussitôt quant à la mise en oeuvre de cette saine disposition.
Notre première interrogation va vers le seuil plafond de 1 600 heures. Comment avez-vous obtenu ce chiffre ?
Vous prétendez qu'il correspond très exactement aux 35 heures hebdomadaires converties en temps annuel. Soit ! Mais si l'on prend en compte le repos hebdomadaire de deux jours par semaine, les semaines de congés payés et les onze jours fériés, d'une année sur l'autre, on n'obtient pas le même total horaire.
Personne ne peut décider que Noël tombera chaque année un dimanche ou empêcher les jours fériés de ne pas coïncider systématiquement avec des jours de week-end !
C'est la raison pour laquelle bon nombre d'accords de branche ont prévu des seuils supérieurs à 1 6000 heures, notamment dans le bâtiment, où sont prévus des accords de modulation à 1 645 heures.
Nous formulerons sur ce point la même critique que précédemment.
De quel droit des accords de branche qui avaient prévu une modulation supérieure à 1 645 heures ne seraient pas validés ?
De quel droit dénier aux partenaires sociaux le droit de définir eux-mêmes ce qui est le plus juste pour leur propre vie et pour celle de leur entreprise ?
Si la modulation est une bonne évolution, nous ne pouvons admettre qu'une fois encore vous empêchiez les partenaires sociaux d'établir eux-mêmes les règles qui leur conviennent le mieux. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Sur l'article 3, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 13, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article L. 212-8 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-8. - Une convention ou un accord collectif étendus ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne 35 heures par semaine travaillée.
« Les conventions ou accords définis par le présent article peuvent déroger aux durées maximales quotidiennes et hebdomadaires définies par les deuxièmes alinéas des articles L. 212-1 et L. 212-7. A défaut d'une telle clause dans la convention ou l'accord, l'employeur doit demander une dérogation à l'inspecteur du travail.
« Les heures effectuées au-delà de la durée légale, dans les limites fixées par la convention ou l'accord, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 212-5 et L. 212-5-1 et ne s'imputent pas sur les contingents annuels d'heures supplémentaires prévus à l'article L. 212-6.
« Constituent des heures supplémentaires soumises aux dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6, les heures effectuées au-delà de la durée maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l'accord, ainsi que, à l'exclusion de ces dernières, les heures effectuées au-delà de la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale.
« La convention ou l'accord défini par le présent article doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas effectuées dans le cadre de la modulation, ainsi que le droit à la rémunération et à repos compensateur des salariés n'ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation de la durée du travail et des salariés dont le contrat de travail a été rompu au cours de cette même période.
« Le programme de la modulation est soumis pour avis avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. Le chef d'entreprise communique au moins une fois par an au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, un bilan de l'application de la modulation.
« Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement doit intervenir. Ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif.
« La convention ou l'accord défini par le présent article fixe les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés, et organisent, le cas échéant, l'activité des salariés selon des calendriers individualisés. Dans ce cas, la convention ou l'accord doit préciser les conditions de changement des calendriers individualisés, les modalités selon lesquelles la durée du travail de chaque salarié sera décomptée ainsi que la prise en compte et les conditions de rémunération des périodes de la modulation pendant lesquelles les salariés ont été absents.
« En cas de rupture du contrat de travail pour motif économique, intervenant après ou pendant une période de modulation, il ne peut être opéré aucune retenue ni sur le salaire ni sur les sommes dues au salarié au motif qu'il serait redevable d'un temps de travail.
« II. - Au premier alinéa de l'article L. 212-8-5 du même code, les mots "tel que mentionné à l'article L. 212-2-1, au onzième alinéa (2°) de l'article L. 212-5 ou à l'article L. 212-8" sont remplacés par les mots "mentionnés aux articles L. 212-7-1 et L. 212-8".
« III. - L'article L. 212-9 du même code devient l'article L. 212-10. Au premier alinéa de cet article, les mots "au deuxième alinéa de l'article L. 212-5" sont remplacés par les mots : "aux premier alinéa du I de l'article L. 212-5, quatrième alinéa de l'article L. 212-5-1 et à l'article L. 212-7-1".
« IV. - Les articles L. 212-2-1, L. 212-8-1, L. 212-8-2, L. 212-8-3 et L. 212-8-4 du même code sont abrogés.
« V. - Les stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement des articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail, applicables à la date de publication de la présente loi, demeurent en vigueur. »
Les trois amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 109 tend, après les mots : « doivent respecter », à rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le I de l'article 3 pour l'article L. 212-8 du code du travail : « une durée de travail hebdomadaire minimale de trente heures et maximale de quarante heures ».
L'amendement n° 110 vise à rédiger ainsi la dernière phrase du septième alinéa du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article L. 212-8 du code du travail : « Ce délai peut être réduit sur dérogation accordée par l'inspecteur du travail ».
L'amendement n° 111 a pour objet, dans la seconde phrase du septième alinéa du texte proposé par le I de l'article 3 pour l'article L. 212-8 du code du travail, après le mot : « réduit », d'insérer les mots : « jusqu'à un minimum de cinq jours ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 3 du projet de loi, qui simplifie et unifie le régime des modulations du temps de travail, comporte certaines dispositions contraignantes, telles que la limitation à 1 600 heures de la durée annuelle du travail. C'est pourquoi la commission en propose une nouvelle rédaction qui modifie de nombreuses dispositions.
Ainsi, le plafond de 1 600 heures est supprimé.
La souplesse inhérente à un dispositif de modulation est préservée grâce à la suppression des consultations, des programmations, des délais, qui ne présentent pas un caractère de nécessité évidente.
En particulier, l'amendement ne reprend pas le principe d'une mention des données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.
Par ailleurs, il prévoit des possibilités maîtrisées de dérogation aux durées maximales de travail et la consultation du comité d'entreprise, en cas de modification du programme de modulation, est supprimée.
M. le président. La parole est à M. Bret, pour défendre l'amendement n° 109.
M. Robert Bret. Depuis la mise en application de la loi visant à encourager la réduction du temps de travail du 13 juin 1998, les accords de branche et d'entreprise ont recouru assez largement à la modulation.
La moitié des accords d'entreprise prévoient ce dispositif et fixent, le plus souvent, un plafond inférieur à 48 heures et un délai de prévenance moyen de sept jours.
Concernant les plafonds et les planchers hebdomadaires, le nombre de semaines d'utilisation de ces derniers, le bilan des accords sur les 35 heures permet de dire que, globalement, les négociations ont permis de réduire les amplitudes des horaires et de mieux planifier l'organisation du travail.
Dans le secteur du BTP, bâtiments et travaux publics, l'annualisation sur la base de 1 645 heures est accessible à toutes les entreprises. La durée hebdomadaire de travail effectif peut atteindre 46 heures par semaine ou 45 heures en moyenne.
Toutes les négociations n'ont pas permis d'apporter les réponses équilibrées. Au législateur de fixer un certain nombre de garde-fous contre la flexibilité, pour équilibrer les négociations, afin que la modulation ne désorganise pas complètement la vie quotidienne des salariés et que l'intensification du travail induite n'ait pas d'effets catastrophiques sur leur santé.
Pour réduire les effets pervers de la modulation et donner tout son sens au temps libéré, nous proposons, par cet amendement, de fixer l'amplitude horaire du travail hebdomadaire entre 30 et 40 heures.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre les amendements n°s 110 et 111.

Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, vous comprendrez que, quand nous entendons Mme Olin, nous nous méfiions de la trop grande facilité donnée aux entreprises pour pratiquer la flexibilité !
Mme Nelly Olin. C'est paroles n'engagent que vous !
M. Jean-Pierre Raffarin. La vérité fait réfléchir !
Mme Nicole Borvo. Dans le cadre du dispositif prévu pour la modulation, les députés communistes ont proposé d'allonger le délai de prévenance de sept à quinze jours, lors d'un changement d'horaire.
Craignant qu'un délai trop long n'incite à multiplier les dérogations, le rapporteur de l'Assemblée nationale a suggéré de retenir sept jours ouvrés. Cela apporte une petite garantie supplémentaire au salarié, qui peut s'appuyer sur une certaine prévisibilité de ses horaires pour s'organiser en conséquence.
Toutefois, par accord, ce délai peut être réduit, ce qui renforce le pouvoir de l'employeur d'imposer des changements d'horaires et réduit la liberté du salarié.
Opposés à cette possibilité, nous considérons que, si ce délai peut être réduit pour des raisons liées à l'urgence, cela doit demeurer exceptionnel. C'est pourquoi, par l'amendement n° 110, nous proposons qu'une telle possibilité de dérogation soit accordée par l'inspecteur du travail.
Enfin, si une telle solution ne pouvait être retenue, afin d'éviter que, dans le silence de la loi, le délai de prévenance tellement abaissé qu'il ne soit réduit à rien, nous envisageons de fixer un plancher de cinq jours minimum.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 109, 110 et 111 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 109, qui est incompatible avec la nouvelle rédaction adoptée par la commission.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 110, car, contrairement à Mme Borvo, elle souhaite s'en remettre à la négociation collective plutôt qu'à l'inspecteur du travail.
Ces explications valent également pour l'amendement n° 111, sur lequel nous émettons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13, 109, 110 et 111 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'amendement n° 13 vise à modifier de manière très importante notre système de modulation, puisqu'il supprime le plafond annuel de 1 600 heures, le mode de calcul de la durée annuelle, les durées maximales quotidiennes et les durées hebdomadaires légales, l'obligation d'indiquer dans l'accord les modalités de recours au travail temporaire, la consultation obligatoire du comité d'entreprise, le régime des absences prévu par la loi et l'obligation d'indiquer dans l'accord si la modulation s'applique au travail à durée déterminée ou au travail temporaire.
Je remarque néanmoins, monsieur le rapporteur, que vous adhérez au principe de réserver la possibilité d'une modulation des horaires à la pratique d'une durée du travail inférieure ou égale à 35 heures. J'y vois donc un progrès par rapport à la loi quinquennale, puisque, dans cette dernière, la modulation pouvait être appliquée dès que la durée du travail était réduite d'une heure. Dans le projet de loi, bien évidemment, la modulation ne peut intervenir que pour une durée hebdomadaire de 35 heures, c'est-à-dire de 1 600 heures annuelles, les jours fériés ne pouvant être comptés dans la durée du travail.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, je crois que l'obligation de préciser les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation fait partie d'un souci de transparence indispensable pour une négociation claire et saine. Si un chef d'entreprise a des motivations valables, il n'aura aucun mal à les exposer. En revanche, s'il veut moduler parce qu'il ne sait pas anticiper les évolutions, parce qu'il est dans l'incapacité de gérer l'évolution du travail dans l'entreprise, il est bon que les salariés puissent s'en rendre compte.
Je ferai remarquer que la moitié des 16 000 accords signés traitent des problèmes de modulation et que la justification de la modulation a été précisée dans chacun d'eux.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à l'amendement n° 13.
J'en viens aux amendements n°s 109, 110 et 111.
Comme je l'ai dit hier en répondant à plusieurs remarques, dont celles du groupe communiste, la modulation annuelle, telle qu'elle était prévue précédemment, pouvait entraîner une précarisation pour les salariés, car elle pouvait être très large. Or, aujourd'hui, dans la majorité des cas, elle s'est instituée entre 30 et 39 heures et dans 62 % des cas elle ne va pas au-delà de 42 heures. On voit que, par la négociation, on est arrivé à une maîtrise des périodes de haute durée du travail. Je souhaite donc que l'on reste dans le domaine de la négociation, d'autant qu'il est prévu dans le projet de loi que la baisse des charges soit liée à un accord des salariés, ce qui constitue un élément favorable aux syndicats dans la négociation.
Quant au délai de prévenance, il a été fixé à sept jours parce qu'il est nécessaire de prévenir à temps les salariés. Je crois cependant qu'il faut prévoir qu'en cas d'urgence ou de force majeure ce délai puisse être réduit. Dans cette hypothèse, l'intervention de l'inspecteur du travail est déjà prévue. Dans les autres cas, c'est à la négociation collective de prévoir, en fonction des spécificités de chaque entreprise, le délai le plus approprié dans les limites prévues.
Je ne peux donc pas être favorable aux amendements n°s 109, 110 et 111.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Robert Bret. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Considérant que les amendements adoptés à l'Assemblée nationale « limitent de façon excessive le pouvoir de gestion des chefs d'entreprise », qu'ils encadrent trop le dispositif de modulation dont l'objectif est la souplesse, la commission nous propose une réécriture inacceptable de cet article.
Dans la droite ligne de la loi quinquennale, qui a permis de généraliser la flexibilité des horaires, l'annualisation envisagée renforce un peu plus les pouvoirs des employeurs, fait fi du plafond de 1 600 heures et des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires, sans accorder aux salariés de réelles contreparties.
Les ajouts positifs intégrés au texte par les députés, comme la justification du recours à la modulation ou l'accord du comité d'entreprise lors de modifications apportées au programme de modulation, disparaissent.
En conséquence, nous voterons contre l'article tel qu'amendé par la commission des affaires sociales, qui conduit, entre autres, à valider un certain nombre d'accords de branche allant jusqu'à 1 645 heures.
Nous ne dénoncerons jamais assez les incidences néfastes de la flexibilité, si chère à nos collègues de la droite, sur la précarisation et sur la détérioration des conditions de vie et de travail. Belle vision de la justice sociale ! Vous avez raison, mes chers collègues, nous avons bien deux conceptions différentes de la société !
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. L'amendement de notre rapporteur, qui tend à réécrire l'article 3, en en faisant disparaître toutes les dispositions autoritaires et contraignantes, va dans le sens de la sagesse.
Il s'agit, pour notre assemblée, de supprimer les contraintes imposées aux entreprises qui souhaitent procéder à l'annualisation du temps de travail, et donc de permettre le recours à la modulation du temps de travail sans contreparties excessives, qui rendraient cette bonne disposition inopérante.
Il faut laisser aux partenaires sociaux le libre choix de recourir à cette forme de travail, a fortiori s'ils considèrent unanimement qu'elle est une bonne chose pour l'avenir de l'entreprise ou de la branche.
En conséquence, nous voterons cet amendement.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Le groupe socialiste votera évidemment contre l'amendement présenté par la commission.
Cet amendement introduit en effet un déséquilibre sur deux points : il néglige le fait que la modulation est d'abord une sujétion pour le salarié, dont elle déstabilise l'organisation personnelle et familiale ; il diminue la force de l'accord collectif au profit, comme à l'accoutumée, du seul employeur.
Pour notre part, nous approuvons d'autant plus les dispositions de cet article que des garanties nouvelles ont été apportées par l'Assemblée nationale. En particulier, celle-ci a précisé que 1 600 heures constituent un plafond, elle a rendu nécessaire la justification du recours à la modulation, elle a prévu un délai de prévenance de sept jours ouvrés qui garantit que les salariés ne peuvent être corvéables à merci et elle a encadré les modalités de recours au travail temporaire.
La commission s'attache à faire disparaître ces garanties, qui n'ont rien de paralysant pour l'entreprise, mais sont au contraire une assurance de respect mutuel des salariés et de l'employeur, un élément de clarté des relations sociales.
