Séance du 29 novembre 1999







M. le président. « Art. 5. _ I. _ Le code général des impôts est ainsi modifié :
« A. _ 1° L'article 1594 D est ainsi rédigé :
« Art. 1594 D . _ Sauf dispositions particulières, le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement prévu à l'article 683 est fixé à 3,60 %.
« Il peut être modifié par les conseils généraux sans que ces modifications puissent avoir pour effet de le réduire à moins de 1 % ou de le relever au-delà de 3,60 %. » ;
« 2° Au deuxième alinéa de l'article 1594 E, les mots : "et au troisième alinéa du I de l'article 1594 DA, les taux en vigueur sont reconduits" sont remplacés par les mots : ", le taux en vigueur est reconduit" ;
« 3° L'article 683 bis est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa, le taux : "2,60 %" est remplacé par le taux : "2 %" ;
« b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
« 4° Au I bis de l'article 809 et au III de l'article 810, le taux : "2,60 %" est remplacé par le taux : "2 %";
« 5° Au deuxième alinéa de l'article 1043 A, les mots : "aux taux prévus par les articles 1594 D, 1594 DA ou 1594 F quater " sont remplacés par les mots : "au taux prévu à l'article 1594 D";
« 6° Les articles 1594 DA et 1594 F quater sont abrogés.
« B. _ 1° Dans le tarif figurant à l'article 719, le taux : "6 %" est remplacé par le taux : "3,80 %" et le taux : "9 %" est remplacé par le taux : "2,40 %";
« 2° Au premier alinéa de l'article 722 bis, le taux : "6 %" est remplacé par le taux : "3,80 %";
« 3° Au I bis de l'article 809, les mots : "aux taux de 2 % ou 8,60 % prévus par le" sont remplacés par les mots : "au tarif prévu par le premier alinéa du";
« 4° Le III de l'article 810 est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa, le mot : "taux" est remplacé par le mot : "tarif" et les mots : "à 8,60 %" sont remplacés par les mots : ", selon le tarif prévu à l'article 719,";
« b) Au quatrième alinéa, les mots : "de 2 % ou de 8,60 %" sont remplacés par les mots : "prévu au premier alinéa".
« II. _ Les dispositions du A du I s'appliquent à compter du 15 septembre 1999.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, les dispositions de l'article 1594 DA du code général des impôts demeurent applicables jusqu'au 31 mai 2000 en tant qu'elles concernent des immeubles situés dans les départements dans lesquels le taux prévu au I du même article et exigible au 1er juin 1999 est inférieur à 3,60 %.
« Les dispositions du B du I s'appliquent aux actes passés et aux conventions conclues à compter du 15 septembre 1999. »
Par amendement n° I-61 rectifié, MM. Michel Mercier, Badré et les membres du groupe de l'Union centriste proposent :
A. - De compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La compensation, au titre de 2000, de la perte de produit fiscal résultant pour les départements des dispositions du présent article et de l'article 39 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) est déterminée, dans les conditions prévues par le deuxième et le troisième alinéas de l'article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales, en prenant en compte le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement résultant, en 2000, des dispositions du premier alinéa de l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la revalorisation de la compensation de la baisse des droits de mutation versée aux départements est compensée par un relèvement à due concurrence des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Depuis de nombreuses années, les gouvernements ont tendance à diminuer dans les ressources des collectivités locales la part des impôts locaux, qui sont écrêtés ou qui voient leur assiette ou leur taux abaissés. Les gouvernements ont également tendance à remplacer cette part par des allocations compensatoires. Cette tendance s'accentue de plus en plus.
L'an dernier, deux exemples l'ont illustrée : les droits de mutation perçus par les régions et la part salaire de la taxe professionnelle perçue par l'ensemble des collectivités locales ont été affectés par cette évolution.
Non contente d'aller dans le même sens, la loi de finances pour 2000 accentue cette tendance puisque les droits de mutations désormais perçus par les départements sont également touchés par le plafonnement des taux.
Il est à noter que ce plafonnement de taux n'influence guère le marché, puisque la diminution de 25 % des droits de mutation décidée par le gouvernement précédent n'avait nullement relancé le marché, qui s'accommode fort bien des taux actuels.
Ce choix du Gouvernement se justifie essentiellement par l'inadaptation des impôts locaux au monde dans lequel nous vivons. Sur ce point, nous pouvons probablement suivre le Gouvernement.
Mais nous sommes confrontés au problème de l'actualisation de l'allocation de compensation. Dans le projet de loi de finances initial pour 2000, le Gouvernement avait prévu un système d'indexation identique pour l'allocation de compensation de la part salaire de la taxe professionnelle et pour l'allocation de compensation de l'effet limite du taux des droits de mutation.
Or, lors de la discussion de la loi de finances à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est rendu aux arguments avancés par nos collègues députés, qui lui ont fait remarquer que l'on ne pouvait pas prendre comme mesure de l'indexation le taux d'évolution de la DGF après les opérations internes propres à la DGF, qu'il s'agisse d'opérations de régulation ou de recalage, mais qu'il convenait de prendre comme index de variation de l'allocation de compensation la DGF avant que ces deux opérations soient réalisées.
Je suis sûr que le Gouvernement souhaite que ces deux allocations de compensation soient soumises au même régime et qu'il n'y ait pas un système d'indexation pour la part salaire de la taxe professionnelle et un autre pour la compensation des droits de mutation.
