Séance du 4 avril 2000







M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 88 rectifié, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article 19 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 4 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsque le procureur de la République est saisi d'une plainte avec constitution de partie civile à raison des actes d'un élu ou d'un agent public et que l'instruction est confiée à un juge d'instruction, le préfet peut élever le conflit à tout moment afin que soit déterminé s'il y a eu faute de service ou faute personnelle. »
Par amendement n° 141, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 19 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsqu'une personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit dépose plainte contre un élu municipal agissant en qualité de maire ou par délégation de ce dernier, le procureur de la République saisit le tribunal des conflits afin qu'il apprécie le caractère sérieux et fondé de la plainte et, dans l'affirmative, qu'il détermine si les faits incriminés sont détachables ou non de la fonction d'élu municipal. Dans le cas où le tribunal des conflits déclare que les faits ne sont pas détachables de la fonction, il examine si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose et dans l'affirmative ordonne le renvoi devant les juridictions administratives compétentes. Dans le cas contraire ou si les faits sont détachables de la fonction, il ordonne le renvoi devant la juridiction judiciaire compétente. »
Par amendement n° 142, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 19 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 3123-28 du code général des collectivités territoriales, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsqu'une personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit dépose plainte contre un membre d'un conseil général agissant en qualité de président ou par délégation de celui-ci, le procureur de la République saisit le tribunal des conflits afin qu'il apprécie le caractère sérieux et fondé de la plainte et, dans l'affirmative, qu'il détermine si les faits incriminés sont détachables ou non de leurs fonctions. Dans le cas où le tribunal des conflits déclare que les faits ne sont pas détachables de la fonction, il examine si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose et dans l'affirmative ordonne le renvoi devant les juridictions administratives compétentes. Dans le cas contraire ou si les faits sont détachables de la fonction, il ordonne le renvoi devant la juridiction compétente. »
Par amendement n° 143, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 19 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsqu'une personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit dépose plainte contre un membre d'un conseil régional agissant en qualité de président ou par délégation de celui-ci, le procureur de la République saisit le tribunal des conflits afin qu'il apprécie le caractère sérieux et fondé de la plainte et, dans l'affirmative, qu'il détermine si les faits incriminés sont détachables ou non de leurs fonctions. Dans le cas où le tribunal des conflits déclare que les faits ne sont pas détachables de la fonction, il examine si l'auteur des faits a accompli les diligences normale compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose et dans l'affirmative ordonne le renvoi devant les juridictions administratives compétentes. Dans le cas contraire ou si les faits sont détachables de la fonction, il ordonne le renvoi devant la juridiction judiciaire compétente. »
La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 88 rectifié.
M. Alain Vasselle. Cet amendement reprend, dans son esprit, un amendement que j'avais déposé en première lecture et qui avait fait l'objet de l'assentiment de la commission des lois et de la Haute Assemblée. Il concerne l'aiguillage des plaintes déposées par certaines personnes ou certaines entreprises se considérant victimes d'initiatives prises par des magistrats municipaux dans l'exercice de leurs responsabilités.
Le présent amendement a été rejeté par la commission des lois, et j'ai bien noté dans le rapport que, si tel est le cas, c'est parce que la commission a considéré qu'il avait plutôt sa place ailleurs que dans le texte de loi sur la présomption d'innocence.
Bien évidemment, on s'est fondé sur le rapport Massot et, surtout, sur la proposition de loi de M. Fauchon, adoptée par la Haute Assemblée telle qu'amendée par la commission des lois.
Ce que j'ai lu et ce que j'ai entendu laisse à penser qu'en définitive, avec la proposition de loi de M. Fauchon, nous avons réglé de manière définitive les problèmes qui se posent aux maires.
Je pense tout particulièrement, en ce qui me concerne, aux seize maires de l'Oise qui ont connu la mise en oeuvre de la procédure pénale à leur encontre, c'est-à-dire la mise en examen et la garde à vue.
D'ailleurs, ce dossier, vieux déjà de plusieurs mois, n'a toujours pas connu, pour le moment, d'aboutissement : les maires sont encore sous contrôle judiciaire, aucune issue n'a été trouvée, le juge d'instruction n'a même pas remis son rapport et la procédure est complètement stoppée. Les maires, évidemment, vivent assez mal cette attente d'un jugement qui peut survenir à un moment ou à un autre.
