Séance du 26 janvier 2000






PROTECTION DES TRÉSORS NATIONAUX

Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 169, 1999-2000) de M. Serge Lagauche, fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi (n° 444, 1998-1999) de M. Serge Lagauche, Mme Dinah Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane. [Avis n° 184 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi adoptée par la commission des affaires culturelles qui vous est soumise aujourd'hui tend à remédier aux imperfections du dispositif de contrôle des exportations d'oeuvres d'art, tel qu'il résulte de la loi du 31 décembre 1992.
Ce dispositif législatif a succédé à la loi du 23 juin 1941, qui permettait à l'Etat à la fois d'exercer un contrôle très strict des exportations d'oeuvres d'art et d'acheter les biens au prix déclaré par l'exportateur, mais que la constitution du marché unique et la suppression des frontières intérieures au sein de la Communauté européenne avaient rendue caduque.
Je vous en rappellerai brièvement l'économie, étroitement calquée sur les textes communautaires qui instaurent un contrôle minimal uniforme des exportations de biens culturels.
Dès lors qu'un bien dépasse certains seuils d'ancienneté ou de valeur, son exportation est subordonnée à l'obtention d'un certificat attestant qu'il ne présente pas un intérêt suffisant pour justifier sa conservation sur le territoire national.
Ce certificat, valable cinq ans, ne peut être refusé qu'aux « trésors nationaux », c'est-à-dire, outre, bien entendu, aux objets appartenant aux collections publiques et aux objets classés, aux biens qui « présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie ».
Cette qualification se traduit par une décision du ministre de la culture de refus de certificat, prise après avis d'une commission composée de représentants de l'Etat et de personnalités qualifiées. Ce refus est valable trois ans, délai au terme duquel, si le bien n'est pas classé ou n'a pas été acquis pour entrer dans les collections publiques, il ne peut être renouvelé.
Ce système, d'inspiration libérale dans la mesure où le certificat est la règle et le refus l'exception, s'est révélé dans les faits fort peu efficace pour assurer la protection du patrimoine national. En effet, dans l'esprit du texte de 1992, le classement, dont l'un des effets est d'interdire l'exportation, devait permettre d'assurer le maintien sur le territoire national des oeuvres qui se seraient vu refuser le certificat. Or l'évolution de la jurisprudence judiciaire a conduit à neutraliser cette alternative : l'indemnité que doit verser l'Etat, aux termes de la loi de 1913, en cas de classement sans le consentement du propriétaire a été évaluée par référence au prix d'oeuvres comparables vendues sur le marché international, ce qui contraint donc l'Etat à payer des sommes considérables sans pour autant devenir propriétaire des biens concernés.
L'Etat ne dispose donc plus, pour retenir une oeuvre sur le territoire national, que du refus de certificat, par nature provisoire, ou de l'acquisition. Nous sommes donc très loin des objectifs qui présidaient aux textes de 1913 ou de 1941.
La proposition de la loi dont nous allons examiner les dispositions n'a pas pour objet de revenir à la situation antérieure à 1992. Au demeurant, nos engagements européens ne nous le permettraient pas.
Par ailleurs, force est de constater qu'une réglementation trop restrictive des exportations d'oeuvres d'art handicape le commerce de l'art et encourage la fraude.
Faute de modifier la loi de 1913 sur le point de l'indemnisation qui doit être versée au propriétaire en cas de classement sans son consentement - ce qui n'est guère envisageable compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le principe d'égalité devant les charges publiques -, il nous incombe d'organiser l'acquisition par l'Etat des oeuvres qui font l'objet d'un refus de certificat.
On se rapproche donc du système britannique, qui ne permet de refuser la licence d'exportation que si l'Etat fait une offre d'achat au propriétaire.
Le texte adopté par la commission des affaires culturelles s'attache donc d'abord à remédier aux lacunes de la loi de 1992 sur ce point. En effet, à condition qu'il bénéficie des moyens budgétaires nécessaires - ce qui n'est pas toujours le cas -, l'Etat, pour acquérir une oeuvre, doit convaincre son propriétaire de la lui céder, ce qui, faute de la menace du classement, est souvent difficile, d'autant plus qu'il n'existe pas de procédure pour évaluer son prix de façon à ce qu'il ne soit pas contesté par le propriétaire.
A la différence de la loi de 1941, qui fixait le prix auquel l'Etat devait acheter un bien proposé à l'exportation, la loi de 1992 ne comporte aucune disposition permettant de déterminer la valeur d'acquisition des oeuvres auxquelles l'Etat a refusé le certificat.
La proposition de loi complète la loi de 1992 afin de prévoir une procédure d'expertise : la valeur du bien sera déterminée par deux experts désignés respectivement par l'autorité administrative et le propriétaire, ou, à défaut d'accord, par un troisième expert désigné conjointement.
Cette procédure garantit que l'offre d'achat sera aussi proche que possible des prix du marché et favorise un dialogue entre l'Etat et le propriétaire.
Une fois sa valeur déterminée, l'Etat peut soit renoncer à acquérir le bien, soit se porter acquéreur au prix fixé par les experts. Dans cette hypothèse, si le propriétaire refuse de céder son bien, le refus de délivrance du certificat peut être renouvelé, ce qui permet de maintenir le bien sur le territoire national.
Compte tenu des garanties apportées aux propriétaires par l'expertise en ce qui concerne le prix du bien comme de la possibilité qui leur est ouverte de demander une nouvelle expertise, le renouvellement du refus de certificat n'ouvre droit à aucune indemnisation, ce qui met l'Etat à l'abri d'interprétations contraires qui priveraient d'intérêt la réforme proposée.
La procédure d'acquisition est entourée de garanties afin de préserver les intérêts de l'Etat. Ainsi, le propriétaire qui a reçu une offre de l'Etat doit maintenir le bien sur le territoire national jusqu'au terme de la procédure d'acquisition.
De même est prévue la nullité de toute vente consentie par le propriétaire après qu'il a accepté une offre d'achat de l'Etat.
Enfin, les dispositions de la loi s'appliqueront aux certificats ou aux refus de certificat en cours. Il s'agit, je crois, d'une solution prudente : dans l'hypothèse d'une application aux seules demandes de certificats introduites après la promulgation de la loi, on pourrait craindre d'ici là une affluence de demandes de la part de propriétaires soucieux d'échapper aux conséquences d'un refus de vendre à l'Etat.
Cette procédure d'acquisition a le mérite de ne pas entraver le libre fonctionnement du marché de l'art. Cependant, son efficacité dépendra des conditions dans lesquelles la loi sera appliquée. Je pense, en particulier, aux délais : nous nous sommes efforcés de fixer des délais aussi brefs que possible pour chaque étape de la procédure ; cependant, il s'agit là de délais maxima.
L'administration devra s'efforcer d'agir avec célérité afin d'éviter de nuire aux intérêts du propriétaire et de compromettre les chances de l'Etat, notamment en se préoccupant le plus rapidement possible des moyens financiers nécessaires pour réaliser l'acquisition.
Au-delà de cette procédure d'acquisition, la proposition de loi tend également à limiter les incidences du contrôle des exportations des biens culturels sur le fonctionnement du marché de l'art. Ces deux objectifs sont, je crois, complémentaires dans un souci bien compris de protection de notre patrimoine.
Il est souvent souligné que notre législation dissuade les collectionneurs d'acheter et de domicilier leurs biens en France comme les propriétaires de venir vendre sur le marché français.
La faiblesse de nos importations d'oeuvres d'art est préoccupante. Ainsi que le démontre l'exemple britannique, un marché de l'art dynamique est un marché qui importe autant qu'il exporte.
Le gisement d'oeuvres dont s'est longtemps enorgueillie la France et qui lui permet encore de prétendre à une place dans le marché international de l'art n'est pas inépuisable, surtout si l'on considère la création contemporaine, désormais mieux représentée aux Etats-Unis.
Par ailleurs, cette situation n'est guère favorable au maintien sur le territoire national de notre patrimoine : nous savons qu'une oeuvre vendue en France a plus de chances d'y demeurer.
Compte tenu de ce constat, il est apparu nécessaire à la commission de modifier le régime prévu par la loi de 1992 afin de rassurer les propriétaires d'oeuvres d'art. Plusieurs des dispositions de la proposition de loi y concourent.
Ainsi, la durée de validité du certificat, jusqu'ici limitée à cinq ans, est allongée : pour les biens dont l'ancienneté excède cent ans, cette durée serait illimitée et, pour les autres biens, elle serait de vingt ans renouvelables.
Le certificat ne pourra être refusé aux biens importés licitement depuis moins de cinquante ans. Il s'agit là d'une modification significative de la loi de 1992, mais aussi de la loi de 1913 sur les monuments historiques, puisque permettre l'exportation de ces biens interdit, de fait, leur classement.
Cette modification répond à une revendication des professionnels, revendication légitime parce qu'il est difficile de considérer que les oeuvres entrées depuis moins de cinquante ans font véritablement partie du « patrimoine national ». D'ailleurs, dans la pratique, elles ne font pas l'objet de procédures de classement.
Par ailleurs, les biens importés à titre temporaire - c'est-à-dire principalement ceux qui sont importés en vue d'être vendus - ne seront plus soumis à la procédure de délivrance du certificat, afin d'éviter aux vendeurs étrangers désireux de recourir aux marchands français des démarches administratives.
Dans le même souci de simplification administrative, est prévu un régime de délivrance tacite du certificat afin de permettre un traitement plus rapide des dossiers.
En outre, il est apparu nécessaire de restaurer un climat de confiance entre les propriétaires et les responsables de collections publiques qui, faute de disposer d'instruments juridiques adaptés, ont pu parfois commettre des maladresses qui se sont soldées par des contentieux.
