Séance du 4 novembre 1999







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Hamel pour explication de vote. M. Emmanuel Hamel. L'heure avancée de ce débat me crée le devoir de brièveté.
Madame le ministre, je ne voudrais pas que vous puissiez croire que ceux d'entre nous qui vont voter le projet de loi tel qu'il a été amendé par la commission des affaires sociales sont des parlementaires qui ignorent les aspirations ouvrières et salariales, comme celles des cadres, à plus de progrès, à plus de sécurité dans l'emploi et à une amélioration des conditions de vie.
L'espoir de progrès social, nous l'avons autant que vous, madame le ministre. Cependant nous pensons que, pour faire progresser la société, il ne suffit pas de répondre aux aspirations populaires, car incontestablement ce texte peut être actuellement populaire auprès des jeunes et des salariés, qui croient qu'il va garantir l'emploi et améliorer le niveau de vie.
Nous devons aussi tenir compte du contexte international : certaines entreprises françaises sont confrontées, vous le savez mieux que nous, madame le ministre, à la terrible compétitivité des entreprises étrangères. Votre projet de loi tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale n'aura-t-il pas pour conséquence, à terme, au-delà de l'espérance d'un progrès social, la détérioration réelle de l'emploi, en France, dans tous les secteurs qui doivent affronter la compétition internationale ?
Après le vote des traités de Maastricht et d'Amsterdam, après l'abandon de la souveraineté monétaire par le texte de 1994 - que je n'avais pas voté ! - je constate que la France a, hélas ! perdu le contrôle des mouvements de capitaux au-delà de ses frontières et ne peut donc plus surveiller les importations étrangères, mettant en péril l'emploi dans les entreprises françaises qui sont confrontées à la compétition internationale.
Dans ces conditions, le monde étant ce qu'il est et la compétition internationale ce qu'elle est, est-il raisonnable d'imposer à tous les secteurs de l'activité nationale, y compris à ceux qui subissent la compétition étrangère, cette obligation de réduire à 35 heures la durée du travail quand on sait les conséquences qu'aura une telle réduction sur la compétitivité de nos entreprises ?
Je crains donc que l'espoir que vous avez - et que je salue - n'aboutisse, à terme, à une détérioration réelle des conditions de l'emploi et de la compétitivité française.
C'est la raison pour laquelle, quelle que soit mon espérance de progrès social en France, je ne peux pas accepter le projet de loi que vous nous avez proposé. Je voterai donc, tel qu'il a été amendé par la commission des affaires sociales, le texte de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Hélène Luc. C'est bien dommage !
M. le président. Mon cher collègue, permettez-moi de préciser qu'il s'agit du texte amendé par le Sénat sur proposition de la commission des affaires sociales !
M. Emmanuel Hamel. Dont acte !
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard. Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste va se trouver de nouveau confronté au paradoxe de devoir voter contre un projet de loi qu'il approuve pleinement et dont il appelle la réussite de tous ses voeux.
Il nous est difficile de dire que le texte est vidé de sa substance : il serait plus exact de dire, au vu du peu qu'il en reste, qu'il n'y a pratiquement plus de texte.
Tout au long de ces trois jours de débat, amendement après amendement, vous nous avez démontré, messieurs de la majorité sénatoriale, votre refus profond de toute réduction du temps de travail. Sans doute cela n'est-il pas nouveau, mais vous venez de nous en administrer une nouvelle preuve, très symboliquement, dès le premier article, que vous avez transformé en une sorte d'invitation à une conférence en vue d'envisager pour beaucoup plus tard des possibilités de réduction du temps de travail.
Il est particulièrement éclairant, à l'issue de ce débat, lorsque l'on parcourt les principaux éléments de ce projet de loi, de voir où se porte votre effort.
Toutes les dispositions qui avaient pour objet d'apporter une sécurité ou de nouvelles garanties aux salariés ont disparu. Vous refusez même toute diminution des horaires maximaux hebdomadaires, vous placez l'ensemble des cadres au forfait « tous horaires » - nul doute qu'ils apprécieront ! - vous facilitez le développement de la précarité, vous faites disparaître les garanties sur le SMIC, vous assouplissez encore les règles du travail à temps partiel et vous maintenez, bien entendu, l'allégement des cotisations sociales sur les embauches à temps partiel.
Vous privilégiez la décision unilatérale de l'employeur au détriment de la négociation, vous faites même passer la famille, tout au moins celle du salarié, après la volonté de l'employeur.
