Séance du 29 novembre 1999







M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-123, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu bénéficient, au titre des revenus de 1999, d'un abattement exceptionnel de 5 % sur le montant de l'impôt à payer.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-226, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les assujettis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques bénéficient d'un abattement de 5 % sur le montant de l'impôt à payer.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
L'amendement n° I-123 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-226.
M. Jacques Oudin. Cet amendement allie la simplicité à la lisibilité puisqu'il allège de 5 % l'impôt sur le revenu pour tous les contribuables.
Le coût de cette mesure d'allégement, chiffré à 17 milliards de francs par le Gouvernement, peut largement être pris en charge en 2000 grâce aux surplus dégagés par la croissance. Il convient d'agir sur les prélèvements obligatoires dès l'an prochain et de ne pas attendre 2001 !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-226 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission partage, naturellement, le souci des auteurs de l'amendement : il est clair que, dans la période de croissance où nous nous trouvons, il convient de se poser un certain nombre de questions concernant la réforme de l'impôt sur le revenu, ainsi que nous venons de le voir lors de la discussion précédente.
Il me semble toutefois que l'amendement que nous avons voté tout à l'heure en matière d'indexation du barème en fonction de la croissance est un signal suffisant pour manifester clairement le souci du Sénat de ne pas laisser se développer des effets implicites par lesquels les contribuables seraient complètement frustrés des dividendes de la croissance.
Dans ces conditions, je pense qu'il est préférable que la suggestion qui nous est présentée soit renvoyée au débat annoncé sur la réforme globale de l'impôt sur le revenu.
M. Jean-Pierre Schosteck. Aux calendes grecques !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Chacun l'aura compris, un avantage général - une réduction de 5 % sur le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu - suravantage les revenus les plus élevés, désavantage les revenus les plus faibles et crée une injustice par rapport aux contribuables qui n'acquittent pas de cotisation et qui ne bénéficient d'aucun avantage supplémentaire.
Je suis donc hostile à cette manière de procéder, pour les raisons que nous avons évoquées les uns et les autres tout à l'heure.
Nous avons choisi, nous, d'utiliser les marges budgétaires pour réduire les inégalités fiscales. Or cet amendement, par sa simplicité extrême - mais aussi, disons-le sans polémique, par sa brutalité - aggraverait, au contraire, les dispositions inégalitaires qui figurent encore dans le code général des impôts.
M. Michel Charasse. L'ennui naquit un jour de l'uniformité ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. J'ai la faiblesse de penser que le signal contenu dans l'amendement n° I-226 était beaucoup plus fort que tous les autres.
Cela étant, entendre M. le secrétaire d'Etat nous dire que cet amendement est injuste parce que...
M. le président. Monsieur Oudin, retirez-vous ou non votre amendement ?
M. Jacques Oudin. Je m'explique, monsieur le président !
M. le président. Non ! Je ne peux vous laisser vous expliquer que si vous retirez l'amendement.
M. Jacques Oudin. Je vais le retirer...
Entendre M. le secrétaire d'Etat nous dire que cet amendement serait injuste parce que ceux qui ne paient pas d'impôt ne pourraient pas bénéficier d'une réduction sur un impôt qu'ils n'acquittent pas est un raisonnement extraordinaire !
M. Michel Charasse. C'est très moderne !
M. Jacques Oudin. Au demeurant, il pourrait être avancé dans de nombreux autres cas.
Cela dit, j'espère que la réforme de l'impôt sur le revenu dont on nous parle ne sera pas l'Arlésienne ! Mais je fais confiance à la commission des finances et à son rapporteur et je me rallie bien volontiers à leur invitation en retirant mon amendement, tout en pensant que l'argument selon lequel les impôts ne doivent pas être réduits au motif que la moitié des Français n'en paient pas mérite de figurer dans une anthologie des débats parlementaires.
M. le président. L'amendement n° I-226 est retiré.
Par amendement n° I-222, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le quatrième alinéa du 3° de l'article 83 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : "A compter de l'imposition des revenus de 1999, cette limite est de 50 000 francs pour les voyageurs, représentants et placiers de commerce ou d'industrie". »

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.

M. Jacques Oudin. Cet amendement prend en compte la spécificité des VRP, dont le rôle est particulièrement important pour le développement des petites et moyennes entreprises et pour le commerce extérieur de la France.
Il convient de revenir, pour eux, au plafond antérieur de 50 000 francs pour la déduction forfaitaire supplémentaire pour frais professionnels.
M. Michel Charasse. Nous commençons à rétablir la liste !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous voyons là revenir une problématique bien connue en matière d'impôt sur le revenu.
M. Michel Charasse. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. De deux choses l'une, monsieur le secrétaire d'Etat : ou bien on met à plat l'impôt sur le revenu et, dans le cadre d'une discussion globale sur sa conception et son devenir, on simplifie en traitant d'une manière uniforme...
M. Denis Badré. Et équitable !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... toutes les professions, ou bien on tarde à réaliser ce mouvement de baisse de l'ensemble de l'impôt sur le revenu et on voit alors inévitablement resurgir ces discussions corporatistes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai le souvenir - récent - des échanges vigoureux que nous avions eus au sujet d'une profession indispensable aux démocraties et que nous connaissons bien...
M. Michel Charasse. Les journalistes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, mon cher collègue !
M. Michel Charasse. Nos chers journalistes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, nos chers journalistes ! Mais pourquoi les VRP nous seraient-ils moins chers que les journalistes ? C'est un sujet qui ne peut pas ne pas resurgir, car ils sont aussi respectables les uns que les autres !
M. Denis Badré. Voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Que l'on veuille donc bien se diriger dès que possible vers une vision claire de l'impôt sur le revenu, vers une baisse des prélèvements obligatoires sur la personne, et tous ces sujets disparaîtront, nos discussions parlementaires n'en seront plus encombrées.
Certes, je comprends bien l'initiative de notre collègue M. Oudin et du groupe du RPR, mais je considère que ce sujet devra être réexaminé dans le cadre d'une étude plus globale de l'impôt sur le revenu et, le cas échéant, je ne serais pas du tout hostile à ce que cet amendement soit représenté lors de l'examen de la deuxième partie en tant que signal positif vis-à-vis de cette profession et en tant qu'appel à une véritable réforme au-delà d'un seul effet d'annonce.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, j'avais cru comprendre que M. le rapporteur général demandait le retrait de l'amendement de M. Oudin.
M. le président. M. Oudin ne s'étant pas manifesté, je dois vous consulter, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je suis hostile à cet amendement, et je tiens à dire à M. Oudin qu'il n'est pas absurde d'évoquer, lorsqu'une réduction linéaire de 5 % est proposée, le cas des contribuables qui ne s'acquittent pas d'une cotisation. N'est-ce pas pour mettre en oeuvre cette problématique extrêmement moderne que, à droite comme à gauche, certains ont proposé des systèmes d'« imposition négative » ?
Si la justice fiscale est à l'ordre du jour - ce qui est le cas sur l'ensemble de ces travées, j'en suis persuadé -, on doit veiller, surtout dans le cas français où 50 % des contribuables n'acquittent pas d'impôt sur le revenu, à prendre en compte la situation des plus défavorisés de nos concitoyens. Et, lorsque la moitié d'entre eux ne paient pas de cotisation et que l'on veut réformer le système de l'impôt sur le revenu, on doit se préoccuper des plus défavorisés, des plus modestes.
Voilà la problématique. Loin d'être absurde, elle est au contraire très moderne. De nombreux économistes ont soulevé cette question et produit une abondante littérature sur cette problématique d'une plus grande justice à travers une redistribution organisée autour du système de l'impôt sur le revenu.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement n° I-222 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je le retire, monsieur le président, en me ralliant à la suggestion de M. le rapporteur général : je le représenterai donc dans la seconde partie du projet de loi de finances.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre raisonnement est tout à fait valable. Il a un seul défaut : il concerne à 50 % une population qui n'est pas assujettie à l'impôt ! C'est malheureusement là que le bât blesse ! Si ce pourcentage ne s'élevait qu'à 5 %, 10 %, voire 15 % et correspondait donc vraiment à des personnes dont le niveau de revenus, selon l'échelle des revenus sociaux, est insuffisant, on pourrait alors comprendre. Mais quand 50 % des personnes ne paient pas l'impôt, et surtout l'impôt sur le revenu, manifestement, le système est obsolète !
M. le président. L'amendement n° I-222 est retiré.
Par amendement n° I-167, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 2, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le sixième alinéa, il est inséré dans l'article 83 du code général des impôts un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« ... les cotisations versées aux sociétés mutualistes. »
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 980 bis du code général des impôts, les mots : "n'est pas" sont remplacés par le mot : "est". »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement du groupe communiste républicain et citoyen porte sur la question de la quotité du revenu global imposable des contribuables à l'impôt sur le revenu.
Nous proposons en effet à la Haute Assemblée d'examiner la déductibilité fiscale des cotisations versées par les ménages et les particuliers aux organismes mutualistes, singulièrement dans le cadre de la couverture maladie complémentaire.
Cet amendement est fondé sur un principe relativement simple d'incitation à la souscription par les particuliers de cotisations de couverture complémentaire, dont on sait aujourd'hui qu'une part importante de la population n'en bénéficie pas faute d'avoir cotisé à une mutuelle.
En effet, cette démarche de responsabilisation a un coût important.
