Séance du 27 avril 2000







M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
L'économiste américain James Tobin, prix Nobel, était certainement très loin de se douter que la proposition qu'il avait faite en 1978 visant à imposer les transaction monétaires à un taux de 0,1 % à 0,25 % aurait un tel retentissement. Cette idée suscite des propositions sur lesquelles les parlements débattent et se prononcent. Le 30 janvier, par 229 voix contre 223, donc d'extrême justesse, une telle proposition a été repoussée par le parlement européen. Partout dans le monde, notamment dans notre pays avec le mouvement ATTAC, des mobilisations citoyennes se développent autour de cette proposition. Je rappelle qu'au Sénat un comité a été constitué.
La taxe Tobin serait, à en croire les tenants du capitalisme, inefficace, impossible à mettre en place, inéquitable.
Voyons les chiffres.
En 1998, le montant des transactions quotidiennes opérées sur les marchés des changes a atteint 1 587 milliards de dollars ; 0,1 % de ces sommes représentent 228 milliards de dollars par an, somme de nature à faire reculer la faim dans le monde et à scolariser les 140 millions d'enfants qui ne reçoivent aucune éducation.
En France, une taxation de 0,15 % sur les achats et ventes de toute nature effectués par une personne physique ou morale domiciliée ou établie hors de France représenterait 189 milliards de francs. Serait-ce inefficace ? Serait-il injuste d'en faire bénéficier la lutte contre l'exclusion, les créations d'emplois, les minima sociaux, sans mettre à mal pour autant les profits financiers ?
La mondialisation de l'économie appelle le va-et-vient des capitaux portés sur la spéculation, les profits financiers là où ils sont le plus importants. Chemin faisant, ne doivent-ils pas rendre une partie du trop-perçu ? N'est-ce pas un principe de morale tout en restant, comme l'écrit un journaliste du Monde diplomatique , un grain de sable dans l'engrenage libéral ?
Voici ma question : puisque M. le Premier ministre s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur de la taxe Tobin, ne faut-il pas maintenant passer à l'acte ? Que comptez-vous faire en faveur de cette taxe sur les mouvements de capitaux financiers dans les espaces français, européen et mondial ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Madame la sénatrice, vous nous interrogez sur le mouvement de mondialisation en cours. Je voudrais d'emblée vous dire que je ne fais pas partie des libéraux qui en font le nouveau slogan d'un marché devenu roi (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), pas plus que je n'y vois la résurrection de la « contrainte extérieure », dont on a beaucoup parlé au cours des vingt dernières années.
Essayons de regarder les choses telles qu'elles sont, sans excès et sans illusions. Oui, la mondialisation a des effets positifs : politiquement, car, ne l'oublions jamais, ouverture économique et émancipation politique vont souvent de pair ; mais aussi économiquement, car la mobilité des hommes, des capitaux et des biens a souvent favorisé l'amélioration des conditions de vie.
Cependant, c'est vrai, ce mouvement s'est aussi accompagné d'un développement préoccupant des inégalités, tant au sein des pays industrialisés qu'entre pays riches et pays pauvres. De ce fait, les pays les moins avancés sont restés au bord de la route et, souvent, les mafias et la corruption sont venues combler le vide laissé par certains Etats.
Il faut donc maîtriser la mondialisation et contrecarrer les débordements d'un libéralisme débridé.
C'est la raison pour laquelle, depuis 1997, ce gouvernement a multiplié les initiatives : pour accroître la transparence des acteurs financiers, notamment des fonds spéculatifs, pour lutter plus efficacement contre le blanchiment, comme en témoigne le projet de loi actuellement en cours de discussion sur les nouvelles régulations économiques, pour impliquer le secteur privé dans le règlement des crises financières et, enfin, pour aider les pays à adopter des régimes de change adaptés à leur situation.
Tout cela forme un ensemble cohérent que l'on peut résumer d'un mot clé : la régulation. C'est là, en effet, le fondement de la réponse que nous apportons aux problèmes qu'entraîne la mondialisation.
La régulation entre aujourd'hui dans les faits, y compris à l'échelon international, et vous verrez que de nouvelles initiatives seront prises, à partir du mois de juillet, pour réguler les centres financiers off shore.
M. Emmanuel Hamel. Parlez français !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Bien sûr, le débat ne peut pas se réduire à la seule taxe Tobin. Celle-ci constitue une réponse possible aux excès de la spéculation, mais elle ne vaudrait, tout le monde le comprendra, que si elle était appliquée par la totalité des pays du globe. Il suffirait d'une seule exception pour faire échouer le système.
Or, aujourd'hui, il n'y a pas de consensus international pour la mise en place de cette taxe. C'est sans doute la raison pour laquelle cette idée n'a pas progressé. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

COMPENSATION PAR L'ÉTAT DES EXONÉRATIONS
D'IMPÔTS LOCAUX