Séance du 1er février 2000







M. le président. Par amendement n° 22, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la perspective de la présidence du Conseil de l'Union européenne qu'exercera la France au cours du second semestre 2000, le Gouvernement engage auprès de ses partenaires, de même qu'au sein de l'Organisation maritime internationale, les démarches nécessaires au renforcement de la réglementation maritime, au développement et à l'amélioration des procédures d'inspection et de contrôle des navires, à la responsabilisation de tous les acteurs du commerce maritime, y compris les affréteurs, et à la mise en place de sanctions dissuasives à leur égard en cas d'infraction aux règles de sécurité et aux normes sociales.
« La France proposera notamment aux Etats membres de l'Union européenne d'interdire sans délai l'entrée dans leurs ports des navires ne respectant pas les règles internationales, affrétés de produits polluants ou dangereux. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Notre amendement vise à indiquer la forte volonté de la France de militer en faveur d'un renforcement de la réglementation maritime et de se donner les moyens de la faire appliquer ; les récents événements en montrent toute l'actualité et la nécessité. Il s'agit là d'un engagement du ministre des transports. En adoptant cet amendement, notre assemblée affirmera son soutien à cette démarche.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. J'exprimerai l'avis de la commission en deux temps.
Le premier concerne la recevabilité de cet amendement. Il ne s'agit pas véritablement d'une proposition normative. Il s'agit plutôt d'une injonction au Gouvernement à agir dans une certaine direction. Aussi, la commission émet-elle un avis défavorable, précisément parce que l'objet de cette disposition n'est pas normatif.
S'agissant du second temps, permettez-moi de revenir quelques instants sur le fond de cet amendement. Je souhaiterais dire combien l'ensemble du Sénat partage le souci qui a été exprimé par M. Le Cam et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen. Cela a été largement dit ce matin au cours de la discussion générale, notamment par votre rapporteur. Cela a été excellemment rappelé voilà un instant par vous-même, monsieur le ministre. Je me réjouis de voir dans quelle disposition d'esprit vous comptez aborder la présidence française de l'Union européenne au second semestre et le problème particulier de la sécurité maritime.
J'ai bien noté que vous aviez lu le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter au Sénat, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, et dont je vous avais dédicacé un exemplaire. Je me réjouis de constater que vous vous soyez sans doute inspiré de cette dédicace, dont je ne dévoilerai pas la teneur. Je ne reviendrai pas dans le détail sur ce que vous avez annoncé tout à l'heure à la tribune. Je constaterai simplement que vous avez repris, pour une grande part, les mesures que nous préconisions.
Je les rappellerai très brièvement. Neuf orientations étaient proposées. Il s'agissait de mesures relatives à la prévention de l'accident, à la réparation des dommages et à la répression des infractions, de mesures à court terme, à moyen terme et à long terme. Une troisième catégorie concernait les dispositions d'ordre national, européen et international. J'avais d'ailleurs eu l'occasion, à deux reprises, de siéger au sein de l'Organisation maritime internationale et de présenter un certain nombre de recommandations. L'une de celles-ci avait été retenue, je m'en étais réjoui, mais c'était certainement la moins douloureuse ou la moins difficile à mettre en oeuvre.
J'ai noté votre observation sur la zone d'exclusivité économique. Si nous pouvions effectivement emprunter cette direction et aller jusque-là, nous disposerions de moyens d'intervention plus importants et certainement beaucoup plus efficaces.
Nous avions aussi évoqué la nécessité d'intervenir dans le contrôle des navires. A l'époque de la présentation du rapport - c'était votre prédécesseur qui était ministre des transports - il y avait déjà eu une augmentation du nombre des inspecteurs, qui, si mes souvenirs sont exacts, était passé de soixante-dix à cent. Vous proposez un accroissement important de ce nombre. C'est bien d'augmenter le nombre d'inspecteurs, mais encore faut-il leur donner les moyens d'agir, et donc d'inspecter un certain nombre de navires.
Ce matin, notre collègue Henri de Richemont a fait part de son souhait, qui est largement partagé, de voir un grand nombre de navires inspectés pour une grande part d'eux-mêmes, afin que les inspections ne portent pas seulement sur quelques points particuliers et que l'on puisse retenir à quai des bateaux sous normes.
En 1994, nous avions dénoncé ce que l'on avait appelé « les bateaux de la honte », en raison du risque qu'ils faisaient courir à l'économie du littoral, à l'écosystème marin et surtout - on aurait dû mettre ce risque en premier - à l'équipage. Dans certains équipages, tous les marins ne parlaient pas la même langue et n'étaient pas soumis aux mêmes normes sociales. Des équipages étaient de véritables lieux de servage, pour appeler les choses par leur nom. Aussi, chaque fois qu'il y aura une avancée à cet égard, on ne pourra que s'en réjouir.
J'ai profité de l'examen de l'amendement présenté par M. Le Cam pour élargir le débat et revenir sur ce qui a été dit ce matin. Je n'entrerai pas à nouveau dans le détail des dispositions, mais je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir apporté un début de solution à une difficulté qui est notoire.
Parmi le propositions qui avaient été faites, figurait également le souhait de retenir à quai les bateaux sous normes, avec la possibilité de les mettre en vente lorsque l'armateur disparaissait. Cela était peut-être de nature à mettre un terme à des pratiques qui ne sont pas des pratiques commerciales. A l'époque, j'avais ajouté, en tant que rapporteur, le souhait que tous les acteurs des différents segments du transport maritime soient coresponsabilisés lorsqu'il y a difficulté ou accident, afin d'avoir une véritable chaîne - dans le transport maritime, elle existe - dans le transport lui-même, une véritable chaîne de solidarité ou de responsabilité.
Cela posait d'ailleurs, à l'époque, le problème du connaissement des cargaisons, problème qui se pose encore aujourd'hui. Dans les rails, ce que l'on appelle les dispositifs de séparation de trafic, les DST, qu'il s'agisse du rail d'Ouessant ou du rail des Casquets au large de la presqu'île du Cotentin, certains commandants de navire ignorent le connaissement de la cargaison, la nature des matières transportées. Parfois, on se retrouve, avec des conteneurs de pesticides sur la côte, alors que, aux termes de la déclaration, la cargaison était d'une autre nature. Il faut mettre un terme à ces pratiques illicites et dangereuses. Elles ne sont pas conformes à l'idée que l'on se fait du droit international maritime.
M. François Gerbaud. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le rapporteur, vous venez de dire beaucoup de choses importantes et intéressantes. Je vous livrerai simplement une information : on dénombre actuellement quelque soixante-dix contrôleurs et j'ai proposé que ce nombre soit doublé d'ici à deux ans, pour renforcer les possibilités de contrôle.
Monsieur Le Cam, je vous invite à retirer cet amendement, à l'esprit duquel j'adhère cependant tout à fait ; comme je l'ai laissé entendre dans mon intervention - et je veux qu'il n'y ait aucun doute de votre part quant à mes intentions ou à la position du Gouvernement - je compte mettre à profit la présidence française de l'Union européenne, à partir du 1er juillet 2000, soit dans cinq mois, pour faire avancer ces dossiers et obtenir des décisions concrètes.
Mais je compte également agir dès le premier semestre de cette année. Je discutais encore, la semaine dernière, avec Mme Loyola de Palacio afin d'obtenir que la communication de la Commission soit à la hauteur de ce que les victimes de ces souillures, de ces catastrophes tout à fait insupportables sont en droit d'attendre. Et Mme Loyola de Palacio m'a paru tout à fait prête à agir dans ce sens. Par conséquent, les dispositions proposées dans l'amendement n° 22 étant prises en compte dans notre démarche, il n'est pas utile de les faire figurer dans la loi.
Aussi, monsieur le sénateur, comme vous ne doutez sans doute pas de la volonté du Gouvernement, en particulier de la mienne, de défendre vos positions auprès des instances européennes, je vous invite à retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 22 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Non, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.

Article 1er