Les cotisations volontaires des salariés et des non-salariés aux régimes de protection sociale complémentaire représentent en effet des sommes relativement importantes : plusieurs dizaines de milliards de francs pour un montant global d'un peu plus de 70 milliards de francs de prestations, dont plus de 50 milliards de francs en complémentaire maladie.
Si l'on prend en compte le taux de prélèvement de l'impôt sur le revenu sur l'assiette imposable de cet impôt, on parvient, dans un premier temps, en tout cas en théorie, à une charge budgétaire liée à une éventuelle défiscalisation des cotisations de l'ordre de 5 à 7 milliards de francs, en sachant qu'une part importante des contribuables aujourd'hui mutualisés n'est pas en situation d'être imposable au titre de l'impôt sur le revenu.
Il s'agit là, évidemment, du coût strict des choses, du coût brut.
Mais la mesure que nous proposons comporte aussi des éléments susceptibles d'apporter des recettes.
Premier aspect : c'est cette année que se met en place, dans des conditions que nous jugeons d'ailleurs insuffisantes mais perfectibles, la couverture maladie universelle.
Pour peu que je me souvienne, la mise en oeuvre de cette nouvelle forme de prestation de solidarité est d'un coût budgétaire non négligeable, aux alentours des 7 milliards de francs, c'est-à-dire, dans les faits, à un niveau relativement proche de celui que nous avons évoqué plus haut quant à la faculté de déduire du revenu imposable les cotisations versées.
Inciter au développement de la couverture complémentaire volontaire des particuliers est un moyen de réduire l'intervention des fonds non seulement de l'Etat mais également des collectivités territoriales dans la prise en charge de la couverture complémentaire de nos compatriotes. Je vous rappelle en effet que les départements et les communes contribuent financièrement à l'aide sociale.
Cette mesure a aussi une vertu de responsabilisation des citoyens par une démarche de cotisation réfléchie, assumée et volontaire.
Il s'agit donc aujourd'hui, pour nous, de faire en sorte que se créent les conditions d'une meilleure couverture globale en matière de santé de la population de notre pays et que, dans le même temps, puissent se dégager des moyens nouveaux de financement de l'action de l'Etat.
Mais il est un autre aspect que l'on ne peut oublier : le mouvement mutualiste, dans ses règles de fonctionnement, dans ses principes et ses missions, est, de manière fondamentale, un lieu de débat et de décision démocratique, et la participation de chaque mutualiste à ce processus contribue à donner un relief particulier à ce que l'on appelle la citoyenneté.
C'est donc aussi l'un des fondements de notre proposition.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances remercie M. Loridant et ses collègues de lui donner l'occasion de rappeler un certain nombre de choses.
Tout le monde aime bien le mouvement mutualiste. Mais encore faudrait-il qu'il s'astreigne, dans notre pays, à des règles du jeu, et que, s'agissant de se mettre en conformité avec les directives européennes, il accepte de séparer l'activité de protection sociale de la gestion des oeuvres sociales. Encore faudrait-il qu'il soit irréprochable ! Il y a, en ce domaine, des exemples récents qu'il nous faudrait avoir présents à l'esprit avant d'envisager de nouvelles exonérations fiscales.
Nous sommes tous des mutualistes, nous sommes tous des sympathisants des organismes mutualistes. Mais, vraiment, si nous voulons voir ces derniers assurer leur avenir et tenir toute leur place dans le système de protection sociale, il nous faut non pas seulement leur faire des cadeaux et tenir des propos rassurants dans les assemblées générales, mais aussi leur expliquer que, comme toute entité de la vie économique et sociale, il leur faut peut-être s'adapter et se réformer.
Nous ne pouvons donc vraiment pas, à mon avis, aller dans le sens de cet amendement, en acceptant de compliquer encore plus l'impôt sur le revenu et de prendre des mesures qui, en matière de couverture de maladie universelle, vont introduire de nouvelles distorsions de concurrence entre les organismes mutualistes et d'autres intervenants tels que, par exemple, les caisses de sécurité sociale.
Bien entendu, il est souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous nous disiez où se situe, après le rapport Rocard, la problématique de la mise en conformité des mutuelles par rapport aux directives communautaires.
Si nous voulons véritablement que les salariés du secteur privé ou les salariés de la fonction publique continuent de bénéficier avec sécurité, visibilité et prévisibilité des interventions complémentaires des mutuelles, si nous voulons renforcer cet élément de notre pacte social, ne faut-il pas faire en sorte que ces organismes se modernisent, acceptent la règle commune, ainsi que la transparence qui a fait tant défaut, et, disant cela, je pense naturellement au régime des étudiants ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, à partir de cet amendement du groupe communiste républicain et citoyen, pouvez-vous nous rassurer quant à l'évolution du secteur mutualiste et au respect des règles du jeu ? Lorsque ces règles seront mieux assurées et mieux établies, peut-être sera-t-il possible de réexaminer des amendements de ce type. Mais, à ce stade, nos collègues comprendront aisément que l'avis de la commission des finances ne puisse qu'être défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vais répondre avec clarté à M. le rapporteur général : le Gouvernement prépare effectivement un projet de loi qui portera transposition de la directive européenne concernant les assurances et les mutuelles. Ce projet de loi sera présenté au Parlement au cours du premier semestre de l'année 2000. Vous aurez donc satisfaction, monsieur le rapporteur général, et je rejoins tout à fait vos appréciations sur la nécessité de transparence et de rigueur dans la gestion des mutuelles.
J'en viens à l'amendement n° I-167. M. Loridant sait bien que la loi du 27 juillet 1999 créant la couverture maladie universelle s'inscrit dans le programme de lutte contre les exclusions et dans celui du renforcement de la cohésion sociale. Ce texte ouvre largement, à compter du 1er janvier 2000, la couverture maladie de base et la couverture complémentaire gratuite, et vise une population particulièrement vulnérable. C'est cette dernière, le plus souvent d'ailleurs non imposable, qui doit retenir notre attention.
Or, monsieur Loridant, la mesure que vous proposez par construction ne profiterait qu'aux personnes imposables. C'est d'ailleurs pourquoi vous l'introduisez dans des réflexions relatives à l'impôt sur le revenu. Elle n'est donc pas adaptée aux objectifs que la majorité plurielle et le Gouvernement poursuivent de concert. De fait, votre proposition favoriserait les 88 % de la population déjà couverts par une couverture complémentaire maladie. Cela entraînerait un effet d'aubaine qui, s'il se traduirait par une économie d'impôt relativement faible pour chaque contribuable, aurait néanmoins, en termes de dépenses fiscales, un coût prohibitif : jusqu'à 20 milliards de francs.
Je crois qu'il faut se garder d'hypothéquer ainsi nos marges de manoeuvres budgétaires ; il faut réserver ces dernières à nos concitoyens les plus démunis.
C'est pourquoi, monsieur Loridant, sachant que vous partagez les objectifs du Gouvernement en matière de justice sociale et de sécurité sociale, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Loridant, l'amendement n° I-167 est-il maintenu ?
M. Paul Loridant. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-167.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Comme les salariés de notre pays, les membres du groupe socialiste sont très attachés aux mutuelles, qui sont à l'origine du mouvement ouvrier. C'est dire avec quelle attention nous suivons les évolutions actuelles, et en particulier la grande vigilance qui est la nôtre quant aux réformes en cours du côté de l'Europe. Nous n'accepterons naturellement pas que soient mis en cause par l'Europe les règles et les principes de la mutualité. De ce point de vue, il ne faudra pas attendre notre soutien.
J'ai bien entendu les propos tenus tout à l'heure par M. le rapporteur général quant à la nécessité d'une plus grande transparence, etc. Je suis tout à fait d'accord. Mais la transparence est largement liée à la vigilance et à l'action de la tutelle. Et si certaines organisations mutualistes fonctionnent mal, ou ne sont pas transparentes, c'est parce que la tutelle, c'est-à-dire, depuis toujours, le ministère des affaires sociales, est défaillante.
Quant au principe de non-transparence, je vous propose, monsieur le rapporteur général, que nous fassions ensemble, un jour, la liste des organismes qui ne sont pas transparents ! Le jour où vous parviendrez à rendre transparente, par exemple, la gestion de la taxe piscicole par les fédérations de pêcheurs, nous en reparlerons ! C'est en effet un impôt qui est prélevé directement par le trésorier des fédérations, sans le contrôle de personne, et qui ne passe pas par les perceptions ! Je vous dis qu'un de ces jours on trouvera de belles choses là-dedans !
J'en viens maintenant au fond de l'amendement. L'ennui, dans la suggestion qui nous est faite par nos amis du groupe communiste républicain et citoyen, c'est que cet avantage ne profitera qu'à ceux qui paient l'impôt sur le revenu, lesquels ont généralement les moyens de se payer une mutuelle.
Le problème se pose pour ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu, ou qui sont sans ressources, et dont M. Loridant a parlé tout à l'heure, puisque, dans certains cas, l'aide sociale prend en charge exceptionnellement les cotisations mutualistes.
Par conséquent, j'aurais été beaucoup plus attiré par un amendement qui, à la limite, aurait créé un impôt négatif.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Voilà !
M. Michel Charasse. Cela n'étant pas le cas, je ne pourrai pas, à mon grand regret, voter l'amendement n° I-167. En effet, ce dernier, aboutirait au fond à accorder un avantage à des personnes qui n'en ont pas besoin, laissant de côté certains de nos concitoyens qu'il faudrait au contraire aider pour leur permettre de souscrire à une mutuelle, ce qui, soit dit en passant, allégerait considérablement les charges de l'aide sociale, puisque cette dernière supporte financièrement cette absence de mutuelle.
