Séance du 7 mars 2000







M. le président. « Art. 7. - L'article 15-2 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 15-2 . - I. - Aucune personne physique ou morale ne peut exercer l'activité consistant à mettre en rapport à titre occasionnel ou habituel, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat par lequel un sportif loue ses services ou s'engage à participer contre rémunération à une ou plusieurs manifestations sportives, si elle-même ou, s'il s'agit d'une personne morale, l'un de ses dirigeants de droit ou de fait ou l'un de ses préposés :
« 1° Soit exerce des fonctions de direction, à titre bénévole ou rémunéré, en droit ou en fait, dans un groupement sportif, quelle qu'en soit la forme, rémunérant des sportifs pour leur participation à une ou plusieurs manifestations sportives de la même discipline ;
« 2° Soit exerce les mêmes fonctions dans une fédération sportive soumise à l'article 16 ou de l'un de ses organes internes ;
« 3° Soit a été amené à quelque titre que ce soit, dans l'année écoulée, à représenter un groupement sportif, quelle qu'en soit la forme, rémunérant des sportifs pour leur participation à une manifestation sportive.
« Le droit d'exercer l'activité mentionnée au premier alinéa du présent paragraphe est soumis à la détention d'une autorisation. L'autorisation est délivrée pour trois ans par chacune des fédérations et doit être renouvelée à l'issue de cette période. Les modalités d'examen et de délivrance de l'autorisation par la fédération sont définies par décret en Conseil d'Etat. Tout refus de délivrance ou de renouvellement peut faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des sports, dans un délai de trois mois à compter de la notification.
« Toute personne physique ou morale établie hors de France et qui souhaite mener une transaction sur le territoire national doit mandater un agent détenteur de l'autorisation de la fédération compétente.
« II. - Un contrat par lequel un sportif loue ses services ou s'engage à participer contre rémunération à une ou plusieurs manifestations sportives ne peut être conclu que par le sportif intéressé lui-même ou par une personne disposant d'un mandat exprès et écrit. Ce mandat précise la rémunération du mandataire qui ne peut pas excéder 10 % du montant de la rémunération du sportif, à peine de nullité du mandat. Au cours d'une même saison sportive, seul le premier transfert d'un joueur peut ouvrir droit à commission pour un agent. Les frais relatifs à la prestation de l'agent sont à la charge exclusive du mandant.
« Au titre de la délégation de pouvoir qui leur est concédée, les fédérations mentionnées à l'article 17 veillent à ce que les contrats mentionnés au premier alinéa préservent les intérêts des sportifs et de la discipline concernée. A cet effet, les contrats et les mandats sont communiqués aux fédérations. Les fédérations doivent édicter des sanctions en cas de non-communication des contrats ou des mandats.
« III. - Supprimé .
« IV. - Nul ne peut exercer l'activité mentionnée au premier alinéa du I s'il a fait l'objet d'une condamnation pénale figurant au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
« 1° à 7° Supprimés .
« Le fait d'exercer l'activité mentionnée au premier alinéa du I malgré l'incapacité visée au présent paragraphe ou l'interdiction d'exercer prononcée par arrêté du ministre chargé des sports est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 100 000 francs. »
Par amendement n° 2 rectifié, M. Bordas, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par cet article pour l'article 15-2 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 :
« Art. 15-2. - I. - Toute personne exerçant à titre occasionnel ou habituel, contre rémunération, l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive doit être titulaire d'une licence d'agent sportif délivrée par arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé des sports.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'attribution, de renouvellement et de retrait de la licence d'agent sportif.
« II. - Nul ne peut obtenir ou conserver une licence d'agent sportif :
« 1° S'il exerce, directement ou indirectement, en droit ou en fait, à titre bénévole ou rémunéré, des fonctions de direction ou d'encadrement sportif soit dans une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives, soit dans une fédération sportive mentionnée à l'article 16 ou un organe qu'elle a constitué.
« 2° S'il a fait l'objet d'une condamnation pénale figurant au bulletin n° 2 du casier judiciaire, pour crime ou pour l'un des délits prévus :
« - à la section 4 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal ;
« - à la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre III du même code ;
« - au chapitre II du titre Ier du livre III du même code ;
« - à la section I du chapitre IV du titre Ier du livre III du même code ;
« - à l'article 27 de la loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage ;
« - à l'article 1750 du code général des impôts.
« 3° Sont soumis aux incompatibilités et incapacités prévues au présent paragraphe les préposés d'un agent sportif ainsi, lorsque la licence a été délivrée à une personne morale, que ses dirigeants et, s'il s'agit d'une société en nom collectif, d'une société en commandite simple ou d'une société à responsabilité limitée, ses associés.
« 4° L'exercice à titre occasionnel de l'activité d'agent sportif par un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Accord sur l'espace économique européen non établi sur le territoire national est subordonné au respect des conditions de moralité définies au présent paragraphe.
« III. - Un agent sportif ne peut agir que pour le compte d'une des parties au même contrat, qui lui donne mandat et peut seule le rémunérer. Le mandat précise le montant de cette rémunération, qui ne peut excéder 10 % du montant du contrat conclu. Toute convention contraire aux dispositions du présent paragraphe est réputée nulle et non écrite.
« IV. - Est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende le fait d'exercer l'activité définie au premier alinéa du I :
« - sans avoir obtenu la licence d'agent sportif ou en méconnaissance d'une décision de non-renouvellement ou de retrait de cette licence ;
« - en violation des dispositions du II.
« V. - Le Gouvernement présentera au Parlement, trois ans après la date d'entrée en vigueur de la loi n° du , un bilan de l'application des dispositions du présent article. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Murat, et tendant, à la fin du premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 2 rectifié pour l'article 15-2 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, à remplacer les mots : « par arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé des sports » par les dispositions : « par chacune des fédérations. En l'absence de réglementation fédérale, la licence est délivrée par le ministre chargé des sports. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié.
M. James Bordas, rapporteur. L'article 4 prévoit de confier aux fédérations sportives la police de la profession d'agent sportif, qui nous paraît devoir rester de la compétence de l'Etat.
En outre, le dispositif prévu est incohérent : le défaut d'autorisation ou la violation des incompatibilités professionnelles ne sont pas sanctionnés ; le cas des agents représentant un club n'est pas envisagé ; le ministre dispose d'un pouvoir d'interdiction professionnelle, mais on ignore dans quelles conditions ; les fédérations ont communication des contrats, mais cela ne sert à rien...
Enfin, le texte n'est pas conforme au droit communautaire.
Par cet amendement, nous proposons un régime de licence inspiré de celui des agents artistiques.
Le paragraphe I du texte présenté pour l'article 15-2 de la loi de 1984 pose le principe de la nécessité d'une licence et renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités de sa délivrance et de son retrait.
Vous noterez que la licence doit être accordée par le ministre du travail et par le ministre chargé des sports. Le rôle des agents sportifs constitue en effet une exception au monopole public du placement et, à ce titre, le ministre chargé de l'emploi doit intervenir. Les licences d'agent d'artistes de spectacle sont délivrées par le ministre du travail, pas par celui de la culture. Vous souhaitez, madame la ministre, que le sport entre dans le champ du droit du travail ; c'est une bonne occasion de le faire.
Le paragraphe II prévoit les incompatibilités et incapacités professionnelles : il les étend aux entraîneurs des clubs, aux préposés des agents et aux dirigeants et associés des personnes morales titulaires d'une licence.
Nous prévoyons également que les ressortissants européens établis hors de France ne pourront exercer des prestations de services d'agent sportif que s'ils satisfont aux conditions de moralité exigées. Cette exigence est compatible avec le droit communautaire ; elle permettra de les soumettre à déclaration. S'ils sont établis en France, ils devront, bien sûr, prendre une licence.
Le paragraphe III prévoit que l'agent sportif ne peut intervenir que pour une seule des parties au contrat et dans le cadre d'un mandat. Il prévoit les mêmes limitations du montant de sa rémunération que le texte actuel et la nullité de plein droit des conventions contraires. Le paragraphe IV prévoit les pénalités en cas d'exercice irrégulier de la profession d'agent sportif.
Enfin, le dernier paragraphe prévoit le dépôt au Parlement, dans trois ans, d'un rapport faisant le bilan du nouveau régime. Notre objet n'est pas de multiplier les rapports, mais nous ne voulons pas que ce régime reste, comme le régime de déclaration adopté en 1992, lettre morte.
M. le président. La parole est à M. Murat, pour défendre le sous-amendement n° 31 rectifié.
M. Bernard Murat. L'amendement de notre commission tend à donner compétence au ministère du travail et à celui des sports pour délivrer les licences d'agent sportif.
A l'heure actuelle, cette compétence est du ressort des fédérations, qui sont seules à même de pouvoir faire une appréciation in concreto des demandes d'autorisation.
Par ailleurs, un contrôle qui serait attribué aux services de l'Etat n'aurait pour conséquence que d'alourdir la procédure alors que les situations en cause nécessitent une réponse rapide.
Enfin, le sport n'est pas une activité purement nationale et toute réglementation en matière sportive qui laisse de côté le caractère international est vouée à l'échec.
A titre d'exemple, si l'on instaure une réglementation trop rigide en France, les agents sportifs s'installeront dans un autre Etat et inciteront, par conséquent, les joueurs dont ils ont la charge à exercer leurs talents à l'étranger.