L'amendement que je vous présente ce soir vise en fait à réparer un oubli. Je suis sûr, en effet que, devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait la volonté de traiter de la même façon les deux allocations de compensation, comme il l'avait fait dans le projet de loi de finances initial.
Cet amendement n° I-61 rectifié vise donc simplement à aligner les conditions d'indexation de la compensation de la baisse du taux des droits de mutation sur les règles relatives à la taxe professionnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est très favorable à cet amendement, qui a été présenté de manière extrêmement complète, didactique et convaincante.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je crains, monsieur le président, monsieur le sénateur, que, sous couvert de parallélisme avec la réforme de la taxe professionnelle, nous ne remettions en cause les principes généraux de la décentralisation.
Les lois de décentralisation de 1983 ont en effet fixé le principe de la compensation intégrale des charges transférées par l'attribution de ressources équivalentes aux dépenses effectuées à la date du tansfert. Cette compensation évolue ensuite chaque année comme la dotation globale de fonctionnement.
La compensation de la réforme de la taxe professionnelle est sans rapport avec la compensation des modifications apportées à la fiscalité transférée. Etrangers l'un à l'autre, les deux sujets ne sauraient être valablement comparés.
Si le Gouvernement a accepté l'amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui fixe une indexation pour 2000 de la compensation relative à la réforme de la taxe professionnelle à 2,05 % au lieu de 0,821 % prévu par l'article 44 de la loi de finances pour 1999, c'est parce que la question de l'indexation de cette compensation a rapidement constitué une préoccupation importante pour un certain nombre, je dirai même pour un grand nombre d'élus locaux.
Mais je souhaite que nous restions sur une compensation qui évolue comme la DGF en ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux et que nous ne débordions pas, sans logique véritable, je le dis très sérieusement, sur une autre compensation qui n'a rien à voir avec l'objet de celle qui était prévue lorsque, par les lois de 1983, nous avons mis en oeuvre la décentralisation et les compensations afférentes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Permettez-moi simplement un très bref complément : nous constatons que l'indexation de la compensation de la baisse des droits de mutation est très défavorable par rapport à l'évolution des bases, comme l'a démontré notre collègue Michel Mercier. De plus, pour l'année 2000, cela conduirait à une évolution inférieure aux prévisions d'inflation.
Nous voyons bien que l'ancienne ressource affectée aux départements, qui était dynamique, est remplacée par une ressource dont le montant diminue en francs constants ! Est-ce acceptable, monsieur le secrétaire d'Etat ? Est-ce conforme aux principes de la décentralisation ?
Je crois que l'amendement qui est proposé rectifie la situation dans le sens de l'équité.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-61 rectifié.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le secrétaire d'Etat, on ne peut pas, aujourd'hui, compenser une recette fiscale qui évolue dans les conditions que l'on sait par une allocation qui évolue de 0,8 % seulement ! Par ailleurs, l'ensemble de la fiscalité des droits de mutation n'est pas une fiscalité transférée : une part appartenait déjà aux collectivités locales avant les lois de décentralisation et la règle de droit que vous avez rappelée ne peut donc pas s'appliquer.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, tout en comprenant bien la position du Gouvernement, je voudrais dire amicalement à M. le secrétaire d'Etat - et, à travers lui - au Gouvernement tout entier que la suppression progressive d'un certain nombre de ressources fiscales et leur remplacement par des compensations forfaitaires versées par l'Etat, donc par des dotations, finira par être un jour mise en cause par le Conseil constitutionnel, et ce pour une raison très simple : le principe de libre administration des collectivités locales affirmé par l'article 72 de la Constitution suppose que cette liberté puisse s'exercer ; or elle ne peut s'exercer qu'à la condition que les collectivités puissent elles-mêmes fixer les taux de leurs ressources, que ce soit en totalité ou en partie, car il peut y avoir aussi des droits affectés.
Le système qui consiste à remplacer progressivement les ressources fiscales par des compensations est tel qu'un jour ou l'autre on sera dans une situation où les compensations représenteront plus de la moitié de ce qu'étaient les ressources fiscales, et là se posera le problème constitutionnel.
Pour ce qui est de l'amendement de M. Mercier, au fond, le problème ne se pose pas tellement pour l'année 2000...
M. Michel Mercier. Dès 1999 !
M. Michel Charasse. Non ! Compte tenu du décalage entre le versement et le moment où les conseils généraux perçoivent les droits de mutation, le problème se posera, en réalité, en 2001. Et je ne peux pas dire à l'avance qui aura alors raison, du rapporteur général et de M. Mercier, d'une part, ou du secrétaire d'Etat, d'autre part. Tout cela dépend de l'évolution du marché immobilier et de beaucoup d'autres éléments.
Lorsque M. le rapporteur général écrit, dans son rapport, à propos de l'article 5, qu'il s'agit d'une ressource très évolutive, il a raison depuis que le marché de l'immobilier a repris et marche bien ! Mais tout le monde sait - et M. Mercier mieux que d'autres, puisqu'il préside un conseil général très important - qu'il suffit que le marché immobilier dégringole pour que immédiatement, les ressources des conseils généraux s'en ressentent !
