Séance du 1er février 2000







M. le président. Par amendement n° 7, M. Le Grand, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les indemnités versées aux courtiers interprètes et conducteurs de navires, en application de la présente loi, sont soumises à l'impôt au taux prévu au I de l'article 39 quindecies du code général des impôts sous réserve des dispositions des II et III ci-dessous.
« II. - L'impôt n'est dû que pour la part de l'indemnité non affectée au remboursement de la dette contractée pour l'acquisition de l'office.
« III. - En cas d'affectation de la totalité de l'indemnité à la souscription de parts ou d'actions d'une société dans laquelle le courtier interprète et conducteur de navires exerce son activité principale, l'imposition due en application du I fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession des titres acquis au moyen de l'indemnité.
« IV. - Les pertes de recettes résultant des II et III sont compensées par un relèvement, à due concurence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Nous proposons un certain nombre de dispositions techniques destinées à transposer le traitement fiscal particulier souhaité par le Sénat pour les commissaires-priseurs.
Lorsque l'indemnisation est réaffectée par le courtier dans une action ou dans une activité de reconversion, il apparaît logique de prévoir un report d'imposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. En effet, ses deux premiers paragraphes, qui ont trait au régime fiscal de l'indemnité, sont inutiles dès lors qu'en application des règles fiscales actuelles l'indemnité est imposée au taux réduit des plus-values à long terme non pour son montant total mais seulement sur sa fraction excédant le prix d'acquisition du droit de présentation.
Dans ces conditions, la proposition concernant l'exonération de la fraction de l'indemnité affectée au remboursement de la dette contractée pour l'acquisition de l'office serait pénalisante par rapport aux règles en vigueur puisque, comme je viens de l'indiquer, c'est la totalité du prix d'acquisition de l'office qui viendra en diminution de l'indemnité pour le calcul de la plus ou moins-value réalisée.
Quant au report que vous souhaitez mettre en place, monsieur le rapporteur, en cas de remploi de l'indemnité dans la souscription de titres de sociétés dans lesquelles le courtier interprète exerce son activité, il conduirait à réintroduire un régime d'exonération sous condition de remploi qui, s'il a existé jusqu'en 1965, a été supprimé en raison des graves inconvénients qu'il comportait.
Une telle mesure, qui ne pourrait bien évidemment pas être limitée au cas particulier des courtiers interprètes et conducteurs de navires, aurait dès lors un coût budgétaire très important.
Compte tenu de ces explications, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avec tout le regret que je peux y mettre, notamment dans l'intonation, je maintiens cet amendement.
Certes, ces dispositions ont un coût pour l'Etat, mais il faut se mettre à la place des personnes concernées. J'ai presque envie de vous dire, monsieur le ministre, qu'il faut appliquer ici aussi le principe de précaution : lorsque j'ai fait mes étude de physiologie, on m'a dit qu'il fallait avant tout ne pas nuire. Essayons d'appliquer ce principe et efforçons-nous de ne pas nuire à ceux qui seront déjà pénalisés. Nous verrons bien après !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'ai envie de vous répondre, monsieur le rapporteur, que je demande l'application du principe contenu dans l'article 40 de la Constitution.
M. le président. L'article 40 est-il applicable, monsieur Braun ?
M. Gérard Braun, au nom de la commission des finances. Je suis au regret de dire à M. le ministre que l'article 40 n'est pas applicable.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 18, Mme Heinis, M. Revet et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Pendant un délai de trois ans suivant la promulgation de la présente loi, les courtiers interprètes et conducteurs de navires conserveront le privilège institué par l'article 80 du code du commerce dans sa rédaction antérieure à la présente loi, en étant cependant libérés des contraintes stipulées par l'article 85 du même code. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, et visant, dans le texte proposé par l'amendement n° 18, à remplacer les mots : « trois ans » par les mots : « six mois ».
Par amendement n° 21, M. Richemont propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions relatives aux courtiers interprètes et conducteurs de navires ne s'appliquent que dans un délai de trois ans après la promulgation de la présente loi. Pendant ce délai transitoire, ces professions conserveront leur statut institué par l'article 80 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la présente loi mais seront libérées des contraintes inscrites dans l'article 85 du même code. »
La parole est à Mme Heinis, pour défendre l'amendement n° 18.
