Séance du 24 novembre 1999






RATIFICATION D'ORDONNANCES RELATIVES
AU DROIT APPLICABLE OUTRE-MER

Discussion de quatre projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 420, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-773 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. [Rapport n° 72 (1999-2000).]
- du projet de loi (n° 421, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. [Rapport n° 75 (1999-2000).]
- du projet de loi (n° 422, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-524 du 24 juin 1998, n° 98-525 du 24 juin 1998, n° 98-581 du 8 juillet 1998, n° 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. [Rapport n° 81 (1999-2000).]
- du projet de loi (n° 423, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-520 du 24 juin 1998, n° 98-521 du 24 juin 1998, n° 98-523 du 24 juin 1998, n° 98-526 du 24 juin 1998, n° 98-776 du 2 septembre 1998, n° 98-777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. [Rapport n° 77 (1999-2000).]
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune pour ces quatre projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le 5 février 1998, je vous présentais un projet de loi qui est devenu la loi du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Vingt ordonnances, prises dans le délai imparti, ont été publiées en application de l'article 1er de la loi du 6 mars 1998.
Aux termes de l'article 2 de cette loi, le Gouvernement devait déposer des projets de loi de ratification au plus tard le 15 novembre. Ce dépôt a eu lieu dans les délais, puisqu'il a été effectué le 4 novembre 1998 sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Quatre projets de loi ont ainsi été adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale, le 10 juin 1999.
J'ai l'honneur de les soumettre aujourd'hui à votre examen.
Les ordonnances ont été élaborées en collaboration avec les collectivités concernées et, sur de très nombreux points, elles répondent à leurs demandes expresses.
Conformément à l'article 1er de la loi d'habitation, elles ont donné lieu à la consultation des assemblées territoriales.
Sur le fond, les vingt ordonnances s'inscrivent dans l'action de mise à niveau du droit que mène le Gouvernement pour assurer le développement économique et social de l'outre-mer.
Le travail du Gouvernement a ainsi porté dans trois directions.
Il a d'abord visé le renforcement de l'expression de la citoyenneté.
Plusieurs ordonnances ont concerné le droit de la nationalité pour les Mahorais qui ont omis de souscrire la déclaration recognitive au moment de l'indépendance des Comores, ainsi que l'état civil des populations de l'intérieur de la Guyane, les droits et devoirs politiques des électeurs et des élus, l'organisation et le fonctionnement de la justice.
En ce qui concerne le développement économique et social, des mesures très concrètes ont été prises, par exemple pour autoriser l'intervention d'opérateurs fonciers et agricoles à Mayotte, pour permettre l'extension du régime de l'épargne-logement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, pour développer la gamme des aides au logement à Mayotte, pour moderniser le régime de la pêche dans le territoire des terres Australes et Antarctiques françaises.
L'ordonnance du 2 septembre 1998 portant dispositions particulières aux cessions à titre gratuit des terres appartenant au domaine privé de l'Etat en Guyane mérite une attention particulière.
Pour tenir compte, en effet, de la situation foncière, exceptionnelle, puisque l'Etat possède 90 % de la superficie du département, le Gouvernement a entendu régulariser la situation juridique des agriculteurs qui exploitent des terres mises à leur disposition par l'Etat et permettre l'attribution, à titre gratuit, de terres du domaine privé de l'Etat à des Guyanais qui y ont construit leur habitation principale.
Deux décrets ont été élaborés. A cette occasion, la consultation du conseil général de la Guyane a évidemment été effectuée.
Le premier de ces textes, soumis à l'examen du Conseil d'Etat, a pour objet d'élargir les compétences de l'établissement public d'aménagement en Guyane dans la mise en oeuvre des opérations de cession et de déterminer les règles générales de cession gratuite des terres appartenant au domaine privé de l'Etat.
Le second, qui est un décret simple, a pour objet de fixer le plafond de la superficie des terrains qui peuvent être cédés, et il sera publié en même temps que le premier.
Sur cette question toujours irritante de la situation des terre en Guyane, il s'agit d'une avancée importante, attendue depuis longemps par les agriculteurs et ceux par qui ont construit leur logement alors qu'ils étaient, en réalité, occupants sans droit ni titre.
Le troisième objectif du Gouvernement est d'étendre l'accès à la formation et à la santé publique.
Dans le Pacifique, où dominent la langue et la culture anglo-saxonnes, l'université française du Pacifique constitue le seul pôle universitaire francophone. L'ordonnance relative au régime de l'enseignement supérieur dans les territoires d'outre-mer du Pacifique renforce ce pôle par une nouvelle organisation qui se traduit principalement par la création de deux universités, l'une en Nouvelle-Calédonie, à Nouméa, l'autre en Polynésie française, à Papeete. Leur régime juridique sera rapproché de celui qui est issu de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur.
Le décret portant création de l'université de la Polynésie française et de l'université de la Nouvelle-Calédonie a été publié le 2 juin 1999. Les deux universités sont actuellement dirigées par des administrateurs provisoires. Leurs présidents devraient être élus et les statuts adoptés d'ici au mois de janvier 2000.
Cinq autres décrets d'application ont été publiés au cours du second semestre de cette année 1999.
D'importantes mesures sont prises en matière de santé publique pour permettre, par exemple, le prélèvement et la greffe de cornées et le prélèvement des reins dans le territoire de Nouvelle-Calédonie ou pour réglementer le tarif des produits sanguins et des médicaments dans les départements d'outre-mer.
En vous présentant ces quatre projets de lois de ratification, le Gouvernement remplit pleinement sa mission puisque toutes les ordonnances qu'il était habilité à prendre ont été publiées.
Elles vous sont aujourd'hui soumises pour ratification dans les délais prévus par la loi d'habilitation. Le Gouvernement a donc rempli son contrat vis-à-vis de votre assemblée, qui souhaitait connaître les textes pris en fonction des lois d'habilitation. Cela correspond, au demeurant, au contrôle normal que doit exercer le Parlement.
De plus, le Gouvernement a souhaité introduire deux amendements au projet de loi de ratification n° 421 afin de procéder à des adaptations limitées de la législation applicable outre-mer pour permettre de résoudre deux difficultés de détail.
Le premier vise à modifier la loi du 3 janvier 1969 relative au fonds intercommunal de péréquation en Nouvelle-Calédonie : l'article 9-2 de cette loi écarte du bénéfice de ce fonds les communes ayant reçu par contrat conclu avec l'Etat des aides pour leurs programmes d'investissement ; conformément à l'accord de Nouméa, l'article 3 de la loi simple du 19 mars 1999 permet désormais aux communes de conclure avec l'Etat des contrats dans le domaines économiques, social et culturel. Dès lors, l'article 9-2 de la loi du 3 janvier 1969 aboutit à exclure du bénéfice du fonds intercommunal de péréquation les commmunes qui sont dans le cadre contractuel, ce qui ne correspond aucunement à la volonté du législateur. Aussi, pour réparer cette malfaçon et donner plein effet au dispositif de rééquilibrage et de développement économique mis en place en 1999, il vous est proposé de supprimer cette incompatibilité pour les seuls contrats conclus en application de l'article 3 de la loi du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Le second amendement introduit une disposition technique qui permettra le fonctionnement effectif de la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française : vous le savez, l'article 207 de la loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie a abrogé les articles L. 262-14 et L. 272-15 du code des juridictions financières, qui prévoyaient que le fonctionnement des deux chambres territoriales des comptes de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française pouvait être assuré par les mêmes magistrats.
Le Gouvernement a tiré les conséquences de ces dispositions et a pris les mesures nécessaires pour que la chambre territoriale des comptes de Papeete soit matériellement distinct de celle de Nouméa et qu'elle puisse fonctionner : les magistrats devant y siéger ont été désignés, et les moyens matériels de fonctionnement ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000. Toutefois, il est apparu au Gouvernement que la charge de travail à accomplir ne justifiait pas la présence d'un commissaire du Gouvernement à temps plein dans chacune de ces juridictions et qu'une bonne utilisation des deniers publics plaidait pour que le même magistrat exerce ces fonctions en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, ce qui nécessite d'adapter les dispositions correspondantes. Cette solution n'est pas sans précédent devant les juridictions administratives, puisque, par exemple, le tribunal administratif de Cayenne fonctionne avec un commissaire du Gouvernement qui est en poste à Fort-de-France.
Voilà une adaptation mineure, d'ailleurs souhaitée par l'Assemblée de la Polynésie française, qui permettra de mettre en place dès le début de l'année 2000 la chambre territoriale des comptes à Papeete.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ces quatre projets de loi de ratification, le Gouvernement tient donc le double engagement qu'il avait pris de moderniser le droit de l'outre-mer et de soumettre à votre assemblée l'ensemble des ordonnances prises en application de la loi d'habilitation du 6 mars 1998.
Je vous remercie de l'attention que vous avez déjà portée à ces projets de loi de ratification qui sont particulièrement importants pour la modernisation du droit applicable outre-mer et dont les mesures, dans un projet de loi portant diverses dispositions, auraient représenté près de deux cents articles.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Au moins !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Nous pouvons ainsi travailler à mon avis efficacement, sous le contrôle du Parlement, dans des matières qui concernent nos concitoyens d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi du 6 mars 1998 a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, des mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
En application de cette habilitation, le Gouvernement a publié, entre le 24 juin et le 2 septembre 1998, vingt ordonnances.
Le présent projet de loi, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 10 juin dernier, vise à ratifier trois de ces ordonnances relatives aux questions sanitaires et sociales. Je tiens en cet instant à remercier M. le secrétaire d'Etat pour la saisine de notre assemblée de l'ensemble des ordonnances prises en application de la loi d'habilitation du 6 mars 1998, ainsi que pour l'accueil qu'il nous a réservé lors des travaux préparatoires.
Ces trois ordonnances, d'aspect quelque peu technique, permettent de moderniser, d'adapter ou d'étendre la législation applicable outre-mer dans des domaines variés touchant aussi bien le droit du travail que la santé publique ou la protection sociale.
La commission des affaires sociales est particulièrement attentive à la situation de l'outre-mer qui apparaît aujourd'hui préoccupante. Elle considère également que le droit applicable outre-mer doit prendre en considération les diverses spécificités locales et ne pas se limiter à une simple transposition des normes applicables en métropole, transposition qui peut aboutir, in fine , à des aberrations dans la réglementation, en décalage total avec les besoins de l'outre-mer.
A ce propos, la procédure des ordonnances peut participer à cette nécessaire adaptation du droit applicable outre-mer. Certes, il est toujours possible de formuler des réserves sur cette procédure qui conduit à un dessaisissement temporaire des prérogatives législatives du Parlement. Mais les ordonnances permettent d'adapter la législation après consultation des assemblées locales, afin de prendre en compte les spécificités de l'outre-mer dans des domaines la plupart du temps très techniques et donc très arides pour un débat parlementaire.
Ce n'est donc pas un hasard si le recours aux habilitations législatives est de plus en plus fréquent s'agissant de l'outre-mer.
Ainsi, depuis 1976, neuf lois d'habilitation ont été votées concernant l'outre-mer, la dernière en date étant celle du 25 octobre dernier. On assiste même à une accélération sensible du recours aux ordonnances en ce domaine. Une nouvelle loi d'habilitation est votée par le Parlement, alors que les ordonnances prises en application de la loi d'habilitation précédente n'ont pas encore été ratifiées par le Parlement.
Il n'en reste pas moins que la commission des affaires sociales ne peut que préconiser une prise en compte plus précoce des spécificités de l'outre-mer dans la procédure législative. L'examen de textes comme le projet de loi sur la couverture maladie universelle ou le projet de loi relatif à la réduction du temps de travail a d'ailleurs bien montré que le Gouvernement ne prenait pas en compte les particularités de l'outre-mer dans la rédaction des projets de loi qu'il soumet au Parlement.
La commission des affaires sociales estime donc qu'il serait préférable d'intégrer très en amont, lors de la rédaction des projets de loi, la spécificité de l'outre-mer pour prévoir les conditions d'applicabilité. Cela aurait notamment l'avantage de permettre une application immédiate de certains textes outre-mer et de limiter le recours aux ordonnances.
Dans le cas présent, la procédure de ratification qui nous est proposée est originale. Nous ne pouvons qu'en donner acte au Gouvernement.
La ratification des ordonnances a en effet donné lieu au dépôt non pas d'un seul, mais de quatre projets de loi de ratification qui feront l'objet d'une discussion générale commune. Ces quatre projets de loi regroupent de manière thématique les différentes ordonnances et ont été renvoyés à quatre commissions différentes, en vertu des compétences sur le fonds des ordonnances.
La commission des affaires sociales ne peut que se féliciter d'une telle démarche qui a le mérite de privilégier une ratification portant sur le fonds des questions abordées par les ordonnances plutôt que sur de simples questions de procédure.
Ces remarques préalables étant faites, j'en viens au contenu des ordonnances que le présent projet de loi vous demande de ratifier.
Ces trois ordonnances sont d'importance très diverse.
L'ordonnance du 24 juin 1998 compte trente-six articles très denses. Ses titres Ier et II réforment et actualisent le droit applicable en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, prolongeant ainsi les dispositions de la loi du 5 juillet 1996, qui modifiait déjà sensiblement le droit applicable.
Ces dispositions visent avant tout à combler certains vides juridiques, à adapter la législation à des conventions internationales et à répondre à certaines demandes des autorités territoriales.
S'agissant de la Polynésie française, le titre Ier de l'ordonnance modifie quelque cinquante articles de la loi du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit au travail en Polynésie française. Il poursuit la modernisation de ce droit, engagée avec la loi du 5 juillet 1996, afin de réduire l'écart avec les règles fondamentales du droit du travail applicables en métropole.
A ce titre, l'ordonnance modifie les dispositions sur les modalités de rupture du contrat de travail, afin de distinguer le licenciement de la démission et de prévoir le cas de départ à la retraite du salarié. Elle donne une base légale au travail intérimaire et précise les conditions d'application des conventions collectives, ainsi que le régime de saisie et de cession des rémunérations. D'autres dispositions concernent l'aménagement du temps de travail et la protection des femmes enceintes au travail.
L'ordonnance comporte également un large volet relatif à la sécurité des travailleurs. Il s'agit, en l'occurrence, de rendre applicables au territoire certaines conventions internationales ratifiées par la France, mais aussi de rappeler certaines règles fondamentales de la médecine du travail, de conforter le statut des médecins inspecteurs du travail, de préciser le rôle des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et d'étendre le régime des mises en demeure.
Par ailleurs, l'ordonnance comporte des dispositions sur le droit syndical, sur les comités d'entreprise, ainsi que sur le régime spécifique des activités de journaliste et de voyageur représentant placier.
S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, le titre II de l'ordonnance est de moindre ampleur que pour la Polynésie française puisqu'il modifie seulement une vingtaine d'articles de l'ordonnance du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail. La loi du 5 juillet 1996 avait en effet déjà introduit un certain nombre de modifications. L'objet de ces dispositions est très proche de celui des mesuresl concernant la Polynésie française.
Le titre III de cette ordonnance regroupe des dispositions de nature très variée. Il modifie ainsi le droit du travail applicable dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon en rendant possible la mise en oeuvre, par décret, d'une réorganisation des services chargés de l'emploi et de la formation professionnelle. Il prévoit également, pour chacune de ces collectivités, une réforme des commissions de conciliation compétentes pour les conflits du travail.
Ces réformes me paraissent aller dans le bon sens et pourraient contribuer à améliorer le dialogue social, qui rencontre de nombreuses difficultés. Les conflits sociaux sont le plus souvent longs et difficiles en outre-mer, et ils paralysent largement les économies locales. La commission des affaires sociales ne peut alors que souhaiter un renforcement du dialogue social dans les départements d'outre-mer.
Par ailleurs, ce titre III renforce le contrôle de l'application du droit du travail applicable aux marins des navires immatriculés dans les territoires d'outre-mer. Il étend également le recrutement des adjoints de sécurité aux territoires d'outre-mer et à Mayotte et y adapte le code du travail à la réforme du service national.
D'autres dispositions plus mineures concernent seulement Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte ainsi que Wallis-et-Futuna.
L'ordonnance du 20 août 1998 est moins dense. Elle comporte essentiellement trois types de dispositions bien spécifiques.
Elle vise, tout d'abord, à donner un fondement légal, dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, à des arrêtés ministériels majorant la tarification des produits sanguins labiles et des médicaments remboursables pour tenir compte des coûts d'éloignement. A ce propos, la commission des affaires sociales s'interroge toutefois sur l'opportunité d'une telle majoration. Elle craint notamment que cette dernière ne se traduise par une restriction dans l'accès aux médicaments et qu'elle ne permette qu'une adaptation imparfaite aux différents contextes locaux. Mais dans la mesure où une telle disposition n'a pas rencontré pour l'instant d'opposition sur place, la commission des affaires sociales ne voit pas matière à s'y opposer.
Cette ordonnance vise, ensuite, à favoriser la coordination en matière de sécurité sociale en Nouvelle-Calédonie. Il s'agit, ici, d'assurer la continuité de la couverture sociale pour les assurés se déplaçant de la métropole vers la Nouvelle-Calédonie et vice versa. Je rappelle que la Nouvelle-Calédonie a des règles autonomes en matière de protection sociale. L'ordonnance prévoit, en conséquence, la signature d'une convention entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie sur ce sujet.
Enfin, l'ordonnance introduit des dispositions relatives à la protection complémentaire vieillesse des travailleurs non salariés à Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'ordonnance du 2 septembre 1998 étend à la Nouvelle-Calédonie certaines des dispositions de la loi du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain afin de permettre le prélèvement et la greffe de cornées et le prélèvement de reins. Cette extension répond à une demande ancienne des autorités de Nouvelle-Calédonie et permet de mettre un terme à un véritable imbroglio juridique.