Certes, les prérogatives dont dispose l'Etat pour enrichir les collections publiques, qu'il s'agisse du contrôle des exportations ou du droit de préemption, n'ont pas, si l'on considère les chiffres, les incidences sur le fonctionnement du marché de l'art qu'on leur impute volontiers.
A cet égard, je rappellerai que, depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1992, sur les 4 500 oeuvres environ pour lesquelles est sollicité chaque année un certificat, 68 ont été déclarées « trésors nationaux » et que, sur ce total, 30 seulement ont été acquises par l'Etat ou des collectivités locales.
Cependant, si le système britannique fonctionne si bien, il faut y voir l'effet des dispositifs fiscaux, de ressources financières plus importantes que les nôtres - notamment grâce aux recettes de la loterie - mais aussi d'un ensemble de facteurs.
Parmi ces facteurs figurent le respect traditionnel dont font preuve les responsables de collections publiques à l'égard des propriétaires et les relations étroites qui existent entre les collectionneurs et les musées, facilitées par l'indépendance de leurs organes dirigeants.
Compte tenu de ce constat, la commission des affaires culturelles a souhaité accroître la transparence de la procédure de délivrance du certificat afin d'atténuer l'image négative trop souvent évoquée - à tort, à mon avis - d'une administration jalouse de ses prérogatives et d'une avidité injustifiée.
Ainsi, la composition de la commission compétente pour donner un avis au ministre en cas de refus de certificat est modifiée pour instaurer une parité entre les représentants de l'Etat et les personnalités qualifiées.
La place plus importante qui devra être accordée aux représentants du marché ou à des mécènes suscitera un dialogue sans doute fructueux sur les décisions de refus de certificat, mais permettra également d'évoquer les modalités d'une éventuelle acquisition, qu'il s'agisse de l'estimation de l'oeuvre ou des financements nécessaires.
Telles sont les orientations que traduit le dispositif en sept articles que vous propose la commission des affaires culturelles. Nous espérons que le rapprochement qu'il doit favoriser entre les responsables de collections publiques et les propriétaires permettra d'éviter le cas encore trop fréquent où une offre d'achat faite par l'Etat s'achève par un contentieux ou par le départ de l'oeuvre vers l'étranger.
Saisie pour avis, la commission des finances a déposé quatre amendements destinés à compléter par un volet fiscal le dispositif que je viens de vous présenter.
Ces propositions partent du constat de l'insuffisance des ressources dont dispose l'Etat pour acquérir les oeuvres frappées d'une interdiction d'exportation, constat que nul ne peut contester.
L'objet de ces amendements est d'encourager l'acquisition de trésors nationaux par des propriétaires privés qui s'engageraient à en demander le classement, lequel ouvrirait droit à des avantages fiscaux.
Assurément, cette voie ne peut pas être négligée et, à ce titre, mérite examen.
Les dispositifs proposés reposent sur des mécanismes originaux, mais ne vont pas sans soulever des objections techniques. Ils doivent être minutieusement étudiés afin d'en mesurer l'impact et d'en apprécier l'efficacité. En effet, il convient de réfléchir à l'équilibre à établir entre les impératifs de la protection du patrimoine et l'ampleur des avantages fiscaux consentis à ce titre.
Si le Gouvernement nous laissait entrevoir une chance de surmonter les obstacles qui, jusqu'ici, se sont opposés à l'adoption de dispositifs fiscaux plus favorables à la protection de notre patrimoine, nous ne pourrions que soutenir les efforts qu'il ferait en ce sens.
La réflexion doit, enfin, s'engager sur les moyens budgétaires qu'il convient de dégager pour conduire, en ce domaine, une politique conforme à nos ambitions. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par M. Serge Lagauche et Mme Dinah Derycke, relative à la protection des trésors nationaux, ne pouvait laisser la commission des finances indifférente : d'abord, parce qu'elle avait été saisie au fond de la loi du 31 décembre 1992, qui est ainsi modifiée ; ensuite, parce que l'étude à laquelle elle s'est livrée récemment sur l'évolution du marché de l'art en France a souligné toutes les difficultés auxquelles notre pays doit faire face pour protéger son patrimoine dans un marché ouvert. Cette étude a montré qu'il était urgent de réformer le système de contrôle mis en place le 31 décembre 1992, qui a montré ses limites du point de vue de la protection du patrimoine national.
La commission des affaires culturelles, saisie au fond, a fait des propositions extrêmement intéressantes. Elles représentent une avancée qui mérite d'être appuyée, mais dont l'efficacité reste tout de même limitée du fait de l'insuffisance des moyens financiers de l'Etat.
D'où l'idée de la commission des finances, poursuivant se réflexion sur le marché de l'art, qu'une action en amont soit entreprise afin d'inciter les propriétaires à conserver les oeuvres sur le territoire national, ce qui peut avoir des effets bénéfiques sans entraîner de charges excessives pour le budget de l'Etat.
En effet, ce qui importe avant tout, c'est que les oeuvres essentielles ne quittent pas le territoire, car on sait que, si elles restent en France, même dans des collections privées, elles ont une bonne chance, un jour, de se retrouver dans les collections publiques, et donc d'enrichir le patrimoine national.
Avant la loi de 1992, était en vigueur un système d'inspiration très régalienne fondé sur l'interdiction à l'exportation et la retenue en douane. Ce système a laissé la place à un régime libéral, qui a de facto privé l'Etat de ses moyens d'action et permis un exode de notre patrimoine. On en voit les effets sur notre commerce extérieur puisque l'excédent des exportations sur les importations d'oeuvres d'art atteint quelque 2 milliards de francs par an, ce qui signifie que le patrimoine français est en train de se vider d'une partie de ses richesses. Cela se fait, certes, au bénéfice de la balance des comptes, mais ceci ne console pas de cela.
Au départ, l'oeuvre qualifiée de trésor national pouvait, à l'issue de la période de trois ans, après le refus de délivrance du certificat, être soit acquise, soit classée. Mais, vous le savez, mes chers collègues, la jurisprudence issue de l'affaire du Jardin à Auvers , de Van Gogh, a placé l'Etat devant un dilemme : soit acheter le trésor national, soit le laisser sortir. En effet, le classement est maintenant accompagné d'une obligation d'indemnisation presque aussi coûteuse que l'achat, sans que l'oeuvre reste dans la propriété publique.
Cette jurisprudence Walter a complètement modifié l'équilibre du marché de l'art et mis à mal la protection du patrimoine national.
Comment faire lorsque les crédits du fonds du patrimoine sont de 105 millions de francs par an, auxquels on peut ajouter en moyenne de 10 à 20 millions de francs de mécénat privé, et que l'on est confronté au risque de sortie d'une oeuvre qui, pour prendre les deux derniers exemples, le Jardinier Vallier, de Cézanne, et la Duchesse de Montejasi et ses filles Elena et Camilla, de Degas, vaut autour de 200 ou 220 millions de francs ? C'est impossible ! C'est tellement vrai que, les trois ans étant passés, les certificats de sortie de ces deux oeuvres essentielles viennent d'être délivrés. Cela démontre bien l'insuffisance du système actuel, même après les améliorations apportées par la proposition de loi.
La commission des affaires culturelles s'est inspirée très justement - M. le rapporteur a réalisé là un travail vraiment intéressant - du système anglais, en permettant à l'Etat, en l'absence d'accord amiable avec le propriétaire, d'acquérir l'oeuvre à un prix déterminé après une expertise contradictoire, sauf si le propriétaire n'accepte pas l'offre, auquel cas le refus de certificat est indéfiniment renouvelé.
Des garanties supplémentaires sont données pour l'Etat, les propriétaires et les tiers, notamment par la publicité faite de toutes les étapes de la procédure.
Je passe sur les apports que la commission des affaires culturelles, modifiant légèrement la proposition de M. Lagauche, a effectués, puisque ce dernier vient de nous les préciser.
Je note que l'assouplissement consistant à ne pas lier refus de certificat et offre d'achat présente tout de même un double inconvénient : d'une part, il peut aboutir, si l'offre est faite à la fin de la période de refus de certificat, à un allongement du délai entre la décision de ne pas laisser sortir une oeuvre et son paiement effectif en cas d'acquisition - cela peut aller jusqu'à quatre ans ; d'autre part, il reste un risque de voir le refus de certificat ne servir qu'à retarder la sortie des oeuvres, alors même que l'on sait très rapidement que l'Etat n'est pas en mesure de faire une offre. Rien ne prouve qu'une telle pratique ne donne pas lieu à contentieux à raison du préjudice causé aux propriétaires privés.
La commission des finances a donc proposé un système limité qui se veut plus incitatif que coercitif. A quoi bon, en effet, obliger les propriétaires à vendre des oeuvres si l'on n'a pas les crédits pour les acheter ? D'où les quatre mesures principales que nous proposons pour accompagner et compléter le dispositif de la commission des affaires culturelles.
La première, c'est une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit pour les oeuvres et mobiliers classés avec l'accord des propriétaires. Il est proposé d'assortir, à compter du 1er janvier 2000, le classement de cette exonération à raison de 50 % de leur valeur. Pourrait ainsi se créer un marché pour des actifs partiellement défiscalisés avec le consentement de leur propriétaire, ce qui viendrait atténuer pour les propriétaires d'oeuvres classées la pénalisation résultant de l'interdiction d'exportation.
J'y insiste, il ne s'agit ni de créer un « Pinay » des oeuvres d'art ni d'ouvrir une brèche considérable dans le système fiscal français, car le classement n'est pas automatique. Il ne suffit pas qu'un propriétaire demande le classement pour l'obtenir ; celui-ci dépend de la décision de la commission des monuments historiques, qui est sous la haute main de l'Etat et de Mme la ministre de la culture.
