Séance du 1er février 2000






ADAPTATION AU DROIT COMMUNAUTAIRE
DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi n° 484 (1998-1999) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.
Rapport n° 190 (1999-2000).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je regrette de ne pas avoir pu être présent ce matin dans cette enceinte, mais, comme vous l'a dit M. Louis Besson, je rencontrais les représentants des salariés chauffeurs routiers pour aider à dénouer la crise.
Je pense que nous y parviendrons grâce aux garanties données et à la volonté exprimée par le Gouvernement de ne pas exclure du progrès social ce secteur, bien sûr spécifique.
Je tiens aussi à rassurer M. le rapporteur : la conviction qu'il a exprimée, à plusieurs reprises, suivant laquelle il faut impérativement progresser pour harmoniser les législations sociales européennes dans ce secteur est très fortement partagée par chacune et chacun d'entre nous.
M. Louis Besson m'a fait part des interventions qui ont été prononcées ce matin.
Je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur, et vous, mesdames, messieurs les orateurs, d'avoir bien voulu me communiquer le contenu de vos interventions afin que je puisse en prendre connaissance avant de venir m'exprimer devant vous cet après-midi.
J'ai ainsi pu constater l'intérêt que vous avez porté à l'étude du projet de loi qui concerne à la fois les transports maritimes, aériens et terrestres.
J'ai pu également mesurer la qualité de votre travail et la pertinence de vos remarques, tout particulièrement celles du rapporteur M. Jean-François Le Grand.
Avant de vous répondre de manière plus détaillée dans le cadre de la discussion des amendements, je souhaite tout d'abord revenir sur quelques remarques de caractère général.
Vous avez été nombreux ce matin à noter qu'il s'agit là d'une « première », c'est-à-dire du premier texte portant diverses dispositions d'adaptation communautaire. Il s'agit bien d'adapter le droit français aux engagements pris par la France dans le cadre de son intégration dans la Communauté européenne. Mais il s'agit également de transposer le droit européen en ménageant les transitions et en apportant les adaptations nécessaires à une évolution dans de bonnes conditions économiques et sociales pour les acteurs du transport.
Longuement discuté avec les professionnels et l'ensemble des intéressés, ce projet de loi prend en compte, comme l'a dit M. Lefebvre, les spécificités de la législation nationale.
Je crois ainsi utile de préciser que les courtiers maritimes ont disposé d'un délai de huit ans pour se préparer à l'évolution de leur profession, le règlement communautaire ayant été adopté à la fin de l'année 1992.
Bon nombre d'entre eux ont donc pris les dispositions nécessaires pour adapter leur activité aux nouvelles perspectives. Mme Heinis et M. de Richemont ont souligné la nécessité d'une période supplémentaire d'adaptation permettant aux courtiers d'exercer leur activité sous le régime du monopole pendant trois ans de plus, tout en leur ouvrant la possibilité, pour se diversifier, d'exercer des professions qui leur sont aujourd'hui interdites.
Très franchement, si le Gouvernement peut accepter l'esprit d'une telle mesure, c'est à la condition de ramener la période de transition à six mois, afin de respecter nos engagements communautaires et de rester dans les normes fixées.
S'agissant de la batellerie, MM. Fatous et Lefebvre ont souligné que la directive posait le principe du régime de la liberté d'affrètement et conduisait en cela à l'extinction du système du tour de rôle auquel les bateliers étaient très attachés. La transposition ne pouvait donc être faite à la légère, sans prendre toute la mesure de la réalité économique et sociale du secteur et sans imaginer, de concert avec tous les acteurs sociaux, des solutions pour l'avenir de la profession.
Le contrat de modernisation signé avec les professionnels a permis de fixer les contours de cette nouvelle organisation et de déterminer les efforts de chacun, y compris de l'Etat, pour participer activement au développement du transport fluvial : surveillance, subventions et sanctions en cas de prix anormalement bas. Ce dispositif de précaution, nous l'avons défendu auprès de la Commission et nous avons obtenu son accord.
