Séance du 22 février 2000







M. le président. La parole est à M. Le Grand, auteur de la question n° 700, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean-François Le Grand. Madame le secrétaire d'Etat, dans la Manche, comme d'ailleurs dans le reste du pays, la situation est catastrophique en matière de sécurité, d'efficacité et surtout d'égalité des citoyens devant les soins.
Le nouveau schéma d'orientation sanitaire de Basse-Normandie est un aveu criant d'une absence totale de volonté politique. Le centre hospitalier de Valognes n'ayant pu recruter un obstétricien, un chirurgien et un anesthésiste, les deux commissions médicales d'établissement de Valognes et de Cherbourg ont décidé de transférer la maternité, le bloc opératoire et la chirurgie du site de Valognes vers le centre hospitalier de Cherbourg alors même que les effectifs médicaux dans les disciplines précitées sont actuellement déficitaires dans le site cherbourgeois et que celui-ci va devoir absorber l'activité du centre hospitalier des armées.
Je sais que le chiffre de 13 millions de francs a été avancé pour venir en aide au centre hospitalier de Cherbourg. Mais il sera de toute façon en deçà des besoins liés à la restructuration du centre hospitalier et, ensuite, du transfert du site de Valognes sur Cherbourg.
A cela s'ajoute le transfert de la maternité et d'une grande partie des services de chirurgie de la clinique de Carentan vers la clinique de Saint-Lô.
La conséquence directe de cette décision est la création, entre Cherbourg et Bayeux, communes qui sont éloignées de près de 140 kilomètres, d'un véritable désert en matière d'urgences, alors même que ce territoire est traversé par une voie importante, l'autoroute A 13.
Madame le secrétaire d'Etat, pouvez-vous cautionner le fait que les urgences et les besoins de sécurité sanitaire élémentaires ne puissent plus être assurés ?
La pénurie des médecins dans les spécialités déjà citées n'est qu'un début ; la grave pénurie va se généraliser dans l'ensemble du pays. Surtout, rien n'est fait actuellement pour augmenter de manière suffisante le nombre des médecins formés et pour réformer les études médicales, notamment les accès aux spécialités.
Rien n'est fait non plus pour amorcer une revalorisation salariale des spécialistes, afin de réduire sensiblement les écarts de rémunération entre le secteur public et le secteur privé.
Que comptez-vous faire, madame le secrétaire d'Etat, pour éviter que la Manche ne devienne un département sinistré s'agissant du recrutement des médecins hospitaliers ? Ne pourrait-on imaginer des mesures incitatives visant à faciliter le recrutement de ces spécialistes, au moyen de primes, d'évolutions de carrière plus rapides, d'augmentations salariales ou d'avantages liés, par exemple, à l'attribution de logements de fonction ?
L'évolution de la carte hospitalière régionale s'apparente surtout à une planification sommaire pratiquée dans l'urgence pour masquer un manque de moyens endémiques, que vous ne souhaitez pas corriger, semble-t-il, car, si vous le vouliez, vous le pourriez.
Je vous poserai donc quatre questions, madame le secrétaire d'Etat.
Allez-vous réformer les études de médecine, sachant qu'il faudra attendre dix ans pour voir les effets d'une décision prise aujourd'hui ?
Allez-vous augmenter le nombre des postes de médecin et d'infirmier dans les hôpitaux en général, dans ceux de la Manche en particulier.
Allez-vous tenir compte des spécificités des zones rurales ? En effet, comme je l'ai déjà indiqué, aucune structure ne traite les urgences entre Cherbourg et Bayeux, et, dans certains cantons du sud de la Manche, les populations se trouvent à plus de trois quarts d'heure ou d'une heure d'une maternité. Imaginez l'angoisse d'une parturiente en difficulté quand elle est éloignée d'un centre de soins !
Enfin, allez-vous laisser la France devenir le pays d'Europe où, en dehors des centres hospitaliers et universitaires, il n'existera plus d'hôpitaux de proximité ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Vous me permettrez tout d'abord, monsieur le sénateur, de donner une réponse officielle au nom de Mme Dominique Gillot au volet local de votre question. Ensuite, mais à titre personnel, puisque je ne connaissais pas l'autre partie de votre question, j'apporterai quelques éléments de précision sur les études médicales et le problème du recrutement des gynécologues. Je le répète, je ferai cette réponse à titre personnel, car je n'étais pas mandaté pour m'exprimer sur ce point.
Concernant le premier sujet, vous avez rappelé avec beaucoup de précision une situation locale que vous connaissez bien mieux que moi, monsieur le sénateur ; vous me permettez simplement d'y faire de nouveau allusion dans cette réponse officielle.
Les établissements de santé du département de la Manche sont dans une situation analogue à celle d'autres établissements de la région. La Basse-Normandie connaît en effet une faible densité médicale, accentuée par des difficultés de recrutement de personnel médical, et fait partie des régions globalement moins dotées par rapport à la moyenne nationale. Consciente de ces spécificités, l'agence régionale de l'hospitalisation de Basse-Normandie s'est engagée dans une politique de mise à niveau budgétaire des hôpitaux de la Manche et crée chaque année plus de 40 postes de médecin titulaire. Elle est contrainte aussi de faire face à des situations d'urgence afin de garantir les conditions de sécurité adéquates, qui conduisent parfois à repenser les circuits de la prise en charge des patients.