La deuxième mesure, ce serait de prévoir, à côté de l'offre de l'Etat, une possibilité d'offre émanant du secteur privé. Nous prolongeons là la réflexion de la commission des affaires culturelles, qui s'est inspirée de la procédure anglaise, en l'imitant sur ce point précis. A l'instar de ce qui se passe en Grande-Bretagne, l'autorité administrative aurait en effet la possibilité, si elle estime ne pas avoir les moyens budgétaires de faire une offre, de présenter une offre provenant de personnes privées, toujours aux conditions fixées par les experts, dès lors que celles-ci s'engagent à demander le classement et, le cas échéant, à respecter certaines obligations concernant l'accès du public à l'oeuvre.
Toutefois, le privilège ainsi conféré à des personnes autres que l'Etat ne saurait conduire à assimiler offres publiques et privées, au regard du report indéfini de la délivrance du certificat. Le propriétaire doit être incité, mais pas obligé de vendre à une personne privée. Telle est la raison pour laquelle le refus de prendre en considération une offre émanant d'une personne autre que l'Etat n'a pour conséquence que d'entraîner la prolongation de la validité du refus de délivrance du certificat de la durée de validité de l'offre, soit entre un et deux ans, et non pas indéfiniment.
Un autre de nos amendements - c'est la troisième mesure - articule le système des lois de 1913 et de 1992, en prévoyant que les objets auxquels on a refusé le certificat puissent, à la demande et avec le consentement de leur propriétaire, être classés de droit, dès lors que le classement s'accompagne d'un avantage fiscal. Il s'agit d'assurer une coordination dans les interventions de l'Etat, car on ne comprendrait pas qu'un bien reconnu trésor national ne puisse obtenir le classement au titre de la législation sur les monuments historiques.
Enfin, un dernier amendement - c'est la quatrième mesure - relie le système à celui de la dation puisque, au cas où il n'y aurait pas de mutation, dès lors qu'il y a eu classement accepté sur la base du prix défini par les experts, l'agrément par la commission de la dation serait de droit au prix fixé par les experts dans le cadre de cette procédure. C'est également une question de cohérence.
Voilà les quelques mesures d'accompagnement et d'élargissement de la réflexion entamée très justement par la commission des affaires culturelles que nous proposons pour doubler les possibilités de l'Etat par celles du secteur privé, pour inciter les propriétaires à accepter le classement, voire à le demander, dans le souci de protéger les trésors nationaux à long terme, en dehors même des possibilités d'acquisition des collections publiques. Car, encore une fois, ce qui compte, c'est que l'oeuvre, en tout cas quand il s'agit d'une oeuvre essentielle, reste sur le territoire national. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise sur l'initiative de nos collègues Serge Lagauche et, paritairement, Dinah Derycke vient ajouter de manière constructive au débat concernant le marché de l'art, inauguré par la réforme des ventes volontaires aux enchères publiques.
Nul ne niera la nécessité qu'il y a pour notre pays de dynamiser le marché de l'art, mis à mal depuis plusieurs décennies.
Dans le même temps, et nous y sommes très attachés, l'on doit veiller à la protection des trésors nationaux, en permettant à la puissance publique de les acquérir avant qu'ils ne passent nos frontières.
L'équilibre est difficile à trouver entre dynamisme du marché et protection du patrimoine national. Nombre de facteurs participent de cette difficulté, dont le prix du marché, parfois exorbitant, n'est pas des moindres, au regard des efforts consentis en matière de politique d'achat d'oeuvres.
En l'état, la proposition de loi présentée par nos collègues n'a pas la prétention de régler l'ensemble des problèmes posés, mais elle apporte des réponses que nous pensons adaptées à la protection de notre patrimoine.
Du fait de la législation actuelle, si l'autorité administrative refuse la délivrance d'un certificat attestant que le bien proposé à la vente n'a pas de valeur de trésor national, le propriétaire du bien est garanti de pouvoir sortir l'oeuvre à l'issue d'un délai de trois ans.
La proposition de loi qui nous est soumise met en place une expertise contradictoire, la fixation contradictoire d'un prix de marché et, dès lors que l'Etat fait une offre d'achat et que le propriétaire la récuse, un maintien « indéfini » du refus de délivrer le certificat de non-appartenance au trésor national.
Cette proposition, on le voit, laisse en suspens cette question du maintien indéfini de la situation en l'état. Pour autant, n'est-ce pas une forme de protection de l'oeuvre ?
Il en va autrement des amendements qui nous sont proposés par la commission des finances de notre Haute Assemblée.
En effet, la logique de ces amendements est tout autre et reviendrait, si nous les adoptions, à mettre en concurrence la puissance publique et les acquéreurs privés, avec un assortiment d'avantages fiscaux.
Ce dispositif, qui nous éloigne de l'esprit de la loi de 1992, permettrait, certes, un maintien sur le territoire des oeuvres, mais ce uniquement dans la sphère des collections privées.
Nos musées actuels, la notion même de patrimoine national doivent l'essentiel de ce qu'ils sont aujourd'hui aux pouvoirs sortant de l'ordinaire de l'Etat en matière de protection, de sauvegarde du patrimoine.