D'ailleurs, depuis le 1er janvier de cette année, les professionnels ont anticipé cette réforme et tous les indices montrent que les prix des transports restent soutenus dans un environnement où la demande est en forte croissance : pendant deux années successives, le trafic a augmenté de 10 % environ.
En ce qui concerne maintenant le transport aérien, comme l'a indiqué M. Le Grand, les articles 12 et 14 adaptent le code de l'aviation civile quant aux conditions de formation et à l'aptitude médicale des personnels navigants.
Il s'agit non pas, à proprement parler, de la transposition d'une réglementation européenne, mais de l'adoption en France d'une réglementation élaborée en commun au sein d'un organisme européen, les Autorités conjointes de l'aviation civile, les JAA, et qui a vocation à être incluse dans un règlement européen.
Comme l'a souligné M. Godard, ce projet de loi contribue à l'amélioration de la sécurité, tant il est vrai que la formation des pilotes, professionnels ou non, constitue, de ce point de vue, un enjeu essentiel. Ce n'est pas au moment où le développement du trafic aérien civil connaît une progression considérable que nous devons baisser la garde dans ce domaine.
Dans la nouvelle réglementation dont cette loi constituera l'armature un certain nombre de dispositions vont incontestablement dans le sens de la sécurité. C'est le cas pour les pilotes privés de l'approfondissement de la formation théorique, de l'initiation au pilotage sans visibilité et du renforcement des conditions de renouvellement des qualifications.
Par ailleurs, la qualification IFR sera identique pour les pilotes privés et les pilotes professionnels. Enfin, les licences d'instructeurs devront faire l'objet d'un renouvellement.
En outre, M. Godard, dont la pertinence des propos ne m'a pas échappé, a bien noté que les écoles de formation, tenues d'obtenir un agrément, devront mettre en place un système destiné à maintenir un haut niveau de qualité de la formation. On reconnaît là le souci d'un pilote d'avion expérimenté, puisqu'il a longtemps été pilote en aéroclub.
Chacun l'a bien compris, l'harmonisation des formations au sein de l'Union européenne ne pourra que faciliter l'accès à l'emploi de nos pilotes ; les qualifications qu'ils pourront acquérir dans le cadre de leur travail en Europe y concourront.
Les pilotes français pourront ainsi exercer plus facilement leur activité dans le ciel européen.
Enfin, je ne voudrais pas terminer cette intervention sans évoquer la catastrophe écologique que la France a connue à la fin de l'année dernière, qui continue à souiller nos plages, et que vous avez été nombreux à rappeler, tout d'abord vous, monsieur le rapporteur, mais aussi Mmes Dieulangard et Boyer. Vous avez souhaité faire des propositions au Gouvernement, et vous savez que j'y prête la plus grande attention. Monsieur le rapporteur, vous aviez rendu, en 1994, un rapport d'information sur la sécurité maritime. Vous y faisiez déjà des recommandations.
Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement, qui n'a pas attendu cette catastrophe pour agir à l'échelon international, afin d'améliorer les conditions du transport maritime, notamment les conditions de travail et les qualifications des marins, n'en est que plus déterminé à faire tout ce qui est possible auprès des différentes instances européennes et internationales, mais aussi auprès des instances nationales, puisque j'organiserai, le 10 février prochain, une rencontre avec tous les acteurs du transport maritime, en vue de définir, au moins à l'échelle nationale, une charte de sécurité maritime. En outre, j'interviens également à l'échelon européen sur ce thème, et nous devons aussi y sensibiliser l'OMI.
Je crois d'ailleurs utile de rappeler brièvement les propositions que j'ai faites au nom du Gouvernement et qui s'articulent autour de quatre idées, même si je ne ferai, dans une certaine mesure, que répéter ce que d'autres ont dit avant moi.
Les quatre idées en question sont le renforcement de la réglementation, le renforcement du système de contrôle, la responsabilisation des acteurs du commerce maritime et, enfin, l'instauration de sanctions plus fortes contre ceux qui ne respectent pas les règles, avec tout ce que cela peut impliquer sur le plan de l'activité.
