Séance du 13 juin 2000






EN SITUATION PRÉCAIRE

M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, auteur de la question n° 825, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer de nouveau votre attention sur le problème rencontré à Paris et en Ile-de-France par les locataires des appartements mis en vente par les bailleurs institutionnels dans le cadre de ce que l'on a appelé les « congés-ventes ».
Grâce à votre intervention, la commission nationale de concertation avait abouti à un accord entre associations de locataires et associations représentant les bailleurs en juillet 1998. Cet accord a ensuite été étendu par décret en juillet 1999.
Ma première question, monsieur le secrétaire d'Etat, est de savoir ce que deviendra cet accord après le vote de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, en cours d'examen.
Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur une difficulté intervenue dans l'application de l'accord.
Cet accord est destiné à protéger les locataires dans la procédure des congés-ventes mise en oeuvre par les bailleurs institutionnels ayant bénéficié d'une aide de l'Etat. Une des dispositions prévoyait la reconduction automatique du bail pour les personnes handicapées, âgées ou dans toute situation de précarité pouvant la justifier.
Cette disposition est particulièrement importante, car pour toutes ces personnes fragilisées un déménagement et l'obligation de quitter le quartier où elles ont leurs repères constituent un véritable traumatisme.
Dans l'esprit des associations, les bailleurs s'étaient engagés, par cet accord, à renconduire à vie le bail de ces locataires. Malheureusement, la pratique a montré que les bailleurs signataires de l'accord le vidaient de sa substance en vendant occupés les appartements concernés. La garantie instituée est ainsi anéantie puisque l'acquéreur, personne physique ou morale, n'est pas soumis aux mêmes obligations que le bailleur institutionnel. Cette pratique, contraire à l'esprit sinon à la lettre de l'accord, doit être corrigée.
Ma seconde question, monsieur le secrétaire d'Etat, consiste donc à vous demander quelles dispositions peuvent être envisagées pour que l'obligation de reconduction automatique du bail des locataires en situation précaire, reposant initialement sur le bailleur institutionnel, puisse être transférée vers l'acquéreur de l'immeuble.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Madame la sénatrice, l'accord sur les congés-ventes conclu le 7 juillet 1998 est le fruit d'une négociation collective exemplaire au sein de la commission nationale de concertation, négociation à laquelle j'ai participé, mais dont vous étiez largement l'inspiratrice.
Cet accord a fait l'objet d'une extension par décret en juillet 1999, qui garantit son application à tous les bailleurs privés institutionnels. Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, SRU, conforte ces dispositions et étend leur champ d'application à tous les bailleurs personnes morales.
Par cet accord, les partenaires, représentants des locataires et représentants des bailleurs institutionnels, ont recherché des solutions aux difficultés éprouvées par certains locataires recevant des congés, sans cependant remettre en cause l'équilibre des droits et obligations des propriétaires et des locataires établi par la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs.
Les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 interdisent déjà au bailleur de donner congé à une personne âgée de plus de soixante-dix ans et de ressources modestes, c'est-à-dire inférieures à une fois et demie le SMIC, s'il ne lui fait pas une offre de relogement à proximité de son logement actuel et conforme à ses besoins ainsi qu'à ses possibilités.
Les dispositions plus spécifiques prévues dans l'accord congé-vente répondent au souci de protéger les locataires les plus faibles ou âgés, sans toutefois amener à un blocage de toute évolution qui ferait peser sur d'éventuels acquéreurs, personnes physiques, le cas échéant, des contraintes plus fortes que celles qui sont prévues dans la loi relative aux rapports locatifs.
Sil est vrai que la reconduction automatique sans limite du bail pour des locataires qui ne sont pas des résidents de logements du secteur HLM paraît difficile, car, là, on s'éloigne totalement de la logique de la loi du 6 juillet 1989, il pourrait être envisagé que la vente des logements occupés par des locataires particulièrement protégés par l'accord se fasse à des acquéreurs dont l'objectif serait de conserver le bien à usage locatif.
J'ai demandé que la commission nationale de concertation fasse un bilan de l'application de l'accord congé-vente. Dans ce cadre, cette piste pourrait être explorée. Si des modifications de cet accord devaient intervenir, ce serait, bien évidemment, à l'issue de nouvelles discusions entre bailleurs et locataires, et ce pour rester dans la logique de l'approche qui a prévalu dès le départ, c'est-à-dire il y a maintenant près de deux ans.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous venez de me donner. J'enregistre avec satisfaction que la loi SRU va étendre les garanties prévues par l'accord à l'ensemble des bailleurs institutionnels et que, par ailleurs, la pérennité de l'accord est assurée.
Néanmoins, vous l'avez noté, l'un de nos objectifs - il est d'ailleurs central dans la loi SRU - lorsque nous avions demandé l'ouverture de ces négociations, était le maintien de la mixité sociale dans l'ensemble de nos quartiers. Or, les immeubles concernés par les congés-ventes contribuent au maintien de cette mixité sociale, puisque les prix des loyers y sont généralement inférieurs à ceux du marché.
Voilà pourquoi nous souhaiterions la mise en place d'un dispositif permettant, lorsqu'il y a vente par les bailleurs institutionnels, que les acquéreurs soient des acquéreurs du secteur social, car ils pourraient, effectivement, continuer à maintenir ces appartements dans le secteur locatif. Ce serait une garantie de mixité sociale, celle-ci n'étant pas assurée si la vente se fait à des bailleurs privés, qui n'ont aucune obligation à cet égard.
Par ailleurs, la vente à des bailleurs du secteur social permettrait de garantir le maintien dans les lieux des locataires en situation de précarité, dont la situation faisait plus particulièrement l'objet de ma question.
J'ai bien enregistré, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous envisagiez de lancer une nouvelle négociation. Les associations de locataires y seront sans doute très sensibles et très attentives.

DEMANDE DE SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE