SEANCE DU 17 OCTOBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 22, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 54 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - La loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat est ainsi modifiée :
« I. - L'article 36-1 est ainsi modifié :
« a) Les mots : "1 000 places" sont remplacés (trois fois) par les mots : "800 places".
« b) Avant le dernier alinéa sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« - le respect des engagements de programmation éventuellement contractés en application de l'article 90 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 ;
« - le projet de programmation envisagé pour l'établissement, objet de la demande d'autorisation ;
« - les relations avec les établissements de spectacles cinématographiques de la zone d'attraction concernée ;
« - la qualité architecturale du projet. » ;
« c) Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'autorisation de la commission départementale d'équipement cinématographique s'appuie notamment sur le projet de programmation présenté par le demandeur, ce projet fait l'objet d'un engagement de programmation soumis aux dispositions de l'article 90 mentionné ci-dessus. »
« II. - A la fin du cinquième alinéa du I de l'article 36-2, les mots : "ayant la qualité de magistrat" sont supprimés.
« III. - L'article 36-4 est ainsi modifié :
« a) Au début du deuxième alinéa, après les mots : "à l'initiative du préfet" sont insérés les mots : "ou du médiateur du cinéma". ;
« b) Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de rejet pour un motif de fond de la demande d'autorisation par la commission nationale susmentionnée, il ne peut être déposé de nouvelle demande par le même pétitionnaire, pour un même projet, sur le même terrain pendant une période d'un an à compter de la date de la décision de la commission nationale. »
« B. - Après le quatrième alinéa, il est inséré dans l'article 90 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la création d'un établissement de spectacles cinématographiques est soumise aux dispositions de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, l'engagement de programmation prévu à l'article 36-1 de la loi précitée est notifié au directeur du Centre national de la cinématographie et contrôlé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements présentés par MM. Pelchat, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Le sous-amendement n° 644 rectifié tend à supprimer l'avant-dernier alinéa du b du I du A de l'amendement n° 22.
Le sous-amendement n° 645 rectifié vise à supprimer le deuxième alinéa a du III du A de l'amendement n° 22.
La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 22.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. J'ai l'honneur de vous présenter deux mesures importantes et attendues, visant à réguler le développement économique et commercial de l'exploitation cinématographique. Il s'agit, d'une part, d'une meilleure régulation de l'implantation des multiplexes, et c'est l'objet de l'amendement n° 22. Il s'agit, d'autre part, du nécessaire encadrement législatif des cartes dites d'abonnement illimité au cinéma, mesure sur laquelle je reviendrai lors de l'examen de l'amendement n° 23 rectifié. Ces dispositions trouvent, aux yeux du Gouvernement, une place légitime dans le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques.
L'amendement n° 22 vise, dans la suite des conclusions du rapport Delon, à redéfinir les conditions d'octroi des autorisations des multiplexes. Aujourd'hui, la France compte près de soixante-dix multiplexes qui représentent 30 % de la fréquentation. Ainsi, en quelques années, le secteur de l'exploitation cinématographique aura connu une très profonde mutation, face à laquelle les pouvoirs publics doivent demeurer vigilants. Il importe en effet de maintenir la diversité des lieux d'accès au cinéma, des cinémas de proximité et de centre-ville en particulier. Aussi, sans entraver un développement économique qui peut se révéler profitable à l'ensemble du secteur, il me paraît indispensable de prévenir un développement non régulé des multiplexes. A cet effet, je propose de modifier les dispositions de la loi Royer de 1973, de la façon suivante.
D'abord, il convient d'ajouter quatre critères nouveaux à ceux sur lesquels se fonde la commission départementale d'équipement cinématographique pour statuer sur les demandes d'implantation de nouveaux multiplexes.
Premier critère : tenir compte du respect par l'opérateur des engagements de programmation qu'il a souscrits antérieurement sur d'autres sites.
Deuxième critère : demander à l'opérateur de souscrire des engagements de programmation pour le multiplexe pour lequel il demande une autorisation. L'engagement sera opposable dès l'ouverture. Il s'agit en effet d'éviter que des promesses formulées lors de la réunion de la commission ne soient pas tenues, une fois l'autorisation obtenue.
Troisième critère : apprécier la qualité architecturale du projet.
Quatrième critère : considérer les relations avec les autres exploitants de la zone d'attraction.
Ensuite, le seuil de déclenchement de la procédure d'autorisation passe de 1 000 à 800 places. Ce niveau se révèle, à l'expérience, de nature à mieux appréhender, dans une zone d'attraction, les effets de l'implantation d'ensembles qui, désormais, sont parfois d'un format plus modeste.
En outre, le pouvoir de former un recours contre les décisions des commissions départementales est étendu au médiateur du cinéma. Cette personnalité, du fait de son rôle et de sa situation d'indépendance, permet de prendre en compte les enjeux cinématographiques dans le dispositif d'autorisation.
Enfin, un délai d'un an est institué entre un refus d'une commission départementale et la possibilité de présenter une nouvelle demande pour un même projet sur un même site. Cette mesure vise à éviter le dépôt abusif et réitéré de nouvelles demandes.
M. le président. La parole est à M. Trucy, pour défendre les sous-amendements n°s 644 rectifié et 645 rectifié.
M. François Trucy. Le sous-amendement n° 644 rectifié vise à supprimer l'avant-dernier alinéa du b du I du A de l'amendement n° 22. En effet, ce critère - ce quatrième critère que Mme le ministre vient de rappeler - qui a été retenu pour statuer sur les demandes d'autorisation des multiplexes n'est pas pertinent.
Quant au sous-amendement n° 645 rectifié, il tend à supprimer le pouvoir donné au médiateur de faire appel des décisions des commissions départementales d'équipement cinématographique, les CDEC.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 22 et sur les sous-amendements n°s 644 rectifié et 645 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous comprenons bien, madame le ministre, que l'amendement n° 22 tend à rendre plus rigoureux encore le système d'encadrement de la création des multiplexes, et ce par l'intervention de quatre éléments : l'abaissement des seuils, l'interdiction de déposer une nouvelle demande moins d'un an après une décision négative de la Commission nationale, l'ouverture du droit d'appel devant la Commission nationale au médiateur du cinéma et, enfin, l'instauration de trois nouveaux critères comme guides dans l'examen de ces affaires par les commissions, à savoir la qualité architecturale du projet, la programmation envisagée et les relations avec les établissements de spectacles cinématographiques de la zone d'attraction considérée.
Madame le ministre, avant d'émettre un avis sur cet amendement n° 22, la commission des finances souhaiterait que vous puissiez lui préciser la portée qu'il faut donner au dernier critère, à savoir les relations avec les établissements de spectacles cinématographiques de la zone d'attraction concernée. Pouvez-vous nous expliquer, en vous appuyant peut-être sur quelques exemples ou sur des situations que nous pouvons, les uns ou les autres, rencontrer, comment fonctionnera l'application de ce critère ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements n°s 644 rectifié et 645 rectifié ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux sous-amendements.
J'en viens à la question de M. le rapporteur : cette disposition vise à prendre en compte la solidarité entre les différents lieux d'exploitation cinématographique.
Depuis des décennies, toute la politique de soutien à l'exploitation cinématographique tend à permettre la coexistence pacifique de modes d'exploitation différents dans la même zone de chalandise, c'est-à-dire dans une zone géographique susceptible d'attirer les mêmes publics.
Pour quelles raisons la coexistence pacifique est-elle encouragée ? La stratégie des différents exploitants cinématographiques, selon leurs conditions économiques, leur insertion dans de grands groupes de production et de distribution, peut différer et se centrer sur des types de films différents, ce qui est normal. De ce fait, il est important, je le répète, que puissent exister des formes d'exploitation de types divers permettant de donner leur chance à des films de types divers.
