Séance du 8 juin 2000







M. le président. « Art. 15 C. - Après la première phrase du sixième alinéa du IV de l'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 précitée, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les rapporteurs généraux des commissions en charge des affaires budgétaires suivent et contrôlent de façon permanente, sur pièces et sur place, l'emploi des crédits de l'ensemble des départements ministériels, l'évolution des recettes de l'Etat et de l'ensemble des recettes publiques affectées, ainsi que la gestion des entreprises et organismes visés aux articles L. 133-1 à L. 133-5 du code des juriditions financières. »
Par amendement n° 14, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, au début de la phrase présentée par cet article à insérer après la première phrase du sixième alinéa du IV de l'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958, d'insérer les mots : « Les présidents et ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans ce florilège qui nous vient de l'Assemblée nationale, on relève un petit oubli qui reflète peut-être les relations parfois un peu difficiles au quotidien, qu'entretiennent dans l'autre assemblée, les membres de la majorité gouvernementale.
Pour des raisons que nous ne nous sommes pas expliquées, les seules personnes à ne pas bénéficier du renforcement ou de la remise en ordre des pouvoirs de contrôle seraient les présidents des commissions des finances. S'il est bien question, à cet article 15 C, des rapporteurs généraux, les présidents des commissions des finances, je le répète, sont omis.
Est-ce une omission volontaire, liée peut-être au fait que certaines divergences peuvent parfois s'exprimer entre nos homologues de l'Assemblée nationale ? Est-ce un oubli matériel, lié à la hâte extrême avec laquelle ce dispositif très imparfait a été adopté ? Je laisserai nos collègues se faire leur opinion à ce sujet, mais il semble de toute façon indispensable de réparer l'oubli fâcheux de l'Assemblée nationale et de rétablir les présidents des commissions des finances dans la plénitude des prérogatives qui doivent leur revenir.
M. le président. Quel l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je pense qu'il est effectivement nécessaire de renforcer certains pouvoirs de contrôle du Parlement, car le contrôle des finances publiques est, comme l'a dit Michel Charasse, une chose ardue et parfois complexe.
Je voudrais me référer à deux articles de la Constitution.
Le dernier alinéa de l'article 47 précise que « La Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances. »
Le dernier alinéa de l'article 47-1 précise que « La Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. »
J'évoque ces deux articles parce que j'ai reçu voilà quelques instants, par porteur spécial, une lettre du premier président de la Cour des comptes, dont je me permets de donner lecture à la Haute Assemblée :
« Monsieur le sénateur,
« Deux faits récents me conduisent à attirer votre attention sur les procédures et les formes qui doivent régir les relations entre la Cour des comptes et le Parlement.
« Par lettre du 22 mai dernier, vous m'avez demandé mon accord pour "entendre" en "audition" M. Ménasseyre, président de chambre, dans le cadre d'un groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport créé par la commission des finances du Sénat. Une rencontre a eu lieu, au Sénat, le 31 mai.
« Par télécopie du 5 juin 2000, M. ..., - ici, j'omets le nom en question - administrateur de la commission des finances du Sénat, "confirme" à M. Marmot, président de chambre, que M. du Luart et vous-même l'"auditionner(ez) dans le cadre de (votre) mission de contrôle sur la MILDT, le mardi 13 juin, à dix-huit heures, à la commission des finances du Sénat".
« Dans les deux cas, l'intérêt de tels contacts ne fait aucun doute. La forme qu'ils revêtent doit en revanche être précisée : s'il est loisible aux commissions permanentes des deux assemblées, ainsi qu'aux commissions d'enquête, de convoquer pour audition le Premier président de la Cour des comptes ou un autre membre de la juridiction, il n'entre pas dans les pouvoirs d'un ou plusieurs parlementaires, fussent-ils rapporteurs spéciaux ou membres d'un groupe de travail créé par une commission permanente, de convoquer des magistrats de la Cour.
« Les présidents de chambre sont bien entendu tout à fait disposés à recevoir à la Cour les parlementaires qui souhaitent recueillir leur avis, dans les limites imposées à tout magistrat par le code des juridictions financières.
« En l'occurrence, le président Marmot vous recevra bien volontiers, à la date dont vous conviendrez.
« Je vous prie d'agréer, Monsieur le sénateur, l'expression de ma considération distinguée. »
Evidemment, cette lettre arrive fort à propos. Je me réfère, moi, non pas au code des juridictions financières, mais à la Constitution.
Je suis moi-même magistrat détaché de la Cour et parlementaire en exercice. Je m'interroge sur les préoccupations de préséance formulées par M. le Premier président de la Cour des comptes, alors qu'il s'agit du problème extrêmement important du contrôle des finances publiques et du rôle du Parlement.
Certes, un parlementaire ne saurait convoquer un magistrat au gré de son humeur. En revanche, dans le cadre des missions qui lui sont confiées par une assemblée parlementaire, au moment où nous discutons des dispositions de l'article 15 C, je pense que le problème posé par le premier président de la Cour des comptes mérite d'être réglé sur le plan des principes, et qu'il faut redéfinir les relations qui existent entre les assemblées parlementaires, donc le Sénat, et la Cour des comptes. Dès lors, il ne me paraît pas inutile de modifier la loi afin de préciser les modalités pratiques d'application du dernier alinéa de chacun des articles 47 et 47-1 de la Constitution.
J'en reviens aux excellents propos de M. Lambert. Les dispositions que nous examinons ne sont pas mauvaises. Elles sont utiles. Toutefois, elles sont totalement insuffisantes. Si le Parlement veut exercer vraiment ses missions de contrôle sur les comptes publics de l'Etat, de la sécurité sociale ou des organismes aidés ou financés par l'Etat, il convient de revoir l'ensemble du dispositif et de donner au Parlement les pouvoirs - et j'allais dire les prééminences -, qui doivent être les siens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Sans vouloir prolonger ce débat, je m'interroge sur deux points s'agissant de l'article 15 C.
Les dispositions de l'article 164-IV, notamment de son dernier alinéa, ont été introduites depuis très longtemps dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 concernant, dans son article 6, les pouvoirs des commissions d'enquête. Or, jusqu'à présent, nous avons toujours aligné les pouvoirs des commissions d'enquête en matière budgétaire sur les pouvoirs des rapporteurs spéciaux des commissions des finances.
A partir du moment où l'on étend ces pouvoirs aux rapporteurs généraux et, avec l'amendement accepté fort heureusement par le Gouvernement, aux présidents des commissions des finances, je me pose la question de savoir s'il ne faudrait pas profiter de l'opportunité de ce texte pour compléter l'article 6 de l'ordonnance de 1958 sur les commissions d'enquête et prévoir que les présidents des commissions d'enquête auront les mêmes pouvoirs que les présidents des commissions des finances, puisque les rapporteurs de ces commissions ont les mêmes pouvoirs que les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux.
Voilà les deux points sur lesquels je voulais intervenir. Il est trop tard pour déposer des amendements, le délai limite étant passé, mais je suggère que la question soit réglée à l'occasion de la navette, car en matière de contrôle parlementaire, vous le savez, mieux vaut éviter les chicaneries quant on est in situ !
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. J'approuve, bien sûr, l'amendement n° 14, qui donne pouvoir au président de la commission des finances d'exercer les fonctions de contrôle au même titre que les rapporteurs spéciaux et le rapporteur général.
Si je prends la parole, c'est pour lancer un appel aux fonctionnaires qui sont chargés d'appliquer les lois de la République, notamment les lois de finances. Il ne faut pas voir dans ma démarche matière à suspicion à l'égard de ces fonctionnaires ; il s'agit simplement de rappeler les fondements de la République.
Si les parlementaires ont dans leurs attributions de voter les lois, ils ont aussi pour rôle - mais peut-être ne l'ont-ils pas assez exercé jusqu'à ce jour - de veiller à la bonne application des lois de finances, que ce soit du côté des recettes ou de celui des dépenses.
A ce point de mon explication de vote, je voudrais rappeler à mes collègues que, voilà quelques années, un préfet de région a refusé que je vienne vérifier l'état de construction des routes qui étaient inscrites dans le budget dont j'étais le rapporteur !
M. Michel Charasse. Il n'avait pas l'accord de la CGT !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes toujours sénateur alors que le préfet n'est plus préfet !
M. Paul Loridant. J'ajoute que le président de la commission des finances avait bien évidemment réagi, à l'époque. C'est aujourd'hui le président du Sénat, M. Poncelet.
Si je dis cela, c'est parce que je voudrais que les fonctionnaires, à tous les niveaux, entendent bien que les parlementaires ne sont pas là pour leur faire des misères ; ils sont là pour exercer strictement leurs fonctions.
M. Michel Charasse. Exactement !
M. Paul Loridant. Lorsque nous nous déplaçons sur le terrain, il y a non pas lieu de chercher des poux dans la tête des parlementaires, mais, au contraire, de les aider à exercer leurs fonctions. ( Applaudissements.)
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15 C, ainsi modifié.

(L'article 15 C est adopté.)

Article 15 D