En prenant ces options, vous vous inscrivez en opposition avec le cheminement de l'histoire depuis que l'on mesure le temps de travail, c'est-à-dire depuis le début de l'industrialisation. Le temps de travail a été divisé par deux depuis cette époque, mais, à chaque fois, dans notre pays, une impulsion de l'Etat a été nécessaire.
Il fallait donc reprendre ce mouvement séculaire pour réduire le temps de travail et la peine des travailleurs. Depuis la diffusion des grandes mutations technologiques de l'information, coïncidant avec la mondialisation et la mise en concurrence des travailleurs sur l'ensemble de la planète, il s'était interrompu. Il a été remplacé par la répartition la plus inégale qui soit entre ceux qui travaillent sans horaire, ploient sous une charge écrasante, et ceux qui ont été débarqués et sont condamnés au chômage, à la précarité et aux minima sociaux.
Hommes et femmes de gauche, nous ne pouvons accepter que cette situation perdure. Nous ne pouvons accepter que la prétendue loi du marché soit, en fait, le dérèglement absolu du monde du travail, que le contrat de mission remplace le contrat de travail, que le chômage soit l'instrument de pression le plus efficace pour faire baisser les salaires et que la peur du lendemain ou, pis, peut-être que la résignation soit le moyen de faire disparaître toute revendication des salariés pour bénéficier aussi de la croissance revenue.
Contrairement à ce que les dirigeants de certains mouvements patronaux veulent accréditer - et que vous relayez malheureusement ici - le projet de loi sur la réduction négociée du temps de travail n'est pas une révolution. C'est un texte en réalité très prudent, qui fixe des objectifs, qui prévoit un cheminement pour y parvenir par la négociation collective, avec des modulations et avec l'aide de la collectivité nationale ; c'est un texte qui est équilibré.
Depuis la loi de 1998, est apparu dans les entreprises - et cela va continuer - un considérable renouveau de la négociation collective et du dialogue. Ce n'est pas le moindre mérite de ce processus, parce qu'il faut maintenant tout mettre sur la table, tout examiner, tout négocier. Il est vrai que, pour certains employeurs, peut-être finalement moins solides que d'autres, c'est insupportable.
Ce projet de loi est aussi un pari sur la capacité des entreprises à se réorganiser, à mieux utiliser leurs capacités de production et à créer de la motivation autre que la peur chez les salariés. On crée aujourd'hui de la richesse non pas seulement en ayant l'obsession de la réduction des coûts, mais aussi en permettant aux salariés de développer leurs qualifications et de faire valoir leurs compétences.
L'environnement économique est devenu plus porteur, et le chômage poursuit sa décrue à un rythme accéléré de 9 % sur un an ; 400 000 personnes ont trouvé un emploi depuis deux ans.
Déjà, cela modifie le contexte dans lequel se déroulent les négociations. Les salariés n'ont plus de raison de se résigner au chômage et à la précarité !
Ce projet de loi sera un levier pour eux afin de remettre un peu de justice, après toutes ces années, dans le partage de la richesse, que ce soit sous forme pécuniaire ou en temps de loisirs, ce qui est une autre forme de richesse.
A cette heure tardive et sous les dorures du Palais du Luxembourg, c'est pourtant une vieille histoire qui se poursuit, une histoire qui a commencé non pas avec les lois de 1936 sur les quarante heures et les congés payés, mais depuis bien plus longtemps.
Il a été important pour nous, durant ces trois jours, d'y prendre notre part avec vous, madame la ministre, et de tenter de faire entendre ici la voix du monde du travail.
Enfin, monsieur le président, je confirme ici le vote positif du groupe socialiste sur l'amendement n° 93 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l'article 14.
Cela étant, nous voterons, bien entendu, contre l'ensemble de ce texte tel qu'il ressort des débats du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer ma satisfaction et celle de mes collègues du groupe du RPR pour ce qui est de la qualité de nos débats.
Je tiens également à remercier notre rapporteur - et je le dis sans flatterie - car il a su surmonter, grâce à son pragmatisme, la complexité de sa tâche. Jamais en effet, à ma connaissance, un projet de loi n'aura été présenté dans une telle confusion, notamment sur le plan de son financement.
Nous avons reçu de l'Assemblée nationale un texte boursouflé par les multiples ajouts de la majorité plurielle à une rédaction déjà autoritaire.
Partout où le centralisme l'emportait, nous avons privilégié la concertation et la négociation collective.