A partir de ce souci de politique générale de soutien au cinéma, le respect du critère relatif aux relations avec les exploitants existants situés dans la zone d'implantation peut consister, par exemple, à laisser à l'exploitant local, déjà installé avant la venue du multiplexe, l'organisation d'actions spécifiques, en tout cas à ne pas l'en détourner ou l'en dépouiller. Je citerai, à cet égard, l'opération pédagogique menée sous le label « collèges au cinéma », qui permet d'établir des accords particuliers dans une zone entre tel ou tel établissement d'enseignement et tel exploitant de cinéma, ou l'organisation d'un festival - le festival du polar, le festival du film allemand,...
M. Ivan Renar. Le festival du film d'amour !
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. ... le festival du film d'amour, etc.
Il s'agit donc, par là, de respecter aussi des accords qui ont pu être passés antérieurement sur l'équilibre du parc de salles, sur le plan local.
Ce critère est distinct de celui du projet de programmation présenté par l'opérateur, qui vise spécifiquement la gamme des films programmés dans telle ou telle salle.
Il me paraît important que la commission départementale d'équipement cinématographique soit complètement éclairée sur les conséquences de l'implantation d'un nouveau multiplexe sur l'ensemble du tissu local tel qu'il préexiste à l'arrivée du multiplexe et tel qu'il contribue à la diversité de l'offre cinématographique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 644 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un sujet très important, et les explications que vous venez de nous donner, madame le ministre, vont pouvoir éclairer le Sénat.
Me permettriez-vous d'aller encore un peu plus loin dans la question ? Dans l'hypothèse où un multiplexe sollicitant son installation ne serait en mesure de présenter aucun accord, sous quelque forme que ce soit, avec le ou les exploitants existants, le cas échéant indépendants, de la zone, faudrait-il en déduire que le projet doit être refusé ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. Madame le ministre, mes chers collègues si le rôle du Parlement est de s'exprimer, je vous invite néanmoins tous à la concision, afin que ce débat ne se termine pas à une heure trop avancée de la nuit.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il n'est pas possible de se décider dans le flou !

M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je voudrais indiquer très brièvement qu'il s'agit d'un faisceau de critères : il appartient à la commission de les poser, de les soupeser et de déterminer sa position en fonction de ces différents critères. Ils n'ont pas de caractère impératif, et il relèvera donc de la responsabilité de la commission de décider, en l'absence d'un accord formel entre le nouveau venu et les exploitants existants, si elle accorde ou non un avis favorable à l'implantation.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 644 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce critère paraît particulièrement important à la commission, et, par conséquent, celle-ci n'est pas favorable au sous-amendement n° 644 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 644 rectifié.
M. François Trucy. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Je retire ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 644 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 645 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur. On envisage de faire jouer au médiateur du cinéma, qui, jusqu'ici, avait un rôle de conciliateur, un rôle de nature différente, puisqu'il va pouvoir former un recours.
Sur ce plan-là, la commission des finances souhaite que le Gouvernement s'explique - mais cela peut être très bref, monsieur le président - pour que nous puissions bien comprendre la nature du rôle que l'on veut voir jouer au médiateur du cinéma.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le médiateur du cinéma est une personnalité indépendante qui connaît bien le secteur et qui est reconnue par l'ensemble des intervenants du secteur. Il ne s'agit donc pas de le faire sortir de ce rôle de conciliation et de médiation.
Mais le rapport Delon a estimé souhaitable d'élargir le cercle des intervenants et d'ouvrir cette possibilité de recours auprès de la commission nationale d'équipement cinématographique.
Le Gouvernement a partagé l'analyse du rapport Delon. Il émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, car il lui paraît souhaitable que le médiateur puisse faire appel à la commission nationale.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 645 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 645 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement au projet de loi sur les nouvelles régulations économiques vise à encadrer le développement des multiplexes.
Comme vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, lors des rencontres de Poitiers, « il y a peu de lieux sur notre territoire où le cinéma n'est pas aisément accessible grâce à notre parc de près de 5 000 écrans, le premier d'Europe ». Mais toute la difficulté - vous le savez comme moi - est de concilier la démocratisation de l'accès aux salles et la diversité de l'offre culturelle.
Si l'ouverture récente de 68 multiplexes dans toute la France s'est traduite par une hausse sensible de la fréquentation et a permis d'attirer les jeunes vers le cinéma, leur programmation laisse malheureusement peu de place au cinéma français et européen.
Le taux de programmation des films européens dans les multiplexes a été, en 1999, inférieur de plus de cinq points à celui de l'ensemble des salles. Je ne prendrai que deux exemples : UGC a sorti, en 1999, 23 films, dont 17 américains, et Gaumont, 18 films, dont 15 américains et 3 français.
Par ailleurs, l'explosion des multiplexes et leurs pratiques commerciales, comme le lancement des cartes d'abonnement, point sur lequel nous reviendrons tout à l'heure, menacent le réseau des salles indépendantes, lorsqu'elles existent encore.
Aujourd'hui, les multiplexes représentent près de 30 % des entrées en salle. Pour ne citer que les cinémas d'art et d'essai parisiens, ces derniers ont perdu environ 1 million de spectateurs entre 1995 et 1999, tandis que la fréquentation des autres salles dans leur ensemble augmentait de 11 % à Paris et de 20 % à l'échelle nationale.
Votre dispositif, madame le ministre, en renforçant les conditions de délivrance des autorisations par les commissions départementales d'équipement cinématographique, permettrait, d'une part, de mieux réguler l'implantation des multiplexes en abaissant le seuil d'examen des projets à 800 fauteuils au lieu de 1 000 actuellement, et, d'autre part, de durcir les engagements de programmation des opérateurs en faveur des films français et européens.
Je salue tout à fait ce choix, qui s'appuie d'ailleurs sur le rapport de Francis Delon, qu'avait commandé Catherine Trautmann.
Vous me permettrez malgré tout d'exprimer un regret.
Le département ne me paraît pas toujours le meilleur échelon de décision. Il me semble que nous aurions pu retenir la proposition de Francis Delon, qui consistait à créer plutôt des commissions régionales pour l'examen des dossiers lorsque la zone d'attraction couvre plusieurs départements d'une même région.
Par ailleurs, vous vous êtes engagée, madame la ministre, lors des rencontres de Poitiers, à réformer l'aide sélective à l'exploitation indépendante et à nos 807 salles d'art et d'essai, réseau le plus dense d'Europe.
J'espère que nous pourrons assez rapidement étudier à cet égard des propositions, dont la mise en oeuvre nous permettrait de rénover les équipements de ces salles indépendantes et, ainsi, de mieux répondre à la concurrence des multiplexes.
En attendant, le groupe socialiste votera bien entendu cet amendement n° 22, qui vise à renforcer deux axes forts de notre politique culturelle : le soutien à la création française et le soutien à la diversité culturelle.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Devant l'ampleur d'un mouvement comme celui auquel nous assistons concernant les multiplexes, on ne sait pas si le barrage législatif suffira à régler la question. D'ailleurs, en commission des finances, tout le monde s'était quelque peu interrogé. C'est une sorte de pari sur l'avenir que nous faisons.
Donc, sur l'amendement n° 22 et tout à l'heure - je le dirai dans une explication de vote également très brève - sur l'amendement n° 23 rectifié, nous ferons un acte de confiance non pas dans le Gouvernement en tant que tel, mais en tout cas dans le travail qui a été fait sous votre égide, madame la ministre, par les personnalités que vous avez consultées.
Je vais voter cet amendement. Toutefois, je garde une angoisse concernant la réduction à 800 places. Je ne sais pas si cette mesure est réellement bonne ou mauvaise pour les cinémas de centre ville. Peut-être pouvez-vous m'éclairer, madame la ministre. Sinon, si nous n'en avons pas le temps, tant pis, je voterai les yeux fermés ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous sommes dans une salle obscure ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 54 ter.