Sans souhaiter faire obstacle au marché de l'art, utile, pour l'essentiel, aux jeunes créateurs, peut-on dire que la spéculation du marché de l'art sur les oeuvres « consacrées » sert l'art d'une manière générale ? Matisse, Picasso, de Staël, Van Gogh ont-ils besoin, aujourd'hui, du marché de l'art ?
Qui mieux que la puissance publique peut assurer une parfaite conservation des oeuvres dans l'intérêt général ?
Ces questions, on le voit, débordent très largement le contenu initial de la proposition de loi qui nous est soumise. Les amendements proposés par la commission des finances, quant à eux, dénaturent le contenu d'un texte à portée d'intérêt général.
Telle est la raison pour laquelle nous sommes pour le maintien du texte en l'état, ce qui nous permettrait de le voter des deux mains. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste se félicite que nous puissions discuter aujourd'hui d'un dispositif moderne proposant un système équilibré, permettant de protéger les trésors nationaux et d'enrichir les collections nationales, en respectant les prérogatives de l'Etat et les intérêts des propriétaires.
J'ai bien entendu tout ce qui vient d'être dit et je tiens d'abord à saluer l'excellent travail de notre rapporteur et auteur de la proposition de loi, M. Serge Lagauche. Le nouveau dispositif issu de la proposition de loi permettra d'octroyer un caractère pérenne, ou quasi pérenne, selon les cas, au certificat attestant qu'un bien ne présente pas un caractère de trésor national, ce qui apportera davantage de garanties au propriétaire d'un bien ; les dispositions ayant trait à la fixation du prix d'un objet, pour lequel le certificat a été refusé, par des experts représentant les deux parties, l'Etat et le propriétaire, est également un gage d'équilibre entre les intérêts des propriétaires et ceux de l'Etat. Ces dispositions devraient permettre de redynamiser le marché de l'art et également de donner à l'Etat français la possibilité de sauvegarder son patrimoine.
Cette nouvelle loi s'inscrira d'ailleurs, si elle est adoptée, dans la liste de celles qui viendront compléter les réformes du marché de l'art déjà engagées avec le projet de loi relatif aux ventes aux enchères publiques actuellement en navette. Sont particulièrement attendues les réformes visant à l'harmonisation du droit de suite et du taux de TVA à l'importation des oeuvres d'art. Pour pouvoir assister à un réel nouveau départ du marché de l'art français, il faudra aller jusqu'au bout de ces réformes.
Dois-je rappeler qu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale Paris occupait encore la première place sur le marché de l'art international ? Elle arrive aujourd'hui en troisième position, loin derrière New York et Londres, et l'écart ne cesse de se creuser. Les causes de ce recul sont multiples mais sont principalement liées à la très lourde fiscalité qui pèse sur le marché de l'art français.
Les deux principaux obstacles au marché français sont indéniablement la TVA à l'importation, très lourde, et le droit de suite.
La TVA à l'importation connaît, en France, un taux supérieur à celui en vigueur chez la plupart de nos voisins : elle est de 5,5 % et de 20,6 % en fonction des objets et selon des critères assez arbitraires puisque sont taxés à 20,6 % les bijoux mais aussi certains objets d'art primitif comme les masques, alors que les statues d'art primitif sont, pour leur part, taxées à 5,5 %. En Grande-Bretagne, le taux de TVA à l'importation est de 2,5 % et il est nul en Suisse. Le problème de la TVA à l'importation est donc double puisqu'il existe une disparité de taxation entre la France et certains Etats et qu'en France les objets sont taxés différemment selon leur nature. C'est ainsi que l'on dissuade d'éventuels vendeurs d'enrichir le patrimoine national français d'une oeuvre achetée à l'étranger alors qu'à l'inverse il n'existe aucune TVA à l'exportation.
Le droit de suite, instauré par la loi du 20 mai 1920 pour les ventes d'oeuvres publiques ou en galeries, permet à un artiste ou à ses héritiers de prélever, pendant soixante-dix ans, 3 % - ou 4 % pour les oeuvres d'une valeur inférieure à 330 000 francs - à la charge du vendeur, sur le montant de la vente afin de profiter de la hausse de la cote de l'artiste. Ce droit de la propriété se justifie aisément, mais il est appliqué à des taux divers dans onze des quinze Etats de la Communauté européenne et il n'existe ni aux Etats-Unis, ni en Grande-Bretagne, ce qui pénalise lourdement les ventes d'art françaises. La directive en cours d'élaboration, visant à harmoniser les taux du droit de suite dans les différents Etats européens, devrait déjà permettre de repartir sur des bases plus saines pour le marché français. Mais son adoption tarde, compte tenu des intérêts divergents qui sont en jeu.
Aussi, je profite de votre présence dans cet hémicycle, madame la ministre, et de ce débat sur le marché de l'art, pour vous demander d'user de votre influence afin que ces deux problèmes importants qui grèvent lourdement le marché de l'art français trouvent rapidement une solution.
Pour en revenir à la proposition de loi, j'ajouterai seulement quelques mots sur les amendements qui ont été présentés par le rapporteur pour avis de la commission des finances, Yann Gaillard. Certes, ils tentent de dynamiser le marché de l'art par une série de mesures fiscales, mais je crains néanmoins que de telles mesures ne trouvent pas leur place dans le dispositif de la proposition de loi visant à protéger les trésors nationaux. De surcroît, elles n'opèrent que dans un sens : celui des détenteurs de biens. Nous ne saurions donc cautionner ces amendements et, je le dis dès maintenant, s'ils étaient adoptés, le groupe socialiste, qui était pourtant totalement favorable à la proposition de loi rapportée par Serge Lagauche, serait amené à s'abstenir.
Nous nous réjouissons cependant de savoir que le texte dont nous discutons à l'instant ne restera pas lettre morte, puisque son examen à l'Assemblée nationale est déjà fixé au 23 février prochain. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà quelque mois, à cette même tribune, je soulignais, au nom du Gouvernement, l'importance d'une relance de notre marché de l'art à l'occasion de l'examen du projet de loi sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Dans cette perspective, l'aménagement de la loi du 31 décembre 1992, relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane s'est révélé indispensable.
L'Etat et les professionnels du marché s'accordent sur la nécessité d'offrir plus de souplesse et de liberté aux collectionneurs et aux propriétaires d'objets d'art, tout en permettant à l'Etat d'acquérir des oeuvres majeures reconnues comme trésors nationaux.
La proposition de loi des sénateurs Dinah Derycke et Serge Lagauche constitue une réponse appropriée aux difficultés rencontrées dans l'application de la loi du 31 décembre 1992.
Je ne crois pas nécessaire d'aller au-delà des excellentes explications données par votre rapporteur sur les dispositions envisagées, mais je tiens à rappeler les limites de notre dispositif législatif.
Comme le soulignait le rapporteur, la loi du 31 décembre 1992 était destinée à rendre le droit interne compatible avec la législation communautaire. Assurer la libre circulation des marchandises tout en permettant à l'Etat de maintenir, sur le territoire national, les oeuvres les plus importantes du patrimoine, tels étaient les objectifs du législateur.
Le premier, à savoir la libéralisation du contrôle de la circulation des biens culturels, a été incontestablement atteint. Le ministère de la culture et de la communication délivre désormais quelque cinq cents certificats par mois et ne refuse le certificat que pour une dizaine d'oeuvres ou objets d'art en moyenne par an.
Le second objectif n'a été que partiellement réalisé. C'est ainsi que, sur les quelque quatre-vingts « trésors nationaux » interdits de sortie, l'Etat et les collectivités territoriales ont pu acquérir trente oeuvres qui ont rejoint les bibliothèques et les musées de notre pays.
Je rappellerai, entre autres chefs-d'oeuvre, l' Autoportrait de Jean-Baptiste Greuze acquis par le musée de Tournus en 1994, le Saint Jean-Baptiste dans le désert de Georges de La Tour acquis par le département de la Moselle en 1994, le psautier de Metz acquis par la bibliothèque de Metz en 1996, un superbe nu de Rouault acquis pour le musée de Villeneuve-d'Ascq en 1997, le coffret à bijoux de Marie-Antoinette acquis pour le château de Versailles, le Portrait de Berthe Morisot de Manet acquis pour le musée d'Orsay et l'émouvant ensemble d'oeuvres, de photographies et de souvenirs de Picasso, acquis pour le musée Picasso à la vente de la succession Dora Maar.
Ces quelques exemples montrent, et je m'en réjouis, que la procédure a profité non seulement aux musées nationaux, mais aussi, largement, aux musées des collectivités territoriales dont le renforcement des collections est l'une de mes priorités.
M. Ivan Renar. Très juste !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. A cet égard, je rappelle que j'ai eu l'occasion d'annoncer, lors de la première édition du Printemps des musées, en mars dernier, des mesures pour accroître parallèlement les dépôts d'oeuvres des musées nationaux auprès des musées des collectivités.
Malgré ces aspects incontestablement positifs, force est de constater que la loi de 1992 comporte des faiblesses de procédure, si l'on examine sa mise en oeuvre depuis son origine. Ces lacunes ont empêché l'Etat d'assumer de manière totalement satisfaisante ses missions de protection du patrimoine national.
De ce point de vue, la principale carence de la législation actuelle réside dans l'absence de procédure de négociation entre l'Etat et les propriétaires de trésors nationaux.
En effet, la protection de cette catégorie de biens culturels, souhaitée par le législateur français et communautaire, devient inopérante, au terme de la durée de trois ans du refus de certificat de circulation.
Les effets de cet inconvénient majeur sont aggravés par la difficulté à établir la valeur vénale du bien et par les conditons de fixation d'un prix par référence au marché international accepté par les deux parties.
Il est certain que cette lacune de la loi a entraîné des pertes pour notre patrimoine. Les trente trésors nationaux que nous avons pu acquérir sont à mettre en regard des quatre-vingts refus de certificat prononcés.
C'est pourquoi la proposition de loi des sénateurs Dinah Dericke et Serge Lagauche est porteuse de considérables progrès par l'instauration d'une procédure d'acquisition, précédée par une estimation contradictoire de l'oeuvre, présentant toutes les garanties possibles d'objectivité, par référence aux seuls prix du marché international de l'art.
Cette solution permet d'apporter une réponse respectueuse des droits des propriétaires aux questions jusqu'à maintenant restées pendantes depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1992.
Comme vous l'avez constaté, la proposition de loi comporte d'autres mesures destinées à simplifier et à alléger les formalités administratives nécessaires pour exporter des biens culturels.
C'est ainsi que le certificat devient permanent pour les biens culturels de plus de cent ans d'âge et sa durée est prolongée à vingt ans pour les biens culturels d'une ancienneté inférieure.
Par ailleurs, l'importation et l'exportation à titre temporaire sur le territoire national de biens culturels seront libérées. Ces mesures, je le crois vraiment, devraient favoriser le marché de l'art.
Je constate avec satisfaction que la nouvelle procédure de négociation prévue par la proposition de loi bénéficiera non seulement à l'Etat, mais également aux collectivités territoriales.
Enfin, je souligne que la composition de la commission consultative, chargée d'émettre un avis sur les décisions de délivrance des certificats de circulation, sera désormais plus équilibrée puisqu'elle sera constituée à parité de fonctionnaires et de personnes qualifiées.
Madame la sénatrice, monsieur le sénateur, monsieur le rapporteur, la proposition de loi devrait permettre à l'Etat de faire face à ses responsabilités en favorisant l'acquisition des trésors nationaux par la puissance publique sans entraver le libre jeu du marché de l'art et, par ailleurs, simplifier les procédures pour les particuliers qui souhaitent faire sortir leurs biens culturels du territoire.
Je voulais tout particulièrement vous remercier de cette heureuse initiative qui, avec sagesse et mesure, tire la leçon de l'expérience acquise ces dernières années et permettra à notre pays de se doter d'une législation en matière de trésors nationaux à la hauteur de notre patrimoine et de sa légitime protection.
Je ne voudrais pas conclure ces propos sans saluer le travail accompli par votre commission, qui a apporté sur plusieurs points des modifications qui contribuent grandement à renforcer l'efficacité du dispositif et, d'une manière générale, à préserver l'équilibre entre les droits et intérêts de l'Etat et ceux des propriétaires de trésors nationaux.
C'est ainsi que vous avez proposé la publication des avis de la commission, la réduction du délai du refus de certificat ainsi qu'une clarification des conditions de renouvellement du refus de certificat.
Bien évidemment, le Gouvernement est favorable à ces mesures qui vont toutes dans le sens des objectifs de votre proposition de loi et c'est pourquoi je donnerai mon accord global sur ce texte, sous réserve d'un amendement gouvernemental qui concerne un point technique et que je présenterai lors de l'examen des articles de la proposition de loi.
J'ai noté avec intérêt les propositions d'amendement de M. Gaillard, rapporteur pour avis, et j'y répondrai plus longuement lors de l'examen des articles concernés.
Monsieur le rapporteur pour avis, si je partage votre souhait de maintenir le patrimoine dans notre pays, les moyens d'y parvenir méritent, me semble-t-il, une réflexion approfondie sur les plans économique, juridique et fiscal. Nous serons amenés à reprendre cette discusion sur ces sujets lors de l'examen très prochain du projet de loi portant modification du régime des objets mobiliers figurant dans la loi de 1913. C'est la raison pour laquelle je m'exprimerai dans le sens d'un approfondissement de le réflexion sur les problèmes soulevés par M. Gaillard.
J'ai également noté le souci de M. Renar de favoriser les artistes, en particulier les jeunes artistes, et de ne pas résumer le débat sur la création aux seuls échanges commerciaux et à leur montant.
Je tiens aussi à remercier M. Estier d'avoir souligné que cette proposition de loi est un gage d'équilibre entre les propriétaires et l'Etat. Je puis le rassurer, nous la prendrons en compte dans le travail que nous menons conjointement avec mon collègue M. Sautter sur la fiscalité de l'art, travail ardu que nous poursuivrons dans la négociation et la discussion avec nos partenaires communautaires.
Toutes ces réflexions et propositions, monsieur le président, sont de nature à nous aider à accroître les collections publiques sans toutefois porter atteinte à l'initiative des partenaires privés et des créateurs.
Je me réjouis que cette proposition de loi soit examinée par le Sénat et puisse, comme l'a dit le président Estier, être étudiée très rapidement par l'Assemblée nationale.
Mme Cachin, la directrice des musées de France, qui est présente parmi nous, est, elle aussi, heureuse que nous abordions la discussion de ce texte avec la perspective d'un examen du projet de loi portant réforme des musées, texte qui ne manquera pas d'appeler votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er