Tel est donc le contenu, sommairement exposé, des trois ordonnances qu'il vous est demandé de ratifier.
Mais, au-delà de leur contenu, ces ordonnances appellent un certain nombre d'observations. Elles révèlent, sur des cas d'espèce, certains dysfonctionnements intrinsèquement liés à la procédure des ordonnances modifiant le droit applicable outre-mer.
La première observation concerne le respect des compétences des collectivités d'outre-mer. La question s'est ici posée pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, notamment en droit du travail.
En application des lois statutaires du 12 avril 1996 pour la Polynésie française et du 9 novembre 1988 pour la Nouvelle-Calédonie - je rappelle d'ailleurs à ce propos que le transfert des compétences en Nouvelle-Calédonie, prévu par la loi organique du 19 mars 1999, ne sera effectif qu'au 1er janvier 2000 - le territoire est compétent en matière de droit du travail, de santé publique et de protection sociale. L'Etat reste toutefois compétent pour fixer les « principes généraux » ou les « principes directeurs » en matière de droit du travail.
Il n'en reste pas moins que la notion de « principes généraux » ou de « principes directeurs » est pour le moins floue. Et il importe d'y accorder une attention particulière. Je rappelle en effet que, lors du débat sur la loi d'habilitation, la commission des lois, par la voix de son rapporteur M. Jean-Marie Girault, avait tout particulièrement insisté sur ce point, en précisant que « les lois statutaires de ces deux territoires ne donnent compétence à l'Etat que pour définir les "principes généraux" et les "principes directeurs" du droit du travail ; aussi les ordonnances devront-elles respecter cette répartition des compétences, la frontière (...) étant parfois malaisée à tracer ».
Il me semble que les ordonnances ont défini ces principes généraux de manière très extensive, mais en restant toutefois dans le cadre du partage des compétences.
Néanmoins, si, en droit, le respect des compétences des territoires apparaît acceptable, les choses sont moins évidentes en opportunité.
A partir du 1er janvier 2000, la Nouvelle-Calédonie sera exclusivement compétente en droit du travail. Il en sera de même pour la Polynésie française après l'adoption prochaine de la future loi organique en application de la loi constitutionnelle que le Congrès examinera en janvier.
Dans ces conditions, le Gouvernement donne singulièrement l'impression d'avoir voulu « toiletter » une dernière fois le droit du travail juste avant le changement de statut. On peut le regretter.
La seconde observation concerne le respect du champ de l'habilitation.
Le champ de l'habilitation n'a en effet pas été respecté par défaut, même si rien n'oblige juridiquement le Gouvernement à prendre des ordonnances dans l'ensemble des domaines couverts par l'habilitation.
Lors de l'examen du projet de loi d'habilitation, l'Assemblée nationale avait en effet adopté un amendement présenté par Mme Taubira-Delannon, député de la Guyane, étendant le champ de l'habilitation à la question du « remboursement des médicaments indispensables en matière de prophylaxie et de thérapeutique palustres ».
A ce propos, je me permets, avec M. Delaneau et les membres de la mission d'information de la commission des affaires sociales qui se sont rendus en Guyane et qui avaient d'ailleurs été sensibilisés à cette question, d'insister sur ce sujet. Les médicaments en question ne sont pas remboursés hors de l'hôpital, alors que l'endémie palustre s'aggrave, notamment du fait de sa résistance aux médicaments de base, peu onéreux mais inutilisables en raison de leur manque d'efficacité, et que les hôpitaux sont surchargés.
Pourtant, malgré cette habilitation et malgré la gravité du problème, les ordonnances n'abordent pas cette question et la situation reste figée. Aussi, la commission des affaires sociales vous proposera tout à l'heure d'adopter un amendement pour répondre à cette carence.
Ma troisième observation touche à l'application des ordonnances. Ces ordonnances appellent en effet des mesures d'application, qu'il s'agisse des décrets, de délibérations des assemblées locales ou de conventions. Or, bien que ces ordonnances aient été adoptées à l'été 1998, elles sont encore loin d'être applicables.
C'est par exemple le cas de l'ordonnance du 2 septembre 1998. A dire vrai, c'est plutôt l'application de l'ordonnance qui serait surprenante en l'espèce. Je vous rappelle qu'elle vise à étendre et à adapter certaines dispositions de la loi bioéthique à la Nouvelle-Calédonie. Or, vous le savez, la loi de 1994 reste encore très largement inappliquée en métropole, faute de décrets d'application, comme l'a fortement souligné notre collègue Claude Huriet dans un récent rapport pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
C'est aussi le cas pour l'ordonnance du 20 août 1998, qui reste aujourd'hui lettre morte, alors qu'elle prévoit une application à partir du 1er janvier 1999.
Au total, je ne peux que constater que l'application des lois reste un réel problème, même lorsque le Gouvernement est lui-même législateur dans le cadre des habilitations législatives. A ce propos, pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, l'état actuel de l'application de ces ordonnances ?
Ma quatrième observation concerne la consultation préalable des assemblées locales. Il faut tout d'abord vous donner acte, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir élargi le champ de la consultation au-delà du strict nécessaire défini par la loi d'habilitation.
Le Sénat est très attaché à cette consultation qui constitue une utile garantie que les mesures proposées soient adaptées aux contextes particuliers. Mais, si la consultation formelle, telle qu'elle est prévue par la Constitution et la loi d'habilitation, a bien été respectée, il n'en reste pas moins que la procédure de consultation suscite certaines interrogations. J'en verrai deux principales.
Tout d'abord, les délais sont brefs. Les assemblées ne disposent en effet que d'un mois, voire de quinze jours seulement en cas d'urgence, pour émettre leur avis. Or ce délai apparaît d'autant plus court que les domaines abordés par les ordonnances, vous le constatez, mes chers collègues, sont vastes et complexes. Ainsi, sur les onze assemblées consultées sur le projet de loi de ratification, seules quatre ont rendu leur avis en temps utile.
La commission ne peut que regretter cette brièveté des délais alors que l'urgence attachée aux ordonnances n'est pas, semble-t-il, évidente pour le Gouvernement, comme en témoignent les retards dans leur application.
En second lieu, la consultation doit être réelle et non pas considérée comme une simple obligation formelle. En ce sens, plusieurs assemblées ont observé un important décalage entre les projets d'ordonnances sur lesquels elles ont émis un avis et les textes finalement publiés. La commission ne peut donc que suggérer une meilleure association des assemblées locales tout au long de la procédure.
Ma dernière observation porte enfin sur la lenteur des procédures.
Vous avez insisté, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'Assemblée nationale, sur le respect par le Gouvernement des délais fixés par la loi d'habilitation. Il n'en reste pas moins que le projet de loi de ratification n'est examiné par le Sénat, en première lecture, que plus d'un an après son dépôt par le Gouvernement.
On peut regretter une telle situation.
D'abord, elle accentue le dessaisissement du législateur en retardant le moment où celui-ci ratifie ou non les ordonnances, qui ont pourtant entre-temps valeur normative.
En outre, le législateur est saisi d'une demande de ratification de textes qui sont, pour certains, devenus désuets. Ainsi, pour ces ordonnances, je ne peux que constater deux implications négatives de cette lenteur.
D'abord, les ordonnances n'ont pas pris en compte l'évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie, ni celle de la Polynésie. Leur rédaction est alors désuète, la Nouvelle-Calédonie n'étant plus un territoire d'outre-mer. La commission des affaires sociales vous proposera donc, mes chers collègues, d'adopter un amendement pour prendre en compte cette évolution. A cet égard, je ne peux que constater que le Gouvernement n'a guère fait la preuve d'un grand sens de l'anticipation dans la mesure où la loi constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie a été publiée à l'été 1998, concomitamment aux ordonnances.
Ensuite, l'une des trois ordonnances est incontestablement obsolète. Il s'agit de l'ordonnance du 2 septembre 1998 dont les dispositions modifiant le code de la santé publique en Nouvelle-Calédonie sont actuellement en cours de réécriture dans l'optique du projet de refonte dudit code. Le Parlement est donc amené à se prononcer sur des dispositions dont on sait pertinemment qu'elles n'auront que quelques mois d'existence.
Au total, ces observations, qui sont finalement autant de réserves, n'appellent pourtant pas à un rejet du projet de loi de ratification. Ces ordonnances contiennent en effet un nombre important d'adaptations utiles du droit applicable outre-mer, pour la plupart d'ailleurs demandées par les acteurs locaux.
Aussi, et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous proposera, la commission des affaires sociales vous demande-t-elle, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les propos tenus par M. le rapporteur de la commission des affaires sociales me permettront d'abréger mon intervention, puisque je puis prendre à mon compte un certain nombre d'observations qu'il a faites sur la méthode dans sa conclusion.
Néanmoins, je rappelle que ce train d'ordonnances a été déposé dans les délais au Parlement, et je crois que si le projet de loi n'a pas été inscrit à l'ordre du jour, cela était dû à un problème d'organisation. Peut-être n'est-ce pas le secrétaire d'Etat à l'outre-mer qui devrait être réprimandé à ce propos, mais le ministre des relations avec le Parlement.
J'ajoute que, déposés le 15 novembre 1998, les projets de loi de ratification n'ont été examinés par l'Assemblée nationale que le 10 juin dernier, et encore celle-ci a-t-elle dû introduire plusieurs articles additionnels par voie d'amendements. Cela prouve à l'évidence que le travail de vérification des projets de loi eu égard aux textes en vigueur n'a pas été mené jusqu'à son terme.
Quoiqu'il en soit, le Gouvernement a déposé des projets de loi de ratification, ce qui n'était pas le cas auparavant, la ratification étant fréquemment implicite. Il s'agit d'une simple question d'organisation de nos travaux et, personnellement, je me réjouis que ce débat ait lieu, même s'il est tardif.
Certes, la méthode est quelque peu compliquée, compte tenu de la modification de certaines mesures ou de l'intervention de nouvelles législations depuis l'entrée en vigueur des ordonnances. C'est vrai pour la Nouvelle-Calédonie ; cela le sera aussi demain pour la Polynésie, et encore plus tard avec l'application aux départements d'outre-mer de la réforme du statut des commissaires-priseurs que nous avons examinée.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, depuis 1953, il n'y a eu aucune compilation dans une version consolidée des textes applicables outre-mer. C'est vraiment un maquis impénétrable. Excepté pour quelques spécialistes, il est très difficile de savoir quels sont les textes applicables à l'outre-mer. Ce matin même, un étudiant qui prépare une thèse de doctorat m'interrogeait sur l'applicabilité en outre-mer des dispositions relatives à l'élection des sénateurs.
Il n'est donc guère aisé de légiférer en ce domaine dans la mesure où les délais sont longs et où, entre temps, de nouvelles législations interviennent.
J'en viens au projet de loi de ratification des ordonnances qui a été soumis à la commission des lois.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des lois tient à saluer les efforts accomplis par les services de votre secrétariat d'Etat et des autres ministères concernés pour appliquer outre-mer un nombre assez considérable de textes législatifs.
J'ajoute, j'y reviendrai dans ma conclusion, que, quelle que soit la qualité des travaux des services ministériels, il est utile que les services du Parlement puissent débusquer les erreurs ou les inadaptations des textes qui lui sont soumis.
La commission des lois a examiné l'ordonnance relative à l'allongement des délais de déclaration des naissances en Guyane. Nous connaissons le problème propre à ce département, je parle sous le contrôle de M. Othily. Le délai de trois jours prévu dans le code civil ne permet pas aux parents de déclarer la naissance de leurs enfants français et de les faire inscrire sur les registres de l'état-civil. Cette adaptation du délai de déclaration était indispensable.
S'agissant de l'ordonnance relative au régime de l'enseignement supérieur dans les territoires d'outre-mer du Pacifique - je vous rappelle que deux universités distinctes ont été créées, sises respectivement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française - elle a pour objet de rapprocher le régime applicable à ces universités du régime de droit commun tout en prenant en compte des spécificités locales. Je pense qu'à la suite des amendements adoptés par l'Assemblée nationale nous aurons à revenir dans le détail sur la représentation territoriale au sein des conseils d'administration de ces universités.
Quant à l'ordonnance portant actualisation et adaptation de certaines dispositions du droit pénal et de procédure pénale dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, elle concerne beaucoup de domaines : la police territoriale de Mayotte, les courses de chevaux, les jeux de hasard, des législations très anciennes qui ne semblaient pas avoir été appliquées jusqu'à présent ou qui l'étaient sans fondement juridique. On découvre des choses tout à fait extraordinaires : n'y avait-il pas de législation sur les paris puisqu'ils étaient totalement libres ? Peut-être fallait-il un peu réglementer là comme ailleurs.
Une autre ordonnance très intéressante est relative à l'organisation juridictionnelle dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
La commission des lois a été étonnée du système en vigueur à Saint-Pierre-et-Miquelon : il semble que les règles élémentaires en matière d'organisation judiciaire n'étaient absolument pas respectées. Ainsi, il pouvait ne pas y avoir de magistrat professionnel en appel ; le même magistrat pouvait juger une même affaire en première instance et en appel ; il pouvait également instruire, puis juger une même affaire.
M. le président. Et protester en même temps dans les journaux !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois. Les magistrats avaient le temps de protester en plus dans les journaux... Je n'ose le croire monsieur le président. (Sourires.)
Il fallait donc mettre un terme à ces aberrations. Fort heureusement, à Saint-Pierre-et-Miquelon, le contentieux n'est pas énorme.
Des dispositions ont été prises pour éviter de telles situations. Pour pallier le manque de juges - il semble que Saint-Pierre-et-Miquelon attire très modérément les magistrats - on a inventé un système de visioconférence.
M. Michel Charasse. Il n'y a qu'à les remplacer par des pingouins ! Ils sont habillés pareil ! (Rires.)
M. le président. Monsieur Charasse, ne troublez pas M. le rapporteur !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois. Monsieur Charasse, je n'ai pas entendu ce que vous avez dit, parce que j'ai le plus grand respect de la magistrature !
M. Michel Charasse. Pas moi !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois. La mise en place de tels dispositifs est tout de même révélatrice d'un certain nombre de dysfonctionnements en matière de procédure pénale dans certaines collectivités d'outre-mer.
Les autres dispositions de cette ordonnance portent sur des points très divers, tels que la création d'une chambre disciplinaire de l'ordre des chirurgiens-dentistes. La commission a débusqué quelques erreurs et elle s'est efforcée de préciser ce régime disciplinaire.
L'ordonnance du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte appelle peu de commentaires dans la mesure où il s'est agi de rassembler un certain nombre de dispositions éparses et de tenir compte de l'évolution statutaire d'un certain nombre de collectivités, de territoires.
L'avant-dernière ordonnance traite de l'application de l'article 21-13 du code civil à Mayotte.
Nous connaissons les difficultés que rencontrent certains Mahorais pour prouver leur nationalité française. La procédure simplifiée qui a été instaurée à titre temporaire pour permettre la régularisation de leur situation au regard du droit de la nationalité est donc la bienvenue, monsieur le secrétaire d'Etat. Il n'en demeure pas moins que les problèmes de preuve de la nationalité française demeurent complexes dans cette collectivité.
C'est complexe et cela le restera malgré cette ordonnance. Comme on l'a vu précédemment en Guyane, désormais, pour les enfants, l'allongement à un mois du délai de déclaration des naissances devrait permettre de leur reconnaître la nationalité française.
Il n'est pas sûr cependant que tous ceux qui devront faire cette déclaration se manifesteront dans des délais requis et que leurs enfants pourront être considérés comme Français. Notre ami M. Othily connaît bien ce type de difficultés dans son département.
Enfin, la dernière ordonnance concerne l'extension et l'adaptation de dispositions concernant le droit civil, le droit commercial et certaines activités libérales.
Elle porte sur certains contrats en matière civile et commerciale, l'amélioration des rapports locatifs et de copropriété, l'encadrement et l'utilisation des éléments et des produits du corps humain. Elle porte également sur l'adaptation du droit concernant l'exercice de la médecine et de la chirurgie sur les animaux à Saint-Pierre-et-Miquelon et le statut de certaines professions libérales ainsi que sur l'extension aux départements d'outre-mer du statut des commissaires-priseurs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il convient de relever, notamment dans les domaines médical et vétérinaire, que la professionnalisation des armées risque de poser des problèmes.
A titre personnel, je m'interroge. Les volontaires de l'aide technique étaient extrêmement utiles dans certains départements et territoires d'outre-mer et je ne suis pas sûr que les armées puissent désormais faire face à ces missions d'ordre sanitaire.
Sur l'ensemble des dispositions tendant à l'adaptation et à l'actualisation du droit applicable outre-mer, la commission des lois a déposé dix-huit amendements.
Ils traitent, tout d'abord, de l'harmonisation terminologique tenant compte de l'évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie. Nous serons d'ailleurs conduits très prochainement à faire de même pour la Polynésie française.
Ils portent également sur l'alignement du régime juridique défini pour l'outre-mer sur celui qui est applicable en métropole lorsque aucune spécificité locale ne justifie l'adaptation proposée.
Ils visent aussi à compléter les extensions proposées, à éviter qu'une disposition issue d'une ordonnance n'empiète sur le domaine de la loi organique, à ajuster le dispositif juridique en fonction des spécificités locales, à préciser la rédaction de certaines dispositions relatives à l'organisation juridictionnelle de Saint-Pierre-et-Miquelon, et, enfin, à corriger des erreurs matérielles et des oublis.
Je sais que le Gouvernement, lui aussi, a déposé des amendements afin d'améliorer ces ordonnances. Je renouvelle donc mes félicitations à vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, tout comme à ceux des commissions du Sénat. Cet excellent travail contribuera à la modernisation du droit de l'outre-mer. (Applaudissements.)

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