Séance du 14 juin 2000







M. le président. « Art. 38. - Dans les conditions fixées par une loi ultérieure, il sera créé dans la région de la Réunion, au plus tard le 1er janvier 2002, deux départements qui comprendraient respectivement les communes suivantes :
« - d'une part, La Possession, Le Port, Saint-Denis, Sainte-Rose, Sainte-Marie, Sainte-Suzanne, Saint-André, Bras-Panon, Saint-Benoît, Plaine-des-Palmistes et Salazie ;
« - d'autre part, les Trois-Bassins, Saint-Paul, l'Etang-Salé, Saint-Leu, Les Avirons, Saint-Louis, Cilaos, Entre-Deux, Le Tampon, Saint-Pierre, Petite-Ile, Saint-Joseph et Saint-Philippe. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 31 est présenté par M. Balarello, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 123 est déposé par MM. Lauret, Lanier, Mme Michaux-Chevry, M. Reux et les membres du groupe RPR et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 31.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 38 prévoyant la bidépartementalisation de la Réunion. En effet, une telle réforme, qui pourrait être justifiée par des considérations relatives à l'évolution démographique ou à l'aménagement du territoire, ne devrait être envisagée que si elle rencontrait l'accord unanime des élus réunionnais. Or tel n'est pas le cas.
Certes, une majorité des parlementaires de l'île se sont prononcés en faveur de la création d'un second département, mais le conseil général comme le conseil régional ont émis un avis défavorable sur l'avant-projet de loi.
Cette réforme ne devrait pas non plus être envisagée sans l'adhésion de la population locale. Or la population réunionnaise, consultée par deux sondages, a montré sa vive hostilité au projet de bidépartementalisation : selon l'un de ces sondages, 32 % seulement des Réunionnais seraient favorables à la création d'un second département.
Par ailleurs, plusieurs organisations socioprofessionnelles, que nous avons d'ailleurs rencontrées, ont également exprimé des réserves sur ce projet. En effet, leurs représentants doutent que la bidépartementalisation puisse constituer un moteur de développement et créer des emplois.
Au demeurant, force est de constater qu'une réforme administrative telle que la bidépartementalisation ne saurait constituer à elle seule une réponse au problème majeur que connaît actuellement la Réunion, à savoir la situation de l'emploi, alors même qu'elle aura un coût important pour les finances publiques.
M. le président. La parole est à M. Lauret, pour défendre l'amendement n° 123.
M. Edmond Lauret. Département français depuis 1946, la Réunion bénéficie aujourd'hui d'une stabilité sociale, économique et politique unique dans sa zone géographique.
Cette stabilité est due en grande partie à l'existence d'un conseil général bénéficiant d'une image de rigueur dans la gestion des deniers publics et capable de mettre en oeuvre avec efficacité, en partenariat avec les autres collectivités locales, des projets structurants à l'échelle régionale.
L'aménagement du territoire est une priorité pour ce département, qui mène actuellement avec efficacité des réformes ambitieuses, comme le basculement des eaux des régions humides vers les régions plus sèches ou encore une politique de développement sur l'ensemble de l'île.
Ce type de réforme nécessite une collectivité de taille importante au point de vue tant de la décision politique que du portage financier ou de la mise en oeuvre technique.
Dans ces conditions, scinder en deux le département actuel constituerait une erreur stratégique majeure pour au moins quatre raisons évidentes.
Premièrement, trois entités politiques sur un même territoire de 2 500 kilomètres carrés accroissent les risques de conflits sur les grands objectifs à atteindre.
Deuxièmement, le blocage institutionnel et administratif de la Réunion aboutira à une exacerbation des tensions sociales dans l'île et peut-être même à la naissance ou à la renaissance de mouvements autonomistes ou indépendantistes.
Troisièmement, cette instabilité est néfaste dans une négociation face aux instances européennes, alors que les années à venir seront celles de la mise mise en place du nouvel article 299-2 du traité d'Amsterdam et seront une période durant laquelle nous devrons définir des adaptations pour l'outre-mer dans les domaines économiques et fiscaux, clés de voûte du développement.
Quatrièmement, enfin, étant une source de dépenses inutiles, la bidépartementalisation constituera un prétexte facile afin de faire stagner, voire de faire reculer les crédits publics à destination de la Réunion.
Je passe sur les sondages - selon le dernier d'entre eux, 32 % des Réunionnais sont opposés à ce projet - ainsi que sur les manifestations.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est indispensable de clarifier ce soir certains discours ou certains écrits au sujet de ce projet de découpage. Les décisions des collectivités locales, départementales et régionales sont limpides et sans appel : 27 conseillers généraux contre 22 se sont prononcés contre le premier projet de scission ; 27 conseillers généraux contre 22 se sont prononcés contre le principe même de la bidépartementalisation ; 25 conseillers régionaux contre zéro se sont prononcés contre le premier projet gouvernemental ; enfin, 25 conseillers régionaux contre 20 se sont prononcés contre le principe même de la scission.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit là de majorités importantes, contrairement à ce que vous avez avancé hier. Penseriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que les appuis que nous avons reçus de trois de vos amis doivent être rejetés ? Je ne peux l'imaginer !
Le 17 février 2000 - c'est-à-dire avant l'avis des élus, - M. le Premier ministre justifiait son projet de découpage par la « demande exprimée majoritairement par les élus ». Vous savez, mes chers collègues, quel a été l'avis des élus !
Notre secrétaire d'Etat à l'outre-mer a déclaré ceci avant l'avis des élus : « Nous proposons cette bidépartementalisation. Il est évident que si, du côté de la Réunion, une majorité d'avis hostiles apparaît, à ce moment-là, les conditions ne seront pas réunies pour créer les deux départements. Je pense que le Gouvernement ne vise pas à imposer cette bidépartementalisation. »
Le Président de la République, que M. le secrétaire d'Etat aime citer régulièrement, a conditionné la réforme éventuelle au respect des principes de la République et de la démocratie, et à l'accord des élus. Ces conditions ne sont pas réunies.
Je passe sur les avis de l'Association des maires de France l'AMF, du Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, de l'ordre des avocats, du Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, des syndicats ouvriers, des associations de chômeurs, du Conseil d'Etat, de l'Eglise, des chambres de commerce, etc.
S'il vous plaît, mes chers collègues, arrêtons de jouer avec le statut de notre département ! Aidez-nous à développer l'emploi, la formation, le logement, et vous verrez que tout ira mieux. Les Réunionnais veulent seulement travailler ! S'il faut découper quelque part, faites-le là où les populations le demandent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement souhaite le maintien de l'article 38. Il a tenu compte des avis qui ont été exprimés, notamment sur le découpage.
Je ne partage pas la description des risques qu'évoquait à l'instant M. Lauret. Il n'y a pas de mise en cause de la Réunion en tant qu'entité géographique et politique, à laquelle les citoyens sont attachés. Une région « Réunion » subsistera, avec deux départements qui seront chargés de l'organisation administrative et de l'équilibre du territoire.
Nous sommes très loin de la diabolisation de ce projet de loi telle qu'elle est opérée. Il faut, dans ce domaine, raison garder et essayer de voir ce qui peut rapprocher le pouvoir des citoyens et mieux organiser le service public dans ce cadre.
M. Lauret a cité des organisations qui ont pris position contre la bidépartementalisation ; je pourrais en citer beaucoup qui ont pris position pour, en particulier les élus du sud de la Réunion, très largement, qui aspirent à cette création, précisement pour donner une chance supplémentaire au développement du sud de l'île.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 31 et 123.
M. Paul Vergès. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Certains des discours prononcés ici me rajeunissent de plus de cinquante ans. En 1943, 1944, 1945 et 1946, j'ai entendu les mêmes discours de diabolisation. On disait alors : Si la Réunion se transforme de colonie en département, ce sera un désastre économique ! Faites attention ! On introduira l'impôt sur le revenu, la sécurité sociale ! Et les moyens étaient ceux d'aujourd'hui.
Aujourd'hui, le mot d'ordre est : « Coup' pa nous » ! Ne nous coupez pas en deux ; ne créez pas un second département !
A l'époque où l'on a introduit la sécurité sociale, les grands propriétaires fonciers de l'époque mettaient les salaires de leurs journaliers agricoles en deux tas et leur disaient : actuellement, ton salaire est égal aux deux tas ; mais, après la création du département, le Gouvernement t'en prendra une partie. Et l'on a fait assommer ainsi des contrôleurs de la sécurité sociale ! Le département constituait, aux yeux des gens, une régression par rapport à la colonie. Des associations, beaucoup de maires - contre les députés, c'est vrai - ont pris position contre la transformation. Aujourd'hui, on ne discute plus la départementalisation, et on ne sait même plus qui a fait classer la Réunion comme département. Comme disait Kennedy, la victoire a de nombreux pères, et la défaite est orpheline.
Nous assistons exactement au même scénario aujourd'hui. Or, qu'y a-t-il de dramatique ? On peut bien sûr discuter sur le fond pour savoir s'il faut ou non créer un second département, mais il ne faut quand même pas dramatiser et dire que l'on va trancher dans la chair des Réunionnais !
Hier, dans la discussion générale, on a évoqué la concentration à Saint-Denis de toutes les activités, ce qui amène 60 000 voitures chaque jour dans cette ville. Le matin, il y a deux voies pour entrer à Saint-Denis et une voie pour en sortir, le soir il y a deux voies pour sortir de la ville et une seule pour y entrer. Les gens viennent de toute l'île travailler à Saint-Denis parce que s'y trouvent concentrés les administrations, les services, les sièges sociaux...
En redonnant son rôle à Saint-Pierre, ancienne capitale politique de l'île, en dédoublant ce département, vous obtiendriez déjà un résultat sur ce simple problème. C'est tellement évident que la totalité des partis politiques de la Réunion ont, à un moment ou à un autre, demandé la création de deux départements. Tous, y compris vous, monsieur Lauret ! En tant que président du conseil régional, j'ai le texte, signé de votre main voilà deux ans, posant comme préalable à la désignation du président du conseil régional la création de deux départements.
Alors, cessons de faire croire à notre assemblée, qui ne connaît pas les détails, que la situation est tragique. Ce n'est pas vrai ! On fait peur aux gens en transformant une réforme administrative en changement de statut. Certains ont même osé dire que la création de deux départements était la voie ouverte à l'indépendance ! Et il ne suffit pas de susciter l'affolement pour réaliser une grande opération politique !
Lorsque vous dites qu'il faut à tout prix créer de nouvelles communes, vous recueillez l'unanimité ! Mais personne ne dit combien coûteront ces nouvelles communes ni combien coûtera leur fonctionnement !
Il ne s'agit d'ailleurs pas d'adopter le modèle métropolitain. J'entendais l'un de mes collègues dire : en France, on fait comme ceci ou comme cela. Toutefois, il est évident que l'histoire de la formation des collectivités locales à la Réunion n'est pas la même qu'en métropole. S'il y a bien quelque chose que nous voulons éviter, ce sont ces petites communes de quelques certaines d'habitants.
M. Jean-Jacques Hyest. Bien entendu, et c'est ce que j'ai dit tout à l'heure !
M. Paul Vergès. Nous tenons donc compte de la progression démographique et nous disons que l'idéal, compte tenu de la géographie de l'île, de son caractère montagneux, des distances et de la population, c'est de nous orienter vers des communes de plus ou moins 25 000 habitants, selon l'existence ou pas d'une agglomération urbaine. C'est en fonction de cette considération que se dégage une unanimité pour créer de nouvelles communes, et là, on ne pose pas la question du coût !
Mais comment, cependant, amener la création de nouvelles communes, laquelle dépend de la volonté des maires, si l'on s'oppose à ce que le Gouvernement crée un second département ? La création de nouveaux cantons, de nouvelles communes et d'un nouveau département fait partie d'une réforme administrative générale, et aucun de ces éléments n'est dissociable de l'ensemble. Sur ce plan, il suffit d'examiner les chiffres.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Paul Vergès. Je ne sais pas si je pourrai vous convaincre ; en tout cas, ce que je sais, c'est que la totalité des hommes politiques de la Réunion ont signé une demande de création rapide de deux départements. Ils changent d'avis, j'en prends acte. Mais, je vous le dis, ne perdez pas l'occasion d'une réforme historique, ne laissez pas aujourd'hui échapper l'occasion de la création d'un second département, car vous y serez amenés de toute façon par l'expression d'une demande lucide, raisonnée de l'ensemble de la population.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, j'aime bien les raccourcis historiques et, effectivement, on peut s'interroger, librement et sans pression. J'ai tout de même l'impression que, d'une certaine manière, la création d'un second département a des raisons plus politiques que d'aménagement du territoire.
M. Jean Arthuis. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a tout de même un organe important, le Conseil d'Etat, qui a eu à se prononcer ! Nous n'avons pas eu son avis, mais nous le connaissons à peu près : il a trouvé cette mesure inopportune, en termes d'aménagement du territoire.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Le Conseil d'Etat doit se prononcer en droit et non pas en opportunité !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le secrétaire d'Etat, veuillez m'excuser de vous dire que, à partir du moment où l'on parle de découpage, le Conseil d'Etat a évidemment le droit de dire - parce que c'est son rôle : il est le conseil de l'Etat - que la création d'un second département ne lui paraît pas indispensable pour le développement économique et social de la Réunion.
Tous les arguments qui ont été donnés sur le plan de l'aménagement du territoire ne me paraissent pas pertinents. La Réunion constitue une unité, et ce n'est pas parce que l'on mettra une préfecture dans un coin et une préfecture dans l'autre que l'on évitera la circulation importante sur la route du littoral. Cela ne tient pas ! Sauf si, comme je l'ai dit l'autre jour, on crée, dans le cadre de la loi d'orientation qui vise à développer l'emploi, quelques administrations locales et quelques mandats électifs en plus. Ce serait une raison tout à fait pertinente, mais je crois vraiment que ce n'est pas l'intérêt de la Réunion aujourd'hui.
Je rappellerai d'ailleurs que le département de la Seine-et-Marne, cher à M. le président de la commission des lois et à moi-même, a connu une progression démographique beaucoup plus importante que l'île de la Réunion, puisque sa population est passée de 500 000 habitants à 1,2 million d'habitants. Certains prônaient la création d'un second département. Nous considérons au contraire que notre force, c'est l''unité, et qu'il serait très difficile, en découpant la Seine-et-Marne en deux départements, de parvenir à un équilibre démographique et surtout économique. En définitive ce serait un appauvrissement plutôt qu'un enrichissement.
Je crois vraiment - et ce n'est pas pour faire plaisir aux uns ou aux autres qui, selon peut-être les moments, ont eu un avis différent, parce que, comme vous l'avez dit, vous aimez bien les joutes politique - que, aujourd'hui, ce n'est pas l'intérêt de la Réunion de créer un second département. De plus, alors que nous cherchons à fournir les moyens pour le développement économique et social, une telle mesure aurait un coût extrêmement élevé sans présenter d'avantage particulier. C'est pourquoi je soutiendrai la position de la commission des lois.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Je ne souhaite pas revenir sur tout ce qui a été dit hier concernant cette bidépartementalisation. Je vous en ai très longuement parlé, monsieur le secrétaire d'Etat, et j'ai même fait appel à vous, appel à votre logique, appel aussi à un argument dont vous excipez régulièrement depuis le début de cette discussion : « Je ne ferai rien sans l'avis majoritaire et même largement majoritaire des populations. »
Certes, je viens d'entendre M. Vergès, et je reconnais que son grand talent ferait fondre un coeur de pierre. (Sourires.) Mais, malheureusement, ses références au passé ne me touchent plus. C'est un passé que je n'ai pas connu, en tout cas ici, ni même dans ma carrière politique. Et quand bien même le passé est le passé, les choses évoluent, et c'est peut-être l'intelligence du politique que de savoir évoluer avec elles pour appréhender la réalité telle qu'elle est.
Si je me réfère au passé, il y a bien un exemple de bi-départementalisation récente qui me vient à l'esprit, celui qui a été réalisé dans une île,...
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Lucien Lanier. ... et je ne peux pas dire que cela lui ait porté bonheur !
Alors, allons-nous recommencer la même erreur avec la Réunion ? Ne faut-il pas considérer que rien n'est mûr en définitive pour imposer, pour faire passer en force dans la loi cette bidépartementalisation à laquelle sont hostiles la grande majorité de la population - elle compte bien autant que les élus - et la plupart des élus - je ne sais pas ceux auxquels vous faisiez allusion, monsieur Vergès - et d'abord ceux qui ont en charge l'administration du département, que ce soit le conseil général ou le conseil régional.
Monsieur le secrétaire d'Etat, allez - vous persister à être en contradiction avec vous-même en disant qu'il faut absolument faire la bidépartementalisation parce que c'est le bonheur de la Réunion ? Qui vous dit que c'est le bonheur de la Réunion ? M. Vergès nous déclarait tout à l'heure que nous avions tort de croire que le découpage en deux départements aboutirait à la destruction de la Réunion. Qui me le prouve ? Quelle preuve m'apportez-vous de cette affirmation ? Moi, je ne vous affirme pas du tout que la bidépartementalisation fera le bonheur ou le malheur de la Réunion ; je dis que, pour l'instant, la majorité de ceux qu'elle concerne ne sont pas d'accord.
Alors, soyons logiques avec ce que veut cette loi. Vous avez demandé depuis le début, monsieur le secrétaire d'Etat, que les conseils, les avis viennent vers vous de la base. Ils y sont maintenant. Et, sur ce problème de la bidépartementalisation, vous avez des avis négatifs.
Si vous êtes vraiment logique avec vous-même, vous ne considérerez pas que la bidépartementalisation est réclamée, qu'elle doit faire le bonheur, demain, de la Réunion. En tout cas, peut-être fera-t-elle le bonheur de certains intérêts particuliers, mais certainement pas le bonheur de l'intérêt général ! (MM. Lauret et Arthuis applaudissent.)
M. Lylian Payet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Payet.
M. Lylian Payet. Monsieur le président, hier, à cette tribune, j'avais dis que je n'étais pas un farouche défenseur de la bidépartementalisation. En écoutant aujourd'hui les arguments de certains collègues qui connaissent mal la Réunion,...
M. Lucien Lanier. Ah !
M. Lylian Payet. ... voire qui ne la connaissent pas du tout, et qui parlent à notre place, je suis en train de devenir un défenseur de la bidépartementalisation.
Il est vrai qu'une majorité d'élus à la Réunion appellent la bidépartementalisation de leur voeux. Seize maires sur vingt-quatre, cela ne compte pas ? Sept parlementaires sur huit, cela ne compte pas ?
Par ailleurs, comme vous le savez très bien, les majorités du conseil général et du conseil régional ont été faussées par un problème émanant d'un parti soutenant le Gouvernement : les socialistes ont voté avec la minorité du conseil général et du conseil régional parce que la frontière ne correspondait pas à ce qu'ils souhaitaient.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh bien oui, et alors ?
M. Lylian Payet. Le débat a donc été faussé.
Je remercie en tout cas certains de nos collègues qui ont parlé en notre nom : ils sont en train de me faire devenir bidépartementaliste, et je soutiendrai la proposition du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest. Parce qu'on n'a pas le droit, en tant que parlementaire, de s'exprimer ? C'est nouveau !
