Séance du 29 novembre 1999







M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n° I-225 rectifié, présenté par MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët, et tendant à insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts est complété par le membre de phrase : "et à 60 000 francs pour les contribuables employant à leur domicile une ou plusieurs personnes pour assurer la garde d'au moins un enfant à charge de moins de trois ans, lorsque chaque membre du couple ou la personne seule exerce une activité professionnelle minimale".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-225 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Favorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est exactement inverse. Je demande au Sénat de rejeter cet amendement.
L'abaissement à 45 000 francs du plafond de dépenses qui ouvrent droit à la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, abaissement auquel nous avions procédé il y a deux ans, est une mesure d'équité qui a permis au dispositif de conserver un caractère incitatif en termes d'emploi, ce qui était l'objectif premier, tout en évitant que ne se constitue un avantage excessif pour les personnes les plus aisées.
Gardons le sens de la mesure en incitant à l'emploi sans créer un avantage contraire à la justice fiscale, que nous souhaitons promouvoir.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-225 rectifié.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. M. le secrétaire d'Etat n'a peut-être pas tout à fait entendu les précisions que j'ai apportées. Il s'agit non pas de revenir sur la mesure générale d'abaissement qui a été prise, mais de réajuster le plafond uniquement pour les emplois concernant la garde de jeunes enfants.
Une telle modification aura-t-elle des conséquences pour l'emploi ? A l'évidence, oui, monsieur le secrétaire d'Etat : les jeunes femmes qui auront plus de facilités pour faire garder leurs enfants retourneront sur le marché du travail, avec l'expérience qui est la leur.
Il ne s'agit pas d'une mesure générale, je l'avais précisé, mais je crois que, malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez fait part de la réponse de vos services, qui concernait une élévation générale du plafond. Or tel n'est pas l'objet de mon amendement.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le sénateur ?
M. Jacques Oudin. Je vous en prie, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je conçois que cette objection relative à l'emploi fasse tomber une partie de mon raisonnement. Il n'en demeure pas moins que la mesure profitera essentiellement aux contribuables les plus aisés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le vieux principe suivant lequel on ne tond pas un oeuf !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est pour cette raison que j'ai demandé le rejet de cet amendement.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Oudin.
M. Jacques Oudin. Voyez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis persuadé que les contribuables les plus aisés, eux, trouveront des places dans les crèches. Je n'y peux rien, telle est la réalité des choses. Ce sont les autres qui devront recourir à des aides à domicile, faire appel à la voisine ou à quelqu'un du village ou du quartier. Pardonnez-moi, mais je crois que, un peu par dogmatisme, vous mettez à côté de la plaque !
Je maintiens bien entendu mon amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-225 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2.
Par amendement n° I-141 rectifié, M. Miquel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Demerliat, Haut, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'avantage maximal en impôt résultant de l'application des dispositions des articles 199 undecies , 199 terdecies A et 199 terdecies -0 A du code général des impôts ne peut excéder la somme de :
« 104 545 francs en ce qui concerne les investissements réalisés outre-mer ;
« 10 989 francs en ce qui concerne les souscriptions effectuées dans le cadre du rachat d'une entreprise par ses salariés ;
« 9 251 francs en ce qui concerne les souscriptions en numéraire au capital de sociétés non cotées ;
« 22 263 francs en ce qui concerne les souscriptions de parts de fonds communs de placement dans l'innovation. »
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Cet amendement a pour objet de recentrer le dispositif existant au titre des réductions d'impôt.
Chacun ici se souvient que, depuis plusieurs années déjà, nous défendons l'idée selon laquelle il conviendrait de limiter de manière globale l'ensemble des réductions d'impôt dont peut bénéficier un contribuable, et ce pour des raisons évidentes de justice fiscale.
S'il peut être tout à fait utile de proposer des avantages fiscaux pour inciter les contribuables à investir dans tel ou tel secteur d'activité ou dans tel ou tel domaine, cette démarche ne doit pas aboutir à permettre à certains contribuables de s'exonérer de manière par trop substantielle de l'impôt.
Sinon, on aboutirait à un vrai paradoxe. Les contribuables qui n'ont pas les moyens d'effectuer les dépenses éligibles à ces dispositifs d'allégement d'impôt seraient les seuls à s'acquitter, en fait, de leur impôt en fonction du barème voulu et voté par le législateur, alors que, dans le même temps, ce barème ne serait que théorique pour ceux qui peuvent ainsi y échapper.
En somme, avec ces multiples dispositifs, c'est le principe d'une progressivité inverse qui s'appliquerait.
Nous avons pris connaissance avec intérêt du rapport déposé à notre demande devant le Parlement, en application de l'article 87 de la loi de finances pour 1999. Ses conclusions sont très intéressantes ; elles font apparaître quelques points importants.
D'abord, les réductions d'impôt représentent dans leur ensemble un phénomène de masse et sont réparties de manière équilibrée sur l'ensemble des contribuables.
Ensuite, le montant moyen effectif total de la réduction d'impôt est finalement moins élevé que ce que l'on pouvait imaginer.
Enfin, pour les tranches les plus élevées, le montant moyen de la réduction d'impôt ne représente qu'un faible pourcentage de la cotisation d'impôt due.
Partant, il nous semble aujourd'hui peu pertinent de plafonner ces dispositifs de manière globale comme nous le souhaiterions.
En revanche, il est intéressant de constater que ces informations s'inscrivent par rapport à des moyennes. Or, si les résultats enregistrés en moyennes paraissent tout à fait satisfaisants, on peut considérer que ces moyennes, fictives, théoriques en quelque sorte, constituent des limites à ne pas dépasser.
Quel a été notre raisonnement ? Nous avons choisi trois dispositifs parce qu'ils étaient de portée non négligeable et de nature économique : la loi Pons, le rachat d'une entreprise par ses salariés et les souscriptions dans des sociétés non cotées ainsi que dans l'innovation. Pour chacun de ces dispositifs, nous avons retenu le montant moyen constaté le plus élevé quelle que soit la tranche considérée, en lui donnant en quelque sorte une vocation de limite maximale à ne pas dépasser.
Prenons l'exemple le plus caractéristique, celui de l'outre-mer. Aujourd'hui, des contribuables de toutes les tranches investissent dans la loi Pons. Evidemment, pour les revenus modestes et moyens, le montant de réduction d'impôt est moins élevé que pour les revenus élevés : 3 435 francs et 9 132 francs pour les premiers, et 104 545 francs pour la dernière tranche. Nous disons simplement d'accord pour cette limite, même si elle nous paraît déjà fort élevée, mais nous ajoutons que cette limite ne doit pas être dépassée.
Aujourd'hui, il est évident que certains contribuables - puisque ce chiffre est une moyenne - retirent des avantages bien plus importants que la somme moyenne de 104 545 francs : cela nous paraît anormal et doit être corrigé. Mes chers collègues, c'est ce que nous vous proposons de faire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait défavorable, monsieur le président. Il est vraiment absurde, en ce qui concerne l'outre-mer, de tout miser sur les mécanismes d'assistance, sur le RMI comme sur les prestations passives, et de refuser, dans le même temps, l'incitation à investir dans les entreprises.
Mais qui, sinon, va investir ? Est-ce le smicard ? Est-ce celui qui n'a pas d'épargne ? Certainement pas ! C'est celui qui est en mesure de distraire de son revenu ou de son capital une part significative, qu'il apporte à une nouvelle entreprise pour lui permettre de boucler son plan de financement ou à une entreprise existante pour améliorer les conditions de son développement.
Alors, j'avoue ne pas comprendre nos collègues socialistes, qui raisonnent toujours en termes de plafond avec à l'esprit une préoccupation unique, celle d'un égalitarisme complètement désuet, mais qui se satisfont de la situation sociale pourtant lamentable de nos départements et territoires d'outre-mer, compte tenu, notamment, de l'augmentation du nombre de chômeurs que l'on y enregistre.
Enfin, chers collègues du groupe socialiste, avez-vous vu ce qui s'est passé lorsque le Premier ministre s'est rendu aux Antilles récemment ? Avez-vous lu les journaux ? Avez-vous regardé la télévision ? La situation sociale de ces départements français vous semble-t-elle supportable ?
Est-ce en continuant à modifier la politique d'investissement, est-ce en continuant à modifier la politique fiscale et la politique d'emploi des deniers publics, en y intégrant toujours plus de mesures d'assistance et en suscitant toujours moins d'esprit d'entreprise, que l'on parviendra à améliorer les conditions de l'équilibre social et de l'harmonie sociale dans ces départements ?
C'est un vrai sujet de fond. Changer la logique du mécanisme de soutien à certains investissements nécessaires au développement économique de notre pays, notamment outre-mer, est absolument contre-productif. Limiter, comme le prévoit votre amendement, l'avantage en impôt au montant moyen de réduction d'impôt constaté pour chaque mécanisme aboutirait à réduire la masse des investissements et méconnaîtrait la finalité même des mécanismes considérés.
Je ne suis pas surpris de constater que cet amendement est cosigné par l'ensemble des membres de votre groupe qui siègent à la commission des finances, à l'exception de l'un d'entre eux : notre collègue et ami M. Roger Lise, président du conseil général de la Martinique. CQFD !
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le sujet abordé par cet amendement est fondamental, puisqu'il touche à la philosophie de la fiscalité, à l'efficacité économique et sociale de celle-ci, au rôle que jouent les différentes réductions d'impôt et, par voie de conséquence, à la raison d'être de ces dernières.
J'ai indiqué, au début de notre débat, que la réforme et l'amendement de notre système d'impôt sur le revenu devaient s'ordonner autour de trois principes forts : simplicité, lisibilité et conciliation entre efficacité économique et justice fiscale. Ce sont ces trois objectifs que cherche à atteindre l'amendement défendu voilà un instant par M. Demerliat.
Toutefois, au-delà de la lutte contre les « niches fiscales », dans laquelle vous vous inscrivez, de la légitimité de la réflexion qui est celle du groupe socialiste, il est nécessaire de l'insérer, là encore, dans une vision d'ensemble cohérente. Cela vaut pour l'exemple choisi dans la situation de l'outre-mer comme pour les autres situations évoquées.
Aussi me paraît-il préférable d'attendre que l'on ait mis en perspective l'ensemble de la réforme à laquelle le Gouvernement procédera l'année prochaine avant de s'attaquer à tel ou tel aspect particulier de ces niches fiscales et de cette réforme. C'est pourquoi il est souhaitable que le groupe socialiste retire cet amendement et que l'on revienne sur cette question lors d'un prochain débat.
M. le président. Monsieur Demerliat, l'amendement n° I-141 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté votre souhait de combattre ces niches fiscales lors de l'examen de la réforme de l'impôt sur le revenu. Aussi, je retire bien volontiers cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-141 rectifié est retiré.

ARTICLES ADDITIONNELS APRÈS L'ARTICLE 2
OU APRÈS L'ARTICLE 7