Séance du 30 mars 2000







M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 159, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le dernier alinéa du texte présenté par l'article 15 pour l'article 144 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 33, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la dernière phrase du dernier alinéa du texte présenté par l'article 15 pour l'article 144 du code de procédure pénale : « Toutefois, ce motif ne peut justifier la prolongation de la détention provisoire lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement. »
La parole est à M. Bret, pour défendre l'amendement n° 159.
M. Robert Bret. Cet amendement concerne la notion d'ordre public, qui décidément ne nous plaît guère. Elle est en effet trop floue pour être retenue et constitue un critère objectif contrairement aux autres critères énoncés par l'article 144 du code de procédure pénale.
Préciser qu'elle ne suffit pas à elle seule à justifier la détention provisoire apporte certes une amélioration, mais encore bien insuffisante. La réserver en matière criminelle nous semble encore plus illogique alors que, dans ce cas plus que dans aucun autre, les motifs de mise en détention seront la plupart du temps suffisants, qu'il s'agisse de conserver les preuves, de garantir le maintien de la personne à la disposition de la justice ou de mettre fin à l'infraction.
Voilà pourquoi nous vous proposons de supprimer purement et simplement toute référence à l'ordre public concernant la mise en détention provisoire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 33 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 159.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'Assemblée nationale a prévu que le motif d'ordre public ne pouvait, à lui seul, justifier une prolongation de la détention, sauf en matière criminelle. Si ce motif n'est pas le seul invoqué, il est inutile ; par conséquent, on peut supprimer les mots « à lui seul ».
L'amendement de la commission des lois, quant à lui, prévoit, conformément à la position du Sénat en première lecture, que le motif de l'ordre public peut continuer à être utilisé en matière correctionnelle quand la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement.
De ce fait, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 159.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 159 et 33 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne suis pas favorable à l'amendement n° 159.
Le projet de loi limite déjà le recours aux critères de l'ordre public en cas de prolongation, ce qui est un acquis.
Par ailleurs, ce critère demeure nécessaire dans certaines hypothèses exceptionnelles, dont j'ai déjà donné de nombreux exemples, tel que celui des conducteurs alcooliques qui fauchent plusieurs piétons. C'est le seul critère sur la base duquel on puisse mettre ces conducteurs en détention provisoire.
En revanche, je suis, bien sûr, favorable à l'amendement n° 33 de la commission, puisqu'il revient au texte du Gouvernement.
J'ai déjà indiqué devant l'Assemblée nationale quel pouvait être le compromis entre les deux assemblées sur ce texte, à savoir que le critère de l'ordre public pourrait être conservé en cas de prolongation non pour les seuls crimes, comme le propose l'Assemblée nationale, ni pour les délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, comme le proposent le Sénat et, d'ailleurs, le projet du Gouvernement, mais pour les crimes et délits punis de dix ans d'emprisonnement.
Je ne veux naturellement pas influencer la commission mixte paritaire. Mais, ayant fait cette observation devant l'Assemblée nationale, je me devais également de la faire devant vous : c'est en quelque sorte l'application du principe du contradictoire ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 159, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 144 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 144-1-A DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE