Séance du 3 février 2000







M. le président. « Art. 5. _ I. _ Dans l'intitulé du livre VIII du code de la sécurité sociale et du titre V de ce livre, les mots : "Aide aux associations logeant à titre temporaire des personnes défavorisées" sont remplacés par les mots : "Aides aux collectivités et organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées ou gérant des aires d'accueil des gens du voyage".
« II. _ Avant le premier alinéa de l'article L. 851-1 du même code, il est inséré un "I".
« III. _ L'article L. 851-1 du même code est complété par un II ainsi rédigé :
« II. _ Une aide forfaitaire est versée aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale qui gèrent une ou plusieurs aires d'accueil de gens du voyage. Elle est également versée aux personnes morales qui gèrent une aire en application d'une convention prévue au II de l'article 2 de la loi n° du relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
« Une convention passée avec l'Etat fixe, compte tenu de la capacité effective des aires d'accueil, le montant prévisionnel de l'aide versée annuellement à ces gestionnaires. Cette convention détermine les modalités de calcul du droit d'usage perçu par les gestionnaires des aires d'accueil et définit les conditions de leur gardiennage. »
« IV. _ A l'article L. 851-2 du même code, les mots : "L'aide est liquidée et versée" sont remplacés par les mots : "Les aides sont liquidées et versées".
« V. _ A l'article L. 851-3 du même code, les mots : "Le financement de l'aide" sont remplacés par les mots : "Le financement des aides". »
Sur l'article, la parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les conséquences, pour la branche famille, du présent projet de loi.
L'article 5 prévoit en effet le versement d'une aide forfaitaire aux communes, établissements publics de coopération intercommunale ou personnes morales de droit public ou privé, qui gèrent une ou plusieurs aires d'accueil des gens du voyage.
Cette aide, destinée à couvrir les frais de fonctionnement occasionnés par les aires d'accueil, sera versée par les caisses d'allocations familiales, selon des mécanismes comparables à ceux qui sont prévus pour l'aide aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées, l'ALT, l'aide au logement temporaire.
Il est prévu une aide d'un montant de 10 000 francs par place et par an. Le coût prévisionnel est donc évalué, à partir d'un objectif à terme de 30 000 places, à 300 millions de francs par an et 5 000 places seraient concernées dès l'entrée en vigueur de la loi, ce qui représente un coût immédiat de 50 millions de francs.
Toutefois, contrairement à l'ALT qui, certes, est versée par la branche famille mais qui lui est intégralement remboursée, la nouvelle aide serait partiellement financée par la branche famille selon la clé de répartition suivante : 50 % pour l'Etat, soit 150 millions de francs à terme, 48 % par la Caisse nationale des allocations familiales, soit 144 millions de francs, et 2 % pour la mutualité sociale agricole.
Pour la branche famille, cette nouvelle aide représente donc à terme une charge directe de 150 millions de francs par an et une charge indirecte non négligeable liée au coût de gestion de cette nouvelle prestation. En outre, la création d'une nouvelle prestation ajoute à la complexité des règles dont les caisses d'allocations familiales doivent assurer l'application.
Dans ces conditions, on comprend que le conseil d'administration de la CNAF ait émis, le 4 mai 1999, un avis défavorable sur ce texte.
En tant que président du conseil de surveillance de la CNAF, je constate que le Gouvernement a décidé de passer outre et d'imposer à la branche famille une charge nouvelle.
Perdons - ou perdez, monsieur le secrétaire d'Etat - cette mauvaise habitude qui consiste à confier systématiquement à la branche famille la gestion de toute nouvelle prestation créée par le législateur, quand bien même cette prestation n'aurait qu'un très lointain rapport avec la famille !
Les caisses d'allocations familiales connaissent aujourd'hui des situations difficiles, comme le montrent les réactions de l'opinion, à travers la presse, et les travaux de contrôle sur pièces et sur place actuellement menés au nom de la commission des affaires sociales par les rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale. Ce n'est pas le moment, monsieur le secrétaire d'Etat, de charger davantage la barque !
J'aimerais par conséquent vous poser trois questions.
Pour quelles raisons la branche famille a-t-elle été désignée, contre son gré, comme gestionnaire de cette nouvelle aide ? Quelle est la justification du financement par cette branche de la moitié de cette aide ? Comment cette charge nouvelle pour la branche famille sera-t-elle compensée financièrement ?
M. le président. Sur l'article 5, je suis saisi de deux amendements, présentés par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 41 vise à compléter, in fine, la première phrase du premier alinéa du II du texte proposé par le III de l'article 5 pour compléter l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale par les mots : « satisfaisant aux normes techniques en vigueur, fixées par le décret en Conseil d'Etat prévu au deuxième alinéa de l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales. »
L'amendement n° 42 tend, dans la première phrase du second alinéa du II du texte proposé par le III de l'article 5 pour compléter l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : « aires d'accueil », à insérer les mots : « et sous réserve d'un entretien satisfaisant ».
La parole est à M. Peyronnet, pour défendre ces deux amendements.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ces amendements visent à préciser, d'une part, que les aires devront satisfaire aux normes techniques en vigueur et, d'autre part, que l'aide ne sera versée que sous réserve d'un entretien satisfaisant.
Il s'agit d'éviter, pour des raisons que l'on connaît et que l'on comprend, qu'un certain nombre d'aires ne soient fermées après dégradation, ce qui mettrait en cause l'équilibre général du texte et des schémas départementaux.
En effet, si l'on dimensionne le nombre des places en fonction des besoins, l'ensemble des aires doivent fonctionner dans de bonnes conditions, être attractives et convenablement réparties.
Certes, c'est une contrainte pour les maires. Mais ces amendements me semblent d'autant plus recevables que nous avons adopté l'amendement n° 58, à l'article 4, qui prévoit que l'Etat devra participer aux réparations. Il n'y a donc plus guère de raisons, s'il y en avait, de rejeter ces amendements puisque, désormais la mise aux normes et l'entretien pourront être subventionnés par l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 41 et 42 ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.
Obligation est faite dans la loi aux communes de mettre à disposition des aires aménagées et entretenues ; nous entendons bien, en effet, que l'Etat ne versera les aides qu'au vu du respect des dispositions prévues par la loi.
De plus, nous estimons qu'il convient d'éviter la multiplication et la complexité des normes et des vérifications.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 41 et 42 ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Les raisons pour lesquelles le Gouvernement est favorable à ces deux amendements sont les raisons mêmes pour lesquelles la commission y est défavorable !
En effet, les aides ne seront versées que si les aires sont aménagées et entretenues. Ces amendements ont pour objet d'expliciter cette règle ; cela va de soi, et le Gouvernement n'est donc pas défavorable à ces amendements, contrairement à M. le rapporteur qui, pour cette même raison, conclut, lui, à un avis défavorable. Il y a donc une unanimité d'appréciation ! Par conséquent, l'application qui sera faite et qui va bien dans le sens des préoccupations des auteurs de l'amendement et des propos de M. le rapporteur ne soulèvera pas de contestation.
Après avoir donné cet avis favorable sur les amendements n°s 41 et 42, je répondrai brièvement à M. Huriet, qui m'a interrogé sur la démarche du Gouvernement dans cette affaire.
Le Gouvernement considère que tout ce qui touche aux bonnes conditions d'accueil et d'habitat des familles intéresse forcément la branche famille de notre protection sociale. Par la disposition qu'il préconise, il met un terme à l'exclusion de fait qui était en vigueur pour ces catégories de population qui n'avaient pas l'équivalent de l'ALT dont bénéficient les populations accueillies temporairement, mais dans d'autres structures. Par conséquent, par symétrie avec l'ALT, est prévu un dispositif qui n'est en rien dérogatoire.
