Séance du 29 novembre 1999







M. le président. Par amendement n° I-117, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présentera sur le bureau de chaque assemblée parlementaire, avant le 1er octobre 2000, un rapport comprenant une présentation consolidée du projet de loi de finances pour 2001 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, et en particulier leur impact global en termes de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-117 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le défendre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement me paraît tout à fait utile car il met l'accent sur une très grande insatisfaction de notre assemblée.
Nous observons que les prélèvements obligatoires sont à présents répartis entre la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances, chacune obéissant à ses règles propres et chacune étant discutée de manière autonome. Or nous avons besoin d'une vue d'ensemble sur la politique des prélèvements obligatoires et sur leur affectation.
Au demeurant, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, lors de la discussion générale, a fait preuve d'une certaine ouverture sur ce sujet en laissant entendre que cette présentation consolidée pourrait être livrée aux assemblées parlementaires à l'occasion du débat d'orientation budgétaire. Ce serait déjà un premier pas.
Le dispositif de cet article additionnel, initialement déposé par le groupe des Républicains et Indépendants, vient bien à la rencontre des préoccupations de la commission des finances puisqu'il prescrit la présentation d'un rapport avant le 1er octobre 2000 de telle sorte que, l'an prochain, nous soyons éclairés, en abordant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 comme du projet de loi de finances pour 2001, sur l'impact de ces deux textes en termes de prélèvements obligatoires et de leur affectation à la dépense publique.
Il s'agit là d'une excellente initiative, que la commission des finances reprend sans réserve à son compte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je veux indiquer à M. le rapporteur général que l'objectif qu'il poursuit est également celui du Gouvernement : présentation des comptes clairs et lisibles par le Parlement et, au-delà, par la presse et l'opinion.
Le rapport présenté à l'occasion du débat d'orientation budgétaire offre déjà une vue consolidée des comptes. Surtout, le projet de loi de finances est assorti, comme le prévoient les articles 32 et 38 de l'ordonnance organique, d'un rapport très complet et extrêmement clair, qui satisfait à votre objectif, monsieur le rapporteur général : « Avoir une vision exacte de la situation financière de la France ; analyser l'évolution réelle des impôts et des dépenses ».
Autrement dit, l'ensemble des informations que vous demandez est contenu dans ce rapport.
Par ailleurs, le programme pluriannuel des finances publiques à l'horizon 2002 présenté au Parlement à la fin du mois de décembre de l'an dernier met en perspective l'évolution à moyen terme des finances de l'ensemble des administrations publiques : Etat, sécurité sociale et collectivités locales, ces dernières ne devant pas être oubliées, monsieur le rapporteur général, lorsqu'il est question des prélèvements obligatoires.
En conclusion, je pense qu'il n'est peut-être pas nécessaire de multiplier les documents de présentation. Ce qui existe est satisfaisant. Mais il faut aller dans votre sens et faire en sorte que, chaque année, les documents soient plus clairs, plus précis, et qu'ils répondent bien à l'objectif premier du contrôle parlementaire que vous avez souligné à juste titre.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-117 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. Je vais donc le mettre aux voix.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Par cet amendement, il est proposé qu'il soit dorénavant procédé à une présentation consolidée des comptes retracés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances.
Cette année, un certain nombre de mouvements ont effectivement lieu entre les deux textes, mouvements qui ont d'ailleurs été rejetés par la majorité sénatoriale, laquelle a déjà singulièrement mis à mal le projet de loi sur la réduction du temps de travail comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale et est aujourd'hui opposée par principe à la présente loi de finances, ainsi qu'en témoignent, par exemple, les amendements de suppression des articles 27 bis et 29, qui matérialisent les transferts de recettes fiscales au bénéfice du financement de la protection sociale.
J'avoue d'ailleurs assez mal comprendre la perplexité des membres de la majorité sénatoriale, notamment quand ils parlent de « bonneteau fiscal ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah bon ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les mesures conjuguées de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances sont, à notre avis, aisément identifiables pour qui accorde un peu de temps aux documents budgétaires.
Le produit de la taxe générale sur les activités polluantes et une part importante de celui des droits de consommation sur les tabacs et sur les boissons alcoolisées se voient ainsi transférés vers les recettes de la protection sociale. Dans le même temps, on constate une disparition de la majoration exceptionnelle de 10 % de l'impôt sur les sociétés perçue au profit du budget de l'Etat et la création d'une contribution d'un montant plus faible pour le financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Laborieuse démonstration !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il faut souligner qu'il y a non pas évolution globale à la hausse du pourcentage des prélèvements obligatoires mais des changements d'affectation des produits, ce dont d'ailleurs nous pourrions discuter.
