Séance du 29 novembre 1999







M. le président. « Art. 2. - I. - Les dispositions du I de l'article 197 du code général des impôts sont ainsi modifiées :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 26 230 francs le taux de :
« 10,5 % pour la fraction supérieure à 26 230 francs et inférieure ou égale à 51 600 francs ;
« 24 % pour la fraction supérieure à 51 600 francs et inférieure ou égale à 90 820 francs ;
« 33 % pour la fraction supérieure à 90 820 francs et inférieure ou égale à 147 050 francs ;
« 43 % pour la fraction supérieure à 147 050 francs et inférieure ou égale à 239 270 francs ;
« 48 % pour la fraction supérieure à 239 270 francs et inférieure ou égale à 295 070 francs ;
« 54 % pour la fraction supérieure à 295 070 francs ;
« 2° Au 2, les sommes : " 11 000 francs " et " 20 270 francs " sont remplacées respectivement par les sommes : " 11 060 francs " et " 20 370 francs " et les sommes : " 6 100 francs " et " 5 380 francs " sont remplacées respectivement par les sommes : " 6 130 francs " et " 5 410 francs " ;
« 3° Au 4, la somme : " 3 330 francs " est remplacée par la somme : " 3 350 francs ".
« II. - Le montant de l'abattement prévu au deuxième alinéa de l'article 196 B du code général des impôts est fixé à 20 480 francs. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette intervention sur l'article 2 porte évidemment sur la question, sans cesse posée, de la réforme de l'impôt sur le revenu.
Il est en effet remarquable de constater que cet impôt qui est, si l'on peut dire, le plus directement perçu par nos concitoyens quant à sa réalité concrète est, depuis de longues années - peut-être, en fait, depuis qu'il existe - l'objet d'une controverse sans cesse renouvelée.
Dans le cadre de la réforme fiscale que le Gouvernement a engagée depuis le printemps 1997, il semble que l'impôt sur le revenu fasse l'objet, l'an prochain, d'attentions toutes particulières, au même titre que la fiscalité directe.
On observera que le précédent gouvernement avait engagé une réforme de l'impôt qui consistait, dans ses grandes lignes et compte tenu de l'équilibre général de notre système fiscal, à faire supporter par les revenus les plus faibles une redistribution toujours plus favorable aux revenus les plus importants.
Par conséquent, une réforme de l'impôt sur le revenu nous paraît nécessaire, réforme qui semble acquise, selon les dernières déclarations de M. le Premier ministre.
Pour autant, nous ne pouvons dissocier - et nos amendements de cette année comme les propositions que nous avons formulées les années précédentes en attestent - cette réflexion et cette réforme de l'évolution plus générale de notre fiscalité.
On ne peut d'ailleurs oublier que la réforme de l'impôt sur le revenu a été quelque peu engagée en 1998, dès lors que le basculement des cotisations maladie sur la contribution sociale généralisée, la CSG, a fait de celle-ci une sorte de socle proportionnel de l'impôt progressif.
Je ferai une première observation à ce propos.
Il est manifeste que l'assiette de la CSG et celle de l'impôt progressif sont nettement différentes, même si cela n'apparaît pas vraiment pour les salariés. C'est sans doute là une première piste de réflexion qu'il conviendrait d'explorer.
Si l'on souhaite modifier l'économie générale de notre impôt progressif, il importe de s'interroger sur l'opportunité d'apporter un certain nombre d'exceptions à la règle fiscale qui en appauvrissent singulièrement le rendement et qui conduisent in fine à ne traduire qu'imparfaitement les notions de justice fiscale comme l'efficacité de l'impôt.
Il demeure en effet inconcevable que les revenus du capital contribuent pour 11 % au rendement de la CSG et que ce pourcentage s'établisse à 3 % dès qu'il s'agit de l'impôt progressif, auquel ils échappent donc très largement, et ce sans tenir compte de la qualité même des placements qui les génèrent.
Nous continuons de penser que l'égalité devant l'impôt est quelque peu mise à mal par cette situation et que toute réforme de l'impôt sur le revenu doit viser à mettre un terme à ces distorsions.
Par ailleurs, ainsi que nous l'avons souligné, une réforme de l'impôt sur le revenu, outre qu'elle permet de faire cesser quelques privilèges que rien ne justifie véritablement, doit aussi se fixer comme objectif d'offrir des marges de réduction du poids des autres impôts.
Nous ne sommes pas opposés à un accroissement relatif du rendement de l'impôt sur le revenu si, dans le même temps, un effort particulier est accompli pour réduire la taxe sur la valeur ajoutée ou d'autres droits indirects.
C'est d'autant plus pertinent que la moitié des contribuables de l'impôt sur le revenu sont aujourd'hui non imposés, dont un nombre non négligeable, soulignons-le - plus de 1,3 million de foyers, si je ne me trompe -, l'est du fait de l'accumulation d'avoirs fiscaux et de l'application de telle ou telle réduction de cotisation.
Or chacun sait que, dans le même temps, la TVA n'oublie personne et frappe donc beaucoup plus fort ceux qui n'ont que peu pour consommer et vivre.
Je formulerai une dernière remarque. Compte tenu d'un certain nombre de pratiques en vigueur chez nos partenaires européens, devons-nous envisager de remettre en question notre système déclaratif au profit d'un système de retenue à la source, comme cela se pratique pour la CSG ?
En cette matière, nous inclinons à penser que le système déclaratif dont nous disposons aujourd'hui conserve toute sa valeur, pour autant que l'on tende à le simplifier au travers d'une réduction des niches fiscales, que nous évoquions encore il y a quelques instants.
A l'examen de cet article, telles sont les observations que nous comptions formuler sur un débat qui est appelé à se prolonger.
M. le président. Sur l'article, la parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Voilà quelques années, à l'époque du gouvernement Juppé, une vaste réforme de l'impôt sur le revenu avait été engagée. Tout le monde s'en était alors réjoui. Peut-on, en effet, être satisfait de la situation actuelle de notre système d'imposition sur le revenu ?
Comme l'a rappelé Mme Beaudeau, la moitié des assujettis à l'impôt sur le revenu ne le paie pas. L'autre moitié le paie, mais la progressivité du taux d'imposition est telle qu'elle en devient dissuasive pour des tranches de revenus qui, finalement, ne sont pas si élevées que cela, notamment en ce qui concerne les cadres.
Cela, ajouté à d'autres charges fiscales et sociales qui pèsent sur certaines catégories de personnes, aboutit, dans un monde aux frontières ouvertes, où la mobilité est de plus en plus grande, à une double conséquence : certains viennent en France parce qu'ils n'y paient pas d'impôts, tandis que les meilleurs d'entre nos fils partent à l'étranger parce qu'ils en paient trop.
J'aimerais qu'un jour on puisse analyser, de façon très précise, ce double phénomène : on attire des personnes chez nous par notre générosité et on en chasse d'autres dont nous aurions extraordinairement besoin du fait d'une trop grande rigueur.
Comme nous le verrons dans les quelques amendements en discussion, nous allons nous chamailler sur un demi-point ou sur trois points de barème en passant à côté du fond du problème : l'impôt sur le revenu est mal calculé, mal basé et il n'a pas les effets qu'on en attend. Très souvent, on accorde des réductions d'impôt à des gens qui n'en paient pas et l'effet psychologique est tout à fait désastreux.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, au-delà du débat qui aura lieu, le Gouvernement serait bien inspiré de revoir la totalité de l'imposition sur le revenu, y compris les nouvelles impositions proportionnelles qui ont été instaurés, notamment la CSG.
Il convient, me semble-t-il, de reprendre ce chantier. Le gouvernement Juppé avait entrepris une réforme en la matière, mais vous l'avez abandonnée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Par amendement n° I-1, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De rédiger comme suit le I de cet article :
« I. - Les dispositions du I de l'article 197 du code général des impôts sont ainsi modifiées :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 26 540 francs le taux de :
« 10,5 % pour la fraction supérieure à 26 540 francs et inférieure à 52 200 francs ;
« 24 % pour la fraction supérieure à 52 200 francs et inférieure ou égale à 91 870 francs ;
« 33 % pour la fraction supérieure à 91 870 francs et inférieure ou égale à 148 750 francs ;
« 43 % pour la fraction supérieure à 148 750 francs et inférieure ou égale à 242 030 francs ;
« 48 % pour la fraction supérieure à 242 030 francs et inférieure ou égale à 298 470 francs ;
« 54 % pour la fraction supérieure à 298 470 francs. »
« 2° Au 2, les sommes de "11 000 francs" et "20 270 francs" sont remplacées respectivement par les sommes de "11 190 francs" et "20 610 francs" ;
« 3° Au 4, la somme de "3 330 francs" est remplacée par la somme de "3 390 francs". »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du A ci-dessus, de compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification des modalités d'actualisation du barème est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-118, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, proposent :
A. - De rédiger ainsi le 1° du I de l'article 2 :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque revenu qui excède 32 510 francs, les taux de :
« 7,5 % pour la fraction supérieure à 32 510 francs et inférieure ou égale à 50 380 francs ;
« 21 % pour la fraction supérieure à 50 380 francs et inférieure ou égale à 88 670 francs ;
« 29 % pour la fraction supérieure à 88 670 francs et inférieure ou égale à 111 660 francs ;
« 37 % pour la fraction supérieure à 111 660 francs et inférieure ou égale à 165 760 francs ;
« 43 % pour la fraction supérieure à 165 760 francs et inférieure ou égale à 248 800 francs ;
« 48,5 % pour la fraction supérieure à 248 800 francs. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus, de compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification de l'actualisation du barème de l'impôt sur le revenu est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-218, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët, proposent :
I. - De rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour le 1° du I de l'article 197 du code général des impôts :
« 1° L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 26 230 francs le taux de :
« 9,5 % pour la fraction supérieure à 26 230 francs et inférieure ou égale à 51 600 francs ;
« 23 % pour la fraction supérieure à 51 600 francs et inférieure ou égale à 90 820 francs ;
« 32 % pour la fraction supérieure à 90 820 francs et inférieure ou égale à 147 050 francs ;
« 41 % pour la fraction supérieure à 147 050 francs et inférieure ou égale à 239 270 francs ;
« 46 % pour la fraction supérieure à 239 270 francs et inférieure ou égale à 295 070 francs ;
« 52 % pour la fraction supérieure à 295 070 francs. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification du barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-119, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent :
I. - Dans le 2° du I de l'article 2, de remplacer la somme : « 11 060 francs » par la somme « 16 600 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond du quotient familial est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-219, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
I. - Dans le texte présenté par l'article 2 pour modifier le 2 du I de l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 11 060 francs » par la somme « 16 600 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond du quotient familial est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-163, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - Dans le texte présenté par le 3° du I de l'article 2 pour modifier le 4 de l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 3 350 francs » par la somme : « 4 500 francs ».
