Séance du 26 janvier 2000







M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission, je donne la parole à M. Estier pour explication de vote.
M. Claude Estier. J'ai indiqué tout à l'heure, dans la discussion générale, que nous étions totalement favorables à la proposition de loi telle qu'elle a été rapportée par M. Serge Lagauche et que nous étions naturellement opposés aux amendements présentés par M. Yann Gaillard.
Certes, j'ai pris acte que M. Gaillard a retiré deux des quatre amendements qu'il avait déposés. Mais les deux autres ayant été adoptés par la majorité sénatoriale en dépit de l'avis défavorable de la commission des affaires culturelles et du Gouvernement, le groupe socialiste, en fin de compte, s'abstiendra avec beaucoup de regrets dans le vote final, car il est favorable à la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Il est vrai que la nature du texte n'est plus la même. Les modifications qui ont été apportées ne sont pas anodines. Ce n'est pas insulter M. Gaillard que de dire qu'il applique - c'est son droit, il peut avoir l'opinion qui est la sienne - dans le domaine des trésors nationaux et de leur éventuelle sortie du territoire, une forme de libéralisme échevelé.
Le pire est que ce dispositif ne sera pas efficace, parce que ce ne sont pas quelques avantages fiscaux qui freineront certains propriétaires d'oeuvres, qu'ils veulent des liquidités ou qu'ils spéculent. Seul le secteur privé en profitera. Voilà qui est fort préjudiciable pour nos musées qui, comme l'a fort bien expliqué Mme le ministre, peuvent présenter au public des oeuvres d'art et des trésors retenus en douane. C'est aussi au public que je pense en m'abstenant, dans la mesure où ce texte n'est plus celui qui nous a initialement été présenté.
M. le président. La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Actuellement, pour empêcher la fuite des biens culturels vers l'étranger, la France dispose de la loi de 1992 avec trois possibilités qui ont été rappelées.
Les propositions qui nous sont faites à travers ce texte ne sont que des aménagements juridiques limités à la loi du 31 décembre 1992.
Si la procédure d'acquisition des trésors nationaux pallie certains refus de vente portant sur des biens relativement secondaires, elle ne résout en rien le problème concernant les biens déclarés d'une importance majeure à l'échelle mondiale, notamment les grands tableaux des peintres impressionnistes, évoqués tout à l'heure en particulier par Mme la ministre.
Le nouveau dispositif ne mettra pas un terme à la menace effective de la fuite de notre patrimoine vers l'étranger.
Le processus sera seulement retardé de quelques années. Par conséquent, cela ne pourra qu'accentuer le déclin du marché de l'art dans notre pays.
Nous ne devons pas oublier que si, au début des années cinquante, la France était au centre du marché de l'art, aujourd'hui les Etats-Unis et la Grande-Bretagne occupent une place de référence sur ce maché mondial quantitativement parlant.
La seule mesure capable de changer toutes les données de ce problème, qui n'est pas des moindres, est une défiscalisation partielle.
Saisie pour avis, la commission des finances a déposé quatre amendements destinés à compléter par un volet fiscal le dispositif que je viens d'évoquer. L'objectif de ces amendements est d'encourager l'acquisition de trésors nationaux par des propriétaires privés qui s'engageraient à en demander le classement, lequel ouvrirait droit à des avantages fiscaux. Les dispositifs proposés reposent sur des mécanismes originaux mais ne vont pas sans soulever des objections techniques qui ont justifié l'attitude prudente de la commission des affaires culturelles.
Cela étant, madame la ministre, vous avez reppelé tout à l'heure que, dans la voie ouverte par M. Gaillard, vous vous proposiez sous peu d'engager des initiatives concernant notamment la loi de 1913. Inutile de vous dire que, si le Gouvernement nous laissait entrevoir une chance de surmonter quelques-uns des obstacles qui, aujourd'hui, s'opposent à la prise des mesures fiscales nécessaires pour débloquer la situation, nous soutiendrions cet effort.
Pour l'instant, outre le travail de M. Lagauche, je voudrais saluer les initiatives de notre collègue Yann Gaillard, le féliciter pour son excellente contribution, qu'il s'agisse de l'analyse à laquelle il s'est livrée dans son rapport sur le marché de l'art ou du rapport pour avis qu'il a présenté sur la proposition de loi qui nous est actuellement soumise.
Même si elle ne va pas très loin, cette proposition de loi nous fait avancer d'un pas. Notre groupe votera donc ce texte bien que nous soyons convaincus que le fond du problème ne peut être résolu que grâce à la mise en oeuvre d'une véritable volonté politique, que j'espère pouvoir déceler bientôt, dans vos initiatives, madame la ministre. Nous devons, enfin, nous donner les moyens de favoriser la protection de notre patrimoine national pour, ainsi, éviter son exode. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi n° 444 (1998-1999).

(Ces conclusions sont adoptées.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons suspendre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)