Au terme de ce débat, c'est un texte équilibré que nous allons adopter ; un texte qui montre clairement que nous sommes favorables à une réduction de la durée du temps de travail sur la base d'une démarche volontaire et adaptée à la situation de chaque entreprise.
Nos concitoyens, qu'ils soient salariés ou employeurs - car ils sont avant tout unis dans l'entreprise - y trouveront leur compte.
Le dialogue social, qui risquait de sortir chancelant de ce projet de loi, s'en retrouvera revigoré.
Ce texte mérite seulement maintenant son titre de réduction « négociée » du temps de travail.
Par ailleurs, notre Haute Assemblée - nous ne pouvons que nous en réjouir - a réaffirmé explicitement le principe de la compensation intégrale au régime de sécurité sociale des exonérations de charges décidées par l'Etat. Ce faisant, elle a manifesté son attachement au paritarisme qui caractérise l'organisation de notre système de protection sociale et que vous avez tenté de mettre à mal, madame le ministre.
Mes collègues du groupe RPR et moi-même voterons ce projet tel qu'il ressort des travaux du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ces trois jours de débat, les craintes que j'ai eu l'occasion d'exprimer dans la discussion générale au nom du groupe communiste républicain et citoyen se sont malheureusement confirmées.
Les chômeurs et les salariés précaires n'ont rien à attendre de la majorité sénatoriale pour que leur aspiration légitime de réappropriation du temps, leur revendication de travailler moins pour travailler tous, se concrétisent.
Alors que les inégalités sociales demeurent, voire se creusent, que les revenus des ménages des salariés ne progressent pas encore au niveau souhaité, la Bourse et la santé financière de nos entreprises explosent. Et vous voudriez nous faire croire que ce projet de loi sur les 35 heures assassinera les entreprises !
Ce qui dérange profondément le patronat et qui vous pousse, messieurs, à mépriser un projet de loi porteur de progrès tant économique que social, c'est que, à l'occasion des négociations au sein des entreprises, les salariés réfléchissent à une autre organisation du travail, pensent l'efficacité de l'outil de travail au service non de la rentabilité financière mais de la promotion de l'individu.
En fait, la réduction du temps de travail touche au rapport de forces, existant, à la répartition des richesses entre salaires et profits. Voilà pourquoi elle suscite autant de rejet de votre part !
Alors que l'emploi demeure la préoccupation essentielle des Français, vous balayez d'un revers de main ce projet de loi au motif qu'il remettrait en question la place du travail pour chacun d'entre nous dans la société.
Vous reprochez au texte de court-circuiter, d'encadrer les négociations. Avant l'annonce de la première loi, le dialogue social était en panne. Là où la réduction du temps de travail était envisagée, elle était le plus souvent conjuguée avec l'annualisation, la flexibilité et l'intensification du travail.
Vous êtes parvenus, avec la loi quinquennale, à faire sauter de nombreux verrous. Les solutions que vous nous proposez aujourd'hui ne favoriseront pas davantage le processus de négociation, elles le bloqueront. Que les salariés puissent être consultés sur les accords de réduction du temps de travail vous échappe !
Par idéologie, parce que, pour vous, l'entreprise est seule maîtresse de ses décisions, vous refusez que, avant de proposer un plan social, des négociations sur la réduction du temps de travail s'ouvrent.
Ainsi, vous avez piétiné l'« amendement Michelin », et toutes les dispositions relatives à la durée légale du travail ont disparu. Vous avez vidé de toute sa substance progressiste le projet de loi tel qu'il avait été adopté à l'Assemblée nationale. Vous l'avez mis en charpie !
En revanche, vous conservez des outils tels que la modulation, l'annualisation, le temps partiel ou le compte épargne-temps, pour les mettre au service de la flexibilité. De la flexibilité ! Voilà le leitmotiv qui vous anime.
Vous comprendrez aisément que tout nous oppose. Les parlementaires communistes, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ont abordé les débats avec le souci de tout mettre en oeuvre pour que ce texte amène effectivement les créations d'emplois, les améliorations des conditions de travail et la meilleure maîtrise du temps attendues. L'homme était au centre de nos préoccupations.
Nous avons eu l'occasion de rappeler que, sur des points précis tels que le régime des heures supplémentaires, le temps partiel et l'application des dispositions du texte aux cadres et dans la fonction publique, nous souhaitions aller plus loin, et nous avons fait de multiples propositions à cet égard.
