Séance du 3 février 2000







M. le président. Par amendement n° 51, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France, sans domicile ni résidence fixe, est abrogée. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement concerne un problème qui n'est pas traité par ce projet de loi et qui, pourtant, est essentiel pour les gens du voyage : il s'agit de leur reconnaissance sociale, de leur place dans la société, ou plus exactement de la place que la société française leur réserve.
En effet, et je pèse mes mots, les gens du voyage sont considérés, par nos lois républicaines, comme de véritables sous-citoyens. Ils sont soumis à un ensemble de mesures discriminatoires et attentatoires à la liberté, comme le livret de circulation ou la réduction des droits civils.
Permettez-moi de revenir quelques instants sur l'évolution de notre législation relative aux gens du voyage.
C'est l'ordonnance de Colbert qui instaure, en 1662, un délit de nomadisme, d'oisiveté et d'errance. En 1789, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen garantit à tout citoyen la liberté d'aller et venir, et donc la liberté de stationnement. La Constitution de 1958 réaffirme de nouveau ce principe en tant que liberté constitutionnelle.
C'est en 1912, avec la loi du 16 juillet, que l'on définit les individus « réputés nomades ». Ce sont, d'une part, les individus « exerçant une profession, une industrie ou un commerce ambulant » ; d'autre part, les individus exerçant la profession de commerçant ou d'industriel forain, et ce même s'ils ont des ressources ou prétendent exercer une profession. Tous doivent détenir un carnet anthropométrique d'identité, visé par les autorités publiques à chaque arrivée ou départ d'une commune.
En 1971, date d'entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 1969, les modalités de contrôle sont atténuées ; elles restent toutefois très discriminatoires et sont actuellement encore en vigueur.
Le carnet anthropométrique est remplacé par le carnet de circulation, destiné aux personnes sans domicile fixe ni résidence fixe n'exerçant pas une activité ambulante et ne disposant pas de ressources régulières. Ce carnet doit être visé tous les trois mois au commissariat, sous peine d'amendes variant de 5 000 francs à 20 000 francs.
Cette loi organise également le rattachement administratif sur une commune donnée, le nombre de personnes rattachées ne pouvant dépasser 3 % de la population municipale.
Depuis, la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a permis aux personnes sans domicile fixe de se déclarer domiciliées dans un organisme d'accueil. Les gens du voyage espèrent légitimement que cette loi leur est applicable.
Hélas ! rien n'est moins sûr, et c'est peut-être sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous pourrez nous rassurer. En effet, les interprétations du ministère de l'emploi et de la solidarité divergent de celles du ministère de l'intérieur. N'y-a-t-il pas là l'opportunité de faire bénéficier les gens du voyage des mêmes droits que leurs concitoyens ?
En votant notre amendement, mes chers collègues, vous abrogerez la loi de 1969, et les gens du voyage seront des citoyens de droit commun.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Nous avons, sur ce sujet, proposé à M. le secrétaire d'Etat d'engager une réflexion européenne concernant le livret de circulation.
Nous ne pouvons pas accepter l'amendement n° 51 dans la mesure où il tend à abroger la loi du 3 janvier 1969. Il n'est en effet pas possible de laisser les gens du voyage dans une situation d'instabilité juridique.
Nous souhaitons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous confirmiez que vous allez engager une réflexion sur la modernisation des titres de circulation, qui ne sont plus adaptés à la situation actuelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement confirme à M. Foucaud ce qu'il a indiqué hier : ce projet de loi n'a pas pour ambition de répondre à toutes les préoccupations des gens du voyage. Il se limite à leur accueil.
Les autres questions relevant de la compétence d'autres ministères, je ne puis me prononcer à leur égard, mais il est préférable - et c'est ce point que je souhaiterais voir retenu par M. Foucaud - qu'un débat soit préalablement engagé au sein de la commission nationale consultative des gens du voyage, dont les membres ont été nommés au mois de décembre.
Cette commission abordera l'ensemble des problèmes posés par les gens du voyage, qui pourront s'exprimer devant elle, et, le dialogue s'instaurant avec l'ensemble des acteurs publics, des perspectives seront ouvertes avant d'envisager, éventuellement, des modifications législatives.
Au regard de ce processus, cet amendement est donc prématuré et le Gouvernement en souhaite le retrait ou, à défaut, le rejet.
M. le président. Monsieur Foucaud, maintenez-vous votre amendement ?
M. Thierry Foucaud. Les propos optimistes et positifs de M. le secrétaire d'Etat me permettent de retirer cet amendement : une discussion va s'engager et la situation pourra ainsi progresser rapidement.
M. le président. L'amendement n° 51 est retiré.

Article 7