Il est, par exemple, important que l'accord mentionne les raisons du recours à la modulation. C'est une conception étrange des relations entre employeur et salariés que celle qui admet que le patron puisse décider seul, sans avoir à s'en expliquer auprès de qui que ce soit dans l'entreprise, de bousculer les horaires, les conditions de travail et de vie des salariés.
En quoi est-il problématique, compliqué, voire attentoire au statut patronal, d'expliquer aux salariés pourquoi la modulation est nécessaire pour l'entreprise ? N'est-ce pas là, au contraire, le meilleur moyen de recueillir leur adhésion ? A quelles règles antédiluviennes de gestion du personnel cette conception se réfère-t-elle ?
Au demeurant, cet amendement est en retrait par rapport à ce qui se pratique dans de nombreuses entreprises et à ce que prévoient des accords déjà en vigueur.
C'est donc aussi au nom du respect de la négociation collective et des partenaires sociaux que nous y sommes tout à fait opposés.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, mes chers collègues, je vous en demande pardon, je vais faire preuve de l'esprit de l'escalier en revenant sur l'article précédent. Mais c'est le mode de fonctionnement de notre assemblée qui me conduit à agir ainsi.
Mme le ministre a réagi à mon intervention sur l'article 2 ter en expliquant que l'incohérence était non du côté du Gouvernement mais plutôt du mien.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai pas dit ça !
M. Alain Vasselle. Elle m'a dit aussi que, si j'avais lu attentivement le code du travail, je n'aurais pas été amené à présenter les remarques que je croyais devoir faire sur l'article 2 ter.
Eh bien, madame le ministre, je persiste et signe !
Vous avez affirmé que l'amendement de la commission était superfétatoire dans la mesure où le code du travail permet de répondre aux préoccupations qui sous-tendaient cet amendement. En fait, il y a plus qu'une nuance entre les dispositions du code du travail et ce qu'a proposé la commission à l'article 2 ter.
C'est d'une manière tout à fait restrictive que l'article L. 220-1 du code du travail autorise des mesures dérogatoires puisqu'il ne vise que quatre cas bien définis.
M. Alain Gournac. Eh voilà ! Ce n'est pas la même chose !
M. Alain Vasselle. A l'inverse, la mesure préconisée par notre rapporteur est d'ordre général et elle reprend la directive européenne. Je suis d'ailleurs assez surpris qu'un membre du Gouvernement fasse ainsi fi de certains éléments d'une directive européenne.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Je pense donc que la cohérence, en l'occurrence, est plutôt de notre côté, et non du vôtre.
Je reviens maintenant à l'article 3, et d'abord pour relever un propos de Mme Borvo.
Vous ne pouvez pas, madame Borvo, laisser croire à l'opinion publique que, par son amendement, M. Souvet permet à l'employeur d'imposer son point de vue aux salariés. En effet, comme le rapporteur l'a dit, et comme Mme le ministre l'a elle-même rappelé, c'est par la voie conventionnelle que seront décidées les modalités d'application de cet article.
Arrêtez donc de donner à croire à l'opinion publique que chaque fois que le Sénat intervient c'est en définitive pour permettre à l'employeur de traiter les salariés d'une manière qui n'est pas digne de notre époque, en les contraignant à travailler dans des conditions qu'il définit souverainement.
A partir du moment où l'on parle de convention, d'accord, cela signifie bien que salariés et employeurs se mettent autour d'une table, discutent et définissent des conditions qui soient satisfaisantes à la fois pour l'entreprise et pour les salariés. Qu'on cesse donc de décrire les initiatives du Sénat de manière partielle et partiale !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Excellent !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Vasselle, le procès-verbal en fera foi, je n'ai pas dit que vous étiez incohérent. J'ai dit qu'avant de nous taxer d'incohérence vous devriez relire le code du travail.
Je crois qu'il vaut mieux essayer de s'écouter, plutôt que de s'invectiver. Je n'ai pas l'habitude d'invectiver. Je réponds quand on me pose des questions et quand on m'invective.
Moi aussi, je persiste et signe, monsieur Vasselle : la proposition du rapporteur est en-deçà de ce que prévoit aujourd'hui le code du travail et, là, je peux effectivement dire que vous êtes incohérent. Avant de nous critiquer, regardez donc les choses de manière un peu plus précise !
J'ai la prétention de connaître l'entreprise. J'y ai, aussi, travaillé, figurez-vous. Or, il y a un cas qui n'est pas prévu dans l'amendement qu'a présenté M. le rapporteur. Je pourrais dire que, pour une fois, le Sénat méconnaît la réalité de l'entreprise et ne prend pas en compte l'ensemble des cas qui sont visés par le code du travail. Lorsqu'on évoque les « conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail », on laisse nécessairement de côté la situation du surcroît d'activité, qui ressortit aux conditions économiques. Nous, nous visons aussi le cas du surcroît d'activité. Ce cas peut être prévu par une convention collective ou par un accord d'entreprise, ou même faire l'objet d'une simple demande à l'inspection du travail.
Puisque vous tenez à parler d'incohérence, monsieur le sénateur, je vous en signale une autre : en cas d'urgence, le chef d'entreprise peut suspendre le repos quotidien ou en réduire la durée sans aucun accord, contrairement à ce que prévoit l'amendement de la commission.
Tout à l'heure, moi, je n'avais pas parlé d'incohérence, mais il est vrai que cet amendement sur lequel vous êtes revenu, monsieur Vasselle, est incohérent en ce qu'il ne permet pas, contrairement aux dispositions actuelles du code du travail, de répondre, comme les entreprises en ont besoin, à certaines situations.
Vous vouliez des réponses, monsieur Vasselle, vous les avez !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. L'intervention de Mme la ministre me permet de faire l'économie de la démonstration que je comptais entreprendre et confirme, à moins que l'un de nos collègues ne vienne à faire la démonstration contraire, que, sur ce point au moins, les propositions de la commission se situent en deçà du code du travail actuel.
Lorsque, dans la discussion générale, j'ai avancé cet argument, vous avez vivement réagi et m'avez soupçonné d'exagérer. Or, il est clair que nous sommes bien en face de la situation que j'ai décrite.
En fait, M. Vasselle, je le lui dis amicalement, a parfaitement vu ce qui, au fond, est en jeu dans cette discussion. Lors de débats antérieurs concernant des problèmes de liberté individuelle - la parité, le PACS - nous avions dit que nous pouvions tirer le fil de votre argumentation et démontrer que, quoique vous vous en défendiez, vous étiez opposés à l'évolution de la législation dans les domaines en cause.
Eh bien, dans le cas présent, il en est de même. Nous sommes en train de démontrer que, en réalité, ce n'est pas seulement aux 35 heures que vous vous opposez. Au reste, je le répète, il me paraît légitime que vous vous y opposiez, car vous ne vous êtes jamais engagés sur cette perspective des 35 heures. C'est la nôtre, et c'est notamment sur elle que nous avons été élus. Donc, je ne vous en veux pas de rester fidèles à votre vision.
Cela étant, ce débat est aussi pour vous l'occasion de faire valoir une certaine conception des relations de travail en vous opposant systématiquement à la mise en place de garde-fous quant à la durée du travail.
Non seulement vous êtes contre les 35 heures, mais vous voulez nous faire revenir en deçà de ce que prévoit aujourd'hui la législation du travail.
Evidemment, vous le faites avec élégance, et on n'en attendait pas moins de vous ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. C'est gentil !
M. Jean-Luc Mélenchon. Chaque fois que vous revenez sur une disposition, vous ne le dites pas. Vous soutenez qu'il suffit d'inclure le point en question dans la négociation.
