SEANCE DU 25 OCTOBRE 2000


TRANSPOSITION PAR ORDONNANCES
DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, vous demandez aujourd'hui à la représentation nationale d'autoriser le Gouvernement à recourir à une mesure exceptionnelle afin que la France ne finisse pas sa présidence en position de très mauvais élève de la classe européenne.
Soit, mais alors dites-nous, au nom de la transparence, de la clarté que vous réclamez, pourquoi le ministre délégué aux affaires européennes n'a pas utilisé ses trois ans passés au ministère pour redresser une situation déjà médiocre au lieu de la laisser se dégrader ?
Je souhaiterais attirer votre attention sur la date, le principe et les effets de cette demande, avant de vous suggérer des améliorations possibles pour éviter que l'on ne se retrouve dans cette situation.
L'ampleur de la tâche et la dégradation de la situation sont considérables ; je la rappelle brièvement à mon tour : 176 directives à transposer ; la France en avant-dernière position dans le tableau du suivi des transpositions des textes communautaires, mais en première position - si on peut qualifier ainsi la place de cancre de la classe - s'agissant du nombre de procédures pour manquement à ses obligations ; enfin, risques d'astreintes financières, avant tout meurtrissantes pour la fierté nationale et désastreuse pour l'exemplarité qui devrait vous caractériser. Tout cela ne fait pas sérieux ! Nos partenaires doivent considérer que, plutôt que de nous poser en donneurs de leçons, nous ferions mieux de balayer devant notre porte.
L'argument de l'image de la France, utilisé à plusieurs reprises par MM. les ministres Gayssot, Moscovici et Hascoët, lors de leur audition la semaine dernière en commission des lois, est insidieux, car le Gouvernement, comme d'autres orateurs l'ont souligné, est maître de l'ordre du jour et il se devait d'anticiper cette présidence annoncée.
En tant que parlementaires soucieux que notre pays ne perde pas son autorité morale, acquise par l'action des - je dis bien : « des » - gouvernements antérieurs, nous ne pouvons être insensibles à cet argument. Mais il serait cocasse que le Parlement soit rendu responsable de cette image déplorable s'il ne votait pas ce projet de loi ! Nous refusons de porter le poids d'une faute qui est de la seule responsabilité du Gouvernement.
Vous pensez à l'image de notre pays bien tardivement. Je le répète : que n'avez-vous pris les mesures nécessaires avant juillet 2000, avant notre présidence ? Nous pourrions alors revendiquer cette autorité morale vis-à-vis de nos partenaires tout au long de celle-ci. Il est bien tard pour s'en préoccuper à la fin du mois d'octobre. C'est de la légèreté, monsieur le ministre ! Comment justifiez-vous cette décision si tardive ?
Le Gouvernement manie l'urgence selon son bon plaisir. Il a montré plus de zèle en décrétant l'urgence sur des textes nationaux qui, au contraire, méritaient une réflexion dans la durée et un débat approfondi : je pense aux textes relatifs à l'aménagement du territoire, à l'intercommunalité, à la loi d'orientation agricole, à la loi sur le sport, entre autres.
Le choix de cette date tardive n'est donc pas satisfaisant. Le recours aux ordonnances ne l'est pas davantage. Par définition, la directive laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Le Gouvernement considère-t-il que les ordonnances soient le meilleur moyen de transposer le droit communautaire en droit français ?
Pour ce qui est des directives techniques ou à caractère réglementaire, bien sûr, faisons bref. Pour ce qui est des textes qui sont du domaine de la loi, la dérive que vous proposez serait grave dans sa philosophie. Je préfère penser que, par commodité, vous éludez le débat sur le code de la mutualité, les droits des consommateurs, le financement des autoroutes, et j'en passe...
En nous demandant de pouvoir transposer cinquante directives ou parties de directives à caractère législatif, vous contribuez à dégrader l'image de l'Europe dans l'esprit de nos concitoyens. En effet, ces derniers considèrent celle-ci comme trop technocratique. En dessaisissant les représentants du peuble de ces débats, vous ne faites qu'aggraver la caricature qu'en font les adversaires de l'Europe.
Dans cette précipitation, on risque d'aller à l'encontre de conclusions traduisant des aspirations nationales.
Ainsi, la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, la CSSPPT, composée de sept sénateurs, de sept députés et de personnalités choisies en fonction de leurs compétences, a pris une délibération unanime pour modifier la directive postale qui va à l'encontre des préoccupations d'aménagement du territoire. Mon groupe, sur l'initiative de mon collègue Pierre Laffitte, membre de la CSSPPT, estime que le Parlement doit en débattre.
M. Gérard Larcher. Il a raison !
M. Aymeri de Montesquiou. Pour illustrer mon propos, je choisirai un seul texte, la directive « Natura 2000 ».
En la matière, la logique gouvernementale est étrange, comme l'a rappelé notre collègue Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois : en 1998, Mme la ministre de l'environnement avait refusé la mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de la proposition de loi du sénateur Le Grand, qui aurait permis la transposition de cette directive.
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous ce refus passé qui conduit le Gouvernement à la précipitation actuelle ? Je cherche vainement une cohérence entre le refus de débat manifesté voilà deux ans et la soudaine fébrilité. J'ai peur que nous n'ayons le choix entre, d'une part, votre crainte d'une discussion dans laquelle vous serez peu à l'aise étant donné les attitudes fondamentalistes prises contre la chasse par vos amis Verts et leur ignorance de la ruralité, et d'autre part votre souci d'apparaître bien désinvoltes à nos partenaires de l'Union européenne.
J'en viens au fond de ce texte.