Cela étant, la seconde lecture à l'Assemblée nationale permettra, j'en suis sûr, de rétablir le dispositif que la majorité sénatoriale a démantelé. Contrairement à elle, nous croyons que les 35 heures permettront de créer des emplois. Nous croyons en cette évolution historique, mais à la vue du champ de mines que vous avez semé, nous comprenons que le chemin sera long.
Par conséquent, nous voterons contre le texte tel qu'il a été modifié par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, madame la ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la suite d'un long et parfois tumultueux débat, nous parvenons au terme de l'examen de ce texte. Chacun a pu exposer librement son point de vue, nous avons tous constaté qu'il existe une incompatibilité notoire entre la position de la majorité gouvernementale et celle de la majorité sénatoriale. Ce sont deux philosophies bien différentes qui s'affrontent.
La majorité des membres du RDSE voteront le texte tel qu'il est issu de nos travaux. Ce sera néanmoins un vote sans enthousiasme, car le projet de loi était critiquable dans son essence, et les efforts du rapporteur, auquel je tiens à rendre hommage, n'ont pu rendre bon un texte qui ne l'était pas.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste a bien évidemment soutenu les propositions de M. le rapporteur. En effet, le travail qui a été effectué est de grande qualité, et les auditions auxquelles a procédé la commission nous ont permis de comprendre l'étendue du problème posé.
Cependant, il me semble que, dans ce débat, nous avons totalement oublié la réalité des choses, puisque le tissu des PME en a été absent.
Nous avons eu sans cesse présente à l'esprit l'affaire Michelin.
Mais est-ce là véritablement le visage des entreprises françaises ?
Si nous nous sommes opposés au projet de loi, c'est essentiellement parce que nous ne voulons pas prendre le risque de voir s'effondrer la majorité de nos entreprises, qui ne pourront pas forcément faire le sacrifice de 11 % de leur productivité, même s'il est sans doute vrai que les entreprises en croissance n'auront pas de problème pour passer ce cap, au moins dans un premier temps.
En outre, je regrette d'avoir dû constater le manque de confiance de certains d'entre nous dans la capacité de dialogue des acteurs de l'entreprise. Je n'ai absolument pas compris comment la majorité gouvernementale pouvait nier à ce point le rôle que peuvent jouer les syndicats, le patronat et les diverses instances qui ont été instaurées tout au long de notre histoire sociale.
Au terme de trois journées de débats intéressants, mais sur lesquels je ne me faisais aucune illusion - nous ne pouvions pas nous rencontrer, puisque nous défendions des points de vue totalement différents ! - je souhaite, madame le ministre, que la croissance se poursuive et que le chômage continue à refluer. Les membres du groupe de l'Union centriste espèrent que tous ceux qui retrouveront un travail le garderont longtemps, malgré le choc que subiront nos entreprises.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Au terme de notre débat, je voudrais d'abord remercier ceux qui m'ont soutenu ou qui m'ont aidé dans des moments parfois difficiles, puis rappeler les grandes lignes du projet de loi tel qu'il va sans doute être adopté par notre assemblée.
Le Sénat a réaffirmé son accord de principe sur la réduction du temps de travail lorsqu'elle résulte d'une négociation volontaire entre les partenaires sociaux. La loi Robien du 11 juin 1996 constitue à cet égard une preuve suffisante, nous semble-t-il, de notre conviction, tout comme le dispositif présenté par la commission lors de la discussion de la loi du 13 juin 1998.
Dans ces conditions, je ne peux accepter les propos tenus par Mme Dieulangard à l'instant et par Mme le ministre au cours du débat et donnant à penser que, parce que nous refusons la baisse de la durée légale du temps de travail, nous serions opposés à la réduction de celui-ci.
De même, nous ne pouvons accepter un certain amalgame tendant à assimiler notre refus du « double SMIC » à une volonté de réduire les garanties offertes aux salariés. Le Sénat ayant supprimé les dispositions de l'article 1er, la suppression des articles 2, 11, 12 et 16 était, je le répète, une conséquence logique.
Je souhaiterais d'ailleurs rappeler la teneur des quatre articles additionnels adoptés par le Sénat. Ils constituent des apports importants, qui étaient réclamés par les partenaires sociaux.
Ces articles additionnels prévoient en effet la tenue d'une conférence nationale sur le développement de la négociation collective, la validation des accords signés en vertu de la loi du 13 juin 1998, la validation de l'accord signé par les partenaires sociaux le 8 avril 1999 sur le mandatement. Enfin, une disposition particulière vise les établissements du secteur sanitaire, social et médico-social, qui sont pénalisés par les délais supplémentaires liés à la procédure d'agrément, et dont les responsables ne sont pas satisfaits des réponses du Gouvernement.