Je ne peux, en cet instant, qu'invoquer une nouvelle fois la notion d'ordre public social... Je vois que M. Chérioux me fait les gros yeux. (Nouveaux sourires.) Mais je sais que M. Chérioux est aussi un partisan de l'ordre public social, parce que c'est un républicain.
Cette notion, mes chers collègues, s'impose aussi bien à l'employeur qu'aux salariés. L'ordre public social veut que le législateur, qui a en charge l'intérêt général, n'accepte pas que l'on discute de gré à gré de certaines questions, de telle manière que le salarié serait lui-même conduit à accepter de travailler à des conditions moins favorables que celles qui sont fixées par les textes. La contrainte s'exerce donc sur les deux parties.
Nous savons tous comment est faite l'humanité ! Il y a toujours le gars ou la fille qui dit : « Je veux en faire davantage, moi, cela ne m'embête pas. » Mais la société lui dit alors : « Nous prenons en compte ton intérêt personnel, ta santé. Nous ne te permettons pas d'en disposer d'une manière qui n'est pas raisonnable. » C'est la même logique qui nous conduit à légiférer sur l'alcoolémie, sur tout ce que vous voudrez !
M. Jean Chérioux. N'est-il pas interdit d'interdire ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Dans les relations de travail, c'est pareil !
Cette quasi-digression va m'obliger à conclure en abordant l'essentiel de mon propos...
M. le président. Il faudrait conclure rapidement, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Dans ces questions de cycle du travail, il faut marquer les bornes, c'est ma conviction.
Une société fonctionne au rythme de son temps dominant. Je renvoie mes collègues à l'excellent livre de M. Roger Sue : Temps et Ordre social. La société respire au rythme d'un temps social qui est un temps dominant. Ce fut le temps de l'agriculture, puis celui de l'industrie. Aujourd'hui, c'est celui du mouvement quasi instantané du capital transnational, qui ajuste tous les autres rythmes sociaux à son propre rythme. Et cela touche jusqu'à la vie personnelle.
Nous avons tous été contemporains d'une évolution foudroyante du système des représentations culturelles qui fait qu'aujourd'hui - et vous savez bien combien on en souffre ! - nous sommes dans l'instantané, dans l'immédiateté, dans le « sans-mémoire ». Tout cela forme un bloc.
Il faut savoir que le temps dégage une espèce d'énergie sociale. Une fois que vous avez réussi à faire du flux tendu, à faire du stock zéro, il vous reste l'homme, à qui vous dites qu'il faut tout de même être là quand il y a du travail. On est toujours dans cette idée que le travail doit correspondre à une activité productive immédiate.
Eh bien, toute cette synchronie que vous avez gagnée dans l'ordre de la production dégage une énergie qui irradie tout le reste de la vie sociale. Cela se paie en termes de cohérence de la vie familiale, de partage des temps collectifs.
Je demande qu'on y réfléchisse. Il faut mettre des bornes. Il ne faut pas renvoyer à la négociation et aux rapports de force, même si l'expression vous déplaît, à l'intérieur de l'entreprise la définition de quelque chose qui est un bien commun. Le temps social est un bien commun et nous, législateur, nous sommes les premiers gardiens de cette grammaire-là : nous ne pouvons pas accepter qu'il soit mis en miette et négocié de gré à gré, d'entreprise en entreprise, voire d'individu en individu, même si ces négociations, sur un plan humain, peuvent nous paraître légitimes. Nous sommes les gardiens de l'intérêt général.
Ce sont donc de grandes questions qui se faufilent à travers des problèmes qui peuvent paraître, en cet instant, strictement techniques. Ce sont des questions aussi fondamentale que celle-ci : quel modèle de société voulons-nous ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements n°s 109, 110 et 111 n'ont plus d'objet.
(M. Guy Allouche remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

Article 4