Séance du 9 février 2000






CONVENTION INTERNATIONALE
RELATIVE AUX INFRACTIONS DOUANIÈRES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 137, 1999-2000) autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble 11 annexes). [Rapport (n° 186, 1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure de l'internationalisation des échanges, la fraude commerciale prend une ampleur sans précédent à l'échelle mondiale. Ses corollaires sont un accroissement et une sophistication des infractions douanières.
Au sein de l'Union européenne, un mécanisme de coopération administrative a été mis en place très tôt par la convention dite de Naples I, signée en 1967, pour accompagner le mouvement de libéralisation des échanges et la suppression des formalités douanières. Il sera renforcé par l'entrée en vigueur de la convention de Naples II, signée, elle, en 1997.
Sur le plan bilatéral, la France a signé un premier accord de coopération administrative douanière avec les Etats-Unis dès 1936 et elle liée aujourd'hui par une trentaine de conventions.
La convention internationale adoptée à Nairobi le 9 juin 1977 a pour objet la lutte contre les infractions douanières au niveau mondial. Elle a été élaborée sous l'égide de l'Organisation mondiale des douanes, l'OMD, dont le siège est à Bruxelles.
Le texte de Nairobi se présente comme une convention souple. En effet, le dispositif juridique mis en place par la convention consiste en un texte de base recouvrant onze protocoles spécifiques. Chaque Etat choisit parmi ces onze textes celui ou ceux qui conviennent le mieux à ses intérêts spécifiques, à son système juridique, à sa structure administrative - la compétence du service des douanes varie selon les pays - et au respect de sa souveraineté.
Les autorités françaises ont choisi les annexes I, IX et X, relatives respectivement à l'assistance spontanée, la centralisation des renseignements et l'assistance en matière de lutte contre la contrebande de stupéfiants et de substances psychotropes. Lorsque l'adhésion sera effective, la France se trouvera, certes, liée par la convention générale à tous les Etats déjà parties à l'instrument, soit trente-huit pays, mais elle ne prendra d'engagements concrets qu'envers les vingt-neuf Etats ayant adhéré à l'annexe I, les vingt-sept liés par l'annexe IX et les trente-deux qui ont choisi l'annexe X.
La convention générale stipule que les parties se prêtent mutuellement assistance sur une base volontaire et réciproque en vue de prévenir, rechercher et réprimer les infractions douanères. L'assistance peut être refusée si la partie requise estime qu'elle est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à ses intérêts essentiels ou commerciaux. L'assistance pouvant être demandée dans le cadre d'une procédure judiciaire, la France déposera une réserve par laquelle elle fera prévaloir les mécanismes de l'entraide judiciaire internationale sur celui de la convention de Nairobi.
L'annexe I prévoit que les administrations douanières adressent spontanément à leurs homologues les renseignements en leur possession laissant à croire qu'une infraction se commettra sur leur territoire.
Par l'annexe IX, les administrations douanières s'engagent à communiquer au secrétaire général de l'OMD des renseignements sur les personnes, les méthodes de contrebande et autres fraudes et les navires impliqués dans les infractions douanières. Ces renseignements servent à élaborer des résumés et des études portant sur les tendances en matière de fraude douanière. Dans une réserve, la France précisera qu'elle ne communiquera ni ne recevra de données nominatives dans ce cadre.
Enfin, l'annexe X fonctionne comme une convention d'assistance administrative mutuelle bilatérale classique - transmission spontanée de renseignements, surveillance sur demande, déclenchement d'enquête, faculté d'autoriser les agents des douanes à comparaître en tant qu'experts ou témoins devant les tribunaux des Etats contractants - mais uniquement pour les infractions en matière de stupéfiants et de substances psychotropes. Ce choix se justifie par l'importance de la coopération internationale et de l'échange d'information dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants.
Parmi les trente-huit pays actuellement parties à la convention, cinq appartiennent à l'Union européenne - Finlande, Grande-Bretagne, Irlande, Italie, Suède - et plusieurs sont des pays avec lesquels la France cherchait à conclure des accords bilatéraux, c'est le cas de l'Inde, du Pakistan, de la Tunisie, de la Turquie.
Tout en ayant une portée plus limitée que nos accords bilatéraux et que l'accord de Naples II entre pays de l'Union européenne, la convention de Nairobi constitue une complément utile de ces accords et répond de ce fait aux préoccupations françaises en matière de lutte contre les infractions douanières.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières, faite à Nairobi le 9 juin 1977, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement des échanges commerciaux internationaux, la mondialisation de l'économie ont pour conséquence, entre autres, l'accroissement des fraudes douanières.
Peu de domaines y échappent car la fraude douanière est multiforme. On peut citer, d'une manière non exhaustive, la contrefaçon dans le textile, les jouets, les articles de luxe, le trafic de tabac, d'alcool, de drogue, d'armes, de munitions, d'explosifs, d'animaux vivants, d'oeuvres d'art...
Face à ce trafic international, il était indispensable de mettre en place et de développer une coopération de lutte à l'échelon international.
Tel est l'objet de la présente convention qui a été signée, vous l'avez rappelé monsieur le ministre, à Nairobi, le 5 juin 1977, sous l'égide de l'Organisation mondiale des douanes. Elle est entrée en vigueur le 21 mai 1980.
Sur les cent cinquante membres de l'Organisation mondiale des douanes, trente-sept Etats l'ont ratifiée au 15 mai 1999.
En quoi consiste la convention ?
Elle comprend deux parties, le corps de la convention avec six chapitres fixant les conditions générales de fonctionnement et d'adhésion et une seconde partie avec onze annexes délimitant le champ de coopération ouvert à chaque Etat.
L'adhésion à la convention implique d'accepter au moins une des onze annexes. La France, vous l'avez dit, monsieur le ministre, en a retenu trois. Cette particularité permet de dire qu'il s'agit d'une convention à la carte.
L'article 3 de cette convention limite grandement le principe de coopération entre les services des douanes. En effet, lorsqu'une partie contractante estime que l'assistance qui lui est demandée pourrait porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité ou aux intérêts essentiels des entreprises publiques ou privées, l'Etat adhérent peut refuser l'aide sollicitée et il peut la refuser, ce qui est encore plus grave, sans avoir à motiver son refus.
La France a adhéré à la convention sous deux réserves.
La première vise à lui permettre de faire prévaloir les procédures d'entraide judiciaire internationales sur celles de l'assistance administrative dans le cas d'infractions douanières faisant l'objet de procédures pénales.
La seconde réserve vise à respecter la loi informatique et libertés, la France voulant s'interdire la diffusion et l'utilisation de données à caractère personnel.
Lors de la discussion de ce texte en commission, monsieur le ministre, un certain nombre de commissaires ont souligné les difficultés que risque de poser l'application de cette convention, insistant sur l'inefficacité qui peut résulter non seulement du choix d'une annexe sur onze, mais de la restriction que j'ai soulignée tout à l'heure. Ils m'ont chargé de vous demander, monsieur le ministre, si cette convention sera à la hauteur de ses ambitions, car le trafic en question, je l'ai dit, a tendance à se développer à une vitesse inquiétante.
Toutefois, la majorité des commissaires présents en commission a estimé qu'elle ne pouvait être partisane du tout ou rien - c'est également mon sentiment - et que cette convention, malgré ses faiblesses, était un pas important dans la lutte contre les fraudes douanières. Elle vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, c'est bien parce que nous espérons que cette convention permettra de se rapprocher des objectifs que vous avez rappelés que nous la présentons. En garantir totalement l'efficacité est plus difficile. Il ne fait cependant pas de doute qu'elle représente incontestablement un progrès par rapport au dispositif existant, notamment par la possibilité de coopérer avec des pays avec lesquels nous n'avions pas jusqu'alors d'instrument.
Je pense que les mauvaises pratiques que vous dénonciez à l'instant devraient être couvertes par ce dispositif, puisque, vis-à-vis des trente-huit parties, nous nous engageons à leur prêter mutuellement assistance, précisément afin de prévenir, rechercher et réprimer les infractions douanières, conformément aux dispositions de la convention.
M. André Rouvière, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière, rapporteur. Il faut être optimiste sur ce vaste chantier. C'est un premier pas. Nous espérons qu'il y en aura d'autres et que nous pourrons renforcer notre arsenal de lutte contre la fraude douanière.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi.
« Article unique. - Est autorisée l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble 11 annexes), faite à Nairobi le 9 juin 1977 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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