Les zones de protection sont plus grandes que prévu et pourraient faire l'objet d'une négociation interne. Un exemple concret : dans le Bas-Armagnac, elles pourraient représenter 40 000 hectares, soit 8 % de la superficie du département du Gers. C'est considérable pour une seule zone. Je suis convaincu que cette situation existe dans la plupart des départements et concerne donc de grandes étendues et de nombreuses populations. En conséquences, on ne peut accepter une transposition par ordonnance sur un tel texte.
Pour l'avenir, il nous faut créer les moyens d'un suivi plus rigoureux des transpositions. J'ai bien noté la création des projets de loi portant diverses dispositions d'ordre communautaire. Mais cette mesure, sans doute utile, est apparemment insuffisante, puisqu'elle n'a pas permis le rattrapage. Par ailleurs, la circulaire du Premier ministre en date du 9 novembre 1998, relative à la procédure de suivi de la transposition des directives communautaires en droit interne, n'a pas été exécutée avec la diligence requise. Pourquoi, et quelles mesures efficaces proposez-vous ?
Il devient nécessaire d'agir au sommet de la hiérarchie des normes, et le gouvernement auquel vous appartenez en est convenu. Dans cette optique, je vais déposer, au nom du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, une proposition de loi constitutionnelle qui permettrait une transposition systématique du droit dérivé communautaire. Les projets de loi nécessaires seraient automatiquement mis à l'ordre du jour prioritaire des assemblées trois mois avant la date indiquée dans les directives. L'examen des textes se ferait ensuite selon la procédure normale, en associant pleinement les Français par l'intermédiaire de leurs représentants.
Monsieur le ministre, une dernière question avant de conclure : si le Parlement votait le projet de loi concernant cinquante directives sur les cent soixante-quinze restantes, quelle serait la place de notre pays dans le tableau du suivi des transpositions ?
Le Sénat, par souci de pragmatisme, ne rejettera sans doute pas ce projet de loi amendé. Le groupe du RDSE, pour sa part, souhaite que le Gouvernement soutienne la proposition de loi constitutionnelle que je viens d'évoquer et travaille à des mesures concrètes pour éviter que la France ne reste un élève médiocre dans l'application du droit communautaire.
L'Europe se renforce et les procédures vont désormais jusqu'à leur terme. Ainsi, pour la première fois, en juillet dernier, la Cour de justice des Communautés européennes a condamné un Etat négligent au paiement d'astreintes. Vous nous appelez au secours pour ne pas être le deuxième à subir cette vexation.
Monsieur le ministre, notre pays ne peut prétendre être moteur de la construction et avoir des ratés si fréquents ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui tend à permettre le recours à la procédure des ordonnances de l'article 38 de la Constitution pour assurer la transposition de directives communautaires et la mise en oeuvre de certaines dispositions du droit communautaire.
Monsieur le ministre, il n'est pas possible de banaliser une telle procédure, qui ne respecte pas les droits de la représentation nationale et prive le Parlement de la possibilité de débattre des sujets contenus dans les cinquante et une directives visées par le projet de loi. Cela ne nous convient pas. Nous avons donc déposé une motion tendant à opposer la question préalable, qui sera présentée à l'issue de la discussion générale par mon collègue Robert Bret, pour témoigner de notre hostilité de principe à ce projet.
A plusieurs reprises, on a évoqué le retard pris par la France en matière de transposition de directives européennes dans le droit français. C'est un fait, notre pays est parmi les derniers au classement en ce domaine. Mais est-ce un argument valable pour recourir à une procédure qui viole le droit imprescriptible au débat sur des questions qui sont loin d'être toutes purement « techniques », et pour justifier l'ampleur exceptionnelle de l'habilitation demandée au Parlement ?
A l'évidence, la situation invoquée nous oblige à réfléchir à la mise en place d'une nouvelle procédure d'adoption et de transposition, qui permmette de faire face à l'affuence de plus en plus grande de directives européennes qui appellent une transposition. Nous ferons quelques suggestions à cet égard en défendant la question préalable, et nous espérons qu'elles seront prises en considération.
En tout état de cause, la procédure par ordonnance qui nous est proposée nous agrée d'autant moins qu'elle peut constituer un précédent comme mode de gestion. Une telle évolution serait lourde de dangers pour le fonctionnement de la démocratie dans notre pays.
La France est actuellement présidente de l'Union européenne. Dès lors qu'elle a fait du rapprochement de la construction européenne et des citoyens une de ses priorités, ce à quoi je souscris, nous ne pouvons comprendre le dépôt de ce projet de loi, qui va exactement à l'encontre d'un tel objectif.
Il serait au contraire urgent, dans la perspective d'une démocratisation des institutions européennes, de renforcer les prérogatives et le rôle des parlements nationaux, organes représentatifs des peuples, parallèlement à ceux du Parlement européen. Il est temps de donner enfin aux citoyens des pouvoirs réels d'intervention dans la construction européenne, faute de quoi celle-ci n'ira pas bien loin. L'implication des citoyens dans la construction européenne passe par une information claire et totale sur les textes proposés par Bruxelles, quel que soit le sujet traité.
Or le présent projet de loi ne répond en rien à cette exigence. Les difficultés d'accès à l'information concernant les directives, le manque d'explications et de concertation en amont sont caractéristiques d'une opacité qui n'est pas acceptable.
En outre, l'argument selon lequel ces directives devront, de toute façon, être transposées puisqu'elles émanent de Bruxelles, d'autant qu'elles le sont même déjà parfois dans les faits, ne nous convainc pas. L'expérience l'a en effet montré, les débats sur des transpositions de directives européennes ont souvent permis d'y apporter des modifications substantielles par voie d'amendements. C'est pourquoi, notamment, nous sommes attachés à la possibilité de tenir de tels débats.
Nous n'acceptons donc pas, dans la forme, ce projet de loi. Et nous l'acceptons d'autant moins que les directives visées sont loin d'être anodines.