Sans doute ce problème sera-t-il évoqué lorsque nous examinerons, à la fin du texte, tout ce qui a trait à la garde à vue. Les maires avaient en effet mal vécu les conditions dans lesquelles la garde à vue avait été mise en oeuvre à leur encontre : ils avaient été traités comme des criminels de grand chemin et les officiers de police judiciaire n'avaient pas fait preuve de discernement au cours de l'interrogatoire auquel ils les avaient soumis et qui avait pour but d'éclairer la justice pour savoir s'il y avait faute ou non.
Par conséquent, cet amendement vise notamment à revenir sur cette idée du filtre, qui permettrait d'orienter dans la bonne voie la plainte déposée par un administré ou par une entreprise, afin d'éviter le recours à la procédure pénale. Chacun sait qu'aujourd'hui nombre de victimes s'engagent dans cette procédure, souvent sur le conseil de leur avocat, d'une part, parce que cela ne leur coûte rien et, d'autre part, parce que cela leur permet d'obtenir plus rapidement la réparation des dommages, la procédure civile ne leur permettant pas de parvenir aux mêmes résultats.
Chacun reconnaît aujourd'hui qu'il y a une utilisation perverse de la procédure pénale et que celle-ci est complètement inadaptée aux situations vécues par les maires, par les élus.
C'est pourquoi il m'apparaît urgent que nous puissions à nouveau aller plus loin en matière d'aménagement du code de procédure pénale, mais également d'aménagement des dispositions législatives, pour que, effectivement, il y ait une procédure tout à fait adaptée aux plaintes visant les maires dans l'exercice de leurs fonctions.
Je tenais à présenter l'objet de cet amendement dès à présent devant la Haute Assemblée. J'adopterai la position qu'il me paraîtra utile d'adopter en fonction des éléments de réponse ou des considérations que ne manqueront pas d'apporter M. le rapporteur, le président de la commission des lois ou le Gouvernement sur cet amendement.
Je me réserve donc la possibilité de le retirer pour reprendre un peu plus tard l'initiative à l'occasion de la deuxième lecture de la proposition de loi de M. Fauchon devant la Haute Assemblée, sous réserve, bien entendu, d'être assuré que la commission des lois acceptera de prendre en considération une disposition de cette nature ; sans préjuger la suite qui y sera donnée par le Sénat, je veux au moins avoir l'assurance qu'elle sera examinée.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre les amendements n°s 141, 142 et 143.
M. Michel Charasse. Ces trois amendements pourraient n'en constituer qu'un seul, puisque leur philosophie est identique, mais ils visent chacun une catégorie d'élus locaux : le premier, les élus municipaux ; le deuxième, les élus départementaux ; le troisième, les élus régionaux.
La philosophie de ces trois amendements est analogue, même si le dispositif est différent, à la philosophie de l'amendement n° 88 rectifié que vient de présenter M. Vasselle.
Ce que je propose, c'est que chaque fois qu'une plainte est déposée contre un élu local, le tribunal des conflits apprécie si la plainte relève de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, puisque, contrairement à ce que l'on peut croire, tout n'est pas pénal, mais qu'aujourd'hui tout le devient, puisque tout va systématiquement devant le juge judiciaire.
Je m'étais rallié en première lecture à un amendement, je dis analogue parce qu'il n'était pas exactement le même que celui que M. Vasselle vient de nous présenter, qui partait de la même idée, même si le dispositif était défférent.
L'Assemblée nationale ne l'a pas retenu - dont acte - sans que j'arrive d'ailleurs à savoir si elle l'a contesté sur le fond ou si elle a considéré qu'il était mal placé dans le projet de loi dont nous discutons.
Monsieur le président, personnellement, je suis prêt, comme l'a laissé entendre à l'instant M. Vasselle, à renoncer à cette discussion et au vote maintenant, si nous avons l'assurance que la proposition de loi de M. Fauchon qui reviendra en deuxième lecture sera ouverte. C'est ce que l'on nous a dit la semaine dernière ; j'ai d'ailleurs accepté de retirer deux ou trois amendements la semaine dernière, en indiquant que je me réservais de reprendre cette discussion, en accord d'ailleurs avec le rapporteur de la commission des lois et peut-être même le président de la commission des lois, lorsque la proposition de loi de M. Fauchon nous sera soumise en deuxième lecture.
Mais j'ai appris tout à l'heure, de la bouche du rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, qui a prévenu mon groupe politique, qu'un accord pourrait être conclu entre M. Fauchon et l'Assemblée nationale, pour que nous votions ici, en deuxième lecture, conforme la proposition de loi de M. Fauchon modifiée et complétée par l'Assemblée nationale.
Je voudrais savoir ce qu'il en est exactement parce que l'on ne peut pas nous « baguenauder » ainsi pendant toute la session, en nous disant : ce n'est pas maintenant, c'est tout à l'heure ; ce n'est pas tout à l'heure, c'est maintenant ; ce n'est pas aujourd'hui, c'est demain, etc... ! Sur un plan purement sexuel, par exemple, certains sont devenus fous avec de tels allers et retours ! (Rires.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'aministration générale. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse. Certes, je vais vous permettre de m'interrompre, mais je voudrais savoir ce qu'il en est exactement. Cela ne nous empêchera pas de présenter nos amendements ; mais s'il doit être entendu à l'avance qu'ils ne seront pas adoptés parce que l'on veut faire un « conforme », je ne retire rien du tout !
M. le président. La parole est M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Puisque nous sommes dans le domaine de la fabulation, du on-dit ou du racontar, je ne sais vraiment pas comment vous répondre ! Ce n'est pas sérieux !
Moi, je peux vous dire qu'à ma connaissance ce texte viendra devant la commission des lois quand il reviendra de l'Assemblée nationale. Il sera normalement discuté et la commission fera les propositions qu'elle entend faire et la Haute Assemblée décidera. Il paraît peu convenant de subordonner la suite de notre discussion à...
M. Hilaire Flandre. A un engagement !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... à la vérification d'un on-dit !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur Larché, qu'il n'y ait pas de malentendu : il n'est pas question de soumettre la commission des lois à quelque mandat impératif que ce soit. Ce que nous souhaitons, et je pense que c'est également l'opinion de M. Vasselle, c'est que nos textes puissent être discutés et que le Sénat puisse se prononcer à leur sujet sans aucune obligation ni contrainte.
Si le président de la commission des lois nous confirme qu'il n'est pas question de partir sur la base d'un vote conforme - ce qui ne veut pas dire que la commission des lois n'a pas le droit de changer d'avis, lorsqu'elle sera saisie, en deuxième lecture, de la proposition de M. Fauchon - donc, si d'ores et déjà les choses ne sont pas déterminées, je veux bien en tenir compte, pour simplifier, et accepter de ne pas insister aujourd'hui comme, je le pense, M. Vasselle. Mais si nous devions nous sentir floués, lorsque la proposition de loi de M. Fauchon viendra en deuxième lecture, cela augure mal de notre souplesse et de notre bienveillance dans des débats ultérieurs.
En tout état de cause, je ne peux pas me prononcer sur l'amendement n° 88 rectifié de M. Vasselle, mais, pour ce qui est de mes amendements n°s 141, 142 et 143, compte tenu de la confiance que je porte à la parole de M. le président de la commission des lois, je les retire.
M. le président. Les amendements n°s 141, 142 et 143 sont retirés.
Monsieur Vasselle, l'amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Au bénéfice de la confiance incommensurable que je porte à M. le président de la commission et à M. le rapporteur, je suis M. Charasse en retirant mon propre amendement.
Mais les choses doivent être claires. J'ai l'habitude de parler franc et d'être très direct - je suppose que M. Charasse le ferait également - je reprendrai l'initiative lorsque la proposition de loi de M. Fauchon viendra en deuxième lecture car je tiens à dire ici - cela n'engage que moi, mais je crois savoir que quelques autres collègues ne sont pas loin de partager mon sentiment - que ce texte ne me satisfait pas.
Je considère que nous n'avons pas réglé, une fois pour toutes, le problème de l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent les élus locaux. Il faudra aller plus loin ; la proposition de loi de M. Fauchon en est l'occasion, au bénéfice d'ailleurs des réflexions et des amendements qui auront été apportés par l'Assemblée nationale. Cet éclairage supplémentaire permettra à la Haute Assemblée d'aller encore plus loin s'agissant des dispositions législatives à prendre sur ce sujet.
M. le président. L'amendement n° 88 rectifié est retiré.

Chapitre III

Dispositions renforçant le droit à être jugé
dans un délai raisonnable

Article 20