Je ne peux donc, je le répète, me rallier à l'amendement n° I-167.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le rapporteur général, il s'agit là d'une question de fond : nous avions en effet déjà proposé cet amendement l'année dernière, alors même que l'argumentation que vous avancez cette année sur le mode de fonctionnement de certaines mutuelles n'était pas opposable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le temps passe...
M. Paul Loridant. Vous me connaissez : je suis de ceux qui prônent la rigueur et la transparence. Si certaines mutuelles sont mal gérées, il faut y remédier et éventuellement sanctionner les gestionnaires.
M. Michel Charasse. La tutelle doit faire son travail !
M. Paul Loridant. Comme le dit M. Charasse, la tutelle doit faire son travail.
M. Michel Charasse. Exactement !
M. Paul Loridant. Comme bien d'autres au sein non seulement de la gauche, mais aussi de la majorité sénatoriale, les membres du groupe communiste républicain et citoyen sont très attachés au mouvement mutualiste, qui correspond à une prise en charge collective et à la prise de conscience que tout ne doit pas incomber à l'Etat ou à la collectivité. Une démarche volontaire de cotisation est un acte important qui responsabilise et fait jouer des valeurs collectives dans une période où, précisément, l'individualisme triomphe.
Cet amendement a pour objet fondamental d'encourager la démarche mutualiste, les directives européennes, qui sont très importantes dans ce domaine, ne devant pas détruire cet important mouvement.
Cela dit, je persiste dans mon idée, mes chers collègues. Je sais en effet, en tant que président d'un centre communal d'action sociale, que, lorsque des familles demandent l'aide médicale, elles sont prises en charge pendant les trois premiers mois et qu'il leur est systématiquement demandé ensuite de faire l'effort, même si elles ont des ressources modestes, de cotiser elles-mêmes à une mutuelle. Cette démarche suppose d'ailleurs un accompagnement.
Si cette mesure ne bénéficie pas à ceux qui ne sont pas imposables, elle vise néanmoins à confronter le mouvement mutualiste à une époque où certains voudraient le voir disparaître, certaines compagnies d'assurance notamment, qui voudraient à tout prix prendre sa place.
Voilà pourquoi nous tenons à maintenir cet amendement, et nous invitons la Haute Assemblée à l'adopter.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur M. Loridant, le cas de figure que vous évoquez sera couvert, à partir du 1er janvier 2000, par la mise en oeuvre de la CMU.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Jusqu'à 3 300 francs de revenus !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. En conséquence, l'exemple que vous avez évoqué de manière très vivante dans votre intervention présente désormais un caractère théorique : il relève du passé.
Votre amendement était certainement intéressant l'année dernière ; aujourd'hui, il a « pris un coup de vieux », si je puis dire, puisque la loi de juillet 1999 va bientôt entrer en application.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je souhaite réaffirmer les raisons pour lesquelles je voterai cet amendement n° I-167 que mon groupe a présenté.
La couverture maladie universelle portera sur la partie « base sécurité sociale » et la partie complémentaire, mais uniquement pour les personnes ne disposant que de 3 300 à 3 500 francs. L'amendement que nous présentons, en revanche, concerne des personnes qui payent l'impôt sur le revenu et qui perçoivent des revenus que je qualifierai de moyens.
La plupart des demandes qui sont présentées à l'aide sociale concernent, comme l'a dit Paul Loridant, la prise en charge de la cotisation mutuelle ; les bureaux d'aide sociale doivent prendre en charge des sommes que nos concitoyens ne peuvent pas assumer, des sommes considérables qui restent à leur charge après la prise en charge de la sécurité sociale.
Cela représente des sommes énormes, et vous savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette demande existe dans tous nos bureaux d'aide sociale...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ce ne sont pas des dépenses de même nature !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout à fait, monsieur le ministre.
Vous estimez que le coût de notre amendement serait de 20 milliards de francs. Cela prouve que cette question doit être traitée. Qu'on le veuille ou non, en effet, la sécurité sociale rembourse aujourd'hui de moins en moins bien et il reste une part de plus en plus lourde à la charge des cotisants.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. L'amendement présente un avantage et un inconvénient. L'inconvénient, c'est qu'il est totalement inadapté à la situation ; et l'immense avantage, c'est qu'il nous aide à comprendre comment le Gouvernement aborde la question de la transposition des troisièmes directives de coordination dans le secteur des assurances dans le code de la mutualité.
Les interventions que nous avons entendues, la vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat, celle de M. Charasse, qui s'exprime, je l'imagine, au nom du groupe socialiste, alors qu'il semble dire « ne comptez pas sur nous », et celle des membres du groupe communiste républicain et citoyen, qui appartiennent, en tout cas à cet instant, à la majorité qui soutient le Gouvernement et qui me semblent être en communion de pensée avec vous... m'incitent à vous demander ce que vous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement a nommé M. Michel Rocard à la tête d'un groupe de travail pour préparer cette transposition. M. Rocard vient de rendre ses travaux, que j'ai eu l'occasion de lire, puisque j'ai eu l'honneur de travailler sur la question des assurances pour le compte de la commission des finances. Je voudrais savoir si ces travaux donnent satisfaction au Gouvernement, si le projet de loi que vous nous avez annoncé s'en inspirera. Nous voulons en effet savoir comment aborder cette question qui a été soulevée par M. le rapporteur général.
Je crois vraiment que le budget est un rendez-vous important entre le Gouvernement et le Parlement, qui représente la nation. Il faut donc nous en dire plus, monsieur le secrétaire d'Etat, et ne pas vous contenter de quelques informations, au détour de tel ou tel amendement. Nous ne pouvons pas rester dans l'ambiguïté.
Il y a ce que le Gouvernement pense et ce que pensent les partis qui le soutiennent. La position de la majorité sénatoriale, en revanche, est très claire sur le sujet. Pour l'instant, la lumière est donc plutôt du côté de la majorité sénatoriale et l'ombre du côté du Gouvernement et de sa majorité. (Sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-167.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je voudrais demander à M. Loridant - parce que je vais voter, avec mon groupe, contre son amendement - s'il ne serait pas préférable de le retirer afin de réfléchir à une nouvelle rédaction, en concertation avec le Gouvernement, de manière à pouvoir présenter à nouveau cet amendement à l'occasion du collectif, par exemple. Je ne sais pas quelle sera la position finale du Gouvernement, mais il est bien évident qu'aller au-delà de la première tranche du barème, c'est accorder un avantage injustifié.
Par ailleurs, l'expression « cotisation versée aux sociétés mutualistes » - je viens de m'en apercevoir à l'instant - m'incite à dire qu'il faudrait préciser qu'il ne s'agit que des cotisations mutualistes « maladie ». En effet, des cotisations mutualistes comportent aujourd'hui des assurances décès, des assurances cercueil, pertes des revenus, etc. On ne peut donc pas laisser déduire l'intégralité de la cotisation mutualiste.
Je suis toujours adhérent de la Mutuelle centrale des finances, en tant qu'ancien fonctionnaire du ministère des finances. Je paie 1 500 à 1 600 francs par mois parce que ma cotisation couvre l'assurance maladie, l'assurance décès, l'assurance vie, etc. Il est bien évident que ce que vise M. Loridant, c'est seulement la cotisation d'assurance maladie.
Il serait donc plus raisonnable, monsieur Loridant, de retirer cet amendement afin de vous laisser aux uns et aux autres le temps de réflechir à une solution qui viserait vraiment les cas les plus modestes, c'est-à-dire les personnes qui sont à la limite de l'impôt sur le revenu et que l'on retrouve, effectivement, de temps en temps, dans les bureaux d'aide sociale de nos mairies.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-167, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-106, MM. Ostermann, Braun, Cazalet, Chaumont, Oudin et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 154 du code général des impôts, les mots : "de 17 000 francs" sont remplacés par les mots : "d'une rémunération égale au plus à trente-six fois le montant mensuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance".
« II. - Dans le second alinéa du I du même article, le nombre : "trente-six" est remplacé par le nombre : "soixante-douze".
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des I et II ci-dessus, sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Lorsque la femme d'un artisan ou d'un commerçant occupe un emploi salarié dans l'entreprise de son mari, son salaire est réintégré pour une grande part dans le bénéfice de l'entreprise. Il en est ainsi pour la part de son salaire dépassant 17 000 francs par an, sauf si l'entreprise adhère à un centre de gestion agréé. Une partie plus ou moins importante de son salaire est donc assimilée, fiscalement, à un bénéfice et non à un salaire.
Cette règle est absurbe sur le plan de l'assurance sociale. En effet, alors que le salaire du conjoint supporte en totalité les cotisations d'assurance maladie, vieillesse, etc. du régime des travailleurs non salariés une partie de celui-ci est une nouvelle fois soumise à ces cotisations au titre du régime des travailleurs non salariés.
Il est indispensable de mettre un terme à l'anomalie que constitue le bas plafonnement de la déductibilité du salaire du conjoint à 17 000 francs.
Le présent amendement vise donc à relever ce plafond à trente-six fois le SMIC pour les entreprises non adhérentes à un centre de gestion agréé et à soixante-douze fois le SMIC pour les entreprises adhérentes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Oudin a eu une bonne idée. Cet amendement tend en effet à introduire une mesure d'équité s'agissant de sujets souvent douloureux et mal pris en compte par la réglementation fiscale actuelle. La commission des finances est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Du fait de la communauté d'intérêt existant entre les époux mariés sous un régime non exclusif de communauté, la rémunération versée au conjoint de l'exploitant présente le caractère d'une affectation de bénéfice et non celui d'une charge déductible du résultat imposable. Les solutions actuelles sont donc, par rapport aux principes généraux de déduction, d'ores et déjà particulièrement favorables au conjoint.
Par ailleurs, l'accroissement de la déduction dans les proportions proposées permettrait à l'exploitant d'obtenir le bénéfice de l'abattement de 20 % sur la fraction de son revenu professionnel correspondant au salaire versé au conjoint, ce qui irait à l'encontre de la volonté régulièrement affirmée de subordonner un tel abattement à l'adhésion à un centre de gestion agréé.
A cet égard, l'augmentation que vous proposez de la limite de déduction applicable lorsque l'exploitant adhère à un tel centre n'aurait aucune portée, puisqu'elle ne concernerait que les exploitants susceptibles d'attribuer à leur conjoint un salaire annuel excédant 240 000 francs.
Enfin, le coût de la mesure que vous préconisez est de plus de un milliard de francs.
M. Michel Charasse. Le tabac !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-106, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2.
Par amendement n° I-223, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans les I et II de l'article 154 quinquies du code général des impôts, les mots : ", pour la fraction affectée en application du IV de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale au financement des régimes obligatoires d'assurance maladie," sont supprimés.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement rend la CSG totalement déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu.
La déductibilité seulement partielle qui existe actuellement n'est pas fiscalement équitable. Une déductibilité totale permettrait de mettre fin au sentiment d'injustice ressenti par les contribuables qui paient de l'impôt sur de l'impôt, ce qui est totalement contraire à notre droit fiscal.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission estime que ce sujet est extrêmement important et que cette préoccupation doit être exprimée.
Comme les auteurs de l'amendement, nous pensons qu'il n'est pas normal que la CSG ne soit pas, comme les cotisations sociales prélevées à la source, déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu. Nous estimons donc qu'il est fondamentalement anormal que l'on soit amené à payer l'impôt sur un revenu que l'on n'a pas perçu.
La situation actuelle, où les contributions sociales sont partiellement déductibles, est exagérément complexe, mal comprise et donc non satisfaisante. Même si l'orientation qui est ainsi tracée nous paraît être bonne, il est clair que cet amendement soulève une question majeure de politique budgétaire et fiscale.
L'enjeu d'une telle orientation est un enjeu majeur, puisqu'il s'agit de 15 milliards à 20 milliards de francs. Il sera donc nécessaire, à l'occasion d'un réexamen d'ensemble de la politique des finances publiques, notamment de la politique fiscale, et plus particulièrement de la fiscalité des personnes, de bien poser ce problème.
Il est vrai que l'addition de l'impôt sur le revenu et d'une contribution sociale généralisée qui n'est pas intégralement déductible pose un problème majeur. Il est non moins vrai que l'on ne pourra pas se fonder éternellement sur de telles pratiques.
Lorsque viendra le moment de la discussion de fond sur l'impôt sur le revenu, il sera nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, que soient bien liés tous les aspects.
Il y a un certain nombre d'années, beaucoup d'entre nous demandaient une consolidation, en quelque sorte, voire une fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG, c'est-à-dire un élargissement de l'impôt sur le revenu à toutes les formes de revenus et un partage du proportionnel et du progressif. Il conviendra, lorsque le Gouvernement nous offrira l'opportunité de participer à un débat global sur la fiscalité des revenus, de revenir sur ce problème.
Un grand nombre de contribuables ne comprennent pas pourquoi ils reçoivent le solde d'impôt sur le revenu et, un mois plus tard, la note de la CSG. Ils constatent en effet à cette occasion qu'il y a non seulement une pression fiscale globale, mais aussi un second élément qui n'est pas pris en compte dans le premier.
Sur le fond, la commission des finances ne peut qu'adhérer au raisonnement tenu par nos collègues. Il n'en demeure pas moins qu'à ce stade, après le débat dans cet hémicycle, il convient de retirer cet amendement, qui n'est pas compatible avec le solde budgétaire que l'on peut raisonnablement attendre pour l'année 2000. Il conviendra de réexaminer ce sujet dans le cadre de la réforme globale de l'impôt sur le revenu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je partage l'opinion de M. le rapporteur général quant à la nécessité de retirer l'amendement n° I-223, et cela pour deux raisons.
D'abord - le rapporteur général l'a indiqué lui-même -, le coût budgétaire de la mesure proposée est très élevé : 17 milliards de francs. Il ne s'agit donc pas d'une petite mesure que l'on peut proposer au détour d'un simple amendement. Il s'agit vraiment d'une réforme de fond, à laquelle, d'ailleurs, je me déclare hostile.
En effet, cette réforme aurait un effet anti-redistributif tout à fait manifeste, parce qu'elle bénéficierait davantage aux contribuables imposés à des taux marginaux élevés. En effet, pour 100 francs de CSG acquittée, l'avantage serait nul pour un salarié non imposable par construction. En revanche, il serait de 54 francs pour les 235 000 contribuables imposés au taux marginal supérieur de l'impôt sur le revenu.
Pour cette raison, nous nous situons très largement au-delà des limites acceptables au regard de la justice fiscale et de la redistribution des revenus à partir de l'imposition sur le revenu.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-223.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne suis pas favorable à cet amendement parce que la question posée par M. Oudin mérite une réflexion autrement plus approfondie - et je pense qu'il est d'accord - que celle à laquelle il nous convie aujourd'hui.
Les constituants de 1958 ont prévu que les dépenses sociales sont financées par des cotisations. Les cotisations, ce sont les modalités de financement qui, sauf en ce qui concerne leur création, échappent complètement - M. Oudin le sait bien, puisqu'il est rapporteur spécial sur ce sujet - à la compétence parlementaire, s'agissant de leur assiette, de leur taux et de leurs modalités de recouvrement.
Au fil des ans, on a pris l'habitude de faire un mélange, dans le budget social de la nation, entre les cotisations, qui échappent au Parlement, et certains impôts. Il y a d'abord eu des taxes spéciales affectées : à une époque ce furent les taxes du BAPSA, puis une partie des droits sur le tabac, enfin la CSG.
Le problème, c'est que, de la CSG, qui est le plus important de tous les impôts - mais ce n'est pas le seul qui soit affecté aux dépenses sociales - on a fait un impôt, et qu'on est entré dans l'ère du mélange, c'est-à-dire dans un système qui en fait m'apparaît, à moi, être une violation de l'esprit des institutions et de l'article 34 de la Constitution. C'est comme cela !
On ne pouvait peut-être pas faire autrement. C'était sans doute inéluctable. Mais il n'empêche que nous ne sommes plus dans le dispositif de la Constitution de 1958, qui, au fond, avait établi une sorte de partage entre le Parlement, d'une part, et les partenaires sociaux, d'autre part.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Michel Charasse. Par conséquent, il n'est pas anormal qu'aujourd'hui on se trouve dans un système dont M. Oudin soulève l'anomalie, qui consiste à dire : c'est un impôt, mais qui n'est pas déductible, car c'est en fait un impôt qui est une quasi-cotisation. Vous me rétorquerez qu'une cotisation est déductible. Sans doute, mais il se trouve que ce n'est pas une cotisation, puisque c'est un impôt...
Par conséquent, tout est dans tout et dans le contraire de tout ! Cela rejoint la question posée par M. Oudin à l'occasion de l'amendement n° I-1, à propos d'un système unique dans lequel le budget comporterait l'ensemble des dépenses et l'ensemble des recettes.
En réalité, il nous faut réfléchir. Je pense, moi, que la sortie normale de cette discussion, si l'on veut rester dans l'esprit des institutions de la République et des principes selon lesquels l'impôt est voté par le Parlement, nous contraindra, un jour ou l'autre, à aller jusqu'au bout de la logique et à décider que, désormais, les cotisations sociales seront pleinement de la compétence parlementaire.
Pour l'instant, je ne peux pas voter l'amendement n° I-223 de M. Oudin, et je suis persuadé qu'il comprend pourquoi.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je n'aurais pas pu mieux parler que M. Charasse, qui a fort bien dit les choses.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. De manière sensée !
M. Jacques Oudin. Il est plutôt sympathique et réconfortant de voir qu'il est, dans cet hémicycle, des personnes qui pensent la même chose, quelles que soient les travées sur lesquelles elles siègent.
Notre système fiscal de la personne est obsolète. Nous passons notre temps à répéter qu'il faudra le revoir globalement ; M. le secrétaire d'Etat nous l'a encore dit deux fois ce matin. La question naïve que l'on pourrait vous poser est de savoir quand vous allez vous y mettre ! Un gouvernement a ouvert le chantier, que vous vous êtes empressés d'arrêter dès votre arrivée aux affaires ! Vous auriez pu au moins poursuivre la réflexion, quitte à l'orienter vers des options différentes.
Par conséquent, on diffère l'adoption des amendements que nous déposons parce que nous pensons que certaines situations méritent d'être modifiées - nous venons d'en avoir un certain nombre - et on nous demande de les retirer les uns après les autres, en attendant une réflexion globale qui n'arrive pas. C'est ainsi que, année après année, strate après strate, modification après modification, nous avons abouti à un système que certains disent anticonstitutionnel, qui est en tout cas complexe et dans lequel plus personne ne retrouve ses petits !
