Séance du 18 novembre 1999







M. le président. Par amendement n° 82, M. Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 23, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa du IV de l'article 65 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, après les mots : "à l'exception des transferts sollicités en raison d'une expropriation", sont insérés les mots : "ou, à l'intérieur de toute agglomération d'une commune de moins de 2 500 habitants, de la nécessité d'améliorer le service par la mise en conformité avec les pratiques de la profession". »
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Connaissant le sort qui va sans doute être réservé à cet amendement, je n'interviendrai pas sur le fond ; je me contenterai de dire que je le retire. Mais il reviendra en discussion au printemps prochain. (Sourires.)
Mme Nicole Borvo. Chaque année, alors !
M. Emmanuel Hamel. Nous attendrons le printemps !
M. le président. L'amendement n° 82 est retiré.
Par amendement n° 125, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 23, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 601 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout accord d'autorisation de mise sur le marché d'une spécialité pharmaceutique ou autre médicament visé au premier alinéa de cet article pour lesquels le service médical rendu est attesté, s'accompagne obligatoirement de la fixation de son prix et de son niveau de remboursement à laquelle procède le comité économique du médicament en application de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant l'an dernier sur l'article 23 du projet de loi de financement de la sécurité sociale de 1999 qui reconnaissait au pharmacien un droit de substitution, lançant ainsi le développement des médicaments génériques, je regrettais le fait choquant que des laboratoires se voient attribuer, pour certains produits, des autorisations de mise sur le marché sans pour autant en demander le remboursement. Ainsi, en raison de prix élevés, des patients étaient privés du bénéfice, notamment, de médicaments innovants, par exemple contre la migraine.
Comme cela pose un véritable problème de santé publique, j'ai alors insisté non seulement pour qu'un débat s'engage sur la politique du médicament, mais également pour que l'Etat prenne toutes ses responsabilités et pèse de tout son poids lors de la fixation des prix.
Depuis, madame la ministre, vous avez engagé des négociations avec l'industrie pharmaceutique afin de revoir le remboursement et le prix des médicaments. L'objectif est d'avoir au moins un médicament très bien remboursé par pathologie. Les autres, bien qu'appartenant à la même classe thérapeutique mais ayant une efficacité moindre, verraient leur prix et leur taux de remboursement diminuer.
Nous abordons le problème différemment. Pour nous, un médicament est efficace ou il ne l'est pas. S'il obtient l'autorisation de mise sur le marché, c'est que, a priori, il a fait la preuve de son utilité et de son innocuité. Une fois le prix fixé dans la transparence, pourquoi ne serait-il pas remboursé ?
J'ai conscience que l'amendement que nous vous proposons lie et confond ces trois étapes. Il donne par ailleurs compétence au comité économique du médicament, ce qui soulève quelques difficultés, puisque vous êtes seule responsable, madame la ministre, pour fixer le niveau de remboursement.
Toutefois, si je l'ai déposé, c'est parce qu'il me paraît nécessaire de débattre de la question du médicament utile remboursable et du médicament inefficace non remboursable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. le rapporteur n'ayant pas d'avis, je vais donner le mien. (Sourires.)
Il faut distinguer deux procédures.
L'autorisation de mise sur le marché est une procédure de santé publique ; elle est délivrée à des médicaments dès lors que leur efficacité thérapeutique est prouvée, et ce quel que soit le degré de cette efficacité.
Dès lors, l'évaluation du service médical rendu, que nous mettons en place de manière encore plus systématique dans la nouvelle procédure, obéit à une autre logique : elle tend à apprécier l'intérêt, pour la collectivité, de prendre en charge le médicament.
L'évaluation du service médical rendu par la mise sur le marché du médicament va se fonder à la fois sur l'appréciation du bénéfice par rapport au risque et sur la place du médicament dans la stratégie thérapeutique : l'analyse sera effectuée par rapport aux autres médicaments qui existent, par rapport aux autres thérapies disponibles, par rapport à la gravité de l'affection à laquelle le médicament est destiné, par rapport au caractère préventif, curatif ou symptomatique des traitements médicamenteux, ainsi que par rapport à son intérêt pour la santé publique.
Ainsi, un médicament titulaire de l'autorisation de mise sur le marché peut présenter un rapport bénéfice sur risque positif et ne pas justifier le remboursement au vu d'autres critères : par exemple, d'autres médicaments sont plus efficaces pour la même pathologie et le même degré de gravité. Je ne crois pas que nous puissions lier les deux.
L'amendement n° 125 pose un problème que M. Autain avait déjà soulevé et sur lequel nous devons travailler.
Aujourd'hui, un certain nombre de laboratoires demandent effectivement une AMM, y compris à l'échelon européen, sans que nous puissions agir, car l'AMM européenne s'impose à nous. Ils en profitent pour faire de la publicité, sans demander le remboursement. Puis, une fois bien installés sur le marché, à partir d'arguments développés essentiellement par eux-mêmes et sur lesquels les experts, en termes de santé publique, n'ont pas pu s'exprimer puisque la demande de remboursement n'a pas été faite, ils font pression pour demander le remboursement.
Cette question a été évoquée récemment à propos d'un médicament contre la grippe. Il n'est pas facile d'y répondre, car il s'agit de procédures européennes ; nous ne sommes pas seuls !
Dans l'attente de cette réponse sur ce problème spécifique, il ne serait ni sain ni conforme, d'ailleurs, à nos engagements communautaires actuels de considérer que tout médicament ayant un effet thérapeutique doit être remboursé. Cela n'irait pas non plus dans le sens d'une plus grande transparence à l'égard des patients, transparence vers laquelle nous tendons en mettant en place ce service médical rendu : désormais, les patients pourront être informés de manière beaucoup plus simple sur l'effet de tel ou tel médicament.
Cela étant, le problème que vous soulevez doit, je le répète, être examiné. Je n'ai pas la réponse aujourd'hui mais je suis tout à fait prête à y travailler.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Vous voyez qu'il était intéressant que Mme le ministre s'exprime. Le sujet est, en effet, tellement complexe qu'il convenait que le Gouvernement arbitre cette demande émanant d'un groupe de la majorité plurielle...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Qui pose de vraies questions !
M. Charles Descours, rapporteur. Effectivement !
Cependant, nous considérons qu'aujourd'hui les laboratoires pharmaceutiques prennent de plus en plus la forme de multinationales, à l'échelon non seulement européen, mais également mondial. Ils peuvent demander des AMM ailleurs qu'en France, notamment en Europe, à l'agence de Londres. Par conséquent, cette économie dirigée n'est plus de mise dans un marché mondial très ouvert, là plus qu'ailleurs.
La commission émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Borvo, l'amendement n° 125 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo. Je le retire, monsieur le président, car j'ai bien conscience qu'il n'est pas applicable en l'état actuel des choses. Toutefois, je considère qu'un engagement a été pris de pousser la réflexion sur cette question.
M. le président. L'amendement n° 125 est retiré.

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