M. Edmond Lauret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Je voudrais tout de même clarifier les choses. Ce n'est pas le tracé qui a fait l'objet du vote ! Dans son premier projet, M. le secrétaire d'Etat avait présenté un tracé précis du découpage. Le conseil général et le conseil régional l'ayant refusé, des amendement ont été présentés, appelant à se prononcer sur le principe de la bidépartementalisation. Le conseil général a dit non, le conseil régional a dit non. Tout cela est écrit, je tiens les procès-verbaux des délibérations à votre disposition !
M. Jean Arthuis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. J'avais, jusqu'à ce soir, une hésitation sur l'opportunité de la bidépartementalisation. J'ai écouté les uns et les autres, notamment M. Balarello, rapporteur de la commission des lois, et M. Lauret, et j'avoue que leurs arguments sont déterminants.
Comment peut-on invoquer une bidépartementalisation pour contribuer au développement de l'île de La Réunion ? Nous connaissons un exemple proche qui est riche d'enseignements ! Qui peut dire que la bidépartementalisation, en Corse, soit un facteur de réussite ?
Cessons d'invoquer des institutions politiques sans doute créatrices d'emplois parce que l'on va multiplier les postes de la fonction publique territoriale, et peut-être les postes d'élus, mais cela va-t-il créer la valeur ajoutée dont on a besoin pour contribuer au progrès économique et à la cohésion sociale ? Je ne le crois pas.
Moi, je suis attentif aux arguments développés par M. Lauret : il y a des élus locaux qui assument pleinement leurs responsabilités et qui ont manifesté leur choix.
Je m'opposerai donc avec détermination - et mon groupe avec moi - à la bidépartementalisation, car ce n'est en aucune façon une voie d'avenir ou de progrès. Il faut, au contraire, rassembler les acteurs économiques, sociaux et politiques de la Réunion, qui ont déjà manifesté leur capacité à s'unir pour former un projet, une ambition.
La bidépartementalisation est une fausse fenêtre, que nous combattrons.
M. Jacques Larché. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jacques Larché.
M. Jacques Larché. Je souhaiterais poser une question sur un point qui n'a pas été évoqué, me semble-t-il, suffisamment : nous sommes tous préoccupés de l'avenir économique de La Réunion et de l'utilité de la dépense publique ; dans ces conditions, je voudrais que M. le secrétaire d'Etat nous communique de manière précise les résultats de l'étude d'impact à laquelle il n'a certainement pas manqué de se livrer sur le coût global de cette bidépartementalisation. A quel montant de dépenses celle-ci serait-elle susceptible, le cas échéant, d'aboutir ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Pour répondre à M. Larché, j'indique qu'il n'y a pas eu d'étude d'impact s'agissant du coût financier de la mesure proposée. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) Les sommes qui ont été évoquées ici ou là ne correspondent donc pas à la réalité.
M. Jacques Larché. Lesquelles ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je voudrais également dire que l'exigence d'une décentralisation s'appuyant sur deux départements est déjà portée par l'évolution d'un certain nombre d'administrations. J'ai, par exemple, installé la direction départementale de l'agriculture dans le sud de La Réunion, parce qu'il fallait tenir compte des déséquilibres existants.
On le constate, il y a des réalités différentes au niveau du département, et je pense que la bidépartementalisation permettra une meilleure administration des collectivités.
M. Jacques Larché. Ce n'est pas la solution !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 31 et 123, repoussés par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 203
Contre 111

En conséquence, l'article 38 est supprimé.
Nous en revenons à l'amendement n° 38, qui a été précédemment réservé et qui tend, je le rappelle, à supprimer la division et l'intitulé du chapitre IV du titre VI.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Défavorable, par coordination.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, la division et l'intitulé du chapitre IV du titre VI sont supprimés.

Division et articles additionnels après l'article 38