Séance du 30 mars 2000







M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 32, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de remplacer les quatrième et cinquième alinéas du texte présenté par l'article 15 pour l'article 143-1 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement s'il est reproché à la personne mise en examen un délit prévu par le livre III du code pénal et que cette personne n'a pas déjà été condamnée à une peine privative de liberté sans sursis supérieure à un an. »
Par amendement n° 158, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer l'avant-dernier alinéa du texte présenté par l'article 15 pour l'article 143-1 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 32.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'Assemblée nationale, s'agissant du placement en détention provisoire, a retenu le seuil général de trois ans de peine encourue que nous avions proposé au Sénat - nous ne nous en plaignons pas ! - mais a également retenu le seuil de cinq ans lorsqu'une personne est poursuivie pour une atteinte aux biens - nous ne nous en plaignons pas non plus.
En revanche, l'Assemblée nationale a supprimé tous les seuils dès lors qu'une personne a déjà été condamnée. Cela est totalement inacceptable puisque, à la limite, une personne poursuivie pour un délit puni d'une amende pourrait être placée en détention provisoire dès lors qu'elle aurait déjà été condamnée pour crime ou délit à une peine d'un an de prison ferme.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cette dernière disposition, en précisant que le nouveau seuil de cinq ans, très libéral, ne s'appliquera pas aux personnes qui ont déjà été condamnées ; dans un tel cas, ce sera le seuil de trois ans adopté par le Sénat en première lecture qui s'appliquera.
M. le président. La parole est à M. Bret, pour défendre l'amendement n° 158.
M. Robert Bret. Avec cet amendement, relatif au sursis, nous souhaitons améliorer les conditions fixées pour la mise en détention provisoire.
Il ne nous semble pas concevable que la condamnation à un an de prison pour un délit antérieur - qui peut s'être produit, pourquoi pas ? dix ans auparavant - puisse aboutir à la remise en cause totale des seuils de détention provisoire.
De ce point de vue, la commission des lois nous propose un texte amélioré, en réservant ce cas aux délits passibles de plus de cinq ans d'emprisonnement.
Néanmoins, cette solution nous semble insuffisante et nous vous proposons de la pousser plus loin, en rejetant la prise en compte d'une condamnation antérieure comme critère d'application des seuils de mise en détention.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 158 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement est partiellement satisfait. Nous ne pouvons qu'y être défavorables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 32 et 158 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis favorable à l'amendement n° 32 : voilà un nouvel exemple de la qualité des travaux du Sénat. C'est en effet le Sénat, qui, en première lecture, a souhaité élever de façon uniforme ce seuil à trois ans d'emprisonnement, seuil ensuite repris par l'Assemblée nationale, sauf pour les délits contre les biens, pour lesquels un seuil plus élevé de cinq ans a été retenu.
Je me félicite que votre commission accepte cette exception décidée par l'Assemblée nationale mais en précise aussi mieux les contours : l'exigence d'un seuil de cinq ans en cas de délit contre les biens ne jouera pas lorsque la personne aura déjà été condamnée à des peines criminelles ou à une peine d'au moins un an d'emprisonnement.
Les seuils résultant de l'amendement de votre commission me semblent tout à fait cohérents ; en tout cas, ils conviennent pleinement au Gouvernement.
En revanche, je ne suis pas favorable à l'amendement n° 158, qui est en partie satisfait par l'amendement n° 32. Les antécédents de la personne ne permettent pas, seuls, la mise en détention, mais ils joueront sur les seuils de la détention à savoir trois ou cinq ans.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 32.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne suis pas hostile à cet amendement, mais je voudrais formuler une observation à l'intention de nos collègues de la commission des lois : je me méfie toujours des textes qui visent l'ensemble d'un livre, d'un code sans en énumérer les articles. Si un article est ajouté un jour à ce livre, la portée de la disposition sera étendue. Comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous ne nous apercevrons de rien !
L'énumération des articles du livre III du code pénal serait donc préférable. Je ne le ferai pas maintenant, mais si la commission mixte paritaire pouvait s'en charger, ce serait une bonne chose.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 158 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 143-1 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 144 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE