Séance du 28 mars 2000







M. le président. Par amendement n° 6, M. Legendre, au nom de la commission, propose, après l'article 1er ter, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les services archéologiques des collectivités territoriales sont organisés et financés par celles-ci. Leur activité est soumise au contrôle technique de l'Etat dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Lorsqu'une collectivité territoriale dispose d'un service archéologique, ce service participe de plein droit, si elle en fait la demande, aux opérations archéologiques réalisées sur son territoire.
« Sont exonérés en tout ou partie du paiement de la redevance prévue à l'article 4 les travaux réalisés par la collectivité territoriale pour elle-même lorsque celle-ci dispose d'un service archéologique. L'exonération est fixée au prorata de la réalisation par la collectivité des opérations archéologiques prescrites en application de l'article 1er bis. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 24, présenté par MM. Renar, Ralite, Mme Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et tendant à rédiger ainsi la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 6 :
« L'exonération est fixée au prorata du budget annuel consacré à l'archéologie par la collectivité. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Jacques Legendre, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet amendement vise à préciser le rôle des services archéologiques des collectivités territoriales.
La proposition de loi déposée par mon excellent collègue Ivan Renar et les membres de son groupe, que vous aviez d'ailleurs cosignée, monsieur le secrétaire d'Etat (Sourires), avait pour objet de prévoir la possibilité pour les collectivités territoriales d'exercer, par voie de conventions passées avec l'Etat, des compétences en matière de protection du patrimoine archéologique.
Cette préoccupation rejoint la nôtre, et nous avons donc souhaité, par cet amendement, concrétiser l'intérêt porté aux services archéologiques des collectivités territoriales.
L'Assemblée nationale a certes permis un assouplissement du monopole en faveur des services des collectivités territoriales. Cependant, le projet de loi soulève encore bien des interrogations.
Le monopole demeure : l'association de services locaux dépendra en réalité de la bonne volonté de l'établissement. Certes, Mme Trautmann avait indiqué, à l'Assemblée nationale, qu'elle prescrirait à l'établissement public chargé de la recherche archéologique préventive de recourir éventuellement aux services des collectivités territoriales. Mais, ainsi que vous le savez, le ministre exerce dans ce domaine un simple pouvoir de tutelle et non pas un pouvoir hiérarchique.
Par ailleurs, le projet de loi évoque la nécessité d'un agrément dont les modalités ne sont pas précisées.
Je vous proposerai de retenir un dispositif qui s'inscrit dans l'esprit des dispositions des lois de décentralisation relatives aux compétences culturelles facultatives des collectivités territoriales. Il prévoit que celles-ci sont libres de déterminer l'organisation et le fonctionnement de leurs services archéologiques sous réserve du contrôle technique de l'Etat.
Ce contrôle, qui pourra être précisé, n'est pas une innovation. En effet, il est déjà prévu s'agissant des personnels, comme pour l'ensemble des personnels des collectivités territoriales chargés de la conservation du patrimoine par l'article 65 de la loi du 22 juillet 1983. En ce qui concerne les prescriptions, elles sont fixées par l'Etat en vertu de la loi de 1941 et, demain, de la présente loi.
Ces services auront vocation, dès lors qu'ils existent, à participer de plein droit aux opérations archéologiques, sous réserve de la compétence reconnue à l'Etat pour désigner le responsable de fouilles.
L'exonération de redevance prévue par l'Assemblée nationale sera sans doute de nature à encourager le développement de services dont l'existence serait, si vous acceptiez cet amendement, mes chers collègues, reconnue dans la loi.
Il s'agit là d'un enjeu essentiel. Les équipes de l'établissement public demain, comme aujourd'hui celles de l'AFAN, auront vocation à se déplacer d'une région à l'autre. L'organisation locale de cet établissement n'a au demeurant jamais été précisée. Qui mieux que les collectivités territoriales peut utiliser l'archéologie comme un instrument de connaissance du territoire ? Qui mieux qu'elles peut faire des découvertes archéologiques un moyen pour les citoyens de s'approprier leur espace ?
M. le président. La parole est à M. Renar, pour défendre le sous-amendement n° 24.
M. Ivan Renar. Avec ce sous-amendement, nous nous approchons de l'esprit de la proposition de loi relative à l'archéologie préventive déposée par le groupe communiste républicain et citoyen.
Ainsi que je l'ai indiqué dans la discussion générale, le texte adopté par l'Assemblée nationale a repris à son compte certains des objectifs que nous défendions alors, en donnant aux collectivités territoriales dotées de services archéologiques une juste place dans l'investigation archéologique nationale.
Si nous pensons, pour notre part, qu'il convient de renforcer et de conforter les travaux menés par les collectivités territoriales en matière archéologique, nous sommes convaincus également que l'échelon de l'Etat doit être aménagé et adapté toutes les fois qu'il est question d'archéologie.
Ainsi, par exemple, prévoyait-on que l'Etat reste le prescripteur en matière d'instruments de mesure et d'investigations archéologiques, faute de quoi l'archéologie préventive perdrait de la validité qu'elle doit pouvoir garder face aux groupes de pression que constituent dans bien des cas les aménageurs.
Nous ne souhaitons pas, dans ce débat, diaboliser tel ou tel acteur en présence sur le terrain archéologique ; nous pensons en effet que, pour l'essentiel, les intérêts des uns et des autres peuvent être conciliés, après débat, même si ce dernier doit être virulent ; mais c'est la loi de la démocratie.
Dans cet esprit de conciliation, nous proposons que la redevance archéologique à laquelle pourraient être soumises les collectivités territoriales soit réduite au prorata de l'ensemble des dépenses consacrées par lesdites collectivités à l'archéologie.
Tel est le sens de ce sous-amendement, que nous vous demandons de bien vouloir adopter, mes chers collègues.
M. le président. Quel avis de la commission sur le sous-amendement n° 24 ?
M. Jacques Legendre, rapporteur. Le sous-amendement n° 24 semble signifier que l'importance de l'exonération de redevance archéologique dont pourra bénéficier une collectivité locale dépendra du budget qu'elle consacrera à l'archéologie. Est-ce à dire que moins une commune est riche, moins elle est exonérée, même si elle réalise une partie importante, voire la totalité des fouilles afférentes aux travaux d'aménagement qui font l'objet de la redevance ? Il y a là un mécanisme un peu étonnant !

Le texte de l'amendement n° 6, qui fait dépendre l'importance de l'exonération de celle des travaux de fouilles, nous semble plus logique : il vise simplement à éviter que la collectivité ne paye deux fois pour les opérations de fouilles, qu'elle réalise elle-même.
En outre, le montant du budget annuel que consacre une collectivité locale à l'archéologie est difficile à estimer.
Le sous-amendement n° 24 ne précise pas, enfin, dans quelles proportions du budget jouera l'exonération.
Voilà pourquoi, malgré son désir de se rapprocher des préoccupations exprimées par M. Renar, qui, tout comme elle, souhaite voir affirmer le rôle des services archéologiques des collectivités territoriales, la commission ne peut émettre un avis favorable sur le sous-amendement n° 24.
M. Ivan Renar. Vous êtes sévère, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 et sur le sous-amendement n° 24 ?
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Comme l'a indiqué M. le rapporteur, je fus, dans une vie antérieure, signataire d'une proposition de loi, que je ne renie d'ailleurs pas. Mais, sur ce point, comme c'est normal, ma pensée s'est quelque peu enrichie depuis ! (Sourires.)
Je comprends l'objectif de l'amendement n° 6, lequel vise à associer le plus étroitement possible les archéologues des collectivités territoriales.
Cependant, la rédaction de ce texte, notamment les mots : « ce service participe de plein droit », au deuxième alinéa, nous pose quelques problèmes. En effet, le deuxième alinéa de l'article 2 du projet de loi prévoit déjà l'association des services de recherche archéologique des collectivités territoriales aux opérations d'archéologie préventive.
L'amendement n° 6 n'apporte pas, selon le Gouvernement, d'amélioration au texte soumis au Sénat. La participation d'un service archéologique de collectivité territoriale aux opérations réalisées sur son territoire doit être encouragée chaque fois que cela est possible. Pour des raisons tenant à la complexité et à la taille des opérations, aux problématiques développées et, enfin, aux compétences susceptibles d'être mobilisées par les services archéologiques territoriaux, le Gouvernement souhaite que cette collaboration ne soit pas de droit mais soit le résultat, au cas par cas, d'une concertation étroite entre la collectivité, l'établissement public et, si nécessaire, l'Etat.
Quant aux exonérations, les conditions dans lesquelles elles doivent être mises en oeuvre sont explicitement prévues à l'article 4 du projet de loi. Il n'y a donc pas lieu d'en faire mention dans le présent amendement.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 6.
S'agissant du sous-amendement n° 24, je comprends la démarche de M. Renar ; ce dernier connaît néanmoins mon souci d'un maximum de simplicité dans les textes. L'exonération totale ou partielle ne peut, à mon avis, se calculer que sur une base mathématique ayant un rapport direct avec la redevance ou avec l'effort de la collectivité fourni par ces services archéologiques pour une opération donnée. Un calcul fondé sur le budget annuel consacré à l'archéologie par la collectivité ne paraît pas opérationnel. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. Ivan Renar. C'est bien dommage !
M. le président. C'est dur, monsieur Renar !
M. Ivan Renar. C'est cornélien ! Les Horaces et les Curiaces !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 24, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er ter.

Article 2