M. Philippe de Gaulle. L'impôt n'est plus proportionnel, comme le prévoyait pourtant la Constitution...
M. Jacques Oudin. Il faudrait vraiment que la réflexion soit menée de façon claire, nette et globale, au moins sur l'impôt sur le revenu.
Je retire volontiers mon amendement, mais le problème n'en demeure pas moins posé !
M. le président. L'amendement n° I-223 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-121, MM. Revet et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La deuxième phrase du deuxième alinéa du 5 a de l'article 158 du code général des impôts est ainsi rédigée : "Cet abattement est fixé à 31 900 francs pour l'imposition des revenus perçus à compter du 1er janvier 1999."
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-169, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions des articles 6 et 92 de la loi de finances pour 1997 (loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées.
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 199 decies B du code général des impôts, le taux : "15 %" est remplacé par le taux : "10 %". »
La parole est à M. Clouet, pour défendre l'amendement n° I-121.
M. Jean Clouet. L'amendement n° I-121 vise à rétablir le plafond de l'abattement de 10 % au titre des pensions.
Etant donné qu'il a fait l'objet d'un avis défavorable en commission, nous le retirons.
M. le président. L'amendement n° I-121 est retiré.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-169.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'amendement n° I-169 du groupe communiste républicain et citoyen porte sur la question de la définition de l'abattement de 10 % appliqué au montant imposable des pensions et retraites, dont la portée avait été quelque peu limitée par la loi de finances pour 1997, année de la réforme Juppé, soutenue à l'époque par la majorité sénatoriale.
Arguant notamment du fait qu'une part importante du revenu des retraités bénéficiait d'un abattement spécifique institué en vertu de l'article 157 bis du code général des impôts, le gouvernement d'alors avait motivé la réduction des effets de l'abattement appliqué aux pensions et retraites par le fait que celui-ci aurait fait double emploi.
On avait également justifié cette mesure par la réduction générale de l'imposition des diverses tranches du barème progressif, qui devait faire retrouver aux retraités une situation proche de la situation antérieure.
Cette orientation, que nous avions combattue à l'époque, appelle aujourd'hui, de notre part, plusieurs observations.
La première est que les pensions et les retraites qui bénéficient de l'abattement de 10 % sont et demeurent représentatives des cotisations versées par les salariés, notamment par les retraités, au cours de leur vie professionnelle. Etant donné que ces revenus sont, en quelque sorte, des revenus salariaux différés, je ne trouve pas scandaleux qu'ils bénéficient du traitement réservé aux salaires. Le rétablissement de cet abattement au niveau qui était le sien avant la réforme de 1997 trouve donc là, de notre point de vue, une première justification.
La deuxième observation est que l'abattement porte sur les pensions et retraites assimilables aux revenus salariaux, et ce dans une limite réévaluée de 24 000 francs aujourd'hui, ce qui constitue, selon nous, un facteur d'inégalité de traitement entre revenus. En effet, pour peu que les contribuables retraités aient eu l'occasion de réaliser quelques placements financiers, ces revenus bénéficient toujours des avantages liés à la mise en oeuvre soit d'exonérations totales ou partielles, soit de prélèvements libératoires plus nettement favorables que les taux d'imposition appliqués au barème progressif. Cela vaut, par exemple, pour les plans d'épargne en actions, mais également pour les primes capitalisées d'assurance vie, etc.
Cela créé trois catégories de contribuables retraités : ceux qui bénéficient de l'abattement prévu par l'article 157 bis, sans grande capacité contributive ; ceux dont les revenus sont essentiellement, sinon exclusivement, composés des pensions de retraite issues de leur régime par répartition, et qui enregistrent donc, depuis 1997, cette réduction de la portée de l'abattement de 10 % ; enfin, ceux dont les revenus sont aussi des revenus financiers - et parfois plus des revenus financiers que des revenus différés - et qui continuent de tirer parti des conditions fiscales avantageuses accordées à ces revenus.
C'est aussi parce que nous ne souhaitons pas voir cette situation perdurer que nous demandons, cette année encore, la remise en question des articles 6 et 92 de la loi de finances pour 1997.
Enfin, troisième et dernière observation, nous ne pouvons oublier que la réduction de cet abattement de 10 % a également un impact sur le revenu fiscal de référence utilisé en matière de fixation des impositions locales et qu'elle a pu conduire, dans certains cas, à une majoration des cotisations dues au titre de la taxe d'habitation.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement n° I-169.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les amendements n°s I-121 et I-169 étaient identiques, au gage près, le gage prévu par le groupe communiste républicain et citoyen étant, du point de vue de la majorité de la commission des finances, hors du domaine de l'acceptable. Mais ce n'est qu'un détail par rapport à l'ensemble !
La commission comprend l'intention des auteurs. Nous avons d'ailleurs déjà eu connaissance de ce type d'amendement lors du débat budgétaire de l'an dernier.
Il est clair que l'essentiel est d'arrêter la diminution du plafond. Cela a été fait l'année dernière, au terme d'un débat qui a eu lieu dans les deux assemblées,...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Très long débat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... lesquelles s'étaient mobilisées assez largement, toutes opinions confondues, et après un revirement opportun du Gouvernement, qui a accepté la stabilisation à 20 000 francs.
Pour aller plus loin, il faudrait, monsieur le secrétaire d'Etat, reprendre ce débat à l'occasion de l'examen global de l'impôt sur le revenu dont nous parlons depuis le début de la matinée, car il s'agit d'un sujet dont les implications sont lourdes, sur les plans tant financier que budgétaire, et qui, de plus, est important du point de vue social et du point de vue de l'équité. Il ne faudra naturellement pas oublier de bien mettre en perspective les comparaisons entre les personnes en activité et les personnes retraitées.
En attendant qu'un tel débat ait lieu, je souhaite que le groupe communiste républicain et citoyen accepte de retirer son amendement, à défaut de quoi, notamment au vu du gage qui a été prévu, je ne pourrais qu'émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vais d'abord rappeler la genèse de la situation actuelle.
L'abattement de 10 % sur les pensions et retraites a été profondément remanié en 1997 par la réforme dite Juppé et, comme vient de le préciser M. le rapporteur général, des débats nourris sur ce sujet ont eu lieu lors de l'examen de la loi de finances de 1999, ici même et à l'Assemblée nationale.
Nous sommes parvenus à un équilibre en arrêtant la disparition de cet avantage au profit des retraités, c'est-à-dire en mettant fin au processus de baisse du plafond qui avait été programmé par le gouvernement Juppé.
Nous avons tenu compte de la situation des retraités les plus modestes - d'ailleurs, de l'immense majorité des retraités - en fixant le plafond à 20 000 francs, ce qui correspond, je le rappelle, à 200 000 francs de pension par an, soit à près de 17 000 francs par mois. Ne sont touchés par ce plafond que 5 % des retraités ou pensionnés.
Par ailleurs, ce plafond est indexé sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
La mesure d'équilibre à laquelle nous sommes parvenus me semble bonne. Elle préserve la situation de la très grande majorité des retraités, en tout cas de ceux qui ne disposent que de revenus modestes ou moyens. Il ne me semble donc pas opportun de revenir dessus.
J'ajouterai, madame Beaudeau, que les personnes concernées ne peuvent pas constater des majorations de taxe d'habitation parce que, compte tenu du niveau de leurs revenus, elles ne bénéficient pas des trois dispositifs qui permettent de faire varier la taxe d'habitation. Vous devez compléter votre information, madame le sénateur.
Pour toutes ces raisons, je demande aux auteurs de l'amendement de bien vouloir le retirer, sinon j'en demanderai le rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1-169.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je voulais simplement saisir l'occasion pour rappeler à Mme Beaudeau, qui vient d'évoquer une fois de plus le caractère privilégié, à ses yeux, du prélèvement libératoire sur les revenus de certaines catégories de capitaux, que ces revenus ne proviennent pas de capitaux tombés du ciel. Ils proviennent de capitaux qui ont été constitués grâce à des revenus ou à des capitaux déjà taxés, soit au titre de l'impôt sur le revenu, soit au titre des droits de succession, soit, quelquefois, lorsqu'il y a un réinvestissement, au titre du prélèvement libératoire. En tout cas, ils ne sont jamais vierges de fiscalité !
Alors, que l'on cesse de nous parler du privilège que constitue le prélèvement libératoire !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-169, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-86, M. Miquel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« La déduction de charges mentionnée à l'article 163 septdecies du code général des impôts est remplacée par une réduction d'impôt sur le revenu. Cette réduction est égale à 25 % du montant des sommes effectivement versées et mentionnées à l'article précité. Les sommes ouvrant droit à réduction d'impôt ne peuvent excéder, au titre d'une même année, le montant de 120 000 francs. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. La progressivité de notre système de prélèvement fiscal est faible, comme chacun sait, en raison notamment du poids limité de l'impôt sur le revenu dans celui-ci.
Des enquêtes ont montré, par ailleurs, qu'une majorité de Français ont le sentiment non pas que l'impôt sur le revenu est trop élevé, mais que cet impôt est mal réparti.
Ce sentiment vient de ce que perdurent encore trop souvent de multiples régimes fiscaux dérogatoires du droit commun, qui permettent à certains contribuables, et non les plus à plaindre, d'échapper de manière substantielle à cet impôt.
Tout concourt donc à montrer que les réformes importantes qui ont été engagées en 1983 visant à transformer une majeure partie des déductions sur le revenu en réductions d'impôt, comme celles qui ont été engagées depuis trois ans en matière de lutte contre ce que l'on a appelé « les niches fiscales », vont dans le bon sens.
Des efforts ont été consentis en 1997 dans le secteur du financement en capital d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles. Néanmoins, il ne nous paraissent pas suffisants. Il semble nécessaire aujourd'hui, à propos de ce que l'on appelle dans notre jargon les SOFICA, sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, de mettre enfin en place un dispositif cohérent du point de vue de la justice fiscale.
A cet égard, deux objectifs doivent être remplis.
D'une part, l'avantage fiscal nouveau doit être mieux proportionné aux véritables retombées constatées dans la réalité. En effet, il apparaît qu'une faible proportion seulement de dépenses éligibles au système de déduction du revenu est réellement investie dans le secteur du cinéma.
D'autre part, l'avantage fiscal nouveau ne doit pas constituer un frein par trop significatif à la progressivité de l'impôt. En effet, même si l'aspect incitatif de l'avantage fiscal doit être conservé, il n'est pas opportun que celui-ci permette non seulement aux bénéficiaires d'obtenir une diminution d'impôt, mais encore à certains d'entre eux de changer de tranche d'imposition.
C'est pourquoi, tout en gardant la même limite maximale de dépenses éligibles en vigueur - soit 120 000 francs par an -, nous proposons de faire en sorte que le montant de l'avantage en impôt ne dépasse pas la somme de 30 000 francs, alors qu'aujourd'hui il peut atteindre 64 800 francs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est extrêmement surprise par cet amendement, ainsi d'ailleurs que par l'argumentaire utilisé pour sa présentation.
En effet, à entendre notre collègue Bernard Angels, la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu serait faible. Or j'ai cru comprendre, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il était question de réformer l'impôt sur le revenu en raison notamment du caractère inadéquat du barême. Dès lors, il va falloir qu'on nous explique, peut-être à l'issue d'une utile concertation entre le Gouvernement et le principal groupe qui le soutient, dans quelle direction est censée s'engager cette réforme de l'impôt sur le revenu.
M. Angels souhaiterait un durcissement : plus de prélèvements et une progressivité plus forte. (M. Angels fait un signe de dénégation.) C'est ce que j'ai cru comprendre !
M. le secrétaire d'Etat, quant à lui, souhaiterait s'engager dans une voie plus propice au développement des activités économiques.
Au demeurant, je le répète, M. le président de l'Assemblée nationale s'est exprimé de manière, à mon sens, tout à fait constructive en la matière.
J'avoue être également très surpris en ce qui concerne les SOFICA.
En ce moment même, toutes sortes de personnes fort estimables manifestent un peu partout pour défendre l'exception culturelle française, afin que, et je cite, les « affreux Américains » ne nous envahissent pas !
La production cinématographique n'est-elle pas un vecteur important de la francophonie et de nos valeurs culturelles ? Quel est le signal qui peut être donné, au moment même des négociations de Seattle, par la réduction d'un avantage maximal de 64 000 francs à 32 000 francs ? Est-ce à la mesure du sujet que nous avons à traiter, à savoir la définition de dispositions incitatives au maintien et au développement d'une production cinématographique française ?
Certes, le régime des SOFICA n'est pas la panacée. Il n'est pas extraordinaire. Il ne coûte même pas très cher à l'Etat. On peut d'ailleurs se demander s'il y a suffisamment de projets de financement d'entreprises de production à se « mettre sous la dent ». Mais est-il réellement opportun de proposer une mesure risquant de leur être préjudiciable.
Affirmer que les contribuables qui versent ne sont pas à plaindre est effectivement exact puisqu'il faut bien qu'ils disposent de revenus suffisants pour être intéressés par des déductions fiscales ! Mon cher collègue, il est clair que l'on ne peut pas « tondre un oeuf ». Ce n'est pas nouveau, mais c'est un vieux principe qu'il vaut mieux garder en tête.
Au lieu de s'arrêter sur la situation de fortune de ces contribuables ne faut-il pas mieux considérer l'intérêt des entreprises, l'intérêt de l'économie ? Il vaut mieux plaindre les entreprises faibles plutôt que de passer son temps à regretter que des contribuables aisés soient incités à investir leurs capitaux là où l'on en a besoin, même si c'est de manière assez symbolique.
Enfin, si la procédure est utilisée de manière abusive, chacun sait que toutes sortes de procédures de contrôle fiscal peuvent être mises en jeu ; je ne ferai pas l'injure à l'excellent rapporteur spécial des crédits des services financiers, Bernard Angels, de penser qu'il ignore ces procédures et les moyens susceptibles d'être mis en jeu par l'administration fiscale.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je tiens tout d'abord à rassurer M. le rapporteur général : il n'existe aucun problème d'harmonisation entre la majorité plurielle, le groupe socialiste en particulier, et le Gouvernement.
M. Jean Chérioux. Bonne nouvelle !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Nous partageons la même pensée et souscrivons au principe qui a présidé au dépôt de cet amendement, à savoir la transformation progressive, loi de finances après loi de finances, des déductions du revenu global en réductions d'impôts. De ce point de vue, l'amendement paraît donc tout à fait intéressant.
Au demeurant, M. le rapporteur général a excellemment rappelé, à l'instant, que le problème posé par les SOFICA viendrait plutôt du fait que les dispositifs existants tournent quelque peu au ralenti par rapport à la production cinématographique française puisqu'ils aboutissent à une dépense fiscale d'environ 100 millions de francs.
Ainsi, nous devons essayer de rapprocher ces deux objectifs : soutenir la production française - et je crois que c'est d'actualité au moment où s'ouvrent les débats de l'Organisation mondiale du commerce pour plusieurs années alors que nous aurons à défendre une certaine conception de la culture française et une conception européenne de la présence de notre culture dans le monde - mais aussi faire toute leur place aux propositions du type de celles de M. Angels. Toutefois, monsieur le sénateur, vous le comprendrez, je préférerais que cela ait lieu dans le cadre de la réforme globale de l'impôt sur le revenu qui doit intervenir.
J'en profite pour rassurer M. Oudin à ce propos. A la suite de ce qu'avaient indiqué M. le Premier ministre et M. le ministre de l'économie et des finances, j'ai bien dit que ce serait au cours de l'année 2000 que sera présentée, probablement à travers le projet de loi de finances pour 2001, une réforme de l'imposition sur le revenu.
Je crois donc, monsieur Angels, que, prenant en compte la volonté du Gouvernement de retenir le principe fiscal que vous venez d'invoquer, vous pourriez retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Angels, maintenez-vous votre amendement ?
M. Bernard Angels. Monsieur le secrétaire d'Etat, les réformes d'assiette doivent être terminées avant que n'intervienne la réforme du barème. J'espère qu'un large débat aura lieu l'an prochain sur ce point car il faut à tout prix répondre au besoin de justice fiscale.
En attendant, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-86 est retiré.
Par amendement n° I-170, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Deux frères, deux soeurs ou un frère et une soeur qui résident ensemble font l'objet, pour les revenus fixés au premier alinéa de l'article 196 A bis du code général des impôts, d'une imposition commune à compter de l'année qui suit leur déclaration de résidence commune à la mairie de leur domicile.
« II. - Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat du I ci-dessus sont compensées par un relèvement des droits figurant à l'article 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. En adoptant la proposition de loi sur le pacte civil de solidarité, le PACS, le Parlement a choisi de prendre en compte dans la loi, en particulier sur le plan fiscal, les évolutions des modes de vie et les boulversements socio-économiques.
La désertification de nos campagnes, qui figure au nombre de ces évolutions, conduit bien souvent des frères et soeurs à vivre sous le même toit et à partager de ce fait les charges d'un ménage. Cette situation, même si elle se rencontre plutôt en milieu rural, peut aussi parfois être observée en milieu urbain.
Aussi nous paraît-il logique de faire figurer dans la loi de finances que les frères et soeurs qui vivent sous le même toit peuvent bénéficier d'une déclaration fiscale commune.
Une telle disposition avait été présentée lors de la discussion de la proposition de loi sur le PACS et adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, mais elle n'avait finalement pas été retenue. Nous proposons de la rétablir dans la loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement traite du problème bien connu des fratries, problème d'autant mieux connu que nous l'avons rencontré, notamment, tout au long de la discussion, agrémentée de multiples navettes, sur cette chose que l'on appelle le PACS.
Lors de cette discussion, il n'aurait évidemment pas été possible de donner un avis favorable sur une telle disposition dans la mesure où les deux commissions saisies dans notre assemblée, à savoir la commission des lois et la commission des finances, avaient retenu une autre logique, mettant en avant une forme plus générale de solidarité.
Aujourd'hui, nous pouvons regarder cette proposition d'un oeil différent. Elle nous a semblé aller dans le sens de l'équité fiscale avec la reconnaissance de la solidarité entre frères et soeurs habitant ensemble. Ayant en outre constaté que le gage, tout à fait classique, était parfaitement acceptable, je crois pouvoir dire que cet amendement, qui est complémentaire de celui que présente la commission en matière de droits de mutation par décès, peut recueillir un avis favorable.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La situation des collatéraux proches qui ont communauté de vie pose un vrai problème, et M. Loridant l'a remarquablement exposé il y a un instant.