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de l'extension de la décote sont compensées par le relèvement, à due concurrence, du taux prévu au 6° du paragraphe III bis de l'article 125 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-220, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
I. - Dans le texte présenté par l'article 2 pour modifier le 4 du I de l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 3 350 francs » par la somme : « 2 280 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification de la décote visée au 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-1.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement concerne l'évolution du barème de l'impôt sur le revenu.
Tout d'abord, je ferai allusion, monsieur le secrétaire d'Etat, à différents rapports de parlementaires qui se sont déjà exprimés sur ce sujet.
Mon collègue de l'Assemblée nationale - votre successeur, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous avez exercé cette fonction de rapporteur général voilà quelques années -...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... a noté que les recettes fiscales passeraient, pour l'an 2000, de 320 milliards de francs à 332,2 milliards de francs, soit une hausse de 13,2 milliards de francs pour l'impôt sur le revenu. A partir de ce chiffre, il a estimé qu'une réflexion s'imposait sur l'indexation du barème.
Mon collègue de l'Assemblée nationale a également fait remarquer que l'indexation actuelle s'effectue sur la base de l'indice des prix hors tabac et que l'écart traditionnel de 0,1 % entre cet indice et l'indice général des prix aboutit, sur une période de cinq ans, à une augmentation de la charge fiscale d'environ 1 à 2,5 milliards de francs. Il a ajouté que l'indexation du barème, non pas sur l'évolution du revenu disponible des ménages, mais sur celle des prix, contribue aussi à renforcer le poids intrinsèque de l'impôt sur le revenu par rapport aux autres prélèvements.
Le Sénat avait procédé à des constatations analogues et il avait esquissé une problématique voisine dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 1999. Dans ce rapport, que j'avais établi au nom de la commission des finances figurait, notamment, la remarque suivante : une simple indexation sur les prix permettrait à l'Etat, par le jeu de la progressivité de l'impôt, de toucher les dividendes de l'augmentation du pouvoir d'achat des Français.
En effet, telle est bien, monsieur le secrétaire d'Etat, la question que pose aujourd'hui, dans la conjoncture économique présente, un barème fortement progressif, comme celui qui est actuellement en vigueur en France, lorsqu'il s'applique à des revenus gonflés par le retour de la croissance.
La commission des finances estime qu'il s'agit non pas de trouver un agrégat représentatif de l'impôt sur le revenu, mais de tenir compte, dans la définition du barème, de l'accroissement réel des revenus des Français. La solution la plus simple à cet égard serait de faire référence au taux de croissance du produit intérieur brut, donnée simple et prévisible.
L'idée directrice est donc de mettre en place un système d'indexation garantissant un partage des fruits de la croissance entre l'Etat et les contribuables. En pratique, il s'agirait d'ajouter à la traditionnelle indexation sur les prix, égale cette année à 0,5 %, un élément égal à la moitié de la croissance prévue pour 1999, soit 1,15 %.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sous une apparence peut-être technique en ce qui concerne le jeu des clauses d'indexation, cet amendement paraît essentiel à la commission. Il s'agit, en effet, d'éviter la mise en oeuvre d'un système fiscal aveugle dans ses modes d'évolution. Il faut, au contraire, s'efforcer d'adapter son rendement à l'évolution de la conjoncture économique, de telle sorte que, au travers de la définition des bases de l'impôt sur le revenu, l'ensemble des citoyens contribuables soient associés à la croissance économique et qu'ils en perçoivent, eux aussi, quelques dividendes. Ces derniers ne doivent pas profiter seulement à l'Etat. (M. Jean Chérioux applaudit.)
M. le président. L'amendement n° I-118 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-218 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-119 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-219 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-163.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement que le groupe communiste républicain et citoyen a déposé sur la question de l'application de la décote traduit, par certains égards, une position assez constante que nous exprimons depuis plusieurs années.
Le système de la décote est, chacun le sait ici, en oeuvre depuis plusieurs années dans le cadre d'un allégement de la contribution fiscale des revenus les plus modestes.
Dans un premier temps concentré sur les foyers fiscaux comportant une part ou une part et demie, ce système a ensuite été étendu aux autres foyers fiscaux.
Dans le cadre de la réforme de l'impôt sur le revenu engagée en 1997, il devait d'ailleurs progressivement disparaître, étant mis en corrélation avec le mouvement que cette réforme opérait sur les taux d'imposition, singulièrement sur les tranches les plus faibles.
L'une des critiques les plus fréquemment formulées à l'encontre de ce dispositif, dont le coût est estimé à 5,3 milliards de francs, est qu'il favoriserait la création d'une sorte de « trappe de pauvreté » dans laquelle tomberait un certain nombre de contribuables.