Actuellement, seul le CIO pourrait imposer des règles au niveau international étant donné que les fédérations dépendent du Comité national olympique et sportif français, qui dépend lui-même du Comité national olympique.
C'est la raison pour laquelle je propose, dans ce sous-amendement, de donner compétence aux fédérations pour délivrer les licences d'agent sportif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. James Bordas, rapporteur. Ce sous-amendement est tout à fait contraire à l'esprit de l'amendement n° 2 rectifié de la commission.
Nous avons en effet voulu réaffirmer que l'Etat seul pouvait être compétent, sous le contrôle du législateur, pour réglementer l'accès à une profession.
Je rappelle en outre que le métier exercé par les agents sportifs est une dérogation au monopole public du placement, ce qui est une raison supplémentaire pour que le contrôle de cette profession soit exercé par l'Etat.
Je propose donc à M. Murat de retirer son sous-amendement, faute de quoi la commission émettra sur ce dernier un avis défavorable.
M. le président. Le sous-amendement n° 31 rectifié est-il maintenu, monsieur Murat ?
M. Bernard Murat. Je préfère la présomption d'innocence à la présomption de culpabilité ! Je retire donc mon sous-amendement. (Sourires.)
M. le président. Le sous-amendement n° 31 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 rectifié ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je regrette que vous ayez retiré votre sous-amendement, car j'allais vous appuyer, monsieur le sénateur ! (Sourires.)
S'agissant de l'amendement n° 2 rectifié, je crois que les paragraphes II, III et IV amélioreraient le texte du projet de loi et pourraient donc constituer une bonne base pour la commission mixte paritaire.
En revanche, je me prononcerai contre le dessaisissement des fédérations. Il me semble en effet que le mouvement sportif français est capable d'assumer ses responsabilités et qu'il souhaite le faire en complémentarité avec l'Etat ; il peut jouer un rôle de premier plan pour moraliser la profession d'agent.
L'aspect international, qui vient d'être soulevé, a également son importance. Il faut absolument que les fédérations soient comptables de leurs décisions, même si le ministère apparaît comme un lieu d'appel par rapport aux contentieux qui pourraient survenir.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 2 rectifié. M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2 rectifié.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 7 est d'une extrême importance puisqu'il vise à compléter la proposition de loi sur le statut des clubs en moralisant la profession d'intermédiaire.
De fait, il s'agit de moraliser une profession qui, ces dernières années, a semblé faire prévaloir dans un certain nombre de cas des intérêts commerciaux assez peu conformes aux intérêts des clubs, des sportifs et du mouvement sportif dans son ensemble.
Le dispositif que nous propose cet article tend, conformément à la position que nous avions soutenue lors de l'examen du projet de loi sur le dopage, à permettre une plus grande responsabilisation des fédérations sportives délégataires, lesquelles se voient confier un certain nombre de prérogatives, dont la préservation des intérêts des sportifs.
Certes, dans le cadre de l'application de l'article 7 du présent projet de loi, une réflexion - qui n'est pas fondamentalement différente de celle qui est conduite dans notre pays et par vous, madame la ministre, en matière de dopage -, doit être menée afin d'harmoniser les règles qu'il institue avec celles qui sont en vigueur chez nos différents partenaires. Il s'agit là d'un pari qui, d'une certaine manière, est intéressant !
La commission propose, elle, de revenir sur cette disposition en prévoyant une stricte compétence du ministère de la jeunesse et des sports. Peut-être n'est-ce pas la meilleure manière de responsabiliser l'ensemble du mouvement sportif sur des enjeux importants de moralisation du sport face aux puissances de l'argent !
En conséquence, notre groupe votera contre l'amendement qui nous est proposé. M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Nous partageons le point de vue de Mme la ministre sur le paragraphe I du texte proposé pour l'article 15-2 de la loi de 1984 par l'amendement n° 2 rectifié, contre lequel nous voterons donc.
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Sans revenir, bien sûr, sur ce que j'ai dit, je veux donner lecture d'une note, susceptible d'éclairer le débat, retraçant les propos tenus par M. Pape Diouf, agent agréé de la FIFA réputé pour ses contrats sur le continent africain. Cet agent souligne : « Les transferts les plus spectaculaires frappent les esprits, mais il ne faut pas réduire le problème à un seul cas ». Il ajoute, à propos des agents sans licence : « Sans vouloir mettre tout le monde dans le même sac, le secrétaire général de la FIFA estime que "souvent les agents sont des gens qui n'ont pas les connaissances nécessaires et recherchent la meilleure commission possible". »
Pour ma part, je m'abstiendrai sur l'amendement de la commission.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, ainsi modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8