Telles sont les deux réponses que je pouvais donner à M. Huriet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 41.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je donne acte à M. le secrétaire d'Etat de sa réponse. Il n'a cependant pas répondu à une question portant sur un point essentiel : alors que l'ALT fait l'objet d'une compensation financière, il n'en est pas de même, dans l'état actuel du texte, de la nouvelle prestation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 19, M. Delevoye, au nom de la commission des lois, propose, dans la seconde phrase du second alinéa du texte présenté par le III de l'article 5 pour le II de l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale, de remplacer les mots : « du droit d'usage perçu » par les mots : « de la redevance perçue ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Cet amendement vise à remplacer la notion du droit d'usage perçu par la notion de redevance perçue. Cela permet aussi la délégation du service public.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je crois que le mieux est l'ennemi du bien. En effet, la notion de redevance est appliquée aux budgets annexes, la justification étant la nécessité d'équilibrer le service rendu dans ces budgets annexes, c'est-à-dire que la redevance exclut normalement la subvention. Le droit d'usage est appliqué de manière plus pertinente, puisqu'il y aura une aide au fonctionnement ; le droit d'usage ne demandera pas l'intégralité des coûts. La redevance devrait le faire, mais elle devrait, par voie de conséquence, supprimer la subvention. Je ne pense pas que ce soit ce que souhaite la Haute Assemblée.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 19 pour une unique raison : il faut garder la légitimité de l'aide au fonctionnement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 20, M. Delevoye, au nom de la commission des lois, propose :
A. - De compléter in fine le texte présenté par le III de l'article 5 pour le II de l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« L'aide mentionnée au premier alinéa ne peut être inférieure à 15 000 francs par place de résidence mobile. »
B. - Pour compenser la perte de recette résultant du A ci-dessus, d'insérer, après le III de l'article 5, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la fixation du minimum de l'aide forfaitaire par place de résidence mobile à 15 000 francs sont compensées par une majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Après avoir entendu les propos de M. Huriet, nous avons effectivement hésité, puisque le projet de loi prévoit une DGF avec un habitant par place. Nous aurions aimé soutenir la proposition de M. Peyronnet tendant à retenir le nombre de quatre habitants par place, mais, le montant de l'enveloppe globale de la DGF étant maintenu, cela se ferait en réalité au détriment de la dotation de solidarité urbaine ou de la dotation de solidarité rurale.
Certes, le Gouvernement aurait pu abonder l'enveloppe de la DGF au prorata de l'aide forfaitaire et du nombre de places créées ; mais cela n'est pas prévu, et nous souhaitons donc que l'aide forfaitaire soit portée de 10 000 francs à 15 000 francs par place, de façon que l'on puisse contractualiser avec les communes d'accueil l'aide à l'investissement et l'aide au fonctionnement. Mais nous avons bien évidemment fait nôtres les interrogations exprimées par M. Huriet sur le transfert de charges aux organismes sociaux, s'agissant du financement de ces aides.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas en mesure d'accepter la disposition prévue par cet amendement qui, sauf à examiner en détail les compensations proposées aux pertes de recettes, tombe sous le coup de l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Monsieur Trucy, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. François Trucy, au nom de la commission des finances. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 20 n'est pas recevable.
Je vais mettre aux voix l'article 5.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est au nom de la commission des affaires sociales que j'interviens à cet instant, après mon collègue M. Claude Huriet, qui a bien démonté le mécanisme de financement d'une partie de ce projet de loi par les caisses d'allocations familiales, contre l'avis de ces dernières, comme M. le rapporteur l'a d'ailleurs lui-même indiqué.
C'est devenu pratiquement une habitude : quand le Gouvernement a un dispositif à financer, il se tourne vers les caisses. On l'a vu lors de l'élaboration de la loi sur la réduction négociée du temps de travail ; on le voit aujourd'hui avec ce texte. On prélève sans compensation, et le tour est joué ! On se sert des cotisations des assurés sociaux et des entreprises pour financer un certain nombre de solutions à des problèmes qui, certes, sont difficiles : on a d'ailleurs vu tout à l'heure les énormes problèmes posés aussi bien à l'Etat ou à ses représentants qu'aux collectivités territoriales. Mais il faudra bien arrêter de mettre la main dans la caisse des caisses !
La dette globale a dû être cantonnée, et un impôt, qui va durer encore une quinzaine d'années, a été institué pour couvrir les déficits. Et là, alors qu'il est extrêmement difficile de parvenir à l'équilibre, on nous propose une fois de plus de prélever dans les caisses sociales des fonds pour financer des actions qui ne relèvent pas forcément de leur domaine.
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, que le logement des personnes démunies relève du champ habituel d'intervention de la caisse d'allocations familiales, mais l'exemple que vous avez pris - M. Huriet l'a souligné - est sans valeur puisque vous avez fait une comparaison avec une prestation qui, elle, fait l'objet d'une compensation. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet article.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6