Séance du 18 janvier 2000







M. le président. La parole est à M. Dufaut, auteur de la question n° 645, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Alain Dufaut. Madame le secrétaire d'Etat, vous savez que les élections, tous scrutins confondus, sont plus nombreuses, et donc moins espacées, que les recensements de population dans notre pays.
Les requêtes d'élus locaux - ils se plaignent à juste titre d'inégalités flagrantes dans la représentation de certains départements - revenant avant chaque échéance électorale depuis plusieurs années, il nous était permis d'espérer que le Gouvernement profiterait du recensement de la population organisé en 1999 pour procéder enfin à un redécoupage des cantons et, ainsi, à un rééquilibrage de la représentation cantonale en fonction de l'évolution démographique de chacun des départements.
Or malgré, semble-t-il, de nombreuses hésitations, il est acquis, maintenant, que le Gouvernement ne procédera pas à un redécoupage cantonal global avant mars 2000, date butoir, d'après la loi du 11 décembre 1990, pour qu'une telle opération puisse s'appliquer au renouvellement cantonal de mars 2001.
Cette décision ne manque pas de surprendre si l'on se réfère à la réponse apportée par M. le ministre des relations avec le Parlement, lors d'une séance de questions orales sans débat au Sénat, le mardi 15 juin 1999. Le ministre précisait en effet : « S'agissant des cantons, le Gouvernement étudiera également les inégalités démographiques entre cantons, confirmées ou révélées par le recensement. Il pourrait être amené à corriger, par décret en Conseil d'Etat, les inégalités de représentations les plus importantes. » Cela était d'ailleurs tout à fait conforme aux engagements pris par le ministre de l'intérieur lui-même devant l'ensemble des présidents de conseils généraux, réunis en congrès du 7 au 9 avril 1999 à Deauville.
De plus - je connais assez bien les textes sur le sujet - le Conseil constitutionnel, dans une décision des 1er et 2 juillet 1986, a précisé que le découpage électoral doit être déterminé sur des « bases essentiellement démographiques ». Il faut donc connaître les résultats du recensement.
Même si l'on sait que ce principe général est appliqué de manière moins stricte aux conseils généraux, certaines inégalités, madame le secrétaire d'Etat, sont flagrantes et ne peuvent plus durer. C'est le cas, notamment, pour mon département, le Vaucluse, qui comprenait déjà, sur la base du recensement de 1990, 467 075 habitants et qui, selon les derniers chiffres du recensement de 1999, vient de franchir la barre des 500 000 habitants. Or, les conseillers généraux de Vaucluse sont seulement au nombre de vingt-quatre, dans un département pourtant foncièrement rural. Par comparaison, le département limitrophe des Alpes-de-Haute-Provence compte trente conseillers généraux pour moins de 150 000 habitants.
Par ailleurs, les départements de l'Ain, de la Drôme, du Doubs et de la Manche, qui comptent à peu près le même nombre d'habitants que le Vaucluse, comprennent respectivement quarante-trois, trente-six, trente-cinq et cinquante-deux cantons. A contrario, les départements de l'Ariège, du Cantal, de la Corse-du-Sud, de la Creuse, de l'Indre et de la Lozère, dont le nombre de cantons est à peu près identique à celui du Vaucluse, ont une population qui ne dépasse pas 137 000 habitants.
Ces écarts démographiques nécessiteraient manifestement un redécoupage des cantons du département de Vaucluse allant dans le sens d'une augmentation considérable du nombre de ses représentants.
Pour toutes ces raisons, j'aimerais que vous m'expliquiez, madame le secrétaire d'Etat, pour quelles raisons le Gouvernement a modifié sa position.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, il s'agit effectivement d'un dossier très discuté.
Le Gouvernement n'a bien sûr, pas mis en cause la fiabilité des chiffres du recensement pour reporter après les élections cantonales de 2001 le remodelage cantonal rendu nécessaire par les évolutions démographiques.
Il a simplement constaté, à l'automne dernier, que l'INSEE n'avait rendu publics que les chiffres provisoires du recensement général de la population de 1999 pour les régions, les départements et les communes. On pouvait, naturellement, en tirer des chiffres provisoires pour la population des cantons composés d'un nombre entier de communes, mais ces chiffres n'étaient pas utilisables pour entamer un remodelage des cantons, et ce pour deux raisons.
D'abord, il s'agissait de chiffres provisoires, et l'Etat ne peut prendre en compte, à l'occasion de la saisine des conseils généraux et du Conseil d'Etat, qu'il doit consulter avant d'adopter des décrets de remodelage cantonal, que les chiffres définitifs du recensement homologués par décret, faute de quoi ce remodelage cantonal pourrait être affecté d'un vice de forme - et vous savez comme l'on aime traquer les vices de forme dans notre pays !
Ensuite, les chiffres provisoires alors donnés par l'INSEE ne permettaient pas de connaître la population des cantons dont les limites sont infra-communales. Or, ces cantons sont, dans la plupart des cas, des cantons urbains dont le poids démographique est déterminant pour mesurer les inégalités de représentation au sein d'un département.
Dès lors, le Gouvernement ne peut que se fonder sur les chiffres définitifs de la population par canton issus du recensement, chiffres qui viennent d'être rendus publics et homologués par décret publié au Journal officiel du 30 décembre 1999.
Par ailleurs, la loi du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux a prévu, dans son article 7, qu'il ne peut être procédé à aucun redécoupage des circonscriptions électorales dans l'année précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées concernées, vous l'avez rappelé. Les élections cantonales devant se dérouler en mars 2001, il est ainsi interdit de modifier les limites cantonales après le 29 février 2000.
Le Gouvernement ne disposait donc, entre la date de publication des chiffres officiels du recensement, le 30 décembre 1999, et le 29 février 2000, que de deux mois à peine pour élaborer un projet de remodelage cantonal, consulter les conseils municipaux intéressés, consulter les conseils généraux, suivant la procédure prévue à l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, rédiger les décrets, les soumettre au Conseil d'Etat pour avis, prendre en compte les éventuelles modifications liées à ces avis et publier ces décrets.
Le Gouvernement a estimé qu'il n'était pas possible, en si peu de temps, de mener à bien cette réforme importante de la carte cantonale. Nombreux sont ceux qui le regrettent, dans tous les rangs des assemblées départementales, car il n'y a là, au moins, aucun clivage entre nous.
Enfin, vous évoquez la décision des 1er et 2 juillet 1986 du Conseil constitutionnel à l'appui d'une argumentation en faveur du rééquilibrage du nombre des conseillers généraux par département, ce qui est un peu différent, en fait, d'un simple redécoupage.
Le Conseil constitutionnel, dans plusieurs décisions de 1985 et 1986, a posé le principe selon lequel une assemblée représentative doit être élue sur des bases essentiellement démographiques. Ce principe n'est que la conséquence du principe constitutionnel d'égalité du suffrage. Il s'applique, avec les atténuations à cette règle qu'a consenties le juge constitutionnel, à la délimitation des cantons, lesquels constituent les circonscriptions électorales. Mais il n'implique pas que le nombre de conseillers généraux soit proportionnel à la population de chaque département, puisque c'est non pas ce nombre qui est déterminant pour le respect de l'égalité du suffrage, mais la seule délimitation des circonscriptions au sein de chaque département.
Par conséquent, même si nous sommes nombreux au sein du Gouvernement à comprendre votre argumentation, encore faut-il que tout cela soit fait en heure et en temps et, s'agissant de l'augmentation du nombre de sièges soumis auparavant aux conseils généraux eux-mêmes, puisque ce sont eux qui auraient à gérer ce nouvel état de fait ou de droit le cas échéant.
M. Alain Dufaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Madame le secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas être virulent dans ma réponse, mais vous comprendrez aisément que vos arguments ne peuvent me donner entière satisfaction.
Comment peut-on arguer de cette mauvaise connaissance des résultats du recensement, alors que l'INSEE avait publié les premiers chiffres dès le mois d'août 1999 et qu'on connaissait très bien, dans les grandes proportions, les évolutions démographiques des principaux départements ? Au moins, pour les cas les plus flagrants, comme celui du Vaucluse, on aurait pu envisager une augmentation provisoire du nombre de cantons !
Vous savez fort bien - j'en ai discuté avec M. le ministre de l'intérieur - qu'il est impossible de faire fonctionner le conseil général d'un département d'un demi-million d'habitants avec vingt-quatre conseillers généraux. C'est insuffisant au regard tant de la représentativité que de l'accomplissement des missions.
Je le répète, il est dommage que l'on n'ait pas corrigé au moins les plus grosses anomalies. Nous attendrons donc le renouvellement de 2004 !

RÉGLEMENTATION DES RAVE PARTIES