Force est cependant de constater que cette situation n'est que l'exact reflet de la capacité contributive de ces ménages.
On peut, certes, regretter que le système de la décote trouve trop souvent application. Il n'en demeure pas moins que cela procède, pour l'essentiel, de la consistance même de l'assiette des revenus imposables, en particulier de la persistance, dans notre pays, d'une profonde inégalité des revenus.
En effet, aujourd'hui, des millions de personnes continuent de ne disposer que de faibles revenus, qu'il s'agisse de pensions, de retraites ou encore de revenus salariaux, du fait même d'un partage pour le moins inégal des fruits de la croissance dans notre société.
On ne doit jamais oublier, surtout dans ce débat, que la précarité du travail demeure une réalité pour des millions de nos concitoyens, que le niveau du SMIC est manifestement sous-évalué au regard des besoins individuels ou familiaux normaux de la vie courante, que le partage de la richesse créée entre salariés et actionnaires est loin d'être favorable aux premiers.
Le système de la décote, même s'il ne constitue pas nécessairement, nous en sommes bien conscients, la réponse la plus adaptée au problème, permet de corriger ces inégalités devant l'impôt, et ce dans le strict respect des principes mêmes de notre fiscalité ; il convient donc de lui rendre toute sa portée.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-220.
M. Jacques Oudin. Cet amendement tend à mettre progressivement fin à certaines différences fiscales entre les couples - mariés ou non - établissant une seule déclaration d'impôt et les couples établissant deux déclarations séparées, et ce par la poursuite de la réforme de la décote initiée par le précédent gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-163 et I-220 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-163 du groupe communiste républicain et citoyen, dont le coût est probablement très élevé, est intéressant en ce qu'il enrichit la réflexion ; mais il n'est pas conforme aux orientations que la commission a retenues cette année pour l'impôt sur le revenu.
Nous avons bien noté les déclarations du Gouvernement annonçant une remise à plat et un débat d'ordre général sur la fiscalité des personnes : l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation. Il paraît donc difficile d'entrer à présent dans une démarche ponctuelle et de ne pas renvoyer les différentes propositions qui sont faites à ce débat général sur l'impôt sur le revenu.
En ce qui concerne la commission des finances, à de nombreuses reprises, nous avons fait état de notre préférence, notamment l'an dernier, lorsque nous avons, par un vote d'article de seconde partie, rappelé notre volonté de voir l'impôt sur le revenu diminuer dans toutes ses composantes et dans tous les compartiments du barème. Nous avions estimé que ce signal était nécessaire et que nos orientations devaient s'inscrire dans la continuité de la politique décidée à cet égard, sans doute un peu tardivement de notre point de vue, par l'ancien gouvernement.
Nous restons sur cette ligne, bien entendu.
Il est bon de rappeler que, si les orientations formulées à l'époque avaient été mises en oeuvre, nous aurions aujourd'hui un impôt sur le revenu qui, après plusieurs années de baisse, aurait suscité un dynamisme nouveau de la part des acteurs de l'économie.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que la proposition du groupe communiste républicain et citoyen doit, comme d'autres, être renvoyée au débat que nous annonce le Gouvernement.
L'amendement n° I-220, sur le même sujet, mais d'inspiration opposée, est également intéressant. La commission des finances, du moins sa majorité, est évidemment plus en sympathie avec cette orientation qu'avec la précédente. Je suggère à nos collègues de retirer cet amendement, après avoir, bien sûr, entendu l'avis du Gouvernement, pour, le cas échéant, le transférer en seconde partie, et, de toute manière, le reprendre - c'est ma suggestion - à l'occasion du débat général sur l'impôt sur le revenu qui nous a été annoncé.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° I-163 et demande le retrait de l'amendement n° I-220.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-1, I-163 et I-220 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements, je souhaite répondre aux différents orateurs qui se sont exprimés sur l'impôt sur le revenu.
Il est clair que les critiques sont nombreuses à l'égard de ce qu'est devenu, au fil du temps, l'impôt sur le revenu. Il est clair également que la complexité de l'impôt sur le revenu fait obstacle à toute appréciation juste de sa place dans l'ensemble du paysage fiscal. Il est clair enfin - je me réfère ici à un vieux principe que j'avais moi-même énoncé alors que j'étais rapporteur général - qu'un bon impôt est un vieil impôt, c'est-à-dire un impôt qui est bien établi, solidement et durablement, sur des bases claires, simples et compréhensibles dans le reste du paysage fiscal. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
Au fil du temps, nous avons « raffiné », si je puis dire, cet impôt sur le revenu. Tous les gouvernements, toutes les majorités ont contribué, de fait, sans le vouloir probablement, à rendre toujours plus complexe l'impôt sur le revenu de sorte qu'il est aujourd'hui excessivement concentré puisque, cela a été rappelé tout à l'heure, si plus de 50 % des assujettis n'acquittent pas d'impôt sur le revenu, 5 % des contribuables assument 50 % du montant de la charge totale. Et que dire du sort du smicard célibataire qui est imposable à l'impôt sur le revenu, sinon que c'est un bien mauvais signal adressé à l'ensemble des salariés qui doivent consentir tant d'efforts pour le retour à l'emploi ? En effet, si dès qu'il retrouve du travail, l'ancien chômeur est immédiatement frappé par l'impôt sur le revenu, à des taux marginaux souvent trop élevés on décourage l'initiative et la dynamique économique que nous appelons tous unanimement de nos voeux.
Il faut donc en effet relire l'impôt sur le revenu en fonction de cet objectif d'initiative, de dynamique économique, de soutien à la qualité de la croissance, et je souscris à ce qui a été dit sur toutes les travées à cet égard. La réforme de cet impôt est bien dans l'intention du Gouvernement, comme l'ont déclaré récemment M. le Premier ministre puis M. Sautter.
Bien entendu, il ne s'agit pas de remettre en cause les fondements de l'impôt sur le revenu, dont il faudra conserver la progressivité et la redistributivité. Mais il faudra corriger les différentes anomalies constatées dans le barème actuel pour le rendre plus moderne.
Nous devrons, ce faisant, accorder une attention particulière à la situation des classes moyennes, qui n'a pas encore été évoquée, mais à laquelle chacun pense ici. Lorsque, dans un foyer fiscal, les revenus sont moyens pour les deux conjoints, l'impôt sur le revenu pèse de manière inacceptable.
M. Michel Charasse. Ça s'arrête où, les « revenus moyens » ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. On ne sait pas forcément où s'arrêtent les revenus moyens, mais on sait bien où sont les petits et les très gros revenus.
M. Michel Charasse. Mais les moyens ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Comme l'a déclaré M. le Premier ministre il y a quelques jours, tout cela devra s'inscrire dans une réforme globale de la fiscalité directe. En effet, on ne peut pas penser l'impôt sur le revenu sans penser en même temps l'imposition locale, en particulier la taxe d'habitation, qui devrait faire l'objet d'un nouvel examen au cours de l'an 2000, lors de la préparation du projet de loi de finances initiale pour 2001.
Il s'agit donc d'une réforme globale, à l'inverse de ce qui s'est passé au cours des années 1995 et 1996, durant lesquelles des réformes successives, plus annoncées d'ailleurs que réalisées, ont abouti à un alourdissement considérable de la charge fiscale globale. Il vous faut en convenir, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, plus de 120 milliards de francs d'impôts nouveaux ont été ainsi créés. Ce que nous voulons, nous, c'est alléger la charge globale, dans un contexte de justice sociale, monsieur Charasse, et de maintien des grands acquis démocratiques de notre système d'imposition, pour dynamiser l'économie sans porter atteinte aux impératifs de justice et d'équité sociales.
Mais j'en viens à l'amendement n° I-1.
M. Marini n'ignore pas que sa proposition serait d'un coût budgétaire important, puisqu'il s'agirait de 4,2 milliards de francs,...
M. Michel Charasse. C'est le tabac qui paye !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, c'est la cagnotte qui paiera !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... et ce pour un très faible avantage individuel, environ 270 francs en moyenne par foyer fiscal imposable.
Par ailleurs, et c'est sans doute le principal défaut à mes yeux de l'amendement de M. Marini, il jouerait de manière indifférenciée et donc, de fait, même si ce n'est certainement pas l'objectif prioritaire de son auteur, en faveur des contribuables aux revenus les plus élevés.
Nous avons, pour notre part, choisi d'utiliser les marges budgétaires disponibles pour poursuivre la réduction des inégalités qui est au coeur de la politique fiscale du Gouvernement, notamment par l'allègement de la TVA, par la suppression de la contribution représentative du droit de bail pour les locataires acquittant annuellement moins de 36 000 francs de loyer et par une multitude d'autres dispositions dont la lecture est claire : il y a plus de justice fiscale lorsqu'il y a allégement de l'impôt.
Je suis donc hostile à l'amendement n° I-1.
Quant à l'amendement n° I-163, permettez-moi de faire un simple rappel. Le mécanisme de la décote a été institué pour corriger, au profit des contribuables de condition modeste, les effets du barème progressif. Son montant est donc étroitement lié à la structure même du barème de l'impôt sur le revenu. Il doit en conséquence évoluer de la même manière que l'ensemble des tranches du barème afin de ne pas déséquilibrer celui-ci.
Une modification du mécanisme de la décote ne peut donc être envisagée, vous en conviendrez avec moi, que dans le cadre d'une réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu. Je viens de l'indiquer, la réflexion est en cours. Le projet de la loi de finances pour 2001 comprendra des dispositions importantes allant dans le sens souhaité.
C'est pourquoi, dans cette attente et prenant en compte les objectifs de justice fiscale qui sont les vôtres, je vous demande, madame Beaudeau, de bien vouloir retirer votre amendement.
L'amendement n° I-220, qui va dans le sens inverse de celui qui a été présenté par le groupe communiste républicain et citoyen, est, à mon avis, marqué d'une faute originelle en ce sens qu'il présenterait l'immense inconvénient d'imposer 1 235 000 nouveaux contribuables modestes alors que, grâce au système de la décote, ils ne le sont pas. M. Oudin s'inspire directement de la logique de la réforme d'ensemble annoncée, à la télévision, par l'ancien Premier ministre, M. Juppé. Si, par cet amendement, on ne reprend qu'une partie de cette réforme, on en déséquilibre la logique. Il serait donc sage de retirer cet amendement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre débat s'engage dans d'excellentes conditions. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. le secrétaire d'Etat. J'approuve en grande partie ce qu'il a dit quant à sa conception de l'impôt. S'agissant de l'impôt sur le revenu, il a eu raison d'insister sur le fait qu'un bon impôt est souvent un impôt ancien, bien fondé, épuré au fil des ans.
Cependant, il est un aspect que vous n'avez pas souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, et qui est celui qui a le plus contribué à complexifier cet impôt : c'est le taux marginal trop élevé. Nous avons, les uns et les autres, fréquemment dénoncé les niches fiscales. Or elles ont été souvent ouvertes parce que, le taux marginal étant si élevé, il fallait bien instaurer des soupapes pour trouver des solutions.
Dès lors que l'on s'engage dans un tel débat et que l'on veut avoir une vision objective du sujet, on ne peut pas ne pas souligner cette question, qui me paraît réelle et à laquelle il faudra trouver des réponses.
Le second aspect qui n'a pas manqué de retenir mon attention, c'est votre évocation - et ce point revient assez souvent au banc du Gouvernement - d'une majoration, excessive, selon vous, des impôts en 1995 et 1996. Puisque vous êtes un Européen convaincu et que vous êtes un spécialiste des finances, monsieur le secrétaire d'Etat, je me retourne vers vous pour vous poser la question suivante : en 1995 et 1996, sachant que vous souhaitiez de tout coeur, j'imagine, la qualification pour l'euro et que vous auriez été naturellement très attaché à ce que le solde nous permette d'obtenir cette qualification, quels impôts auriez-vous augmentés, quelles dépenses auriez-vous baissées ?
La réponse à cette question nous intéresse beaucoup. Si vous aviez eu à diminuer des dépenses, dites lesquelles.
M. Denis Badré. C'est une vraie question !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. En effet, nous n'y avons peut-être pas pensé. Or nous allons vous faire des propositions. Si vous aviez eu à majorer d'autres impôts, dites-nous lesquels.
Je crois en votre science fiscale, mais je suis sûr que vous ne nous avez pas tout dit. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Michel Charasse. Eternelle question : quelles dépenses baisser ? Personne n'y répond jamais, même à droite !
M. Jean Chérioux. Surtout à gauche !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous entrons effectivement dans l'essentiel du débat, et M. le président de la commission des finances a bien planté le décor de cette discussion relative à l'impôt sur le revenu et aux choix budgétaires et fiscaux.
Monsieur le secrétaire l'Etat, je voudrais revenir sur l'indexation du barème.
En matière fiscale, il existe deux catégories de choix : les choix volontaires et les choix implicites. Les choix volontaires, ce sont les mesures de législation fiscale qui nous sont proposées dans le cadre de la vision économique et financière d'un gouvernement. Les choix implicites, c'est le jeu automatique des dispositions antérieures.
A l'occasion du présent projet de loi de finances, nous avons fait un effort de recherche pour reprendre - de nombreux collègues se sont d'ailleurs joints à cette démarche par leurs propres amendements - des seuils en valeur absolue, au motif que, au fil du temps, ces seuils ont pris des caractères très différents de ceux qui étaient les leurs à l'origine. Donc, nous nous sommes efforcés d'actualiser ces seuils pour se remettre dans les conditions des décisions d'origine, souvent anciennes et qui remontent parfois à plusieurs décennies.
En matière d'indexation du barème, faisant la même remarque que nos collègues de l'Assemblée nationale, nous disons que la seule indexation sur les prix entraîne des effets économiques au détriment des contribuables et que ces effets s'agrravent d'année en année de manière insidieuse. C'est ce que j'appelle un choix implicite.
Compte tenu de la conjoncture de croissance économique forte que nous avons la joie de constater aujourd'hui, il est anormal de ne pas traiter les contribuables de manière équitable. De la même manière, il est inéquitable de ne pas associer suffisamment les collectivités territoriales à la croissance, par une indexation insuffisante de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement sur le taux de croissance. C'est exactement le même raisonnement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, même s'il ne s'agit que d'atténuations à la marge des cotisations individuelles, ces atténuations cumulées au fil des ans peuvent entraîner de sérieuses distorsions au terme de quelques années.
Dans votre discours redistributeur, vous affirmez que l'évolution du mode d'indexation tel que le propose la commission aurait un effet indifférencié. En ce qui concerne la progressivité du barème, nous estimons - c'est une conviction forte - qu'en l'état le barème décourage les capacités d'initiative et l'investissement. Il entraîne des distorsions qui, à terme, sont très défavorables à l'économie française. Il est une incitation aux délocalisations de revenus ou une incitation à moins produire pour moins percevoir afin d'être un peu moins spolié par la machine fiscale et sociale.
Ce sont ces préoccupations que la commission des finances entend soumettre à notre Haute Assemblée, compte tenu de notre très grande insatisfaction au regard de l'impôt sur le revenu tel qu'il est conçu actuellement. Affirmer que le débat interviendra mais qu'il est différé, réaliser des effets d'annonce en ce domaine de la fiscalité des personnes, alors que vous disposez de marges de manoeuvre fiscales inégalées jusqu'à présent - nous reviendrons sur ce point tout au long de la discussion - c'est une manière de différer les problèmes, de disjoindre les questions les plus délicates, non pas nécessairement vis-à-vis du Sénat, mais, peut-être, vis-à-vis des différentes tendances de la majorité qui soutient le Gouvernement auquel vous appartenez. En effet, s'agissant de la politique fiscale, si les déclarations de M. Laurent Fabius me paraissent souvent sympathiques, mais je ne me retrouve pas dans celles de Marie-Claude Beaudeau.
M. Michel Charasse. C'est la majorité plurielle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Effectivement. Peut-être y a-t-il là une grande habileté qui consiste à repousser de tels débats qui feront jaillir des contradictions, des tensions inévitables au sein des différentes fractions qui vous soutiennent, mais, pour ce qui nous concerne, nous sommes, par avance, disponibles pour la tenue d'un tel débat relatif à l'impôt sur le revenu. Nous sommes d'ores et déjà curieux de savoir où se situera le compromis que M. le Premier ministre devra réaliser pour faire des propositions.
M. Michel Charasse. Comme d'habitude : à mi-chemin ! (Sourires.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Notre débat a en effet une très grande importance et il présente beaucoup d'intérêt.
L'indexation du barème est une question rémanente, dont nous avions d'ailleurs apaisé les contraintes depuis une vingtaine d'années. Je me souviens qu'il fut une époque où M. Giscard d'Estaing proposait d'indexer de manière différentielle les tranches du barème, afin d'accroître la progressivité sans que le débat public sur la fiscalité de l'impôt sur le revenu fasse apparaître cette manoeuvre implicite aux conséquences extrêmement importantes sur la structure de la fiscalité et sur le poids sur les classes moyennes de l'imposition directe, tout cela étant noyé dans un débat qui affichait l'idée que l'impôt sur le revenu était trop élevé. En vérité, il était accru au moment de l'indexation différentielle des différentes tranches.
Aujourd'hui, et ce depuis une quinzaine d'années, l'indexation de l'ensemble des tranches du barème est identique - elle a d'ailleurs été instituée par la gauche - et c'est une bonne chose.
Baisser les impôts ? Il faut baisser les impôts et préserver la justice dans l'ensemble du système fiscal. Nous procédons, en effet, d'une manière très différente de celle qui avait été adoptée par le Premier ministre M. Juppé, qui avait en même temps fortement accru la TVA et annoncé, sans d'ailleurs la réaliser, la baisse de l'impôt sur le revenu.
Nous préférons notre méthode, mais, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, nous donnons à propos de la baisse des impôts des signaux clairs, orientés vers la dynamique de l'économie au profit de l'emploi. Je donnerai deux exemples emblématiques, même si, pour l'instant, ils ne sont que symboliques.
Le premier, c'est la baisse de l'imposition sur les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise, réalisée en 1997 dans le cadre de la loi de finances pour 1998, modifiée et accrue dans son intensité et dans son champ en 1998 au titre de la loi de finances pour 1999. Il s'agit d'un signal donné à l'économie, en direction des créateurs d'entreprise et de l'investissement, de l'innovation dans la création de valeur dans l'entreprise. Ce signal est très fort, car, émanant d'un gouvernement de la gauche plurielle, il montre la dynamique très importante que nous voulons imprimer à l'innovation et à la création de la petite entreprise, de la start up , comme on dit parfois dans notre économie.
Le second signal qui a « dégelé » complètement le marché immobilier, c'est la baisse des droits de mutation à l'occasion des transactions immobilières. On l'attendait depuis vingt ans. Cela a permis de faire passer l'imposition sur les mutations à titre onéreux de quelque 18,2 % à 4,80 % aujourd'hui pour l'immobilier d'entreprises. Il s'agit, là aussi, d'un déclic psychologique, qui montre la direction que nous voulons suivre, à savoir la justice sociale, la création d'emplois et la dynamique de croissance.
Voilà des pistes qui font partie de notre débat, qui sont fructueuses pour orienter la réflexion que nous aurons avec la Haute Assemblée et l'Assemblée nationale l'année prochaine sur la réforme globale de l'imposition directe et, à travers elle, sur la baisse, pour un certain nombre de catégories sociales bien identifiées et donc politiquement significatives, par le signal que nous donnerons là aussi, de l'impôt sur le revenu et de l'imposition directe locale.
Voilà une conception d'ensemble. Le Gouvernement de M. Lionel Jospin s'honore de vouloir mettre en oeuvre des réformes fiscales après avoir développé une large concertation, après avoir formulé une conception d'ensemble des réformes fiscales qui reste cohérente avec les objectifs politiques de la majorité plurielle qui le soutient.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-1.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Face à la réforme que le Gouvernement nous annonce pour l'année prochaine, nous avons tout de même pour mission d'émettre des signaux.
Le signal qui est donné par la commission des finances est très fort. Il consiste tout simplement à bien expliquer que si l'on n'indexe pas le barème au moins pour partie sur la croissance, nous aurons une augmentation des prélèvements obligatoires. Je crois que c'est ce signal que nous devons donner.
Je voudrais souligner par ailleurs que M. le rapporteur général indexe à juste titre le barème sur la moitié de la croissance. En effet, une partie de la croissance est due à la croissance démographique, qui représente chaque année de 0,5 à 0,6 point de PIB. J'aurais souhaité - mais c'est une remarque de technicien - que l'on tienne compte de cette petite nuance. Cela étant, puisque M. le rapporteur général indexe le barème sur la moitié de la croissance, il tient indirectement compte de la croissance démographique. Ce qui importe pour l'individu contribuable, c'est naturellement la croissance du revenu par tête, et non pas la croissance globale. L'écueil que je signalais a donc été parfaitement évité.
Cet amendement de la commission sur l'indexation est un signal fort que le Sénat donne au Gouvernement en vue de la réforme fiscale. C'est pour cette raison que le groupe de l'Union centriste le votera.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s I-163 et I-220 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-2, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer le II de l'article 2.
Par amendement n° I-221, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
I. - A la fin du II de l'article 2, de remplacer la somme : « 20 480 francs » par la somme : « 30 330 francs » ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter l'article 2 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond de l'abattement accordé aux contribuables rattachant à leur foyer fiscal un enfant majeur ou versant des pensions alimentaires à des enfants majeurs est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-2.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° I-3, qui sera présenté tout à l'heure.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-221.
M. Jacques Oudin. Cet amendement tend à rétablir l'ancien plafond de l'abattement accordé aux contribuables rattachant à leur foyer fiscal un enfant majeur ou versant des pensions alimentaires à des enfants majeurs.
Cette mesure n'avait de sens qu'en contrepartie d'une baisse de l'impôt sur le revenu et c'est l'unique raison qui avait amené l'ancien gouvernement à procéder à cet abaissement.
Le gouvernement actuel a choisi de renoncer, pour des raisons idéologiques, à la réforme de l'impôt sur le revenu. Il doit tirer les conséquences de ce choix et renoncer également aux mesures de suppression ou de réduction de certains abattements prises en contrepartie de ladite baisse de l'impôt sur le revenu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-221 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est intéressant et la commission a formulé une proposition de même nature avec son amendement n° I-3, qui vise à insérer un article additionnel avant l'article 2 bis afin d'apporter en faveur des familles un certain nombre d'aménagements à l'impôt sur le revenu, dans le cadre d'une politique familiale dont la nécessité nous semble évidente.
Les préoccupations de M. Oudin et de nos collègues vont tout à fait dans le même sens : l'initiative ainsi exprimée vise manifestement à réparer certaines mesures malheureuses de la précédente loi de finances.
La commission a toutefois opéré des choix techniques légèrement différents. Même si elle partage les orientations des auteurs de l'amendement, elle leur suggère donc de bien vouloir retirer ce dernier, de telle sorte que la discussion puisse de concentrer sur le dispositif plus large et plus complet - mais de même esprit - conçu par la commission dans l'amendement n° I-3.
M. le président. L'amendement n° I-221 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je me rallie à l'amendement n° I-3 de la commission.
M. le président. L'amendement n° I-221 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-2 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Pour la clarté du débat, monsieur le président, j'indique que cet amendement trouve sa justification dans l'amendement n° I-3, présenté également par M. le rapporteur général, et qui tend à accorder un abattement de 24 000 francs par personne rattachée au foyer fiscal d'un contribuable.
Aujourd'hui, le montant de l'abattement accordé aux personnes qui rattachent à leur foyer fiscal un enfant marié ou célibataire chargé de famille est fixé en fonction d'un principe : l'avantage en impôt qu'il procure au contribuable ne doit pas excéder celui dont bénéficieraient les contribuables imposés au taux marginal le plus élevé si ce rattachement prenait la forme d'une majoration de leur quotient familial.
Pour cette même raison, le plafond des pensions alimentaires versées aux enfants majeurs est fixé par référence au montant de cet abattement. Dès lors que, dans le projet de loi de finances, nous envisageons de fixer le montant du plafond du quotient familial à 11 060 francs pour l'imposition des revenus de 1999, le montant de l'abattement doit, par définition même, être fixé pour la même année à 11 060 francs divisés par 0,54, soit 20 480 francs.
Si le Sénat suivait son rapporteur général, cela reviendrait à défavoriser les personnes qui rattachent à leur foyer fiscal un enfant marié ou chargé de famille ainsi que les contribuables qui versent une pension alimentaire à un enfant majeur par rapport aux parents qui bénéficient d'une majoration de quotient familial lorsque le rattachement prend cette forme.
Il y aurait donc là introduction d'une injustice réelle dans la situation de parents contribuables suivant que leur enfant est directement rattaché au foyer fiscal ou qu'il ne l'est pas. Je crois donc que M. Marini serait bien inspiré de retirer son amendement, dont les effets ne sont certainement pas ceux qu'il a voulu mettre en place.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur général, m'autoriserez-vous une suggestion ? Pour la clarté du débat, lorsque vous présentez un amendement qui réalise une coordination avec un amendement ultérieur, il serait sans doute préférable de demander la priorité de ce dernier : nous y verrions plus clair !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dont acte, monsieur le président.

Articles additionnels après l'article 2