Séance du 7 mars 2000







M. le président. Par amendement n° 78 rectifié, MM. Mercier et Pintat proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 1er alinéa de l'article 18-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée est ainsi rédigé :
« Le droit d'exploitation d'une manifestation ou d'une compétition sportive appartient, chacun pour ce qui le concerne, à son organisateur tel qu'il est défini à l'article 18 et indivisément aux sociétés visées au premier alinéa de l'article 11. Ces dernières passent entre elles et avec la fédération ou la ligue professionnelle une convention pour la gestion de ce droit. » La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Par cet article additionnel après l'article 11, nous proposons de mettre en harmonie le texte voté à la fin de l'année 1999 avec celui qui nous est proposé aujourd'hui s'agissant des clubs sportifs professionnels et des recettes nécessaires à leur vie économique.
La loi du 28 décembre 1999 tend à donner aux clubs professionnels le statut de sociétés commerciales, et, naturellement, à les inciter à rechercher l'équilibre financier et économique nécessaire à leur fonctionnement.
L'Assemblée nationale a écarté de ce texte une disposition portant modification de l'article 18-1 de la loi du 16 juillet 1984 attribuant aux ligues chargées de la gestion du sport professionnel l'exclusivité des droits d'exploitation des manifestations sportives, ce qui nous paraît d'ailleurs une bonne chose. Toutefois, lors de la discussion du texte présentement soumis à notre délibération, l'Assemblée nationale a introduit, par un amendement au projet gouvernemental, une nouvelle disposition en vertu de laquelle les fédérations visées par le texte sont désormais seules propriétaires du droit d'exploitation des manifestations et compétitions sportives qu'elles organisent.
Il nous semble que cette disposition rompt le nécessaire équilibre établi dans le texte de 1999 qui donne aux clubs sportifs professionnels un statut de société commerciale, ainsi qu'un certain nombre de responsabilités à assumer dans ce cadre, notamment l'organisation, le financement et la responsabilité civile et pénale des manifestations qu'ils organisent. Les clubs doivent donc payer les taxes afférentes à ces manifestations, notamment la taxe sur les spectacles, alors que la recette, qui permet d'assurer l'équilibre financier de ces manifestations, serait attribuée à un autre organisme, aux termes du texte adopté par l'Assemblée nationale.
Nous proposons donc, par l'amendement soumis à l'appréciation de la Haute Assemblée, non pas de donner l'exclusivité des droits de retransmission aux ligues ou aux clubs professionnels, mais de donner conjointement aux fédérations et aux clubs sportifs professionnels le bénéfice de ces droits, quitte à eux à en régler la répartition par une convention qui permettra d'assurer le fonctionnement économique des clubs professionnels.
Cela nous paraît aller dans le sens d'un bon équilibre, à partir de la loi de 1999 et dans le respect d'une saine concurrence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. James Bordas, rapporteur. Cet amendement pose un problème fondamental, celui de la titularité des droits de retransmission télévisée.
En 1992, les droits d'exploitation audiovisuelle des manifestations qu'elles organisent ont été attribués aux fédérations délégataires, avec l'idée qu'elles puissent en faire une redistribution équitable.
Peut-être cette redistribution n'a-t-elle pas été exactement celle qu'on aurait pu souhaiter.
Mais que se serait-il passé en l'absence de cette mesure ?
Même dans le football, quatre, cinq, voire six grands clubs seraient en mesure de négocier leurs droits dans des conditions satisfaisantes... sauf s'ils appartiennent à une société de télévision. Les autres n'auraient rien, donc aucun espoir de pouvoir rivaliser avec les « grands ».
L'amendement n° 78 rectifié prévoit que les droits appartiennent en indivision aux sociétés sportives, qui passeraient une convention entre elles et avec la fédération ou la ligue professionnelle pour la gestion de ces droits.
Mais, comme le prévoit le code civil, « nul ne peut être contraint à l'indivision, et le partage peut toujours être provoqué ».
J'imagine que certains, et notamment les plus grands, voudraient rapidement ce partage. Que deviendraient alors les autres ?
Nous ne croyons donc pas qu'il serait raisonnable, en l'état actuel du sport professionnel français, de retirer aux fédérations les droits d'exploitation audiovisuelle.
C'est pourquoi la commission a donné un avis défavorable à l'adoption de l'amendement n° 78 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je souscris totalement aux arguments développés par M. le rapporteur, et l'avis du Gouvernement est donc conforme à celui de la commission : défavorable.
Il faut que la fédération sportive qui, dans certains cas, regroupe en son sein la pratique amateur et la pratique professionnelle à travers des clubs professionnels soit en capacité d'assurer la cohésion de ces pratiques en redistribuant l'argent résultant des droits de retransmission télévisée ou autres.
Certaines fédérations ont choisi de déléguer beaucoup de pouvoirs aux ligues - je ne sais pas si elles ont toujours bien fait ; c'est leur choix - mais il faut en rester aux pouvoirs et aux droits des fédérations en ce domaine.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 78 rectifié.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je comprends bien ce que nous expliquent tant M. le rapporteur que Mme le ministre. D'ailleurs, je n'ai pas retrouvé, sous leurs critiques, ce que j'avais proposé. C'est pourquoi je me permets de reprendre la parole.
D'abord, je dois dire à notre excellent rapporteur que la notion d'indivision relève du droit civil et que l'on ne peut pas la transposer aussi facilement en droit commercial, car elle a un autre sens dans ce cas. Il ne faut pas risquer d'ajouter une difficulté supplémentaire en utilisant les notions les unes pour les autres. Mais c'est un premier argument de détail.
Dans mon esprit, il ne s'agit nullement de confier tous les droits de retransmission télévisée aux clubs sportifs, mais d'organiser une répartition de ces droits.
Je ne vois pas d'inconvénient à ce que l'on redistribue une partie de ces droits au mouvement sportif et au sport amateur. Toutefois, je le rappelle, nous avons voté à la fin de 1999, voilà moins de trois mois, un texte qui met à la charge des clubs professionnels des dépenses nouvelles importantes. Ces dépenses, il faut bien les compenser par une ressource ; sinon, je ne vois pas comment ils pourront fonctionner sauf, peut-être, à se retourner vers les collectivités locales pour leur demander des subventions, ce qui n'est pas vraiment le but recherché.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. En l'état actuel des choses, le groupe communiste républicain et citoyen partage l'avis éclairé de M. le rapporteur et de Mme la ministre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 78 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 11 bis