Je suis saisi de deux amendements, qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 23 rectifié, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 54 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le code de l'industrie cinématographique est ainsi modifié :
« L'article 13 est ainsi modifié :
« a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« En cas d'infraction aux décisions réglementaires visées à l'article 2 et en cas d'infraction aux dispositions des articles 24 et 27 et des textes pris pour leur application, le directeur général du Centre national de la cinématographie prononce des sanctions sur proposition d'une commission, présidée par un magistrat de l'ordre administratif, et dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. La commission ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait jusque-là aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. Les sanctions sont proportionnées à la gravité des manquements commis, et ne peuvent être d'une gravité supérieure à celle des sanctions proposées par la commission. Les sanctions prononcées peuvent comporter : » ;
« b) Cet article est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° La réduction des subventions attribuées à l'exploitant d'établissement de spectacle cinématographique ou au distributeur concerné.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles les sanctions sont prononcées en application du présent article. »
« II. - L'article 27 est ainsi rédigé :
« Art. 27. - 1° La mise en place d'une formule d'abonnement au cinéma est soumise à agrément préalable du directeur général du Centre national de la cinématographie. Les modifications substantielles d'une formule d'abonnement au cinéma, ainsi que toute adhésion d'un exploitant d'établissement de spectacles cinématographiques à une telle formule sont également soumises à agrément.
« 2° L'agrément est accordé si les conditions suivantes sont remplies :
« Pour les entrées enregistrées au titre d'une formule d'abonnement, les ayants droit de chaque oeuvre cinématographique sont rémunérés sur la base d'un prix forfaitaire par place sur lequel s'engage l'exploitant d'établissement de spectacles cinématographiques vis-à-vis de l'ensemble des distributeurs avec lesquels il conclut des contrats de location, conformément à la pratique de répartition des recettes provenant des entrées vendues à l'unité.
« Tout exploitant d'établissement de spectacles cinématographiques détenant plus de 25 % des entrées ou des recettes dans une zone d'attraction donnée, ou enregistrant plus de 0,5 % des recettes au niveau national, doit, lorsqu'il propose une formule d'abonnement aux spectateurs, offrir aux exploitants de la même zone d'attraction détenant moins de 25 % des entrées ou des recettes dans la zone considérée, à l'exception de ceux réalisant plus de 0,5 % des entrées au niveau national, de s'associer à cette formule à des conditions équitables et non discriminatoires. Les deux seuils de 25 % ci-dessus sont ramenés à 8 % pour les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques situés dans les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, qui sont regardés comme une zone d'attraction unique.
« 3° Chaque exploitant d'établissement de spectacles cinématographiques proposant aux spectateurs une formule d'abonnement doit communiquer au Centre national de la cinématographie à l'appui de sa demande d'agrément : les conditions générales de la formule d'abonnement, l'engagement mentionné au 2° à l'égard des distributeurs, ainsi que le contrat d'association qui, le cas échéant, le lie pour cette formule à d'autres exploitants. Ce dernier ne peut contenir ni clause relative à la programmation des établissements de spectacles cinématographiques concernés, ni clause d'appartenance exclusive. Toute modification substantielle des actes précités est communiquée au Centre national de la cinématographie.
« 4° Un décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil de la concurrence détermine notamment les modalités de délivrance et de retrait des agréments, ainsi que les clauses obligatoires et la durée minimale des engagements, mentionnés au 2°, des exploitants à l'égard des distributeurs. Ce décret précise également le régime du contrat d'association des exploitants pour la formule d'abonnement mentionné au 3°.
« 5° Les formules d'abonnement existant antérieurement à la publication de la loi n° du relative aux nouvelles régulations économiques devront être soumises à l'agrément du directeur général du Centre national de la cinématographie dans un délai de trois mois à compter de l'entrée en vigueur du décret d'application de la loi. »
Cet amendement est assorti de huit sous-amendements.
Par sous-amendement n° 607, Mme Pourtaud, MM. Vidal, Weber, Dreyfus-Schmidt, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 23 rectifié, de remplacer les mots : « formule d'abonnement au cinéma » par les mots : « formule d'accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples ».
II. - Dans la deuxième phrase du même texte, de remplacer les mots : « formule d'abonnement au cinéma » par les mots : « telle formule » et les mots : « une telle formule » par les mots : « cette formule ».
III. - Dans le quatrième alinéa du II du texte présenté par l'amendement n° 23 rectifié, de remplacer les mots : « formule d'abonnement » par les mots : « formule du type susmentionné ».
IV. - Dans la première phrase du sixième alinéa du II du texte présenté par l'amendement n° 23 rectifié, de remplacer les mots : « formule d'abonnement » par les mots : « formule d'accès au cinéma donnant droit à des entrées ».
V. - A la fin de la seconde phrase du septième alinéa du II du texte présenté par l'amendement n° 23 rectifié, de remplacer les mots : « formule d'abonnement mentionné au 3° » par les mots : « formule d'accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples ».
VI. - Au début du dernier alinéa du II du texte présenté par l'amendement n° 23 rectifié, de remplacer les mots : « Les formules d'abonnement » par les mots : « Les formules d'accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples ».
Par sous-amendement n° 646 rectifié, MM. Pelchat, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, dans la première phrase du deuxième alinéa du 2° du texte présenté par le II de l'amendement n° 23 rectifié pour l'article 27 du code de l'industrie cinématographique, de remplacer les mots : « d'un prix forfaitaire par place » par les mots : « d'un prix de référence par place ».
Les deux sous-amendements suivants sont identiques.
Le sous-amendement n° 608 rectifié est présenté par Mme Pourtaud, MM. Vidal, Weber, Dreyfus-Schmidt, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Le sous-amendement n° 621 est déposé par M. Ralite, Mme Luc, M. Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent, dans la première phrase du deuxième alinéa du 2° du texte présenté par le II de l'amendement n° 23 rectifié pour l'article 27 du code de l'industrie cinématographique, après les mots : « des distributeurs », à insérer les mots : « et vis-à-vis des producteurs et des ayants droit ».
Par sous-amendement n° 622, M. Ralite, M. Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter la première phrase du dernier alinéa du 2° du texte présenté par le II de l'amendement n° 23 rectifié pour l'article 27 du code de l'industrie cinématographique par les mots : « en particulier en garantissant un prix minimum par entrée ».
Par sous-amendement n° 647 rectifié, Mme Pourtaud, MM. Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Vidal, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter la première phrase du dernier alinéa du 2° du texte présenté par le II de l'amendement n° 23 rectifié pour l'article 27 du code de l'industrie cinématographique par les mots : « , et garantissant une juste rémunération ».
Par sous-amendement n° 623, M. Ralite, M. Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du 3° du texte présenté par le II de l'amendement n° 23 rectifié pour l'article 27 du code de l'industrie cinématographique, après les mots : « des distributeurs », d'insérer les mots : « et vis-à-vis des producteurs et des ayants droit ».
Par sous-amendement n° 609, Mme Pourtaud, MM. Vidal, Weber, Dreyfus-Schmidt, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter in fine le texte présenté par l'amendement n° 23 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
« Le directeur général du Centre national de la cinématographie présentera un rapport au Parlement un an après la mise en oeuvre des dispositions du présent article. Ce rapport donnera un bilan des agréments délivrés et analysera leur impact sur la filière cinématographique. »
Par amendement n° 456 rectifié, M. Ralite, Mme Terrade, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 54 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« La vente au forfait ou par abonnement de billets d'entrée ou de droits d'accès illimités est prohibée pour les salles de spectacles cinématographiques appartenant à des entreprises réalisant au cours de l'année précédente plus de 0,5 % des entrées sur le territoire métropolitain. »
La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° 23 rectifié.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. L'amendement n° 23 rectifié vise à encadrer des pratiques commerciales tout à fait nouvelles concernant les cartes d'abonnement au cinéma, en particulier sous la forme d'un accès illimité.
Ce système, il faut le savoir, n'est pratiqué dans aucun autre pays, à l'exception de la Grande-Bretagne, où il l'est également sur l'initiative d'UGC.
En raison de leur caractère illimité, ces cartes sont de nature à engendrer chez les spectateurs des comportements excessivement consuméristes, très éloignés du rapport souhaité à l'oeuvre culturelle, qui est fondé sur le libre choix.
Pour l'essentiel, cette nouvelle pratique commerciale, dont il faut bien dire qu'elle nous a tous pris au dépourvu, soulève deux catégories de questions.
La première concerne l'impossibilité d'affecter un prix de place par entrée, ce qui soulève le problème de la rémunération de toute la chaîne des ayants droit, c'est-à-dire la rémunération de l'amont de la filière cinématographique : distributeurs, producteurs, réalisateurs, scénaristes. Ces cartes sont donc susceptibles de brouiller les conditions de remontée et de répartition des recettes vers les ayants droit.
En second lieu, nous nous interrogeons aussi sur le respect du droit à la concurrence, avec ces pratiques. On constate, en effet, que ce type de carte concentre la clientèle sur certaines enseignes au détriment des salles indépendantes et risque de porter préjudice à la petite et moyenne entreprise, le choix du spectateur n'étant plus que le choix d'une enseigne et non plus le choix d'un film.
Ces deux problèmes peuvent remettre en cause la politique constante de la France depuis cinquante ans pour préserver un secteur cinématographique riche et diversifié.
A titre indicatif, l'augmentation globale de la fréquentation à Paris a été, de la fin mars, époque d'entrée en vigueur de la carte illimitée, au début du mois d'octobre, de 15,2 %. Dans le même temps, celle d'UGC a été de 26 %, sa part de marché passant, sur Paris, à 43 %, soit une croissance de quatre points.
Je sais bien qu'on peut se dire qu'interfère, là aussi, la qualité des films proposés, qui n'ont pas tous la même valeur d'attraction, mais il y a tout de même là une indication de tendance qui me préoccupe.
Le présent amendement instaure une procédure d'agrément préalable par le CNC, après avis d'une commission d'experts, des cartes d'abonnement, en imposant, d'une part, un engagement durable de l'exploitant vis-à-vis du distributeur pour garantir la transparence de la remontée de la recette des ayants droit sur la base d'un prix forfaitaire par entrée et, d'autre part, l'ouverture aux autres exploitants dans la zone de chalandise des cartes mises en place par des exploitants économiquement forts, voire dominants, dans des conditions de non-exclusivité de ces cartes et dans des conditions non discriminatoires et équitables.
En cas de non-respect de ces conditions, l'agrément n'est pas accordé ou est retiré. L'exploitant peut faire l'objet de sanctions administratives prononcées par le directeur général du CNC, après avis d'une commission présidée par un magistrat de l'ordre administratif. Ces sanctions comprennent désormais une possible réduction des subventions attribuées par le CNC. Un décret en Conseil d'Etat fixera les règles de procédure.
Pour éclairer la Haute Assemblée, je souligne que le dispositif des cartes d'abonnement rencontre un engouement absolument incontestable du public, notamment des jeunes.
Nous sommes tous désireux de voir augmenter la fréquentation dans les cinémas. Toute politique tarifaire d'incitation a donc, bien évidemment, un intérêt. Mais ce qui nous paraît devoir être absolument garanti, c'est la fiabilité des recettes et leur remontée vers l'ensemble des ayants droit. Par ailleurs, il faut s'assurer que ce système n'exclut pas de l'exploitation cinématographique des salles qui ne peuvent pas s'engager d'elles-mêmes et seules dans un système commercial aussi attractif mais également aussi lourd.
M. Henri Weber. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour présenter le sous-amendement n° 607.
Mme Danièle Pourtaud. Madame la ministre, les mesures que vous nous proposez d'adopter sont effectivement très attendues par l'ensemble de la profession cinématographique, qui s'est vu imposer au printemps dernier, vous l'avez rappelé, une formule d'abonnement sans concertation et, finalement, sans possibilité de riposte ou de négociation.
Cette carte d'accès illimité a transformé le spectateur libre en spectateur captif qui se voit offrir le droit d'entrée dans une salle et non pas le droit de choisir un film. Je crains que de telles formules ne transforment une pratique artistique, la fréquentation du cinéma, en sortie « zapping » ou « pop corn ».
On oublie, une fois encore, que le cinéma est le septième art. Comme tous les arts, il nécessite formation et éducation du goût du public.
Nous voyons aussi le maillon qui prend le moins de risques financiers imposer aux autres éléments de la chaîne ses conditions commerciales. Or, la rémunération de toute la chaîne, aussi bien des distributeurs, des producteurs, des réalisateurs que de l'ensemble des ayants droit s'établit sur la base du prix du billet.
Je rappelle que vous aviez, dès le départ, exprimé des réserves, madame la ministre, et que le Gouvernement avait saisi le Conseil de la concurrence. Celui-ci, sans se prononcer sur le fond, a estimé que cette pratique n'était pas en infraction avec notre législation sur la concurrence. Le groupe UGC a aussitôt remis sa carte sur le marché, imité par d'autres.
Vous avez souligné que le succès de ces cartes est aujourd'hui incontestable puisqu'on nous dit que 130 000 formules sont d'ores et déjà vendues.
Vous nous proposez donc, madame la ministre - je dois saluer votre réaction extrêmement rapide - de soumettre ces cartes à l'agrément du CNC ; nous y reviendrons plus en détail au fur et à mesure de l'examen des différents sous-amendements.
L'important nous a semblé être que l'ensemble des formules d'accès au cinéma qui permettent des entrées multiples soient concernées par la procédure d'agrément que vous nous proposez.
C'est pourquoi notre sous-amendement tend non pas à traiter simplement les cartes dites d'abonnement, mais à étendre l'agrément à l'ensemble des formules qui permettent un accès illimité au cinéma.
M. le président. La parole est à M. Trucy, pour défendre le sous-amendement n° 646 rectifié.
M. François Trucy. Ce sous-amendement concerne l'estimation du prix forfaitaire par place qui est destiné aux ayants droit.
Nous nous demandons, madame le ministre, si le prix forfaitaire est bien la solution la meilleure et s'il ne faut pas lui substituer un prix de référence.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre le sous-amendement n° 608 rectifié.
Mme Danièle Pourtaud. Comme je le disais à l'instant, il nous semble important qu'il n'y ait pas que les distributeurs qui soient amenés à se prononcer sur la détermination du prix forfaitaire qui servira de base au calcul de la rémunération de l'ensemble de la filière. Les distributeurs ne sont pas, en effet, ceux qui prennent le plus de risques financiers dans la profession cinématographique.
Il nous paraît nécessaire d'associer à cette réflexion l'ensemble des partenaires de la filière cinématographique, en particulier les producteurs et les ayants droit.
M. le président. La parole est à M. Renar, pour défendre les sous-amendements n°s 621 et 622.
M. Ivan Renar. Notre sous-amendement n° 621, similaire au sous-amendement n° 623, sur lequel je ne reviendrai donc pas, est un sous-amendement de précision.
En effet, dans le texte proposé par l'amendement du Gouvernement, l'engagement mentionné ne fait état d'obligations qu'en direction des seuls producteurs.
Or, le péage au billet contrôlé par le Centre national de la cinématographie permet une juste répartition des recettes des films entre les exploitants de salle, les distributeurs de films, les producteurs et l'ensemble des ayants droit de la chaîne cinématographique.
C'est d'ailleurs dans ce contexte qu'il est nécessaire de garantir un prix minimum par entrée, afin de ne pas léser ceux qui vivent de leur art au profit de ceux qui vivent de spectateurs captifs de formules d'abonnement.
J'en viens au sous-amendement n° 622.
Depuis que le cinéma existe, il y a maintenant un siècle, les nations, et ce quels que soient les régimes politiques en place, se sont dotées d'instruments de régulation susceptibles de garantir l'existence de l'industrie cinématographique et de sa création.
Ainsi, en France, notre système repose sur un ensemble de règles d'ailleurs enviées par nombre de pays voisins et qui ont permis de promouvoir un cinéma de qualité et une production originale dans un contexte marqué par la présence de géants de l'industrie cinématographique.
La mise en place de la carte UGC vient bouleverser un système fragile, fondé sur un partage du prix de vente du billet de cinéma entre la salle et les ayants droit.
L'offensive menée en début d'année par UGC remet en cause de manière radicale toute l'économie du cinéma au profit de ceux qui réalisent leurs recettes sur autre chose que la vente du billet d'entrée au cinéma.