Nous avons eu l'occasion de préciser que le choix consistant à financer des allégements de cotisations sociales par l'affectation de droits de consommation, donc de droits indirects, ne nous paraissait pas nécessairement le meilleur. De même, nous ne sommes pas convaincus que l'embauche soit essentiellement freinée par l'existence de prélèvements sociaux. Il nous semble en particulier qu'il est plus que temps de réorienter vers un soutien au financement de l'investissement l'action de l'Etat en direction des entreprises.
Force est de constater que la démarche de nos collègues de la majorité sénatoriale n'est rien de moins qu'idéologique. Rien ne prouve en effet que la réduction des prélèvements sociaux et fiscaux soit la meilleure condition d'un développement économique et social harmonieux.
Le fait que notre pays ait choisi de socialiser la satisfaction de besoins relatifs à la santé, la retraite ou l'éducation implique évidemment l'existence d'un système de prélèvements qui n'existe pas sous cette forme dans les pays où ces besoins reçoivent le plus souvent une réponse individualisée.
Peut-être nos collègues souhaitent-ils remettre en cause l'existence de la sécurité sociale et la réduire à ce qui existe aux Etats-Unis. Notons que les prélèvements facultatifs - mais en fait obligatoires - que les salariés américains doivent consentir pour financer leur santé ou leur retraite sont à rapprocher de ceux qu'assument en France la Caisse nationale d'assurance maladie ou la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Je ne suis pas persuadée qu'il y ait, au bout du compte, une grande différence entre ces modes de prélèvement. La différence, elle réside dans le fait que, en France, la sécurité sociale organise la solidarité entre les générations ou entre les malades et les biens-portants, alors que, aux Etats-Unis, tout le monde le sait, des sommes considérables normalement dédiées à la protection peuvent partir en fumée sur les marchés financiers où interviennent les fonds de pension et les compagnies d'assurance privées.
Vous l'avez compris, mes chers collègues, nous ne voterons pas cet amendement, initialement présenté par le groupe des Républicains et Indépendants et repris par M. le rapporteur général.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je voterai, moi, cet amendement car il est absolument nécessaire à la clarté de nos débats.
J'ai bien lu le rapport économique et financier qu'évoquait M. le secrétaire d'Etat voilà quelques minutes, et je peux vous garantir, mes chers collègues, que vous n'y trouverez, par exemple, nulle trace du transfert des droits sur les boissons alcoolisées du fonds de solidarité vieillesse au fonds de financement de la sécurité sociale. Je n'ai pas non plus trouvé, dans ce rapport, une présentation claire du produit des impôts qui sera affecté à la sécurité sociale.
Certes, figure à la fin du fascicule sur les voies et moyens une évaluation de ces impôts, mais chacun peut constater que cette évaluation concerne l'année 1999. Autrement dit, la présentation est faite avec un an de retard.
Par conséquent, il est absolument indispensable que ce rapport soit fourni. Qu'il le soit sous forme d'une annexe au rapport économique et financier ou d'un rapport séparé, cela n'a pas d'importance, mais nous devons avoir une vision claire de tous les impôts affectés à tous les établissements publics distincts de l'Etat pour une année donnée, c'est-à-dire, en l'occurrence, 2000.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cela relève-t-il d'une approche idéologique que de vouloir faire en sorte que les parlementaires et les citoyens soient informés clairement des dispositions financières qui sont prises chaque année ? En écoutant Mme Beaudeau, je me posais cette question. La démocratie, c'est d'abord la clarté, et tous ceux qui s'opposent à une plus grande clarté ont certainement des arrière-pensées que je n'oserai qualifier.
Notre droit budgétaire répond à trois principes : celui de l'unité - il n'y a qu'un budget -, celui de l'universalité - le budget doit tout comprendre - et celui de l'annualité - le budget est établi chaque année. Tels sont les principes de base fixés par notre Constitution ! A la suite des événements survenus ces dernières années, nous avons fait exploser ces principes.
Bien évidemment, je voterai l'amendement n° I-117 rectifié. Mais nous pouvons nous poser la question de savoir comment nous en sommes arrivés là. Peut-être pourrait-on faire observer au Gouvernement que son rôle est de faire respecter les règles constitutionnelles. Il accepte d'ailleurs maintenant une meilleure lisibilité des textes. Il reconnaît donc qu'il ne l'avait pas fait auparavant.
Cela signifie que les lois de financement de la sécurité sociale et les lois de finances qu'on nous présente depuis plusieurs années, corrigées d'ailleurs immédiatement après leur vote par les lois rectificatives puis par les annulations de crédits, traduisent bien l'opacité étonnante de nos décisions.
Je demande donc au Gouvernement de revenir au principe de base de notre République, l'unité du budget : il comprend toutes les dépenses et toutes les recettes, et il est voté chaque année par le Parlement, dans la plus grande clarté, je l'espère.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-117 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de la loi de finances, avant l'article 2.

Article 2