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut faire très attention, parce que les ressources des conseils généraux sont fragiles et que les charges qu'ils assurent, à des titres très nombreux, sont très lourdes : nous aidons les emplois-jeunes, nous devons faire face aux services des sapeurs-pompiers, qui sont extrêmement pesants, etc. Tout cela fait que nous ne pouvons pas ne pas être vigilants à l'égard de l'évolution de nos ressources !
C'est pourquoi, monsieur le président, je propose de sous-amender l'amendement de M. Mercier. Je pense, en effet, que c'est dans un an qu'il faudra se retrouver pour voir ce qu'il en est ; pour le moment, je suis enclin à faire confiance au Gouvernement - M. Mercier me trouvera peut-être très optimiste ! - en ce qui concerne la compensation de l'année 2000.
M. le président. Monsieur Charasse, pardonnez-moi, mais il n'est plus possible de déposer d'amendement ou de sous-amendement au moment des explications de vote !
M. Michel Charasse. Mais j'étais en train de m'exprimer contre l'amendement de M. Mercier ! (Rires.)
M. le président. Monsieur Charasse,...
M. Michel Charasse. Je vous ai demandé la parole pour m'exprimer contre !
M. le président. ... vous êtes le troisième à prendre la parole, après M. le rapporteur général et M. Mercier. Vous ne pouvez pas vous exprimer contre, car, dans ce cas, vous auriez parlé le premier !
M. Michel Charasse. J'avais levé la main ! Mais vous avez d'abord donné la parole à M. Mercier, monsieur le président...
M. le président. Je n'imaginais pas que M. Mercier allait s'exprimer contre l'amendement qu'il présentait !
M. Michel Charasse. Mais il voulait peut-être le retirer ! (Sourires.) Ne m'obligez pas à me quereller avec mon collègue Michel Mercier pour une préséance que je n'ai pas recherchée !
M. le président. Allons ! Exceptionnellement, monsieur Charasse, je vous autorise à déposer un sous-amendement !
M. Michel Charasse. Je vous remercie de cette immense bienveillance, monsieur le président, qui est la contrepartie de ma maladresse.
Je propose donc de sous-amender l'amendement n° I-61 rectifié, en remplaçant les mots : « au titre de 2000 » par les mots : « au titre de 2001 et des années suivantes », puis en rédigeant comme suit la fin du texte présenté par l'amendement n° I-61 pour compléter l'article 5 : « en prenant en compte... un taux d'évolution qui sera fixé par la loi de finances pour 2001. »
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° I-294, présenté par M. Charasse, et tendant :
A) Dans le texte proposé par l'amendement n° I-61 pour compléter l'article 5, à remplacer les mots : « au titre de 2000 » par les mots : « au titre de 2001 et des années suivantes » ;
B) Après les mots : « en prenant en compte », à rédiger comme suit la fin du texte proposé par l'amendement n° I-61 pour compléter l'article 5 : « un taux d'évolution qui sera fixé par la loi de finances pour 2001. »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ? M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sous-amendement transforme un amendement de première partie en un amendement de seconde partie, puisque, ainsi modifié, celui-ci n'aura plus d'incidence sur le solde de la loi de finances de 2000.
Je considère que l'amendement Michel Mercier « pur », si j'ose dire, offre une garantie plus tangible et plus solide dès l'année 2000 aux collectivités territoriales.
M. Michel Charasse. Mais il ne survivra peut-être pas à l'Assemblée nationale !
M. Michel Mercier. C'est sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne sais pas ! J'espère que, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, la configuration politique sera différente, même si je n'ai aucune certitude en ce domaine...
Quoi qu'il en soit, autant présenter des propositions claires et il me paraît préférable d'en rester à la version de notre collègue Michel Mercier, d'autant plus que la critique que nous émettons à l'encontre de la compensation c'est que, dans une période de redémarrage du marché immobilier, elle conduit les collectivités territoriales qui étaient bénéficiaires des droits de mutation à ne profiter en rien de ce redémarrage du marché immobilier. Par le jeu des dates et compte tenu de la conjoncture, la pénalisation est d'autant plus forte que l'on a un marché immobilier porteur et qu'il y a beaucoup plus de transactions. Quand l'année 2000 sera terminée, tout cela sera donc perdu pour les départements.
Il me semble donc préférable d'en rester à la proposition initiale de M. Mercier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° I-294 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je tiens à apporter deux précisions aux différents orateurs qui se sont exprimés.
D'abord, en ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux, il y a en effet - et il faut que vous le preniez en compte, mesdames, messieurs les sénateurs - un effet volume, M. le rapporteur général vient de l'évoquer : les collectivités locales vont bénéficier de la croissance économique, et donc de l'effet d'entraînement de cette dernière sur les mutations à titre onéreux. Les collectivités locales vont également bénéficier de l'abaissement des droits de mutation à titre onéreux qui résulte de la politique du Gouvernement, ce qui est important dans un marché qui est vraiment en croissance, témoignant ainsi de la confiance des Français dans l'avenir, grâce à la politique du Gouvernement.
Par ailleurs, M. Charasse a été évoqué tout à l'heure le très important article 72 de la Constitution. Je veux le rassurer : si je ne me trompe, le Conseil constitutionnel a eu à décider de la conformité à la Constitution de la loi du 2 mars 1982. Or, s'il a censuré un certain nombre de dispositions de ce texte, il n'a pas considéré que l'article 72 de la Constitution était violé, notamment par le système d'indexation de la compensation. Il a donc explicitement admis que le principe de l'indexation retenu par le Gouvernement ainsi que la compensation du transfert de charges étaient conformes à la Constitution, donc conformes à l'article 72 aux termes duquel les collectivités locales s'administrent librement.
M. Michel Charasse. Sous réserve de l'approbation de la commision d'évaluation des charges !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Michel Charasse. Or, chaque fois que cette dernière a donné un avis défavorable, le Parlement a procédé aux ajustements nécessaires.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout à fait, mais abonder dans votre sens revient à critiquer au fond le moyen que vous aviez soulevé voilà quelques minutes.
M. Michel Charasse. Les charges ne sont pas comprises !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'article 72 est bien respecté lorsque le Gouvernement prétend maintenir et le principe de la compensation des transferts tel qu'il résulte de la loi du 2 mars 1982 et le principe de son indexation tel qu'il résulte de la pratique constante de tous les gouvernements. Or cette indexation a toujours été, jusqu'à présent, alignée sur l'évolution de la dotation générale de fonctionnement.
Dans ces conditions, votre sous-amendement, monsieur Charasse, m'inspire la même hostilité qu'à M. le rapporteur général, car vous avez l'intention de ne pas limiter la surindexation à 2000 et d'en faire un principe général à partir de 2001, ce qui désorganiserait le système de transfert et le mécanisme de l'indexation.
Je pense, comme M. le rapporteur général, qu'il faut en rester au principe de l'indexation sur la DGF, principe clair et simple qui a été approuvé par le Conseil constitutionnel.
Je demande donc au Sénat de repousser et l'amendement et le sous-amendement. M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° I-294.
M. Michel Mercier. Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je suis hostile à ce sous-amendement car il ne permet pas de résoudre le problème qui se posera aux collectivités locales dès 2000.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais, en toute sérénité, vous poser la question suivante : pouvez-vous nous indiquer quelles sont les conséquences de cette mesure pour chacun des cent départements français, en termes de pertes de recettes ?
En 2000, les départements percevront des recettes très sensiblement inférieures à celles qui leur ont été versées en 1999 !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Avec l'effet volume, ce sera supérieur !
M. Michel Mercier Non, monsieur le secrétaire d'Etat ! Le gouvernement précédent a déjà procédé ainsi et cela n'a pas marché. Vous ne pouvez pas réduire un droit de 25 %, nous dire que l'on compense 25 % par 0,8 % et que l'on percevra plus que l'année précédente ! Les départements vont donc subir des diminutions de recettes.
Je vous pose alors une question précise, monsieur le secrétaire d'Etat : si les départements ont des recettes inférieures, le Gouvernement s'engage-t-il à compenser la perte au moins à due concurrence des recettes de 1999 ?
Si vous me dites oui, l'affaire est presque réglée ; si vous me dites non, je crois qu'il est de notre devoir de défendre au moins le niveau de 1999 pour les recettes des collectivités locales alors que leurs dépenses vont augmenter, qu'il s'agisse de la CNRACL, des traitements des agents locaux, etc. Ainsi, le département que je représente ici verra ses recettes diminuer de plusieurs dizaines de millions de francs.
Je souhaite avoir une réponse claire sur ce point !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'a pas à compenser des recettes pour les collectivités locales (M. Michel Mercier s'exclame) , recettes dont j'affirme qu'elles seront supérieures, par l'effet volume que j'ai mentionné dans ma dernière intervention.
Avec le dispositif d'indexation proposé par le Gouvernement, les collectivités locales auront plus en l'an 2000 que ce dont elles bénéficiaient en 1999.
M. Michel Mercier. Mais non !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Elles pourraient avoir, avec une indexation à 2,05 %, encore plus. Mais, de toute manière, elles auront plus en l'an 2000 qu'en 1999.
Je propose d'en rester là, car les départements concernés bénéficieront de recettes supplémentaires. Certes, vous souhaiteriez que ces recettes soient encore plus élevées. (M. Michel Mercier fait un signe de dénégation.) Pour ma part, je propose d'en rester à une augmentation qui me paraît raisonnable et suffisamment confortable pour les départements.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° I-294.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. J'avoue que je ne comprends pas toutes les subtilités du débat sur ce problème des droits de mutation. Je ferai deux remarques : l'une sur la base de compensation, l'autre sur le taux d'indexation.
Pour le Gouvernement, la base de compensation est l'année 1998. Si je comprends bien, la difficulté au regard de la base de l'année 1999 tient au fait que le Gouvernement prend en compte la baisse des droits de mutation qui intervient à la date à laquelle le projet de loi de finances a été rendu public, c'est-à-dire aux alentours du 15 septembre.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est la deuxième ! Il y en a déjà eu une l'année dernière !
M. Yves Fréville. Je parle de celle de cette année !
Comme il y a une baisse des droits de mutation pour les mois d'octobre, de novembre et de décembre, le montant des droits encaissés en 1999 sera inférieur à celui de l'année 1998, mais tout simplement parce que la baisse intervient au 15 septembre. Le raisonnement du Gouvernement me paraît donc quelque peu biaisé. Telle est ma première remarque.
Ma seconde remarque a trait au taux d'indexation.