C'est précisément parce que le Gouvernement reconnaît qu'il y a là une question qui se pose concrètement dans la vie de nombreux frères et soeurs vivant ensemble que Mme le garde des sceaux avait proposé, lors du débat sur le pacte civil de solidarité, de créer un groupe de travail chargé d'étudier ce sujet. Ce groupe de travail devrait rendre ses conclusions assez rapidement. En tout cas, elles seront certainement disponibles lorsque nous aborderons la réforme globale de l'impôt sur le revenu.
Je me propose donc de reprendre au moins l'esprit de la proposition de M. Loridant lorsque nous évoquerons l'imposition sur le revenu dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2001.
En attendant, je demande à M. Loridant de bien vouloir retirer son amendement.
M. Jean Chérioux. Quelle promesse !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-170.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Depuis le début de cette matinée, et cela va sûrement continuer pendant deux jours, c'est vraiment : demain, on rasera gratis ! On ne cesse de nous faire miroiter une merveilleuse réforme de l'impôt sur le revenu qui interviendrait en l'an 2000, et en attendant, il ne faudrait rien faire : ni alourdir, comme nos collègues socialistes ou communistes le proposent, ni alléger, comme la majorité sénatoriale le propose.
On se demande vraiment s'il faut continuer à signer un chèque en blanc au Gouvernement ! Parce qu'il y en a beaucoup, des questions qui sont susceptibles d'être renvoyées à cette réforme de l'impôt sur le revenu, entre les SOFICA, les pensions, la CSG, les niches fiscales, etc. !
Il me semble que, lorsqu'il est possible de prendre des mesures utiles, éventuellement modestes mais qui apportent certain allégement aux contribuables ou qui introduisent un peu de logique dans le système, nous devons saisir l'occasion.
Je félicite donc M. Loridant de ne pas retirer son amendement, que je m'apprête à voter.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. J'irai dans le même sens que mon ami Yann Gaillard. D'ailleurs, si d'aventure M. Loridant, cédant aux affectueuses sollicitations du Gouvernement, avait retiré son amendement, je n'aurais pas manqué de le reprendre.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Sur des sujets aussi importants et complexes que l'impôt sur le revenu, comme d'ailleurs sur les autres que nous aurons à aborder dans la discussion du projet de loi de finances pour 2000, il n'est pas du tout inutile, aux yeux du Gouvernement, que des sénateurs des différents groupes présentent des amendements, même si ceux-ci sont finalement retirés ou repoussés.
Le Sénat manifeste un certain nombre de préoccupations et fait passer au Gouvernement des idées de réforme, des invitations à approfondir l'étude de certains dossiers : ce sont autant de signaux adressés au Gouvernement pour qu'il intègre les suggestions qui sont ainsi faites dans sa propre réflexion et, le moment venu, propose les réformes qu'il juge adéquates en fonction de sa majorité et de ses objectifs politiques, bien entendu.
Ne considérez donc pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que, lorsque le Gouvernement demande le retrait d'un amendement, les idées qui le sous-tendaient sont pour autant abandonnées. Elles doivent mûrir, il faut les étudier, et elles seront, d'une manière ou d'une autre, à des degrés divers, insérées dans une réflexion globale. Le Gouvernement remercie d'ailleurs la représentation nationale de contribuer ainsi à nourrir cette réflexion.
Les parlementaires participent à l'édification de notre pensée. Une fois que celle-ci sera mûre, après toutes les consultations et la concertation nécessaires, le Gouvernement pourra vous inviter à légiférer de manière globale et efficace dans le sens qu'au moins un certain nombre d'entre vous auront souhaité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-170, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous deux sont présentés par MM. Fréville et Badré, Mme Bocandé et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° I-72 vise à insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est complété par le membre de phrase suivant : "; pour un couple marié soumis à imposition commune, le montant de l'impôt est diminué, dans la limite de son montant, de la différence entre 5 020 francs et son montant ;".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la réduction de l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers prévue au b du 1 de l'article 265 bis du code des douanes. »
L'amendement n° I-73 tend à insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est complété par le membre de phrase suivant : "; pour un couple marié soumis à imposition commune, le montant de l'impôt est diminué, dans la limite de son montant, de la différence entre 6 700 francs et son montant ;".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la réduction de l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers prévue au b du 1 de l'article 265 bis du code des douanes. »
La parole est à M. Fréville, pour présenter ces deux amendements.
M. Yves Fréville. Ces deux amendements concernent une question que nous avons déjà évoquée, celle de la décote, mais sous son aspect familial et conjugal. Puisque le Gouvernement nous incite à lui envoyer des signaux à propos de la réforme de l'impôt sur le revenu, mon groupe souhaite lui en adresser un s'agissant du traitement réservé à la famille en cette matière.
Au fond, nous avons, à cet égard, le choix entre deux solutions : ou nous considérons que c'est la famille en tant que foyer fiscal qui doit être imposée, ou nous souhaitons au contraire que l'impôt sur le revenu soit calculé individu par individu. Pour notre part, nous sommes très attachés à la première solution, ce qui nous amène à défendre le quotient conjugal et le quotient familial.
Si, au cours des années récentes, des progrès ont été accomplis dans le sens de la « familialisation » de l'impôt sur le revenu, il reste au moins un « os », si je puis m'exprimer ainsi, celui de la décote. Je prendrai un exemple pour me faire comprendre.
Supposez deux célibataires qui, après décote, paient aujourd'hui, l'un et l'autre, 650 francs d'impôt sur le revenu, soit 1 300 francs à eux deux. Si ces deux célibataires se marient, quel cadeau le système fiscal déposera dans la corbeille ? Au lieu de payer globalement 1 300 francs, ils paieront 4 000 francs, soit une augmentation de 2 700 francs !
En effet, le système de la décote n'est pas « conjugalisé », ce terme barbare signifiant tout simplement que l'on ne tient pas compte du nombre de parts qui existent dans le foyer.
L'amendement n° I-73 vise, par conséquent, à restaurer l'équité fiscale en permettant au couple marié - ou « assimilé » - de payer la même chose que lorsqu'il n'était pas encore constitué. Telle est l'idée, et elle est toute simple !
M. Denis Badré. Et très bonne !
M. Yves Fréville. Toutefois, j'ai bien conscience du coût d'une telle réforme. C'est pourquoi j'ai également déposé un amendement de repli, l'amendement n° I-72, qui prévoit simplement de franchir une première étape de cette réforme.
M. Denis Badré. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-72 et I-73 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le problème a été remarquablement exposé par Yves Fréville, et je ne saurais mieux dire que lui.
Il est clair que la réforme de l'impôt sur le revenu doit prendre en considération les impératifs et les priorités d'une politique familiale.
Nous sommes nombreux à souhaiter que, dans le recalibrage de certaines mesures, il soit tenu compte du mariage, de la stabilité du couple et des conditions d'épanouissement des enfants. Ce point revêt une très grande importance dans l'engagement politique d'un certain nombre d'entre nous et, lorsque ce débat général concernant l'impôt sur le revenu viendra devant notre assemblée, il faudra bien entendu mettre fortement l'accent sur cette priorité.
Cependant, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises depuis le début de cette matinée - voilà encore quelques instants, Yann Gaillard faisait fort justement allusion à la frustration qui pouvait être ressentie au sein de notre assemblée -, le projet de loi de finances tel qu'il nous est présenté - avec des prévisions de recettes et de dépenses d'un certain montant, avec un solde dont la commission des finances juge la réduction insuffisante, avec un endettement public dont le recul nous paraît insuffisamment rapide - nous ne sommes malheureusement pas en mesure de répondre comme il conviendrait à l'ensemble des besoins financiers qui résulteraient d'une approche nouvelle de l'impôt sur le revenu.
Le Gouvernement a estimé - c'est son choix ! - que les marges financières disponibles pour réduire les impôts devaient être concentrées sur une seule mesure : la baisse de la TVA ciblée sur les dépenses relatives au logement. Il a fait ce choix,...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Pour cette année !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui est excellent pour les professionnels dont il s'agit, mais qui coûte 20 milliards de francs. Il y a certes là de quoi satisfaire - et c'est certainement légitime - une catégorie sociale et professionnelle, mais ces 20 milliards de francs ne peuvent pas être utilisés par ailleurs.
Bien entendu, nous le verrons, d'autres professionnels viennent demander la même chose et se mettent dans la file d'attente : ceux de la restauration, du chocolat, de la margarine... et j'en passe. Bref, c'est tout un florilège de professions qui, de manière tout à fait justifiée, souhaitent bénéficier du même taux réduit !
Or les 20 milliards de francs qui pouvaient être consacrés à la baisse des prélèvements obligatoires ont été concentrés sur une mesure opportune, mais ciblée, électoraliste, qui ne prépare pas l'avenir, alors qu'il aurait fallu clairement consacrer ces 20 milliards de francs à la réforme de l'impôt sur le revenu, de manière à faire de l'année 2000 l'an I de la réforme de l'impôt sur le revenu. C'est la responsabilité du Gouvernement d'y avoir renoncé.
Sur le fond, je ne peux qu'adhérer à l'argumentaire qui a été présenté par Yves Fréville, mais je me dois, en ma qualité de rapporteur général, de faire remarquer que le coût du doublement du plafond de la décote pour les couples soumis à imposition commune se traduirait pas une moins-value fiscale de 3 650 millions de francs.
En outre, il s'agirait bien de l'ensemble des couples soumis à imposition commune et non pas seulement des couples mariés, comme Yves Fréville l'a lui-même précisé.
Il me semble donc qu'à l'issue d'un débat nécessaire sur ce sujet il serait opportun, du moins dans le cadre de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, de retirer ces amendements.
Je ne serais pas du tout hostile à ce qu'ils soient représentés au titre de la deuxième partie. En effet, s'il s'agit simplement d'un signal sans incidence sur le solde de la loi de finances pour l'an 2000, nous pourrions tout à fait retenir ces dispositions dans le cadre de la deuxième partie du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout d'abord les 20 milliards de francs de réduction de taxe sur la valeur ajoutée ont pour seule motivation non pas celle que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur général, mais l'emploi. La bataille pour l'emploi est, en effet, prioritaire, et les réductions fiscales doivent être lues à travers le prisme de cet objectif central du Gouvernement, qui, d'ailleurs, est atteint, si j'en juge par le nombre d'emplois salariés créés depuis deux ans et demi.
Par conséquent, c'est bien l'emploi qui motive notre politique.
C'est aussi l'équité fiscale. Je ne reprendrai pas le débat sur la place de la TVA dans notre appréciation de la justice fiscale, mais nous pourrions certainement enrichir un jour notre réflexion à ce propos.
J'en viens aux amendements proprement dits. Je souhaite attirer votre attention, monsieur Fréville, sur le fait que l'exemple que vous citez concerne le cas spécifique de personnes vivant en concubinage. (M. Fréville fait un signe de dénégation.) Or il est réducteur de limiter la problèmatique du sujet que vous abordez à ce seul aspect de la question. En effet, la décote a été instituée pour les célibataires de condition modeste lorsque le barème progressif les faisait pâtir de l'existence du quotient familial.
La lecture de vos amendements donne à penser qu'il conviendrait d'engager une réflexion sur le quotient familial.
Par ailleurs, le bénéfice de la décote a été étendu, en 1987, à l'ensemble des contribuables. Sa « conjugalisation », si vous me permettez ce néologisme, ne se justifie pas dès lors que son objet n'est pas d'instituer un seuil d'exonération directement proportionnel aux revenus des familles. Je vous indique - j'ai peine à le faire, car je vais être critiqué de nouveau par M. Oudin - que le Gouvernement reviendra sur cette question en 2000, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2001.
En outre, le gage que vous proposez, monsieur le sénateur, à savoir une réduction de l'exonération sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers, affecterait de manière négative certains transporteurs aériens, notamment le principal d'entre eux, la société Air France. Il est donc incompatible avec les dispositions du traité portant organisation de l'aviation civile internationale.
Mais la question du gage n'étant pas primordiale et le dispositif de l'amendement étant l'essentiel, je demande au Sénat de rejeter ces amendements.
M. le président. Monsieur Fréville, les amendements n°s I-72 et I-73 sont-ils maintenus ?
M. Yves Fréville. Je retire ces amendements, monsieur le président, mais j'ai bien l'intention de les déposer à nouveau au titre de la deuxième partie du projet de loi de finances, comme le suggérait excellemment M. le rapporteur général. Je formulerai cependant deux remarques.
Tout d'abord, il ne s'agit nullement d'une question de concubinage, monsieur le secrétaire d'Etat. J'envisage tout simplement le cas de deux célibataires qui se marient. Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais telle est bien la réalité : chacun payait 650 francs, ils payaient donc 1 300 francs à deux, s'ils se marient, leur impôt s'élèvera à 4 000 francs.
Ma deuxième remarque a trait aux objectifs poursuivis par le Gouvernement dans cette loi de finances. J'ai bien compris qu'un effort était entrepris en matière de TVA sur le logement. Mais mes amendements visent plus précisément les salariés modestes, car ce sont eux qui en seront les principaux bénéficiaires.
Si j'ai déposé ces amendements, c'est parce que l'impôt sur le revenu souffre de taux marginaux excessifs en ce qui concerne les hauts revenus - je n'en parle pas dans ces amendements - mais aussi les bas revenus. A de nombreuses reprises, le Gouvernement, à la suite des études du Conseil d'analyse économique, nous a dit qu'il fallait faciliter l'entrée sur le marché du travail des exclus. Eh bien ! ces amendements avaient notamment pour objet, monsieur le secrétaire d'Etat, de réduire la barrière fiscale que rencontrent ceux qui entrent sur le marché du travail.
M. le président. Les amendements n°s I-72 et I-73 sont retirés.
Par amendement n° I-224, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 199 quater C du code général des impôts, le taux : "30 %" est remplacé par le taux : "50 %".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Certains pourraient penser que cet amendement est peut-être un peu démagogique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh ! ce n'est pas votre habitude !
M. Jacques Oudin. Il tend en effet à appliquer la même réduction d'impôt au titre des cotisations syndicales qu'à celui des cotisations d'adhésion à un parti politique.
S'agit-il d'un intérêt majeur que je porte aux syndicats ou bien du souhait que, au travers de ce débat, on apporte une plus grande clarté sur les modalités de financement de nos organisations syndicales, comme on a tendu à le faire pour les organisations et les partis politiques ?
Il est intéressant qu'un syndicat puisse être financé par des cotisations. Dès lors, il n'est pas inéquitable d'accorder aux organisations syndicales les mêmes réductions d'impôt qu'aux organisations et mouvements politiques. Mais, une fois que l'on aura octroyé ces avantages, il est évident qu'il faudra encadrer la totalité du financement de façon aussi stricte que pour les mouvements politiques. Nous y voilà ! Chacun a en tête des exemples de mise à disposition de fonctionnaires dans des syndicats, payés par des administrations diverses, ou d'autres pratiques que l'on condamne pour les mouvements politiques. Il n'y a pas de raison de les tolérer pour les organisations syndicales.
Tel est l'objet véritable de cet amendement. Il paraît généreux de prime abord, mais en fait il vise à atteindre, à terme, une plus grande clarté, donc une plus grande sévérité dans les comptes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un intéressant sujet qui est ainsi introduit dans notre débat et qui nécessite, assurément, l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. On ne peut que se féliciter de la sollicitude avec laquelle M. Oudin considère l'activité syndicale. Cela rejoint une préoccupation qui m'est personnelle...
M. Jacques Oudin. Préoccupation très honorable !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... et qui est également celle de l'opposition sénatoriale.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est normal !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Plus sérieusement, je vais répondre à son argumentation.
Il existe une différence de nature entre les dons aux associations et aux groupements politiques et les cotisations aux organisations syndicales : ces dernières sont destinées à défendre directement les intérêts des mandants de ces syndicats. De la sorte, une cotisation syndicale relève d'une logique non pas de don, mais d'engagement personnel pour défendre un intérêt direct. C'est le sens même que l'on accorde, en France, à la constitution et à l'organisation des syndicats.
Par ailleurs, les syndicats modulent souvent le niveau des cotisations en fonction du niveau de revenus de l'adhérent. Ce principe, qui d'ailleurs reflète les rôles démocratique et social des syndicats, est la meilleure réponse à la problématique. Je demande donc au Sénat de rejeter cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Après avoir entendu les explications du Gouvernement, je puis indiquer quelle est la position de la commission.
Le sujet est tout à fait estimable et l'alignement proposé constituerait un facteur de simplification. Cela étant dit, sans doute est-il préférable de reprendre ce sujet, avec un certain nombre d'autres, dans le cadre de la réforme d'ensemble.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Par souci de cohérence !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Effectivement !
C'est pourquoi la commission souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je le retire, monsieur le président.
Certes, j'attendais que M. le secrétaire d'Etat nous apporte cet éclairage, mais je souhaitais aussi qu'il nous donne d'autres éléments d'information sur le financement des organisations syndicales. Il n'en a rien été !
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un syndicat ne vit que par la contribution de ses adhérents, qui défendent, par là même, leurs intérêts. Quel est le pourcentage des cotisations des adhérents dans le budget global des organisations syndicales ? Voilà un chiffre que j'aimerais bien connaître. Je vous adresserai une question écrite à ce sujet ; j'espère avoir la réponse un jour au Journal officiel !
M. le président. L'amendement n° I-224 est retiré.
Par amendement n° I-225, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts est complété par les mots : "et pour les contribuables employant à leur domicile une ou plusieurs personnes pour assurer la garde d'au moins un enfant à charge de moins de trois ans, lorsque chaque membre du couple ou la personne seule exerce une activité professionnelle minimale".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement est favorable aux parents qui travaillent et qui ont du mal à faire garder leurs enfants en bas âge face à la relative pénurie des places de crèche.
Le plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile a été réduit de moitié par le Gouvernement et cela pose un grave problème à nombre de familles.
Cet amendement tend donc à revenir au plafond initial de 90 000 francs qui existait voilà trois ans pour l'emploi des salariés à domicile, mais pour la seule garde des enfants, j'y insiste. En effet, autrefois, le plafond concernait tout emploi à domicile.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission soutient l'intention des auteurs de cet amendement, car la mesure proposée lui paraît opportune. Toutefois, elle souhaiterait que le montant du plafond soit ramené à 60 000 francs, ce qui, d'une part, permettrait d'aller dans le sens souhaité, et, d'autre part, serait supportable sur le plan budgétaire.
M. le président. Monsieur Oudin, souhaitez-vous répondre au voeu de la commission ?
M. Jacques Oudin. Oui, monsieur le président, et je modifie mon amendement dans le sens proposé par la commission.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, pour permettre à nos collègues de rectifier leur amendement, je demande un brève suspension de séance.
M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à douze heures vingt.)