En outre je rappelle que l'application de la loi du 13 juin 1998 n'a permis la création que de 30 000 à 40 000 emplois, selon les chiffres mêmes du Gouvernement, alors que la croissance a amené à elle seule la création de 500 000 emplois. Le remède au chômage réside donc dans une croissance soutenue, dont le renforcement repose sur des réformes structurelles du marché du travail, mais aussi sur la capacité à maîtriser les dépenses publiques et à inciter les entreprises à investir et à développer la formation.
Par ailleurs, la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi n'est pas financée, et cela devrait avoir des conséquences importantes en termes d'aggravation des dépenses publiques. Le surcoût qu'entraînera, pour les entreprises, le passage aux 35 heures ne pourra que pénaliser leurs investissements et leurs efforts de formation, et donc, à terme, affaiblir la croissance.
Le dispositif proposé par le Gouvernement, qui est fondé sur la contrainte et sur la réglementation, pourrait ainsi, et je le regrette, se révéler défavorable aux entreprises et à l'emploi.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Notre débat, qui a duré trois jours, a mis en évidence - M. le rapporteur l'a rappelé à juste titre - deux conceptions différentes de la société.
Mme Hélène Luc. Ça, c'est clair !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je ne vous le reproche pas, madame Luc, et pas davantage à Mme le ministre, de ne pas partager notre vision des choses. Nous avons notre logique, qui est peut-être aussi valable que la vôtre. L'avenir le dira. En tout cas, nous ne faisons pas le même pari !
Mme Hélène Luc. On est pour le progrès ou on ne l'est pas !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Madame Luc, je ne vous ai pas interrompue, alors, s'il vous plaît, ne m'interrompez pas non plus !
Je voudrais d'abord souligner, à la suite de notre collègue Alain Gournac, que nous n'avons pas modifié l'intitulé du projet de loi, car il prend enfin toute sa signification dans le texte tel qu'il sera, je le pense, adopté par le Sénat. C'est en effet la négociation qui devra entraîner, le cas échéant, et progressivement, la réduction du temps de travail, à laquelle nous avons les uns et les autres souscrit, et ce depuis longtemps.
Par ailleurs, on a beaucoup parlé de l'emploi, au cours de ce débat, mais nous ne pensons pas qu'il ait été la motivation première du Gouvernement. Ainsi, j'avais cherché le mot « emploi » dans le texte de l'article 11 avant que le projet de loi ait été examiné par l'Assemblée nationale, et je ne l'avais trouvé qu'une seule fois. Il a fallu que des amendements d'origine parlementaire soient adoptés à l'article 11, à l'Assemblée nationale, pour que la création ou la préservation d'emplois devienne effectivement une condition de l'allégement des charges supportées par les entreprises qui s'orientent vers une réduction du temps de travail.
Votre objectif, madame le ministre, c'était donc non pas l'emploi - il l'est devenu par la force des choses - mais, comme pour tous les autres membres du Gouvernement, cet horizon que représente la ligne rose de 2002. Vos propositions sont certes nappées - et le contraire serait vraiment anormal - d'une sauce sociale très généreuse (Mme Dieulangard s'esclaffe), mais tout cela n'est, en fait, que l'enveloppe de votre projet politique pour 2002.
Dès lors, évitez de nous raconter trop d'histoires ! Nous avons entendu les réactions jacobines de M. Mélenchon, qui nous aurait sans doute coupé la tête si nous avions été en 1792 ! (Sourires.)
Il est vrai que vous avez mis en avant la force de la loi, qui, je vous le rappelle, est au service du citoyen, et non l'inverse. Tels sont les quelques mots que je voulais prononcer, même s'ils ne font pas très plaisir. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par M. le rapporteur.
Madame le ministre, vous allez dépenser une centaine de milliards de francs par an. Savez-vous que ce montant permettrait de créer, si vous l'injectiez dans l'économie, que ce soit dans la construction ou dans les travaux publics, 400 000 emplois ? En effet, 1 million de francs représentent quatre emplois, y compris les emplois induits. D'autres choix étaient donc possibles.
M. Claude Domeizel. Vous ne les avez pas faits !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Nous ne l'avons pas fait, mais attendez, nous reviendrons peut-être !
En tout cas, je souhaite que la majorité sénatoriale suive la position de la commission, au nom de laquelle je demande un scrutin public.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 12:

Nombre de votants 309
Nombre de suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 211
Contre 98

11