Le raisonnement de M. Michel Mercier est parfaitement cohérent avec ce qui a été fait, s'agissant de la taxe professionnelle. En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de dire que, lors du débat sur la taxe professionnelle, le Gouvernement a avancé comme argument que, en donnant une garantie d'indexation sur la dotation globale de fonctionnement, on avantageait les collectivités locales. On ne peut avoir deux raisonnements différents pour la taxe professionnelle et pour les droits de mutation, qui sont deux recettes des collectivités locales.
Je conclurai en soulevant la question de la compatibilité de l'amendement n° I-61 rectifié avec l'amendement n° I-9 de la commission, que nous n'avons pas encore examiné et qui vise à changer complètement le système d'indexation par rapport à celui qui est prévu par le Gouvernement. En effet, cet amendement de la commission tend à prévoir que la compensation va varier avec les fluctuations, alors que l'amendement n° I-61 rectifié prévoit une indexation en fonction de la base 1998, ce qui est différent de la position du Gouvernement.
J'aimerais donc avoir une explication sur ce point, car la position de M. le rapporteur général sur l'amendement n° I-9 me semble conditionner la suite de nos travaux.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne souhaite pas faire perdre son temps au Sénat.
M. le rapporteur général a fait une observation tout à l'heure sur mon sous-amendement, considérant que l'adoption de ce dernier ferait de l'amendement n° I-61 rectifié, ainsi modifié, un amendement de seconde partie. S'il en allait vraiment ainsi, je retirerai mon sous-amendement, ne voulant pas mélanger les choses dans la discussion. Cela ne pèse pas sur l'exercice, effectivement !
Par conséquent, considérez-vous que le sous-amendement n° I-294 est recevable ou pas ? S'il est irrecevable, n'en parlons plus !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, l'amendement de M. Michel Mercier deviendrait un amendement de seconde partie s'il était sous-amendé comme le propose M. Michel Charasse. Mais j'ai émis un avis défavorable sur ce sous-amendement ; il convient donc d'attendre de connaître le sort de ce sous-amendement et, par voie de conséquence, sans doute, de l'amendement.
Je répondrai à M. Yves Fréville qu'il y a non pas contradiction, mais complémentarité entre l'amendement n° I-61 rectifié de M. Michel Mercier et l'amendement n° I-9 rectifié de la commission, que je n'ai pas encore présenté : d'un côté, M. Michel Mercier s'intéresse à l'indexation, c'est-à-dire au taux, et d'un autre côté, la commission s'intéresse à la base, c'est-à-dire à l'assiette. Mais les deux amendements, s'ils sont adoptés, devront être lus ensemble.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Si mon sous-amendement est adopté, l'amendement de M. Michel Mercier risque de devenir un amendement de seconde partie, et il faudra donc le repousser.
Si mon sous-amendement n'est pas adopté, l'amendement de M. Michel Mercier reste un amendement de première partie.
Ne voulant pas polluer plus longtemps ce débat, je retire le sous-amendement n° I-294.
M. le président. Le sous-amendement n° I-294 est retiré.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je regrette le retrait du sous-amendement n° I-294. En effet, son maintien m'aurait permis de faire justice de l'amendement n° I-61 rectifié, qui aurait relevé de la seconde partie.
Je veux souligner la contradiction entre les positions de M. Michel Mercier et de M. le rapporteur général. Si l'on parle d'indexation, on ne parle plus de bases réelles ; si l'on parle de bases réelles, on ne parle plus d'indexation. On ne peut pas réclamer à la fois des bases réelles et une indexation. Le mot « réelles » est contradictoire avec le fait d'indexer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-61 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-9, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De compléter l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Après le deuxième alinéa de l'article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des attributions de dotation de décentralisation et des diminutions des ajustements prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1614-4, visés au deuxième alinéa du présent article, sont calculés chaque année en tenant compte des bases de l'avant-dernier exercice. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, de compléter in fine l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la prise en compte de l'évolution des bases dans le calcul de la baisse des droits de mutation est compensée par un relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si vous m'y autorisez, monsieur le président, j'aimerais, pour la clarté des débats, exposer également l'amendement n° I-10.
M. le président. J'appelle donc également en discussion l'amendement n° I-10, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et tendant :
A. - A compléter l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Avant le dernier alinéa de l'article L. 1614-5 du code généal des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les attributions de dotation de décentralisation résultant, pour les départements ou les régions, de la modification, postérieurement à la date de transfert des impôts et du fait de l'Etat, de l'assiette ou des taux de ces impôts, ne sont pas prises en compte dans le montant de la dotation générale de décentralisation pour l'application du I de l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998). »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, à compléter in fine l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant, pour l'Etat, de l'absence de prise en compte de la compensation des pertes de produit fiscal dans le montant de la dotation générale de décentralisation retenu pour le calcul de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, est compensée par un relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre ces deux amendements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-61 rectifié que le Sénat vient d'adopter permet de revaloriser l'indexation de la compensation de la baisse des droits de mutation.
Mais cela ne suffit pas. Il faut aller plus loin de deux manières : d'une part, en modifiant le mode de calcul de la compensation et, d'autre part, en évitant que la baisse des droits de mutation ne pèse sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
L'amendement n° I-9 répond au premier souci. Le Gouvernement considère que la compensation de la baisse des droits de mutation perçus par les départements sera intégrale. Or, cette compensation sera calculée à partir des bases de l'année 1998, privant ainsi les départements des effets de la reprise du marché de l'immobilier. La compensation ne sera donc « intégrale » que la première année, et le décalage avec l'évolution des bases augmentera au cours des années suivantes. Les écarts se creuseront.
Dès lors, les ressources des collectivités locales seront progressivement déconnectées de l'évolution de l'activité économique sur leur territoire. On tournera le dos encore un peu plus au principe de l'autonomie fiscale des collectivités.
L'amendement n° I-9 vise donc à prendre en compte l'évolution des bases dans le calcul de la compensation en évaluant cette dernière pour chaque année selon les bases constatées à l'avant-dernier exercice. C'est une règle proche de celle qui prévaut en matière d'assiette de la taxe professionnelle. On ne voit pas pourquoi on n'utiliserait pas le même raisonnement en ce qui concerne une autre variable économique.
J'en viens à l'amendement n° I-10. La compensation de la baisse des droits de mutation perçus par les départements s'effectue par des attributions de dotation générale de décentralisation, la DGD. Le premier amendement déposé à l'article 5 vise, comme je l'ai indiqué, à préserver les ressources des départements en tenant compte de l'évaluation des bases dans le calcul de la compensation. Or, plus la compensation est importante, plus la DGD augmente et, par voie de conséquence, plus elle pèse sur la variable d'ajustement au titre du contrat de croissance qu'est la fameuse dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP.
C'est pourquoi l'amendement n° I-10 prévoit que les attributions de DGD ne seront pas prises en compte dans le calcul de l'enveloppe normée, afin d'éviter que la revalorisation de la compensation ne réduise mécaniquement la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
En d'autres termes, il faut neutraliser la variable d'ajustement si l'on veut éviter de se voir reprendre d'un côté ce que l'on aura gagné de l'autre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-9 et I-10 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je rappelle d'abord que les lois de décentralisation ont fixé le principe de la compensation intégrale des charges transférées et qu'elles effectuent ce calcul à la date du transfert. Ensuite, la compensation évolue parallèlement à la DGF.
L'article 1614-5 du code général des collectivités territoriales transpose ce principe général de compensation aux pertes de ressources fiscales liées à la modification de l'assiette ou du taux, par l'Etat, de la fiscalité transférée.
En cas de baisse des taux, comme pour les droits de mutation à titre onéreux, la compensation est arrêtée en appliquant le différentiel de taux aux bases constatées à la fin de l'exercice précédent. La compensation est ensuite intégrée dans la DGD, et elle évolue comme cette dernière.
L'amendement n° I-9, qui conduirait à déterminer chaque année le montant de la compensation des pertes de ressources fiscales à partir des bases de la fiscalité de l'avant-dernier exercice, remet en cause les principes généraux de la décentralisation que je viens de rappeler ; c'est d'ailleurs le fondement de votre argumentation.
Il pourrait, par ailleurs, avoir des conséquences défavorables aux collectivités en cas de réduction, pour des raisons conjoncturelles, de l'assiette de l'impôt transféré. Comme il s'agit de la taxe professionnelle, on voit quelle est la sensibilité pour les collectivités locales de cet impôt.
On substituerait donc à une ressource connue à l'évolution prévisible, comme je viens de le démontrer, une ressource totalement liée à la conjoncture. De mon point de vue, ce ne serait pas sain pour les collectivités locales et cela introduirait un élément de risque pour les ressources des collectivités locales. C'est pourquoi je suis hostile à l'amendement n° I-9.
M. Michel Mercier. Vous êtes hostile au risque !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Non, je suis favorable au risque, mais pas à celui-là ! Et je suis favorable à un risque maîtrisé. (M. Michel Mercier s'exclame.) Or, ce risque n'est pas maîtrisé à cause de l'évolution conjoncturelle qui peut être défavorable. Aujourd'hui, grâce à la politique économique du Gouvernement, en particulier (M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général s'exclament), les perspectives sont favorables pour les collectivités locales.
M. Michel Mercier. Il n'y a que nous qui y croyons ! Même pas vous !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Merci de m'approuver, monsieur le sénateur.
L'amendement n° I-10, présenté par M. Marini, m'oblige à faire une réponse très technique.
Vous souhaitez que les abondements de dotation générale de décentralisation liés aux modifications apportées à la fiscalité transférée ne soient pas pris en compte dans le calcul de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivites locales.
M. Michel Mercier. ll a raison !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. De fait, ces abondements qui sont faits hors enveloppe pour l'année considérée sont neutres sur l'évolution de la DCTP de l'année suivante, la base servant au calcul du montant de l'enveloppe normée de l'année suivante étant rehaussée à due concurrence de ce montant.
Prenons un exemple très concret de la baisse des droits de mutation à titre onéreux sur les immeubles d'habitation prévue dans le projet de loi de finances pour 2000. Cette baisse conduit à majorer la dotation générale de décentralisation de 4,6 milliards de francs environ en 2000. Ce montant n'a pas été pris en compte dans le calcul de l'enveloppe normée pour 2000, qui a été calculée à périmètre constant. En revanche, au moment du calcul de l'enveloppe normée 2001, ce montant sera intégré dans la base de l'enveloppe normée 2000 servant donc au calcul de l'enveloppe 2001 en fonction de l'indexation définie dans le loi de finances initiale pour 1999.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est très simple !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. En effet, c'est assez simple !
La base de calcul de l'enveloppe globale ayant été majorée à due concurrence, le gonflement de la dotation générale de décentralisation lié aux modifications apportées à la fiscalité transférée ne perturbe en rien le calcul de l'enveloppe normée de l'année suivante.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je viens de le dire, pour 1999, 2000 et 2001, la DCTP - puisque j'imagine que c'est le sujet de notre débat - ne souffre donc pas de la majoration de la DGD. J'ai même le sentiment, en ayant écouté tout à l'heure l'explication que vous donniez du dispositif que vous souhaitiez voir adopter, que vous aviez satisfaction par le dispositif que je viens de décrire, du moins je l'espère !
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur général, votre amendement me paraît sans objet.
J'ajoute qu'il s'agit là de modifications définitives de la dotation générale de décentralisation, et non pas de mouvements exceptionnels et temporaires. Il est dès lors logique, parce qu'ils sont définitifs, qu'ils soient intégrés dans le calcul de droit commun.
Je pense donc qu'il serait opportun que vous retiriez votre amendement, qui est satisfait par le dispositif que je viens d'éclairer, à l'évidence (Sourires)...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Lumineux !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Merci, monsieur Lambert !
... et qui s'appliquera, par conséquent, aux droits de mutation à titre onéreux dont l'évolution est prévue dans le projet de loi de finances pour 2000.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, maintenez-vous vos amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sujet est naturellement complexe, comme tout ce système de reversement de dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, et il faut bien reconnaître que cette complexité est en soi une limite à l'autonomie locale.
La volonté de la commission des finances, en proposant l'amendement n° I-9, est de bien connecter l'évolution des bases, donc l'évolution de l'économie locale, et le produit perçu par les collectivités territoriales.
Vous nous dites qu'il y a un risque, monsieur le secrétaire d'Etat. Certes, mais dans la vie, n'y a-t-il pas toujours des risques ? Lorsqu'un département est bien géré, il peut avoir sur la conjoncture du marché immobilier local probablement tout autant d'influence qu'au niveau national la politique du Gouvernement sur la conjoncture économique nationale.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On fait nôtre votre argument, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis sûr, pour prendre un exemple au hasard, que, sous la direction éclairée de son président Michel Mercier, le conseil général du Rhône est en mesure d'influer sur la conjoncture locale par les opérations directes ou partenariales qu'il entreprend avec les collectivités territoriales, et qui seront loin d'être neutres pour la tenue du marché immobilier de ce département.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il provoque la croissance !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, mais il y joue son rôle, ne le nions pas.
S'il n'y avait plus cette connexion entre l'évolution économique locale et les ressources des collectivités, nous serions complètement déresponsabilisés. Or, ce que nous voulons en matière de gestion des collectivités territoriales, c'est la responsabilité.
Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous techniquement raison...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'ai dit la même chose que vous !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... mais j'avoue qu'à cette heure relativement avancée la complexité technique du dispositif est telle que je préférerais que l'amendement n° I-10 soit adopté par le Sénat car, au pire, cet amendement ne ferait aucun mal.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il est superfétatoire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne pourrait, si on vous suit, qu'être superfétatoire.
Peut-être pouvons-nous d'ailleurs vérifier ce point technique entre le moment du vote et la réunion de la commission mixte paritaire ou la nouvelle lecture du projet de loi de finances.
Mais je crois que, dans l'immédiat, compte tenu du peu de temps dont nous disposons, sachant que nous sommes d'accord sur l'esprit de cette disposition - c'est ainsi que j'ai compris les propos de M. le secrétaire d'Etat - il faut maintenir l'amendement n° I-10, comme l'amendement n° I-9.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'obstination sympathique de M. le rapporteur général ne me gêne pas : puisque j'ai dit que son amendement était satisfait, peu me chaut qu'il fût voté.
Nous vérifierons ensuite ensemble, monsieur le rapporteur général, si vous le voulez bien, avec vos services et les miens, dans quelle mesure en effet nous avons tenu ce soir sur cette matière limpide et claire les mêmes propos, ou en tout cas des propos convergents...
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-9.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Mon coeur balance : je suis assez sensible au raisonnement de M. le secrétaire d'Etat, mais je crois que M. le rapporteur général a tout à fait raison sur le plan des principes. En effet, il est souhaitable que, dans nombre de domaines en matière de fiscalité, les compensations versées par l'Etat aux collectivités locales - en particulier pour la taxe professionnelle - s'appuient sur l'évolution des bases.
Sur le plan économique, les droits de mutation relèvent d'une autre espèce, car ce sont des droits très volatiles. Chaque fois que l'on a essayé de faire des prévisions d'évolution des droits de mutation à long terme, tout le monde, sur le plan économétrique, s'est fourvoyé.
Dans un département que je connais bien, les droits de mutation ont évolué de façon extraordinairement sensibles : 200 millions de francs il y a quelques années, 330 millions de francs en 1998 !
En prenant connaissance des propositions du Gouvernement, j'ai eu tendance à considérer qu'il s'agissait pour la première fois d'une indexation sur une base relativement avantageuse pour les collectivités locales.
A court terme - en 2000 ou en 2001 - il est fort probable que nous serons encore dans une situation où le marché immobilier sera porteur et nous y perdrons peut-être effectivement avec le système d'indexation proposé par le Gouvernement. Je suis parfaitement d'accord avec les propos tenus tout à l'heure par M. le rapporteur général et M. Michel Mercier à ce sujet.
En revanche, à long terme, les droits de mutation peuvent évoluer de façon très brutale ; il peut y avoir des chutes très fortes, de 20 %, 30 %, voire 60 %, comme au cours de la période 1993-1994. En outre, certains départements n'ont pas la chance de compter sur leur territoire une très grande agglomération, où le marché foncier est très porteur.
C'est pourquoi j'ai dit que mon coeur balance. J'estime finalement que le système dans lequel la moitié - c'est une façon de parler - des droits de mutation - sachant que ceux-ci ne sont pas totalement supprimés - continue à évoluer en fonction des bases et l'autre moitié évolue de façon relativement régulière en fonction de la DGF sur une base initiale qui est favorable, n'était pas nécessairement un mauvais système.
Je m'interroge donc. J'aurais préféré un système qui ne fût pas figé et qui puisse être révisé dans deux ou trois ans.
En attendant, je suis prêt à voter l'amendement de M. le rapporteur général. Toutefois, on ne peut pas, me semble-t-il, au regard de l'expérience acquise au cours des années 1991 à 1995, négliger la volatilité des droits de mutation.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je prie mes collègues de bien vouloir m'excuser de reprendre la parole, mais il s'agit là d'un sujet très important pour les départements.
L'amendement n° I-10 est, me semble t-il, satisfait par l'explication technique lumineuse de M. le secrétaire d'Etat, et plus encore par le fait que, en 2001, ce sera la fin du contrat de croissance et de solidarité. Il conviendra alors de battre à nouveau les cartes. Quelque chose me dit que ce qu'on décidera en 2001 pour 2002 sera peut-être favorable aux collectivités territoriales...
M. Alain Lambert, président de la commission. C'est de la météorologie !
M. Michel Mercier. C'est un aspect que connaît bien notre collègue M. Charasse. C'est même un spécialiste...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le calendrier électoral !
M. Michel Mercier. ... car il sait qu'après 2001 vient 2002. (Sourires.)
J'en viens à l'amendement n° I-9.
Dans les grands départements urbains qui ont à gérer de multiples difficultés sociales, et qui devront notamment financer les contrats de ville que le Gouvernement va leur proposer dans quelques mois, les droits de mutation constituent une ressource essentielle.
Dans mon département, les droits de mutation représentent plus de la moitié de la taxe professionnelle, soit bien plus que ce que représente la taxe d'habitation ou la taxe foncière. Loin d'être une recette de poche, c'est une ressource essentielle. Certes, cette ressource évolue en fonction de la conjoncture, mais c'est normal. Dans notre département, au plus bas, nous avons encaissé un peu moins de 300 millions de francs, l'an dernier, un peu plus de 700 millions de francs et, cette année, près de 800 millions de francs.
Je voudrais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous m'expliquiez comment, en prenant la base 1998 pour l'an 2000, mon département percevra autant qu'en 1999 !
Je le regrette, mais M. le secrétaire d'Etat, malgré sa grande courtoisie et son aménité, ne m'a pas convaincu : je suis sûr que nous percevrons moins en 2000 qu'en 1999. Nous devrons donc faire plus d'actions avec l'Etat.
Je préfère m'en tenir à la réalité, et je voterai donc les amendements de la commission des finances.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vais donner un exemple national de l'évolution de l'enveloppe normée pour 2000 ; il suffira ensuite à M. Mercier de transposer cette évolution dans le département du Rhône.
M. Michel Mercier. Chaque département est spécifique.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Certes, mais cet exemple montre bien l'évolution réelle au niveau national.
Si nous prenons la base 1989 réévaluée, 164 531 millions de francs, indexation de la base 1999 réévaluée, 1,475 %, c'est-à-dire 0,9 % de prix, 25 % du PIB, soit 25 % de 0,3 % - c'est d'ailleurs le minimum - enveloppe normée pour 2000 : 166 958 millions de francs, c'est-à-dire 164 531 millions de francs, base 1999 réévaluée, majorée de 1,475 %.
Monsieur Mercier, le département du Rhône connaîtra une évolution du même type.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est l'ensemble du pacte de croissance, pas la croissance par département !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est significatif de l'évolution que vous allez connaître.
M. Michel Mercier. On verra.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il n'est donc ni pertinent ni intellectuellement adapté de prétendre que les collectivités locales sont maltraitées par les systèmes d'indexation que nous souhaitons mettre en oeuvre. Je viens de prouver le contraire !
M. Michel Mercier. Non !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, vos chiffres vont un peu à l'inverse de ce que vous voulez nous démontrer.
Vous semblez nous dire qu'au fond cette enveloppe normée a crû de manière considérable. Elle a crû d'une façon qui n'est pas du tout proportionnelle à l'évolution de l'économie française, et donc vous n'avez pas fait profiter les collectivités locales des fruits de la croissance. C'est ce que vous nous avez démontré. Voilà ce qui prouve qu'il faut surtout suivre l'avis de la commission !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Selon les calculs que je viens d'indiquer et quelques autres approches complémentaires, les collectivités locales auront 3,8 milliards de francs de plus que si l'on avait respecté strictement le pacte de stabilité. CQFD ! Les collectivités locales sont donc très bien traitées par le Gouvernement s'agissant de l'évolution des ressources qui leur sont affectées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quid du côté des charges ? Et l'accord salarial ?
M. Michel Charasse. On n'est pas en Corse !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-9, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

11