Le renforcement de la réglementation, c'est la suppression rapide des navires à simple coque dans les eaux européennes. C'est également - et vous le souligniez déjà dans votre rapport de 1994, monsieur Le Grand - l'amélioration des conditions de travail et de la formation des marins. A cet égard, Mme Dieulangard a évoqué la question du droit social applicable aux marins embarqués sur les navires inscrits au registre des Terres australes et antarctiques françaises.
Vous savez que j'ai lancé une concertation sur la réforme du pavillon, dont j'ai confié l'organisation à deux inspecteurs généraux de mon département ministériel, et que, naturellement, j'attache une grande importance à ce que cette question soit débattue dans l'optique de cette concertation.
Vous avez également évoqué, madame Dieulangard, la situation des marins abandonnés. La France joue un rôle actif sur ce sujet au sein de l'OMI. Son rapport sur ce thème a été unanimement salué et a suscité la création d'un groupe de travail chargé d'élaborer des règles internationales dans ce domaine.
Le renforcement du système de contrôle, c'est la mise en place d'un signalement lors de l'entrée dans les eaux européennes,...
M. Henri de Richemont. Il existe déjà !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... au-delà des 200 milles marins. Monsieur de Richemont, la proposition que je fais s'inscrit dans le cadre des 200 milles marins. Il y a les eaux territoriales et les eaux internationales, mais il y a aussi ce que l'on appelle la zone d'exclusivité économique, c'est-à-dire 200 milles marins. On voit bien, en France, à quoi cela peut correspondre. Si nous arrivons, dans cette zone-là, à avoir un droit d'intervention et de regard, outre les avancées que nous avons faites et proposées avec le système Equasis pour ce qui est de la connaissance en temps réel de la nature des navires qui circulent sur les mers et sur les océans, on voit bien l'efficacité que pourrait avoir cet élargissement de notre propre zone d'intervention. En outre, il s'agit non seulement de valoriser mais aussi de renforcer considérablement les capacités de contrôle de l'inspection dans ce domaine. Mais nous en reparlerons, si vous le voulez bien.
Le renforcement du système de contrôle, c'est d'ailleurs aussi, comme Mme Boyer l'a souligné, un renforcement des contrôles des sociétés de classification, des inspecteurs de l'Etat du port et du pavillon par la création d'un système commun.
La responsabilisation, c'est le relèvement des plafonds de responsabilité dans le cadre des conventions MARPOL, mais c'est également la prise en compte de l'ensemble des dommages, y compris les dommages causés à l'environnement.
Enfin, je demanderai à nos partenaires européens que soient renforcées les sanctions pour les navires qui ne respectent pas les réglementations en vigueur. Je souhaite que l'accès des ports européens soit interdit à ceux qui ne respectent pas ces réglementations et que soit examinée la possibilité d'étendre les occasions données aux contrôleurs de bannir un navire.
Pour éviter qu'un tel naufrage ne vienne à nouveau souiller nos côtes, le Gouvernement mettra tout en oeuvre auprès des institutions compétentes et avec ses partenaires européens.
J'ai évoqué cette question avec M. Le Grand : je suis d'accord pour que soient davantage valorisés les rapports parlementaires qui, en général, sont très argumentés et peuvent constituer de véritables mines d'enseignements et de propositions. Ces rapports, je le dis franchement, ont été trop souvent assez peu utilisés par les pouvoirs publics. J'ai lu votre rapport, qui traite du transport maritime. Vous me l'avez dédicacé, d'une manière un peu partisane, certes, mais gentille. (M. le rapporteur sourit.) Nous sommes les seuls à nous comprendre, monsieur le rapporteur !
Il me conforte dans ce que je viens de dire sur l'utilisation des rapports des commissions parlementaires. Cela me conforte aussi dans la nécessité pour vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas hésiter à voter les dépenses indispensables au fonctionnement des services lorsque le Gouvernement vous le propose. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
M. Louis Le Pensec. Très bien !
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

TRANSPORTS MARITIMES
ET ACTIVITÉS NAUTIQUES

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux courtiers interprètes
et conducteurs de navires

Article additionnel avant l'article 1er