Les urgences de Carentan sont actuellement assurées par la clinique de la ville, qui a présenté un projet de fusion avec la clinique Saint-Jean de Saint-Lô. Une nouvelle répartition des activités entre les deux sites est envisagée qui doit notamment conduire au transfert de la chirurgie sur Saint-Lô dans deux ans, délai à l'issue duquel elle doit fermer son service d'urgences. Dans cette perspective et pour préparer cette échéance, l'agence régionale de l'hospitalisation réfléchit, avec les médecins de ville et les médecins pompiers, aux meilleurs moyens d'assurer la permanence des soins sur Carentan, notamment les urgences.
Le centre hospitalier de Valognes, quant à lui, rencontre des difficultés pour recruter du personnel médical. Il ne dispose que d'un seul obstétricien et, depuis le 14 février, il n'a plus ni anesthésiste ni chirurgien. Dans ce contexte, aucun praticien n'ayant souhaité rejoindre l'établissement, l'hôpital est dans l'impossibilité de maintenir, pour des raisons de sécurité, ses activités d'accouchement et de chirurgie. C'est pourquoi, en prenant en compte les besoins de la population du secteur sanitaire qu'il dessert, une organisation visant à assurer la prise en charge des patients et des parturientes par le centre hospitalier de Cherbourg a été mise en place. Dans les semaines qui viennent, un projet de rapprochement plus substantiel entre les deux établissements devrait être présenté, permettant d'assurer la pérennité de l'hôpital de Valognes. Le principe en a été accepté par les conseils d'administration des deux établissements.
La fermeture de la maternité de la clinique Saint-Jean à Saint-Lô est effective depuis le 31 décembre 1999, faute pour l'établissement d'avoir trouvé un obstétricien. C'est désormais l'hôpital Mémorial de Saint-Lô qui se charge des parturientes.
L'avenir de la clinique de Coutances est aujourd'hui assuré. Suite à son redressement judiciaire, le tribunal a, en effet, décidé que les conditions de poursuite de l'activité de cet établissement étaient aujourd'hui réunies. Par ailleurs, un projet médical commun entre cette clinique et l'hôpital de Coutances est à l'étude. Il devrait permettre aux deux établissements de poursuivre leurs activités de manière complémentaire.
Monsieur le sénateur, voilà la réponse officielle que je pouvais vous faire au nom de Mme Dominique Gillot.
Si vous le permettez, monsieur le président, je répondrai maintenant en quelques mots aux autres aspects de l'intervention de M. Le Grand. Ce dossier étant directement géré par Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, je le ferai à titre personnel, la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ayant, bien sûr, un regard très particulier sur cette question.
Ce que vous avez dit est malheureusement exact : nous risquons une pénurie de gynécologues-obstétriciens comme de gynécologues médicaux. Devant ce constat, Mme Martine Aubry et Mme Dominique Gillot ont demandé que, dès 1999, un contingent supplémentaire de 30 places de gynécologue soit ouvert, qui sera repris pour les années 2000, 2001 et 2002.
En 2002, nous pensons - c'est en tout cas l'objectif que nous avons - être à même de former 150 gynécologues, tant obstétriciens que médicaux, afin d'éviter la pénurie sur dix ans que vous dénoncez et qui serait prévisible sans les réajustements d'effectifs que je viens de citer.
Vous n'ignorez pas non plus, monsieur le sénateur, qu'il existe une inquiétude encore plus marquée des milieux de la gynécologie médicale. C'est pourquoi, dans la réforme en cours et dans les négociations qui sont sur le point d'être achevées, on s'orienterait vers un diplôme d'études supérieures spécialisées à deux options, l'une de gynécologie-obstétrique, l'autre de gynécologie médicale, de deux ans chacune après un tronc commun d'études de trois ans. Nous allons ainsi dans une bonne direction. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. Jean-François Le Grand. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Je voudrais vous remercier, madame le secrétaire d'Etat de votre réponse officielle, mais surtout de la réponse que vous avez eu la gentillesse de faire au pied levé à titre personnel à la deuxième partie de ma question.
Votre réponse sur les obstréticiens et les gynécologues, va, je crois, effectivement dans le bon sens, car il est nécessaire d'augmenter le nombre des médecins spécialisés.
Il reste le problème des anesthésistes, des chirurgiens, des urgentistes et des établissements qui doivent accueillir les ayants droit de la santé. Là, il y a une véritable pénurie.
Je souhaite que les propos que vous avez tenus, et que j'apprécie, sur les obstétriciens soient suivis d'effets s'agissant des autres aspects de la santé en général.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !

SCHÉMA RÉGIONAL D'ORGANISATION SANITAIRE
DE LA RÉGION PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR