Séance du 30 mars 2000







M. le président. « Art. 10. - Après l'article 137 du code de procédure pénale, sont insérés cinq articles 137-1 à 137-5 ainsi rédigés :
« Art. 137-1 . - La détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le juge de la détention provisoire. Les demandes de mise en liberté lui sont également soumises.
« Le juge de la détention provisoire est un magistrat du siège ayant rang de président, de premier vice-président ou de vice-président. Il est désigné par le président du tribunal de grande instance. Lorsqu'il statue à l'issue d'un débat contradictoire, il est assisté d'un greffier.
« Il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu.
« Il est saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction, qui lui transmet le dossier de la procédure accompagné des réquisitions du procureur de la République. Il statue à l'issue d'un débat contradictoire.
« Art. 137-2 . - Le contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction, qui statue après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la République.
« Le contrôle judiciaire peut être également ordonné par le juge de la détention provisoire, lorsqu'il est saisi.
« Art. 137-3 . - Lorsque le juge de la détention provisoire ordonne ou prolonge une détention provisoire ou qu'il rejette une demande de mise en liberté, il statue par une ordonnance spécialement motivée qui doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et le motif de la détention par référence aux seules dispositions des articles 143-1 et 144.
« Lorsque le juge de la détention constate que la détention n'est pas ou n'est plus justifiée par les nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, il refuse d'ordonner ou de prolonger une détention provisoire ou fait droit à demande de mise en liberté en statuant par une ordonnance non motivée.
« Les ordonnances prévues par le présent article sont notifiées à la personne mise en examen qui en reçoit copie intégrale contre émargement au dossier de la procédure.
« Art. 137-4 . - Le juge d'instruction n'est pas tenu de statuer par ordonnance dans les cas suivants :
« 1° Lorsque, saisi de réquisitions du procureur de la République tendant au placement en détention provisoire ou demandant la prolongation de celle ci, il ne transmet pas le dossier de la procédure au juge de la détention provisoire ;
« 2° Lorsqu'il ne suit pas les réquisitions du procureur de la République tendant au prononcé d'une mesure de contrôle judiciaire.
« Art. 137-5 . - Non modifié. »
Par amendement n° 26, M. Jolibois, au nom de la commission, propose :
I. - A la fin de la première phrase du premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 137-1 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « juge de la détention provisoire » par les mots : « juge des libertés ».
II. - De procéder au même remplacement dans l'ensemble des articles du projet de loi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination qui vise à remplacer l'appellation « juge de la détention provisoire » par l'appellation « juge des libertés ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 27, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer la dernière phrase du dernier alinéa du texte présenté par l'article 10 pour l'article 137-1 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Le texte proposé pour l'article 137-1 comporte une contradiction. Il prévoit, d'abord, que, lorsque le juge « statue à l'issue d'un débat contradictoire, il est assisté d'un greffier », puis qu'« il statue à l'issue d'un débat contradictoire ».
En fait, bien que cette dernière précision résulte d'un amendement du Sénat en première lecture, il n'apparaît pas nécessaire de prévoir un débat contradictoire dans tous les cas, c'est-à-dire même lorsque le juge des libertés n'envisage pas de mettre la personne en détention.
Actuellement, le juge d'instruction n'organise un débat contradictoire que s'il envisage de mettre la personne en détention.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. C'est un excellent amendement !
Je me félicite, d'abord, que le Sénat et l'Assemblée nationale soient parvenus à un accord sur le fait qu'un débat contradictoire doive intervenir non pas dans tous les cas mais seulement lorsque le placement en détention est envisagé ou que la détention doit être prolongée.
Sur la forme, ensuite, je suis très heureuse que le Sénat propose, en conséquence, une modification de coordination qui avait échappé à l'Assemblée nationale, comme d'ailleurs au Gouvernement, lors de la précédente lecture.
Nous voyons là, en effet, toute l'utilité...
M. Michel Charasse. ... du bicaméralisme !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... de ce travail progressif, notamment pour la qualité des textes que nous adoptons.
M. le président. Madame le garde des sceaux, comme le Sénat tout entier vous entend avec joie !
Personne ne demande la parole ?...
Je met aux voix l'amendement n° 27, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 28, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 10 pour l'article 137-3 du code de procédure pénale :
« Art. 137-3. - Le juge des libertés statue par ordonnance motivée. Lorsqu'il ordonne ou prolonge une détention provisoire ou qu'il rejette une demande de mise en liberté, l'ordonnance doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et le motif de la détention par référence aux seules dispositions des articles 143-1 et 144.
« Dans tous les cas, l'ordonnance est notifiée à la personne mise en examen qui en reçoit copie intégrale contre émargement au dossier de la procédure. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il paraît souhaitable que le juge des libertés statue dans tous les cas par ordonnance motivée, même lorsqu'il ne met pas en détention. Le juge d'instruction doit connaître les motifs qui ont conduit le juge des libertés à refuser sa demande. En outre, si le procureur fait appel, l'ordonnance motivée du juge des libertés sera utile à la personne au cours de la procédure devant la chambre de l'instruction.
En revanche, il est normal que les ordonnances privatives de liberté soient plus motivées que les autres. Sur ce point, le texte ne change rien au droit actuel, qui oblige les juges d'instruction à motiver très clairement les ordonnances de placement en détention.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ai déjà dit, en première lecture, que j'étais défavorable à un tel amendement. Je crois, en effet, que la liberté ne se motive pas et que seule la détention doit être motivée.
Cela étant, j'espère qu'un accord pourra intervenir en commission mixte paritaire. On pourrait songer, par exemple, à une formulation qui exige une motivation renforcée en cas de détention - c'est le cas actuellement - et précisant que, dans le cas inverse, il pourrait suffire d'une motivation très succincte.
Il faudra trouver la formulation idoine. Mais je fais confiance aux membres de la commission mixte paritaire pour parvenir à un accord sur ce point.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

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