Séance du 8 juin 2000







M. le président. « Art. 14 bis. - Il est ouvert à la ministre de la culture et de la communication, pour 2000, au titre du compte d'affectation spéciale n° 902-32 "Fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale", un crédit de paiement supplémentaire s'élevant à la somme de 70 000 000 F. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet article, introduit dans le texte par un amendement du Gouvernement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, suscite, au sein de la commission, une certaine perplexité.
A la vérité, la combinaison de l'article 14 bis et de l'article 14 ter confère à cette partie du projet de loi de finances rectificative une apparence quelque peu étrange. On se demande en effet pourquoi l'on crée un article ayant pour objet d'ouvrir un crédit de 70 millions de francs et l'on s'empresse d'en créer un second portant sur le même compte d'affectation spéciale et annulant un crédit de même montant !
En fait de quoi s'agit-il ? D'un exemple manifeste d'inadaptation de l'ordonnance organique, mais aussi d'une question de fond.
Le virement de 70 millions de francs concerne l'affectation du produit de la taxe de 1 % sur certaines dépenses de publicité dites « hors médias », créée par la loi de finances pour 1998. On le sait, ces ressources sont affectées au fonds d'orientation de la presse quotidienne.
Il s'agirait, ici, de virer 70 millions de francs du chapitre « Avances remboursables » au chapitre « Subventions » du même compte. Il n'y a pas de précédent, en droit budgétaire, d'article d'ouverture ou d'annulation de crédits précisant le chapitre sur lequel portent lesdits mouvements, mais il n'y a pas non plus, à notre connaissance, de précédent d'article ayant pour objet d'autoriser, s'agissant d'un compte spécial du Trésor, le virement d'un chapitre à un autre.
Sur le fond, de quoi s'agit-il ? En loi de finances initiale, donc dans les documents prévisionnels applicables, il y avait 274,5 millions de francs d'avances remboursables, au regard desquels ne sont engagés, à fin avril 2000, que 7,6 millions de francs.
Par ailleurs, toujours dans les mêmes documents, il était prévu une possibilité de 180 millions de francs de subventions - 90 millions de francs sur les crédits disponibles de 1998 et 1999, et autant sur les crédits évaluatifs de 2000 - à mettre en rapport avec les engagements pris par le comité d'orientation que j'ai cité, à savoir 279,5 millions de francs de demandes ayant reçu un avis favorable de ce comité, donc de dépenses engagées ou pré-engagées.
Nous voyons bien que, si nous adoptons le texte du Gouvernement, le déséquilibre entre avances remboursables et subventions ne sera pas pour autant complètement compensé, puisque les crédits disponibles au titre des avances remboursables restent de 205,5 millions de francs et que les crédits disponibles au titre des subventions passent à 250 millions de francs. Or, je vous le disais, il y a déjà, fin avril, 279,5 millions de francs d'engagement, ce qui laisse apparaître une impasse.
Madame le secrétaire d'Etat, pourriez-vous, d'abord nous confirmer ces chiffres, et, ensuite, nous apporter quelques explications complémentaires ?
En premier lieu, comment avez-vous pu laisser le comité d'orientation accorder des aides non conformes aux autorisations budgétaires ?
M. Michel Charasse. C'est la presse ! On ne contrôle rien, pour la presse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce comité est paritaire, monsieur Charasse, vous le savez.
M. Michel Charasse. C'est la presse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est donc composé pour moitié de représentants de la profession citée et pour moitié de représentants de l'Etat.
M. Michel Charasse. Ils sont muets !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a également un président, qui est un conseiller d'Etat,...
M. Michel Charasse. Muet !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... extrêmement digne et respectable, comme tout conseiller d'Etat. Et il y a, naturellement, les représentants du ministère du budget.
Donc, madame le secrétaire d'Etat, je le répète, comment avez-vous pu laisser un tel comité prendre des engagements au-delà de ce que lui permet le budget que nous votons ?
En second lieu, que signifient des amendements, qui, sous réserve des explications que vous allez nous donner, ne permettent pas de régulariser entièrement la situation ?
Le sentiment de la commission est que, dans cette affaire, le Gouvernement n'a pas eu les moyens de la politique de rigueur qu'il avait imprudemment affichée. Prévoir une répartition proche de 50-50 entre les avances et les subventions est une intention louable. Encore faut-il le faire en étant en mesure de contrôler le dispositif et en faisant preuve du courage nécessaire vis-à-vis des représentants de ladite profession !
M. Michel Charasse. C'est le mot de trop !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une qualité qui, aujourd'hui, est assez rarement partagée et je ne peux que le déplorer !
Ou bien alors, il fallait nous faire approuver un autre budget, plus réaliste. En fait, le budget était irréaliste ; on observe qu'il y a eu des dérapages et, subrepticement, par des amendements techniques, on nous demande d'éponger le tout.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans un autre débat, on nous considère vraiment comme une « serpillière législative » prête à tout absorber. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 14 bis .
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Simplement pour dire que ce mouvement de crédits, qui est une grande première budgétaire, puisqu'il y a un article où l'on ouvre et un autre où l'on ferme - encore qu'il ne soit pas interdit d'avoir un remords immédiat ! - ne sera certainement pas commenté par la presse comme il l'aurait été si cela avait concerné quelqu'un d'autre qu'elle-même ! (M. le président de la commission et M. le rapporteur général applaudissent.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14 bis .

(L'article 14 bis est adopté.)

Article 14 ter