Mme Anne Heinis. Il est indispensable de prévoir au profit des courtiers maritimes, comme je l'ai évoqué dans la discussion générale, une période transitoire d'au moins trois ans pendant laquelle ils conserveront leur privilège institué par l'article 80 du code de commerce, tout en étant exonérés des contraintes d'activité de l'article 85 du même code.
Cette période transitoire, conforme au droit communautaire, est nécessaire aux courtiers pour assurer une mutation de leur entreprise et résister à la concurrence.
Celle-ci leur a été promise depuis des années par l'Etat français et elle est implicitement contenue dans le règlement communautaire n° 29/13/92 du 12 octobre 1992.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 28.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement considère qu'une période transitoire trop longue ne serait conforme ni à nos engagements avec la profession ni aux engagements de la France au plan communautaire.
Je propose donc de ramener à six mois le délai proposé par les auteurs de l'amendement n° 18.
M. le président. La parole est à M. de Richemont, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Henri de Richemont. Cet amendement est similaire à celui qu'a défendu Mme Heinis, même s'il est un peu plus complet.
Cela étant, monsieur le ministre, je ne suis pas du tout d'accord avec vous : je ne vois pas en quoi un délai de trois ans serait contraire au droit communautaire.
Mais surtout, octroyer un délai de trois ans serait une façon de rendre hommage aux courtiers maritimes, qui, depuis le naufrage de l' Erika , ont joué un rôle déterminant d'interface entre les communes, les victimes, le FIPOL et les armateurs. Sans eux, monsieur le ministre, il aurait été impossible de mettre en place aussi vite la commission d'indemnisation à Lorient.
A l'heure où ils vont perdre leur monopole, où certains d'entre eux vont disparaître, accorder à la profession cette période transitoire pour lui permettre de s'adapter serait lui témoigner la reconnaissance de la nation pour son action efficace, dans des circonstances difficiles, face à une situation tout à fait dramatique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 18, le sous-amendement n° 28 et l'amendement n° 21 ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je ferai d'abord remarquer à M. le ministre que le délai de transition de trois ans avait notamment été envisagé sur la production d'un rapport de Mme Simon-Rovetto remis à son prédécesseur. Ce délai de transition n'a pas été mis en oeuvre pour des raisons diverses, mais il se trouve que les professionnels en ont besoin.
Je constate, par ailleurs, que M. le ministre n'est pas, par principe, opposé au délai transitoire, puisqu'il propose, dans son sous-amendement, de ramener le délai de trois ans à six mois.
La question qui se pose est de savoir si la Commission européenne acceptera que le délai soit de trois ans. D'où ma suggestion que le Sénat vote ce délai de trois ans, quitte à la réduire en deuxième lecture, lorsque nous aurons la réponse de la Commission de Bruxelles.
Je suis donc favorable à l'amendement n° 18 et défavorable au sous-amendement n° 28 ainsi qu'à l'amendement n° 21.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 18 ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Tout à l'heure - j'aimerais que l'on entende ce que je dis et uniquement ce que je dis - j'ai évoqué les engagements pris à la fois devant la Commission et la profession, et non le droit communautaire, monsieur de Richemont.
Quant à la mise en place envisagée, elle devait intervenir en 1992, pas en l'an 2000. Les discussions avec la profession et avec la Communauté européenne nous laissent penser que prolonger de six mois les huit ans qui séparent 1992 de l'an 2000 pourrait être accepté, mais que, si je proposais trois ans de plus, la situation ne serait plus la même.
Quant à M. le rapporteur, qui dit, en fait : « Essayons toujours, on verra bien ! », je suis obligé de lui rappeler que des engagements ont été pris devant la Commission et devant la profession.
D'où la proposition du Gouvernement de ramener le délai à six mois et son avis défavorable sur l'amendement n° 18 si son sous-amendement n'était pas adopté.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 28, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5, et l'amendement n° 21 n'a plus d'objet.

Article 6