La dérégulation menée par ces géants en matière de cinéma, d'une manière générale en matière d'images, se poursuit sur tous les fronts de la création culturelle, et les oeuvres musicales, photographiques, cinématographiques deviennent des objets de consommation standards, à ce point standards qu'ils peuvent faire l'objet d'un abonnement au même titre que le téléphone. Car ce qui est visé, c'est bel et bien la rentrée régulière d'abonnements.
Par votre amendement, madame la ministre, vous nous proposez de réguler le marché des cartes illimitées et de le soumettre à l'approbation du Centre national de la cinématographie.
Mais il s'agit, au mieux, d'endiguer les conséquences d'une mesure qui conduit le Conseil de la concurrence à arbitrer en matière culturelle. Cela nous permet de mesurer toute la portée de « l'exception culturelle » défendue par notre pays aux cours des dernières années et les effets de l'intrusion de l'économique dans le champ du culturel.
Ce qui est vendu lors de l'achat de cartes, comme l'indiquent très justement Maurice Bernard et Serge Le Péron, « ce n'est pas le cinéma illimité, mais la fréquentation illimitée de certaines salles »,
Il va sans dire que la relation qu'entretient le spectateur avec l'oeuvre cinématographique sera profondément bouleversée par la mise en place de la carte d'accès illimitée. Mais le plus grand risque reste la modification des principes de rémunération des ayants droit, qui, avec un tel dispositif, doivent participer à la mutualisation des risques.
Dans l'état actuel du dispositif que vous nous proposez, madame la ministre, rien ne vient garantir la transparence du partage des recettes. Un semblant de solution est certes trouvé pour les producteurs, les distributeurs et les exploitants indépendants, mais il ne s'agit que d'un semblant de solution.
Nous vous proposons donc d'améliorer l'amendement que vous nous présentez. Le sous-amendement que nous défendons prévoit de garantir un prix minimum par entrée à tout exploitant détenant moins de 25 % des entrées ou des recettes dans une zone de chalandise donnée. Seule cette mesure permettrait de donner aux exploitants de salles indépendantes des chances plus équitables que le système prévoyant la mutualisation des risques, système qui conduirait inexorablement, à très court terme, à la fermeture d'un nombre considérable de salles de cinéma dans notre pays.
Ainsi et contrairement à une idée avancée ici ou là, la carte illimitée, mise en place par UGC, loin de développer un nouveau public, « aspire surtout » les spectateurs existants vers ses salles.
Par exemple, le film Aïe de Sophie Fillière est sorti le 6 septembre dernier dans une combinaison de treize salles à Paris, dont onze ne bénéficiaient pas de la carte UGC et dans deux salles UGC.
La première semaine, ce film réalisait 16 608 entrées dont 6 207 pour les deux salles UGC, ce qui représente 37 % du marché parisien, les onze autres salles ayant réalisé moins de mille entrées. On comprend dans ces conditions que la carte illimitée condamne à terme un très grand nombre de salles qui ne pourront survivre sans un prix minimum garanti.
Ce sous-amendement, si vous l'adoptiez, permettrait de garantir non seulement des ressources pour les exploitants de salles, mais également une juste rémunération de l'ensemble des ayants droit de la chaîne de création et de distribution cinématographique.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre le sous-amendement n° 647 rectifié.
Mme Danièle Pourtaud. Par ce sous-amendement n° 647 rectifié, nous proposons que les exploitants indépendants puissent bénéficier d'une juste rémunération.
Selon le texte du Gouvernement, les contrats doivent prévoir des conditions équitables et non discriminatoires. Nous proposons qu'ils garantissent également une juste rémunération pour les exploitants indépendants.
M. le président. Le sous-amendement n° 623 a déjà été défendu.
La parole est à Mme Pourtaud, pour présenter le sous-amendement n° 609.
Mme Danièle Pourtaud. En ce qui concerne le sous-amendement n° 609, nous sommes tous d'accord pour dire que l'impact de ces formules sur l'économie générale du cinéma en France est totalement incertain. Il est probable, par exemple, que, dans un premier temps, ces formules d'abonnement vont accroître la fréquentation globale des salles. Mais il sera nécessaire de vérifier si cette augmentation profite également aux salles indépendantes ou si, au contraire, elle se fait à leur détriment.
Par ailleurs, nous ne savons pas aujourd'hui si les recettes des salles en direction de toute la filière augmenteront, diminueront, contribueront au développement du cinéma français ou, au contraire, le condamneront à l'asphyxie. C'est pourquoi nous pensons qu'il est important de prévoir une clause de rendez-vous avec un rapport établi par le Centre national du cinéma et adressé au Parlement. Le Parlement pourra ainsi se saisir à nouveau de ce texte si les résultats devaient s'avérer contraires à l'intérêt du cinéma français.
M. le président. La parole est à M. Ralite, pour défendre l'amendement n° 456 rectifié.
M. Jack Ralite. J'ai déposé cet amendement parce que je souhaite un échange de vues, qui a d'ailleurs déjà commencé, sur l'affaire UGC au moment où, grâce à vous, madame la ministre, vos amendements nous font parler de cinéma.
Chacun se rappelle les faits : UGC décide, le 29 mars dernier, de lancer une carte d'abonnement illimitée à ses salles. Cette société, qui fut, ne l'oublions pas, publique, décidait ainsi, unilatéralement, c'est-à-dire sans information de quiconque, sans concertation avec quiconque, la mise en route de sa nouvelle manière de traiter les films et leur public.
Tout de suite, vous avez dit votre désapprobation. Mais M. Verrecchia persista, et, dans notre pays où il existe un lieu quasi historique pour la gestion partagée du cinéma, je veux parler du Centre national de la cinématographie, le CNC, on vit cette instance, tant de fois sollicitée, et souvent heureusement, pour résoudre des problèmes posés, moquée, bafouée, ignorée.
Je me souviens d'une réunion sur la télévision, il y a plus d'un an et demi, où les patrons de chaînes disaient : « pas de loi, rien que des contrats ». M. Verrecchia a franchi une nouvelle étape : « pas de loi, pas de contrats, rien que des coups d'éclat, des sortes de mini-coups d'Etat ».
Je crois qu'il nous faut mesurer ce fait à sa valeur, c'est-à-dire à sa gravité. Avec les dossiers des multiplexes, avec le dossier Vivendi - Canal Plus - Universal, c'est la troisième fois que le CNC est court-circuité.
Un professionnel du commerce du cinéma - je fais une différence avec les industriels du cinéma : la position de Gaumont en cette circonstance a été, au début, très significative - un professionnel de la « marchandisation » du cinéma agit tel un libéral-libertaire.
Admettons que le style de fréquentation se modifie. Mais la solution doit sortir d'un vrai débat, elle s'étudie. Là rien ! Un coup de force et plus d'Etat. Je crois qu'on peut même dire plus : il y a eu l'Etat, mais pas dans la problématique si chère à tous ceux qui, comme vous, aiment le cinéma.
On dit ici, dans ce pays, au plan international, que la culture doit être traitée d'abord dans des instances culturelles, c'est-à-dire à l'Unesco, avant d'être examinée par des instances à dominante économique, à savoir l'OMC. Eh bien ! chez nous, comme on dit, c'est le Conseil de la concurrence qui a traité de la question, avant le CNC.
Et ses conclusions purement comptables sont ambiguës. Il y aura sans doute une position dominante, il y aura peut-être des prix cassés, mais il faut attendre deux ans pour voir.
En conséquence de quoi, UGC, malgré son engagement auprès de vous - il avait suspendu sa carte le 9 mai - la reprend avec arrogance le 26 juillet, c'est-à-dire au temps de la grande dispersion, et il grimpe vers les 50 % de parts de marchés sur Paris, ces temps-ci.
Mais les régions aussi sont touchées. Je citerai les chiffres par rapport à la semaine du 27 septembre 1999. On peut noter en région : l'UGC ciné cité Lyon, plus 50 % ; l'UGC ciné cité Lille, plus 39 % ; l'UGC ciné cité Bordeaux, plus 33 % ; l'UGC ciné cité Toulouse, plus 27 %, alors que la progression nationale est de plus 24 % pour la même semaine.
Si l'on étudie cette même semaine et pour Paris et sa périphérie, c'est encore plus significatif : l'UGC ciné cité les Halles, plus 39 % ; l'UGC ciné cité Bercy, plus 69 % ; l'UGC ciné cité Rosny, plus 75 % ; l'UGC Montparnasse, plus 102 % ; l'UGC ciné cité Noisy-le-Grand, plus 79 % ; l'UGC Quatre Temps la Défense, plus 79 %. La hausse à Paris et dans sa périphérie n'était à ce moment-là que de 18 %.
Comme ils ne pouvaient rester indifférents face à une telle opération de dumping, Gaumont et MK 2, qui étaient contre et qui continuent à l'être, proposent aussi à leurs spectateurs des cartes d'abonnement.
Quelques indépendants s'accrochent à ces trains. La plupart ne le font pas car ils n'ont pas de recettes assurées, alors même qu'ils sont les plus touchés.
Je rappelle que ce sont les spectateurs assidus qui utilisent le plus la carte. Or, les spectateurs assidus sont d'abord des assidus du cinéma d'art et d'essais, dans la proportion de 40,3 %.
Je ne peux m'empêcher de penser à une déclaration faite voilà deux ans par M. Vérecchia au Film français : « C'est biologique : il y a des naissances ; il y a des morts. ».
M. le président. Monsieur Ralite, vous avez dépassé votre temps de parole.
M. Jack Ralite. Certes, mais ce n'est pas un clip, c'est un court métrage...
M. le président. Vous n'avez droit qu'à cinq minutes monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. J'en ai encore pour une petite minute !
Avec ce système, le pluralisme des films rencontrant le pluralisme des spectateurs dans le pluralisme géographique avec le pluralisme des opérateurs est en danger. C'est pourquoi je ne suis pas du parti de la carte « forfait illimité », qui confisque tout, mais de celui de la révolte.
Comme disait Fellini : « La révolte est toujours féconde. Ce qui est important pour l'homme d'aujourd'hui, c'est de tenir bon, de ne pas laisser aller la tête sous l'eau, et surtout de savoir regarder au-delà du tunnel en inventant. »
M. le président. Monsieur Ralite, je vous demande de conclure, sinon je serai obligé de vous interrompre.
M. Jack Ralite. Et je crois qu'il y a là sans doute à inventer du côté du prix de la place, mais ce doit être, et c'est un maire de banlieue qui vous le dit, une invention collective, respectueuse de toute la chaîne entre la création cinématographique plurielle et des publics pluriels eux aussi.
Comme mon temps de parole est écoulé, je ne traiterai pas de la dernière partie de mon exposé, sauf à dire, à propos de la concurrence, que Bruxelles décide d'emblée que Vivendi - Canal Plus - Universal n'est pas en situation de position dominante, alors que, en France, le Conseil de la concurrence décide, pour dans deux ans, que peut-être elle le sera.
Je rappelle à cet égard que Vivendi et UGC sont copains-coquins...
M. le président. Monsieur Ralite, j'ai été largement tolérant, mais je me dois de vous couper la parole.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 23 rectifié, l'ensemble des sous-amendements et l'amendement n° 456 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur. La question soulevée par l'amendement n° 23 rectifié est encore plus complexe que la précédente, mais je vais m'efforcer d'aller à l'essentiel.
Sur ce sujet, madame le ministre, vous êtes passée par plusieurs positions successives. Dans un premier temps, vous avez semblé vous ranger - c'était sans doute une expression spontanée - plutôt du côté des petits pour dénoncer les pratiques prédatrices des grands distributeurs. Puis, vous avez été prise à contrepied par la décision du Conseil de la concurrence qui a refusé de condamner a priori ce qui était déjà apparu comme une initiative commerciale appréciée du grand public, notamment des jeunes, qui représentent une large part de celles et ceux qui vont fréquenter les salles de cinéma.
Bref, vous avez eu, dans un premier temps, la tentation, peut-être, d'interdire. Puis, le Conseil de la concurrence vous ayant aidée, vous avez défendu une position plus équilibrée et sans doute plus raisonnable que vous nous présentez aujourd'hui : vous vous contentez, en effet, de nous proposer un encadrement du système.
La commission des finances, pour sa part, accepte le principe de cet amendement.
Nous avons bien compris que des dispositions techniques et de gestion seront prises pour assurer la remontée des sommes qui sont dues en amont de la filière, ce qui est évidemment tout à fait important pour ne pas perturber des équilibres déjà délicats au sein de cette activité.
Par ailleurs, nous avons bien compris que des dispositions seront prises pour étendre aux indépendants de la zone d'attraction d'un cinéma appartenant à un réseau l'adhésion au système des cartes.
Donc, moyennant ces deux conditions, qui restent bien sûr à affiner de manière concrète, cela étant non pas du domaine de la loi mais du domaine de l'administration, le système que vous proposez a paru à la commission des finances tout à fait défendable et elle s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
La commission s'en remet également à la sagesse du Sénat sur les sous-amendements n°s 647 rectifié et 607 de Mme Pourtaud.
La commission est favorable au sous-amendement n° 646 rectifié, présenté par François Trucy.
Elle s'en remet à la sagesse du Sénat sur les sous-amendements n°s 608 rectifié de Mme Pourtaud et 621 de M. Ralite.
Elle est défavorable, par cohérence ou coordination, avec ce que je viens d'exposer, au sous-amendement n° 622 de M. Ralite.
Elle s'en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 623 de M. Ralite ainsi que sur le sous-amendement n° 609 de Mme Pourtaud.
Enfin, elle est défavorable à l'amendement n° 456 rectifié, défendu par M. Ralite voilà quelques instants. En effet, la démarche qui peut aujourd'hui être empruntée nous semble être - disons-le, puisque c'est l'intitulé de ce projet de loi - une démarche de régulation et non pas une démarche d'interdiction.
La proposition du Gouvernement, dans le premier des amendements en discussion, n'est sans doute pas parfaite, mais elle tient compte d'une réalité des besoins du public, de l'évolution des modes de distribution et des moyens de commercialisation des biens culturels ; il s'agit d'une démarche de régulation.
La démarche d'interdiction n'est ni possible ni raisonnable aujourd'hui. Toutefois, l'amendement de M. Jack Ralite a le grand mérite d'évoquer le pluralisme de la production cinématographique. Grâce à lui, et à cette heure déjà avancée ou matinale, nous voyons qu'il y a un grand pluralisme au sein de l'opposition sénatoriale. A cet égard, sur un sujet de cette nature, comme sur d'autres d'ailleurs qui ont été traités à d'autres moments de ce débat, les membres de la majorité sénatoriale pourraient presque, madame le ministre, se retirer et laisser les groupes de l'opposition sénatoriale régler entre eux leurs propres affaires. Nous avons observé que, sur un certain nombre de sujets traitant de régulation, les débats qui opposaient les uns et les autres étaient de même nature et nous nous efforcions souvent, dans un souci d'empirisme et de réalisme, d'aider le Gouvernement quand ses propositions nous semblaient raisonnables.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 456 rectifié et, mes chers collègues, n'hésitez pas, expliquez-vous autant qu'il le faudra pour que nous puissions comprendre dans quelles conditions il vous est sans doute possible de continuer à faire un petit bout de chemin ensemble !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 607, car la formulation proposée correspond mieux à l'intention du Gouvernement.
S'agissant du sous-amendement n° 608 rectifié, je rappelle que le distributeur est le mandataire de tous les ayants droit. Il a d'ailleurs tout intérêt à ce que l'assiette sur laquelle le partage des droits est réalisé soit la plus large possible. Toutefois, il peut sembler générateur de complexité que l'exploitant soit tenu de négocier lui-même avec tous les ayants droit alors que les distributeurs représentent leurs intérêts. Introduire cette obligation revient, il faut bien le souligner, à bouleverser les pratiques actuelles.
Je comprends néanmoins le souci de Mme Pourtaud et des autres signataires du sous-amendement. Ils s'interrogent sur la situation des distributeurs par rapport aux exploitants pour négocier les meilleures conditions de rémunération lors de la sortie du film. Le décret en Conseil d'Etat s'attachera à préciser les conditions dans lesquelles la situation des ayants droit devra être bien assurée. Tenant compte de cette préoccupation, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il est défavorable au sous-amendement n° 646 rectifié, qui tend à introduire un prix forfaitaire par place qui deviendrait prix de référence. Ce tarif doit faire l'objet d'une négociation et d'un accord contractuel entre l'exploitant et les distributeurs pour une durée déterminée. J'estime que le terme « référence » n'apporte pas le même degré de précision que le terme « forfaitaire ».
Le gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur les sous-amendements n°s 621 et 623, qui traitent du même sujet. Je rappelle que le distributeur est le mandataire de tous les ayants droit.
Le sous-amendement n° 622 a pour objet de fixer des garanties en faveur des ayants droit en assurant un prix minimum par entrée. Toutefois, ce principe porterait atteinte à l'ordonnance de 1986 sur la liberté des prix, qui proscrit toute réglementation en matière de fixation des prix. Or un prix minimum revient à établir un prix plancher. Le Gouvernement est donc défavorable à ce sous-amendement, tout en recommandant que la fixation du prix puisse faire l'objet d'un accord contractuel entre exploitants et distributeurs dont l'agrément préalable prendra acte. Autrement dit, nous ne pouvons pas recourir à une fixation du prix, mais nous pouvons, en revanche, recommander la négociation d'un prix dont la fixation sera l'un des éléments de l'agrément de la carte d'abonnement.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 647 rectifié. L'exigence d'une juste rémunération est contenue dans l'expression « à des conditions équitables ». C'est la volonté du Gouvernement que d'assurer aux exploitants indépendants optant librement pour une formule de carte d'abonnement qu'ils ne seront pas moins bien traités que les circuits qui en ont pris l'initiative ; ce sera, par exemple, le cas pour la répartition du produit des abonnements au prorata des entrées réalisées par chaque exploitant.
En revanche, les auteurs du sous-amendement souhaite plus précisément assurer à l'exploitant une garantie de recettes supérieures à ce qu'ils s'engagent à reverser aux ayants droit. Une telle disposition reviendrait à reporter l'essentiel des coûts de location de films sur le groupe exploitant qui a pris l'initiative de la carte. Une telle disposition, même si elle vise, elle aussi, à protéger le petit exploitant, serait contraire à la liberté d'entreprendre.
Enfin, le principe d'égalité à valeur constitutionnelle serait mis à mal, puisque la garantie proposée serait non pas une mutualisation des risques de ce type de commercialisation, mais un mécanisme de reversement automatique de recettes à sens unique.
Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 609. Même s'il paraît en effet fondamental d'établir un bilan des agréments délivrés et de pouvoir analyser périodiquement leur impact sur la filière cinématographique, il ne me paraît pas nécessaire de fixer une telle obligation dans la loi alors que la bonne administration imposera au CNC de dresser bien évidemment le bilan de cette nouvelle pratique commerciale. Pardonnez-moi d'avoir à cet égard le point de vue de l'ancienne présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Nous avons vu se multiplier dans les textes de loi l'exigence d'un rapport au Parlement. Leur nombre fait qu'ils n'ont pas forcément le traitement qu'ils méritent. Je pense que nous pouvons arriver aux mêmes effets à partir du travail de l'administration.
J'en viens à l'amendement n° 456 rectifié, qui vise à interdire la vente de cartes illimitées et qui a longuement été développé par M. Ralite.
Sachez, monsieur le sénateur, que, même si j'émettrai en fin de compte un avis défavorable sur cette proposition d'interdiction, je vous rejoins lorsque vous déplorez l'absence de concertation qui a marqué le lancement de cette nouvelle pratique commerciale.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, de rappeler que toute la politique efficace de soutien à la production cinématographique et à la diversité de l'offre cinématographique dans ce pays est due à une sorte de cogestion entre l'Etat et tous les maillons de la chaîne professionnelle du cinéma.
Les conditions dans lesquelles la carte UGC a été lancée ont marqué une rupture - une rupture grave ! - avec plus qu'un attachement, la nécessité de préserver l'équilibre de l'ensemble des éléments de la chaîne du cinéma.
De même, je regrette, comme vous, que nos institutions de contrôle de la concurrence ne soient pas en mesure de réagir dans des délais raisonnables lorsqu'elles sont saisies d'un dossier d'une telle importance.
Je continue d'espérer que le Conseil de la concurrence achèvera le travail qu'il a engagé, les considérants de sa décision du mois de juillet me laissant espérer qu'il a tout de même détecté dans ce système des risques véritables au regard de la concurrence. C'est d'ailleurs pour cette raison, monsieur le rapporteur, que je n'ai pas changé d'avis sur le fond depuis le lancement de la carte et le débat que nous avons ce soir.
Je continue de penser que ce système contient des éléments qui pourraient justifier une interdiction. Toutefois, c'est à l'institution qu'est le Conseil de la concurrence et non au Gouvernement qu'il revient de nous donner les éléments pour sanctionner cette situation.
Néanmoins, même si j'adhère à votre analyse et si je partage les inquiétudes qui sont les vôtres, le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement. En effet, toute mesure constituant une interdiction quasi totale serait considérée comme contraire, par son caractère général et absolu, au principe constitutionnel de liberté du commerce.
C'est cette raison qui m'a amenée à vous proposer un encadrement des cartes par un système d'agrément qui, sans rendre impossibles des innovations commerciales, lesquelles, je le répète, peuvent conduire à un véritable élargissement du public - n'en institue pas moins une véritable régulation desdites cartes.
De plus, je le souligne, la mesure d'interdiction visant, en fait, une seule catégorie d'entreprises qui réalisent un certain nombre d'entrées, puisque vous avez défini un seuil d'occupation du marché, pourrait être considérée comme contraire au principe constitutionnel d'égalité de traitement des entreprises concernées.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 607, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 646 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les sous-amendements identiques n°s 608 rectifié et 621, pour lesquels la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.

(Les sous-amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 622, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 647 rectifié.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Convaincue par les explications de Mme la ministre, qui s'est engagée à préciser dans le décret les conditions de mise en oeuvre, je retire ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 647 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 623, pour lequel la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 609.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Convaincue par les explications de Mme la ministre sur l'encombrement du travail parlementaire, je retire cet amendement. Toutefois, je souhaite très fortement que nous puissions, dans un an, examiner en commission des affaires culturelles un rapport établi par le CNC sur les effets de ces cartes dont nous constatons la mise en oeuvre aujourd'hui, parce que je suis persuadée que mêmes leurs initiateurs ne sont pas certains de ne pas avoir joué les apprentis sorciers.
M. le président. Le sous-amendement n° 609 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23 rectifié.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je voudrais insister sur le fait que la mise en place de ces formules d'accès permettant des entrées multiples, puisque c'est la formule suscite des inquiétudes non seulement sur ces bancs mais également chez l'ensemble des professionnels du cinéma.
Il est clair que tous les acteurs de la filière cinématographique n'ont pas le même poids économique. Nous sommes, quant à nous, attachés à la préservation de la création et nous savons bien que les artisans de la diversité culturelle sont le plus souvent les salles indépendantes et non pas les grands circuits.
Nous connaissons aussi l'importance pour le financement du cinéma français des recettes des salles. C'est pourquoi la formule de l'agrément par le CNC que vous nous proposez va certainement permettre de ne pas laisser reposer la rémunération de l'ensemble de la filière cinématographique sur le seul bon vouloir des stratégies de marketing des grands circuits. Elle va aussi permettre d'associer les exploitants indépendants qui le souhaiteront, sans exclusivité, à toutes les formules.
Par conséquent, sans être totalement rassurée et en regrettant que ni Mme la ministre ni le Sénat n'aient accepté la clause de rendez-vous, nous voterons cet amendement.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Il est très tard pour intervenir, mais j'ai vraiment un regret : au cours de cette séance, nous avons peut-être, dans la majorité sénatoriale, péché par discrétion excessive. Je voudrais que nos collègues sachent qu'il y a autant d'amis, d'amoureux du cinéma dans cette majorité que dans l'opposition sénatoriale. On a beaucoup entendu parler les membres du groupe communiste républicain et citoyen et ceux du groupe socialiste. Or nous partageons très largement leur passion du cinéma et l'intérêt qu'ils portent à cette activité, comme nous partageons une partie des doutes, des angoisses qu'ils ont exprimés devant la montée d'un phénomène auquel on ne peut pas s'opposer dans le système qui est le nôtre, et que le Gouvernement, avec d'ailleurs l'accord un peu ad referendum de la commission des finances, s'efforce d'encadrer.
S'il n'avait pas été si tard, j'aurais aimé donner lecture d'une lettre véritablement angoissée qu'un exploitant d'un cinéma d'art et d'essai de Romilly-sur-Seine, dans mon département, m'a envoyée. Je voudrais simplement insister sur une phrase, parce qu'elle est technique et me paraît pleine de bon sens.
Cet exploitant m'écrit donc, en me demandant de faire part de son point de vue : « Il nous paraît important qu'un contrôle des billetteries assure une parfaite traçabilité des entrées, une transparence de la remontée des recettes aux ayants droit, la garantie d'une rémunération de l'exploitant indépendant n'émettant pas de cartes, mais étant obligé d'adhérer à un tel système. »
Je crois que c'est ce que vous essayez de faire, madame la ministre, avec le concours des collaborateurs très compétents qui vous entourent et du Centre national du cinéma. J'espère qu'il en sera bien ainsi, mais je n'en suis pas tout à fait sûr. Je voterai donc bien évidemment ce dispositif, avec une certaine angoisse, mais en même temps avec l'espoir que, malgré tout, nous réussirons tous ensemble.
M. Jack Ralite. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je voudrais dire un mot à M. Marini, parce que, inconstestablement nous n'avons pas le même verbier. Il a du pluralisme une conception « pensée unique », alors que nous, nous avons du pluralisme une conception qui permet aux tensions, fussent-elles vibrantes, de s'exprimer.
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce ne fut pas toujours le cas !
M. Jack Ralite. M. Massimo Cacciari, le maire de Venise, disait que le pluralisme serait un malheur si chacune de ses composantes n'avait pas d'hospitalité pour l'autre. J'ai cru entendre que la ministre de la culture avait de l'hospitalité pour une certaine dimension de mes pensées, et c'est d'ailleurs réciproque.
En fait, vous savez à quoi pensent les auteurs de la carte UGC-Vivendi ? Moi, je n'arrive pas les séparer ; ils s'aiment vraiment ! (Sourires.) Ils pensent à une carte universelle, Universal, qui concernerait le cinéma, le web, la télé, le téléphone... Ces choses-là sont pensées et même déjà théorisées. Elle s'intégrerait dans une espèces de tendance visant à relier de larges protefeuilles de droits sur les oeuvres à d'immenses clubs de millions d'abonnés.
Il s'agit de véritables séismes culturels et économiques tendant à structurer - et cela, ce n'est pas de la régulation, c'est une espèce de violence - le secteur clé de l'économie du xxie siècle, c'est-à-dire l'industrie de l'esprit qui veut gérer les représentations de l'information et de l'imagerie.
C'est un enjeu tout à fait important.
L'industrie du divertissement, face à la crise des façons de vivre, répand platitude et vacarme et nous cerne avec le factuel, alors que les arts, dont le cinéma, ne sont jamais tempérés. Ils convoquent la pensée. Ils travaillent sur l'exception. Ils sont mutins.
Mon amendement d'ailleurs est un amendement mutin. C'est pourquoi je l'ai défendu, et je pense qu'on en reparlera... Monsieur Marini, ne pensez pas pouvoir semer la discorde entre Mme la ministre, Catherine Tasca, et l'homme que je suis ; nous avons un long passé commun, quoique divers et toujours mobilisé autour de la création dans sa pluralité.
M. Henri Weber. Très bien !
M. le président. Monsieur Ralite, vous devez partager avec d'autres la complicité d'un long passé commun avec Mme Tasca, pas forcément pour les mêmes raisons d'ailleurs ! (Sourires.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 23 rectifié, pour le quel la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 54 ter, et l'amendement n° 465 rectifié n'a plus d'objet.
Vous voyez, monsieur Ralite, que la culture peut rassembler ! Je suis triste pour vous cependant puisque, malgré votre talent, votre amendement tombe devant celui de Mme Tasca. (Sourires.)
Par amendement n° 24, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 54 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 41-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rédigé :
« Lorsque le Conseil de la concurrence est saisi, en application de l'article L. 430-5 du code de commerce, de concentrations ou de projets de concentration concernant, directement ou non, un éditeur ou un distributeur de services de communication audiovisuelle, il recueille l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le Conseil de la concurrence communique, à cet effet, au Conseil supérieur de l'audiovisuel toute saisine relative à de telles opérations. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel transmet ses observations au Conseil de la concurrence dans le délai d'un mois suivant la réception de cette communication. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Il s'agit d'un amendement de coordination entre la nouvelle loi sur la communication et les dispositions de la présente loi.
La rédaction de l'article 41-4 de la loi sur la liberté de communication rend désormais obligatoire la saisine du Conseil de la concurrence de toutes les opérations de concentration intervenant dans le secteur de l'audiovisuel. De son côté, le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques met en place un régime de notification obligatoire et suspensif des concentrations.
Il s'agit, par le présent amendement, de maintenir le principe de la consultation automatique du CSA par le Conseil de la concurrence sans que des délais trop longs soient préjudiciables aux entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Madame le ministre, faute avouée, faute pardonnée... Dans la discussion de la loi sur l'audiovisuel, le Sénat avait émis une proposition qui allait exactement dans le sens que ce que vous proposez. La question n'était pas complètement mûre à ce moment là, nous avions raison trop tôt. Vous nous donnez raison à présent...
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Avec plaisir !
M. Philippe Marini, rapporteur. Les difficultés qui sont intervenues n'avaient pas échappé au Sénat.
Nous sommes donc favorables à cette disposition de coordination, qui est tout à fait opportune.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 54 ter.
Par amendement n° 156 rectifié, le Gouvernement propose, après l'article 54 ter , d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa (2°) de l'article 41-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les mots : "des critères figurant à l'article 355-1" sont remplacés par les mots : "des critères figurant aux I et II de l'article L. 233-3 du code de commerce". »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le présent projet de loi introduit dans la loi sur les sociétés commerciales la notion de contrôle conjoint. Si cette disposition était étendue au secteur de l'audiovisuel, une même chaîne pourrait avoir deux titulaires d'autorisation.
Une telle règle ne manquerait pas de poser un problème de responsabilités difficiles à établir en cas de manquement aux règles que le CSA fait respecter. Il est donc proposé de ne pas appliquer la notion de contrôle joint aux entreprises de l'audiovisuel.
Si, en revanche, il était établi que plusieurs actionnaires exerçaient de concert le contrôle sur une chaîne de télévision, les règles posées par l'article 39 s'appliqueraient en toute hypothèse, et c'est ensemble que les actionnaires ne devraient pas détenir plus de 49 % de la chaîne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'est pas convaincue du bien-fondé de cet amendement parce que, au-delà de la mesure de coordination, il traduit une volonté de placer l'audiovisuel hors du régime de droit commun des concentrations, et cela, nous hésitons à l'approuver.
Vous dites : S'il y a deux titulaires pour une autorisation, que se passe-t-il ? Eh bien, ils sont solidaires dans les responsabilités qu'ils prennent. S'il y a des manquements, ils les assument en commun.
La commission n'est donc pas favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 156 rectifié, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je rappelle que les articles 55 A à 70 quater ont déjà été examinés par priorité.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU SECTEUR PUBLIC

Article additionnel avant l'article 71 A