De plus, le projet de loi, au-delà de certaines transpositions ou adaptations liées à ces transpositions, vise aussi des réformes de droit interne non requises par le droit européen.
Certaines directives semblent promouvoir une évolution qui nous paraît positive et qui est acceptée par les acteurs concernés ; je pense en particulier ici à l'article 3, relatif à la refonte du code de la mutualité, qui a été approuvé par les fédérations mutualistes. Mais, en tout état de cause, l'importance de ce type de sujets pour la société implique, par principe, un véritable débat ; cela est d'autant plus vrai que, dans l'exemple que j'ai cité, le statut fiscal des mutuelles n'est pas réglé.
Nombreuses sont, en outre, les propositions qui nous semblent fortement critiquables sur le fond, car elles vont à l'encontre de la conception de l'Europe sociale, démocratique et solidaire que, nous, nous défendons.
Je citerai simplement quelques exemples significatifs qui justifient tout particulièrement notre refus d'habiliter le Gouvernement à transposer les directives communautaires par ordonnances, ces transpositions nécessitant, selon nous, un débat préalable sur l'orientation de la construction européenne, un débat qui doit impliquer l'ensemble des citoyens.
Prenons la directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1998 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans.
La Commission européenne a introduit un recours en manquement contre la France pour défaut de transposition de cette directive à la profession de psychologue. Le recours aux ordonnances permettrait de pallier ce manquement de façon très rapide. Mais cela signifie purement et simplement que nous allons vers une harmonisation par le bas du diplôme concernant cette profession, dont l'exercice nécessite actuellement un DESS, soit le niveau bac + 5, contre un niveau bac + 3 dans d'autres pays européens. Certes, est évoquée la possibilité pour les Etats d'imposer certaines mesures compensatoires, « en cas de différence substantielle de formation ». Mais, outre le flou qui entoure ces mesures, il est évident que l'objectif recherché est l'alignement à terme des diplômes.
Si nous sommes favorables à la recherche d'une harmonisation à l'échelle européenne, nous rejetons une harmonisation prenant le plus petit dénominateur commun comme référence. Or tel est le cas dans l'exemple dont je viens de faire état.
Dans le même esprit, j'évoquerai la directive 96/97 relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale. Sous prétexte de promouvoir l'égalité entre hommes et femmes, il s'agit, là encore, d'aligner vers le bas le système de protection.
L'interprétation rigide que fait la Commission européenne de ce principe conduit, dans ce cas, à supprimer les avantages particuliers consentis aux femmes et la possibilité de prendre des mesures de protection particulière en leur faveur.
S'il est légitime et nécessaire de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes - ce n'est pas nous qui dirons le contraire ! - cela doit toujours se faire au profit des femmes, qui continuent d'être l'objet de discriminations et d'inégalités. Comme si la Commission européenne l'ignorait ! En aucun cas on ne peut accepter, sous couvert d'application de ce principe, qu'elles perdent des avantages qui leur étaient accordés, alors qu'elles sont loin, pour l'instant, d'avoir gagné l'égalité.
Quant à la directive 94/33 du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail, elle ne nous semble pas répondre totalement à un souci de renforcement de cette protection. Dans tous les cas, la complexité et les ambiguïtés de son contenu appellent légitimement un véritable débat sur cette question.
Pour ce qui est des neuf directives sur les télécommunications et de la directive postale - très largement contestée - visées dans ce projet de loi, il nous semble particulièrement inacceptable qu'il n'y ait pas de débat sur des sujets qui constituent de véritables enjeux de société.
En n'associant pas le Parlement aux décisions nationales concernant le secteur des télécommunications, le Gouvernement fait notamment l'impasse sur le débat relatif au rôle de l'opérateur public France Télécom en la matière. La position de la Commission de Bruxelles prônant la libéralisation totale et l'ouverture à la concurrence de ce secteur est présentée comme quasiment non discutable.
De même, la directive postale concerne un secteur dont le caractère universel et le rôle sociologique majeur, en lien direct avec la population, appellent un débat national, où les citoyens soient partie prenante ; la mobilisation des citoyens contre la libéralisation de La Poste en témoigne. De ce point de vue, notre opposition sur le fond est d'une nature fondamentalement différente de celle de la commission des affaires économiques du Sénat.
Nous rejetons en effet l'ouverture à la concurrence préconisée par Bruxelles dans ce domaine parce qu'elle mettrait en péril les missions du service public postal, avec ses exigences de péréquation tarifaire, de présence de qualité sur tout le territoire et d'accès de tous aux nouveaux modes de transmission de l'information. Un débat au Parlement permettrait d'améliorer la situation actuelle.
Dans tous ces domaines, qui sont appelés à devenir de plus en plus importants dans notre société, ne devons-nous pas exiger que les citoyens, y compris par l'intermédiaire des parlementaires, soient pleinement associés aux choix à arrêter ? Nous en sommes convaincus. Décret, recours aux ordonnances : comment le citoyen pourrait-il prétendre participer à ces évolutions fondamentales dans de telles conditions ?
Les mêmes remarques pourraient être faites au sujet de l'article 4, qui concerne l'évolution du secteur autoroutier, et qui va bien au-delà d'une simple transposition. Les réformes proposées auront un impact important sur la vie des citoyens. Je pense, par exemple, à la suppression - envisagée - du principe de gratuité autoroutière ou à la suppression des règles garantissant aux sociétés d'économie mixte la reprise par l'Etat de leur passif.
A travers ces quelques exemples, j'ai voulu montrer que, au-delà de la procédure, nous nous opposons au contenu même de certaines directives. Nous défendons, au contraire de ce qui est proposé, une harmonisation par le haut des normes et des législations sociales.
La dimension citoyenne qu'il faudrait promouvoir dans le processus de construction européenne est indissociable, selon nous, du refus de la libéralisation à outrance qui est aujourd'hui l'un des objectifs majeurs de la Commission de Bruxelles. Quelles que soient les décisions de celle-ci, quelles que soient les directives, le débat au Parlement est toujours utile.
Pour qu'une réorientation de la construction européenne voie le jour et se mette réellement au service des peuples européens, nous revendiquons l'intervention des citoyens, et donc des parlements nationaux, sur l'ensemble des questions européennes.
L'Europe apparaît essentiellement aujourd'hui comme une Europe des technocrates, bureaucratique, très éloignée des préoccupations des peuples. Ce sentiment, qui entraîne légitimement un désintérêt pour les questions européennes - quand ce n'est pas un rejet pur et simple de l'Europe - est partagé par l'opinion publique en France mais aussi dans de nombreux autres pays de l'Union, en particulier les pays nordiques.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait opportun que la France, en tant que présidente de l'Union, montre l'exemple, qu'elle prenne l'initiative d'une construction européenne à l'écoute des citoyens, réellement proche d'eux, plutôt que de jouer la « bonne élève » en matière de rapidité dans la transposition des directives ? C'est, en tout cas, ce que nous pensons, nous.
Tel est le sens de notre question préalable, qui manifeste notre opposition résolue à un projet inacceptable à nos yeux. Toutefois, si notre motion est rejetée, nous participerons au débat en défendant des amendements tendant au retrait de certaines directives. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Sutour.
M. Simon Sutour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la date du 30 septembre 2000, 176 directives européennes n'avaient pas été transposées en droit national, dont près d'un tiers nécessitent l'édiction de dispositions législatives.
Cette situation, alors que la France est actuellement en charge de la présidence de l'Union européenne, représente un handicap certain et peut gêner notre pays dans sa capacité d'initiative à l'échelon européen. En effet, depuis le 1er juillet de cette année, le Gouvernement français s'est engagé dans une conduite dynamique et volontariste de la présidence de l'Union européenne, entendant bien obtenir des résultats sur un certain nombre de dossiers majeurs.
C'est pourquoi il convient aujourd'hui d'envoyer un signal fort aux autorités et à l'ensemble de nos partenaires européens.
La France ne peut se permettre d'être l'un des pays qui connaissent le plus grand retard dans la mise en oeuvre du droit communautaire et, par là même, se mettre dans une situation juridique et politique inconfortable.
En réponse à ce problème préoccupant, le Gouvernement, en accord avec le Président de la République, présente aujourd'hui au Parlement un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, et cela en application de l'article 38 de la Constitution.
Cette procédure, qui a déjà été utilisée, suppose l'autorisation du législateur, qui accepte ainsi de se dessaisir au profit du Gouvernement.
Ce dessaisissement suscite une émotion légitime, que je partage en tant que parlementaire. En effet, nul n'apprécie de se voir privé d'une part importante de ses compétences propres.
Cependant, il convient de relativiser. Dans le cas présent, les craintes exprimées ici ou là de voir le Gouvernement se substituer au Parlement ne trouvent pas de justification. Le Gouvernement, en l'occurrence, n'a pas la volonté de légiférer comme ce fut parfois le cas dans le passé. (M. Gérard Larcher manifeste son étonnement.)
Il convient ici de rappeler qu'à une certaine époque on demanda au Parlement de légiférer par ordonnances sur la sécurité sociale, ce qui était d'une nature totalement différente.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Simon Sutour. Je ne crois pas que le Parlement soit ignoré, d'autant que le régime juridique des ordonnances de l'article 38 de la Constitution encadre sévèrement cette pratique.
Face à une situation exceptionnelle - le retard accumulé et l'engorgement du calendrier législatif -, le moyen exceptionnel que constitue l'habilitation est la réponse opportune.
En effet, le calendrier parlementaire rend impossible l'adoption des mesures législatives nécessaires à la transposition des directives à court terme, comme l'y oblige la législation européenne ; la rapidité permet d'éviter que plus de contentieux soient portés devant la cour de justice des Communautés européennes.
Il faut rappeler que, outre les procédures contentieuses en cours, notre pays a déjà été condamné à sept reprises et s'expose actuellement à des procédures qui pourraient, le cas échéant, déboucher sur une condamnation à verser de lourdes astreintes.
Sur le plan pratique, le recours aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution répond à ce souci de rapidité et de règlement du passif accumulé. Cependant, il est bien légitime pour le législateur de s'interroger, d'une part, sur le contenu des directives en question et sur leurs conséquences sur notre législation, même si, dans la plupart des cas, les dispositions en cause présentent un caractère très technique, dont la teneur est fortement contrainte par les dispositions communautaires, et, d'autre part, sur la constitutionnalité du projet de loi d'habilitation.
Tout d'abord, en ce qui concerne le contenu, il faut souligner que, depuis 1997, le Gouvernement, par l'instrument du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire, s'est efforcé de consulter, dans la mesure du possible, le Parlement sur certaines directives majeures, comme la directive relative au marché intérieur de l'électricité. Il faut saluer cette initiative, mais utiliser cette procédure dans le cas présent n'est pas envisageable compte tenu des contraintes précédemment évoquées.
De plus, l'habilitation demandée aujourd'hui ne recouvre pas des directives dont la portée justifierait un débat et la discussion devant la représentation nationale d'un projet de loi ou d'une proposition de loi, à l'inverse du travail de nuit des femmes ou des questions qui se posent dans le domaine sensible des biotechnologies.
Enfin, je veux rappeler à certains de mes collègues qu'un très grand nombre de directives concernées par cette habilitation ont été transmises, ainsi que leurs modifications, aux assemblées parlementaires et qu'à ce titre la délégation du Sénat pour l'Union européenne a pu se saisir de certaines d'entre elles.
Le champ de l'habilitation est suffisamment délimité pour qu'il n'y ait pas de mesures de pure opportunité politique ; les directives sont connues, les plus importantes font ou feront l'objet de débats au Parlement. Il n'y a donc pas lieu de craindre un dessaisissement du législatif au profit de l'exécutif.
En ce qui concerne ensuite la constitutionnalité du projet de loi, il est normal d'y prêter une attention toute particulière, et ce pour deux raisons essentielles : d'une part, parce que jamais un projet de loi d'habilitation à transposer par ordonnances des directives communautaires n'a été aussi vaste, que ce soit sur le plan quantitatif ou par la nature des dispositions visées ; d'autre part, parce que le recours aux ordonnances suppose une stricte application du champ légal tel qu'il est défini par la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel insiste notamment sur la finalité des mesures que le Gouvernement entend prendre sur le fondement de l'habilitation. A ce titre, le présent projet de loi précise la finalité de l'habilitation et son champ. Je ne vais pas ici rappeler le détail des directives et des mises en conformité, me contentant d'insister sur l'article 5 du présent projet de loi, qui, conformément à l'article 38 de la Constitution, encadre la possibilité de déléguer dans un laps de temps très limité. En d'autres termes, la loi d'habilitation doit fixer la date avant l'expiration de laquelle les ordonnances devront être prises ainsi que la date butoir assignée au Gouvernement pour déposer le projet de loi de ratification.
Le projet de loi fixe deux dates précises avant lesquelles les ordonnances devront être édictées, à compter de la publication du présent projet de loi : six mois pour les mesures à prendre dans les domaines de la santé, du travail ou encore de la sécurité sociale, dix mois pour les mesures à prendre dans les domaines de l'économie, des finances et des télécommunications.
Les délais fixés sont raisonnables et permettent une large consultation. C'est pourquoi les amendements déposés par la commission des lois me paraissent injustifiés.
Le groupe socialiste s'opposera aux autres amendements relatifs aux différents retraits de directives, excepté sur l'amendement « Natura 2000 » correspondant à deux directives de l'article 1er du présent projet de loi. Il s'agit, d'une part, de la directive du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage et, d'autre part, de l'article 4 de la directive du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. Sur cet amendement le groupe socialiste s'abstiendra.
En conclusion, je veux insister sur le caractère exceptionnel du recours à la procédure des ordonnances de l'article 38 de la Constitution, seul moyen actuellement d'éviter de nouvelles condamnations, seul moyen pour notre pays de se mettre en conformité avec le droit européen, seul moyen d'apurer un passif important.
Néanmoins, pour l'avenir et pour ne plus se trouver devant une telle situation, il convient, comme s'y est engagé M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, devant la commission des lois que le Parlement et le Gouvernement mènent conjointement une réflexion pour apporter une réponse, si possible définitive, à ce problème. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'excellente intervention de M. le rapporteur, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, notre collègue M. Ladislas Poniatowski, nous a exposé avec une grande force argumentaire les raisons qui l'amenaient à juger que le recours aux ordonnances n'était pas envisageable dans trois cas, notamment pour la directive « Natura 2000 » et pour la directive postale de 1997. Il nous a d'ailleurs précisé que la commission des affaires économiques avait déposé des amendements visant à exclure ces deux directives du champ d'application du projet de loi.
Je soutiens entièrement ces choix.
En effet, s'agissant tout d'abord de la directive « Natura 2000 », il convient de se rappeler qu'elle a fait l'objet d'une proposition de loi de transposition adoptée par le Sénat en juin 1998 - vous l'avez rappelé, mes chers collègues.
Cette initiative sénatoriale s'appuyait sur les recommandations d'un rapport de la commission des affaires économiques de ce rapport. Le titre résume bien des discours : Natura 2000, de la difficulté à mettre en oeuvre une directive européenne.
En bref, face à une directive mal connue et, surtout, difficile à interpréter, le Sénat érigeait une véritable règle du jeu clarifiant la procédure d'application, règle du jeu arrêtée en concertation avec les agriculteurs ainsi qu'avec tous les autres acteurs socio-économiques et de l'aménagement du monde rural.
Face à ce texte construit, équilibré et lourd d'enjeux pour nos territoires comme pour la qualité de vie de nos concitoyens, le Gouvernement, lui, nous demande aujourd'hui de lui signer un blanc-seing. Cela ne me paraît pas sérieux !
N'a-t-il pas à sa disposition une procédure autrement plus respectueuse des droits du Parlement et, qui plus est, à même d'aboutir rapidement, monsieur Sutour ? Bien sûr que si ! Il suffit au Gouvernement d'inscrire la proposition de loi que nous avons adoptée à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Au moins, la transposition se fera au grand jour et nous serons réellement assurés que les exigences posées par la Haute Assemblée seront prises en compte et qu'un vrai débat s'instaurera.
Que l'on ne vienne pas ici, aujourd'hui, nous parler de la nécessité d'aller vite sur ce sujet et de l'impossibilité de supporter un délai de quelques mois supplémentaires dans la traduction de « Natura 2000 » en droit français. Cette traduction attend depuis plus de huit ans ; alors, quelques mois de plus.
Surtout, ceux qui nous opposeraient cet argument appartiendraient à ce même gouvernement qui, il y a deux ans, s'est opposé à notre proposition en évoquant alors, lors des débats, l'imminence d'un projet de loi... que nous n'avons jamais vu venir.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Gérard Larcher. Je laisse le Sénat juge.
Ce dont je suis convaincu, c'est que la Haute Assemblée sera cohérente avec ses travaux antérieurs en refusant, par-delà même les clivages politiques, l'habilitation demandée pour « Natura 2000 ». Cela me paraît essentiel : nous ne pouvons laisser prendre de telles dispositions sans un débat de fond.
Cependant, la préservation de nos espaces naturels n'est pas le seul sujet sensible dont le Gouvernement ne souhaite pas que le Parlement discute. L'avenir de cette grande entreprise publique qu'est La Poste en est un autre.
Regardons les réalités en face. Quel serait le principal effet - si nous l'acceptions - de la demande d'habilitation visant à transposer la directive postale par voie d'ordonnance ? Tout simplement d'interdire le moindre débat sur l'orientation politique et le cadre juridique qu'il convient de tracer pour que notre poste, qui emploie plus de 300 000 personnes et est présente sur 17 000 points de notre territoire, puisse affronter de manière conquérante, et non frileuse, les lourds défis qui se dressent devant elle.
Or, ce débat et cette loi d'orientation postale, le groupe d'études sur l'avenir de La Poste et la commission des affaires économiques les réclament depuis trois ans !
Notre Haute Assemblée a exigé ce débat et cette loi au début de l'an dernier, en adoptant, en première et en nouvelle lecture, un amendement en ce sens lors de l'examen du dispositif postal intégré subrepticement à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Ce débat et cette loi d'orientation postale ont été promis ici même, M. Poniatowski le rappelait, par Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, qui a indiqué que « le Gouvernement déposerait, dans les prochains mois, un projet de loi qui donnera aux activités postales un cadre juridique complet ».
Là encore, est-il sérieux, après de telles déclarations, de demander, aujourd'hui, que ce cadre juridique complet soit élaboré discrètement par voie d'ordonnance ?
Est-ce une manière digne de traiter la question postale alors que Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, déclarait le 8 juin dernier, toujours devant le Sénat, que « La Poste constituait un des grands dossiers du Gouvernement » ?
Peut-on raisonnablement considérer que l'attitude politique ainsi prise par le Gouvernement est adaptée aux circonstances quand on sait l'émoi que suscite, chez les postiers et chez de nombreux élus, les propositions de nouvelle directive postale qui sont actuellement défendues par M. Fritz Bolkestein, commissaire européen en charge du secteur ?
Oserait-on prétendre que l'avenir de La Poste ne mérite pas de débat parlementaire quand, dans un mois, le 20 novembre très exactement, la poste allemande, qui nous était comparable voilà cinq ans, mais qui est aujourd'hui quatre fois plus forte que nous, sera introduite en Bourse et qu'il y a trois mois le gouvernement de Tony Blair a transformé la poste britannique en une société par actions ? Dans ce monde postal en pleine recomposition, notre opérateur national ne dispose toujours pas, lui, du moindre capital, avec son statut d'établissement public !
A ces questions, nous ne pouvons que répondre qu'il n'est décidément pas possible qu'il n'y ait pas un débat de fond sur l'avenir de l'opérateur public La Poste.
Certes, ceux qui font une interprétation a minima de la directive postale de 1997 rétorqueront qu'il ne reste dans cette directive que deux dispositions de nature législative devant encore obligatoirement être traduites dans notre droit.
Mais ceux-là oublient, ou font semblant d'oublier, que l'article 22 de ladite directive pose la question, tout à fait essentielle et inhabituelle dans notre droit, de la création d'une autorité de régulation spécifique au secteur postal !
La commission des affaires économiques et le groupe d'études « Poste » se sont, l'an dernier, déclarés favorables à l'institution d'une autorité postale indépendante mais adossée sur l'Etat, spécificité d'ailleurs assez française. Ils souhaitaient ainsi que soient pris les moyens de faire face aux évolutions qui résulteront, sous l'impulsion de l'Union européenne et du fait du développement des nouvelles technologies, de l'accroissement de la concurrence dans ce secteur. A tout le moins, une telle question mérite bien une discussion parlementaire.
Cependant, le plus inquiétant à mon sens n'est pas encore là. Il est dans le fait que notre poste se trouve aujourd'hui handicapée par un retard d'adaptation aux évolutions de son environnement. Elle est aujourd'hui la seule grande poste européenne à ne pas disposer d'un capital social, la seule grande poste européenne à ne pas avoir repensé son organisation en prévision du choc concurrentiel qu'elle va devoir affronter ; elle est aussi l'une des rares à ne pas avoir vu ces questions centrales traitées au plan politique.
Les postes allemande, néerlandaise, anglaise, italienne, suédoise, danoise, autrichienne, espagnole, portugaise et même grecque ont fait leur mutation, ou l'ont programmée à brève échéance. Dans chacun de ces pays, des textes ont été votés après un débat au parlement, des décisions politiques ont été prises, en association avec les parlements. Les vieux réflexes étatiques des opérateurs ont été corrigés dans le respect de leurs missions d'intérêt général.
Notre poste, quant à elle, même si elle n'est pas demeurée immobile, est encore corsetée par les formes juridiques héritées de son passé administratif. Pourtant, comme les autres, elle est en voie d'être aspirée dans le tourbillon de l'internationalisation et de l'économie Internet.
Pourquoi ce décalage ? Il nous faut le dire clairement : parce que, depuis trois ans, alors que tout s'est accéléré, la question postale a été considérée comme taboue en France.
Pour des raisons idéologiques - ou pour des raisons peut-être moins avouables - le Gouvernement a volontairement refusé d'aborder un sujet qui pouvait heurter les présupposés de ceux qui le soutiennent ou aviver les craintes de ceux qui auront à s'adapter aux changements. L'étouffoir a été délibérément mis sur les questions postales !
La demande d'habilitation qui nous est présentée aujourd'hui n'est qu'une illustration parmi d'autres de cette stratégie de l'étouffoir du débat. Sur le dossier postal, depuis 1997, les mots d'ordre ont été : « Pas de vagues », « Courage, différons » et « Surtout, n'en parlons pas ». Ils résultent, à l'évidence, d'arbitrages supérieurs, qui échappent vraisemblablement à ceux qui sont en prise directe avec la situation, je pense, en l'occurrence, à M. Christian Pierret.
Une telle politique est-elle conforme à l'intérêt de La Poste et des postiers ? Qui, parmi nous, pourrait le croire, tant l'expérience prouve que les réformes repoussées sont plus douloureuses et plus coûteuses que celles qui sont faites à temps ?
Non, le refus de tout changement n'est de l'intérêt bien compris ni des postiers ni de l'opérateur public. Non, ce refus n'est pas inspiré par le souci de permettre à La Poste et aux postiers de gagner leur combat des dix prochaines années. Il est orchestré pour qu'en ne fâchant personne, ceux qui temporisent aujourd'hui puissent espérer l'emporter dans deux ans. C'est bien là où le rendez-vous n'est que strictement politique, car il sacrifie l'avenir de notre opérateur postal.
A suivre une telle voie, c'est la poste allemande et ses personnels que le Gouvernement met en mesure de gagner définitivement. Telle est la réalité !
Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous ne pouvons accepter la transposition de la directive postale par ordonnance. Nous avons besoin d'un débat, nous tous, quel que soit notre sentiment dans cet hémicycle ; nous devons discuter de l'avenir d'une entreprise qui, au-delà de ses 300 000 salariés, est essentielle pour l'avenir de notre économie. Voilà pourquoi il faut désormais prendre des initiatives - en tout cas, nous, nous les prendrons - pour adapter notre opérateur public aux réalités de demain. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est un paradoxe : on nous demande tout simplement l'autorisation de dessaisir le Parlement de ses prérogatives. Sans être opposés à la procédure des ordonnances, qui peut avoir son utilité et qu'il convient d'utiliser avec modération, nous condamnons la méthode choisie par le Gouvernement pour transposer cinquante et une directives.
Nos collègues, en particulier nos rapporteurs, et notamment M. Daniel Hoeffel, se sont largement exprimés sur le fond. Je n'entrerai pas dans le détail des textes à transposer. Il a fallu cinq commissions pour en venir à bout. Je m'attacherai simplement à dire ma façon de penser sur la directive « Natura 2000 » et sur la directive postale.
Selon moi, elles ne peuvent pas faire l'économie d'un débat parlementaire approfondi.
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Pierre Hérisson. Notre collègue Gérard Larcher vient d'en faire la brillante démonstration, s'agissant de la directive postale.
Il semble, à la lecture de ce projet de loi d'habilitation, que le Gouvernement ait décidé de régler un certain nombre de situations politiquement gênantes sans passer devant la représentation nationale, c'est-à-dire en refusant un débat démocratique.
Le cas de la transposition de la directive « Natura 2000 » est, à cet égard, exemplaire et la plus brillante démonstration de ce qu'il ne faut pas faire. La procédure imposée aujourd'hui par le Gouvernement n'est pas acceptable tant sur le fond que sur la forme. Il s'agit d'un véritable dessaisissement du Parlement. La dénonciation d'une telle procédure fait d'ailleurs l'unanimité chez les personnes concernées, à savoir, principalement, les maires, les représentants des milieux économiques et professionnels et même, parfois, des associations de protection du milieu naturel qui sont conscientes de l'intérêt du pays et des intérêts économiques...
M. Gérard Larcher. Exact !
M. Pierre Hérisson. ... et qui ne passent pas leur temps à faire de la politique avec la politique de la nature et de l'environnement.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Pierre Hérisson. Il s'agit d'une atteinte intolérable aux droits du Parlement, alors que celui-ci devrait, dans un tel domaine, procéder à un examen minutieux d'un dispositif qui s'appliquera à l'ensemble du monde rural, un dispositif qui pourra remettre en cause des projets d'infrastructure et qui, à travers les mesures de gestion proposées pour les sites, aura des effets pervers sur l'exercice du droit de propriété. En avez-vous véritablement conscience ?
Il est tout à fait anormal que cette directive figure dans la liste de celles que le Gouvernement entend transposer par ordonnances, car le sujet concerné intéresse au premier chef les collectivités territoriales. Je rappelle que ces dernières, en vertu d'un décret de 1995, doivent être obligatoirement consultées pour établir l'inventaire et la gestion des sites proposés.
Le Conseil d'Etat a d'ailleurs sévèrement rappelé au Gouvernement cette obligation de consultation en 1999. L'avez-vous déjà oublié ?
La pleine association du Parlement, et plus particulièrement du Sénat, à la transposition de cette directive nous paraît donc non seulement nécessaire, mais aussi indispensable. Avec la procédure retenue, il nous sera impossible de débattre démocratiquement d'un texte concernant près de 5 % du territoire national et intéressant 1 029 sites en France. Ce refus du dialogue fera la part belle à des mesures réglementaires non concertées opérant des validations rétroactives de certaines dispositions, alors que de graves lacunes subsistent en ce qui concerne, notamment, la gestion des espaces intégrés dans le réseau écologique européen ou le contenu des contrats conclus entre l'Etat et les gestionnaires des espaces naturels.
Dans ces conditions, est-il acceptable que de tels problèmes soient réglés simplement par un arrêté du seul ministre de l'environnement ? Le Parlement n'a-t-il donc aucune légitimité, aujourd'hui, pour débattre de la nécessité ou non d'instaurer de nouvelles règles protectrices de l'environnement ? Nous avons besoin d'un débat démocratique.
Le recours aux ordonnances ne peut ni ne doit trouver sa raison d'exister dans la situation inquiétante que connaît la France en matière d'application du droit communautaire.
A ce propos, il n'est pas inutile de rappeler que cette situation est totalement imputable au Gouvernement, qui n'a pas fait du respect des obligations communautaires de la France une priorité absolue. Cela est d'autant plus regrettable que notre pays assure actuellement la présidence de l'Union européenne.
Je ne reviendrai pas sur l'historique général de la transposition - ou plutôt de la non-transposition - de la directive « Natura 2000 ». Cependant, il est intéressant d'en connaître les derniers rebondissements.
Le 6 avril 2000, la France a été condamnée en manquement par la Cour de justice des Communautés européennes pour transposition incomplète de la directive « Habitats ». En juillet dernier, la Commission européenne a adressé au Gouvernement français une mise en demeure pour non-exécution de l'arrêt de la Cour. Cette mise en demeure pourrait être suivie d'une nouvelle saisine de la Cour. Cette dernière pourrait alors prononcer une astreinte à l'encontre de notre pays. Pourtant, voilà plus de deux ans, le Sénat, conscient de l'importance de ce texte, avait inscrit à son ordre du jour une proposition de loi visant à transposer la directive « Natura 2000 ». Lors du débat, le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Mme Voynet, avait estimé que le texte sénatorial était « prématuré ». Nous pouvons apprécier aujourd'hui la justesse du propos, une fois de plus... (M. Gérard Larcher opine.)
La responsabilité du Gouvernement est donc entière.
Il nous explique aujourd'hui que la situation est telle qu'il n'est plus possible, faute de temps, de soumettre au Parlement un projet de loi de transposition. De qui se moque-t-on ? Vous conviendrez avec moi qu'une telle évolution illustre une maîtrise pour le moins approximative de ce dossier, néanmoins essentiel pour notre pays.
MM. Jacques Oudin et Gérard Larcher. Très bien !
M. Pierre Hérisson. De plus, est-il vraiment certain que la procédure choisie, procédure brutale, ne fait pas peser une grave menace sur les avancées réelles constatées tant dans la désignation de ce réseau écologique européen que dans l'élaboration des futurs documents de gestion ? Autrement dit, n'y a-t-il pas un risque important de voir se produire l'effet inverse de celui qui est recherché ?
Nous estimons que la procédure de concertation des élus locaux et des professionnels concernés fonctionne correctement et qu'elle doit être poursuivie. En tout état de cause, nous ne pouvons pas accepter une telle transposition sans débat parlementaire et nous voterons donc, unanimes, l'amendement de la commission des affaires économiques.
M. Jacques Larcher. Très bien !
M. Pierre Hérisson. S'il est un autre sujet qui mérite un grand débat national, c'est bien celui de l'avenir du service public postal, tel que l'a présenté voilà quelques instants notre collègue Gérard Larcher. Il n'est pas seulement un moyen de répondre aux besoins les plus fondamentaux de nos concitoyens, il n'est pas seulement un fondement de notre droit public, il est aussi, depuis près d'un siècle, un instrument d'unification du territoire et du développement économique.
Comme le souligne un récent rapport du Commissariat général du Plan sur les services publics, les secteurs de l'électricité, du gaz, du transport ferroviaire, de la poste et des télécommunications ont été, à l'origine, organisés dans notre pays suivant une approche typiquement française, conduisant à la création d'un puissant opérateur national, fortement intégré, en situation de monopole, contrôlé par l'Etat, investi de missions de service public et vecteur des stratégies nationales dans un domaine d'activité.
Parmi ces services publics, La Poste jouit d'une situation particulière ; son universalité et sa forte présence territoriale font qu'aucun autre grand service public de réseau ne bénéficie d'une telle proximité avec la population. La Poste entretient une relation privilégiée avec le public, comme avec les élus locaux. Son rôle sociologique est majeur : le bureau de poste appartient au paysage d'une commune, comme l'église, l'école et la mairie.
Cependant, les mutations de l'environnement de ces grands services publics de réseau appellent désormais des évolutions décisives, une modernisation indispensable, qui doit être traitée autrement que par une ordonnance. La législation communautaire, qui pousse à la libéralisation des marchés, n'est qu'un élément du changement imposé à nos grands opérateurs publics. D'autres facteurs les poussent à évoluer, à se transformer, qu'il s'agisse des évolutions technologiques ou de l'évolution du marché.
Sous l'influence des progrès techniques, de la globalisation de l'économie, de la constitution du grand marché unique et de la diffusion d'une concurrence désormais européenne, certains de ces services publics ont déjà été amenés à se moderniser, sans renier les grands principes qui les fondent. Cela a été le cas de France Télécom et de EDF, avec la mise en place du service universel. Qui se plaint aujourd'hui de ces évolutions ? Elles sont considérées par d'autres comme des évolutions en direction de la modernité. Demain, c'est GDF qui devra suivre la même voie. Cela reste le sujet d'une inquiétude, que le Gouvernement devrait d'ailleurs dissiper rapidement.
Il n'est pas acceptable que seule La Poste soit absente du grand débat national qu'appellent les changements économiques, technologiques et réglementaires qui interviennent dans son secteur d'activité.
Depuis la publication de l'excellent rapport d'information de notre collègue Gérard Larcher Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique , rédigé sous l'égide du groupe d'études sur l'avenir de La Poste, le Sénat demande la discussion d'une grande loi d'orientation postale intégrant les évolutions rendues nécessaires par le droit communautaire, notamment par l'adoption de la directive du 15 décembre 1997 sur les services postaux communautaires, libéralisant partiellement le secteur, mais d'une manière raisonnable et évolutive.
Cependant, le Gouvernement reste sourd à nos recommandations. Il a même réussi, en mars 1999, à transposer « à la sauvette », par voie d'amendement au projet de loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable du territoire, une partie de la directive postale.
Pourtant, ne s'est-il pas engagé d'une manière ferme, à plusieurs reprises, devant la représentation nationale, et M. Pierret devant nous, à déposer un projet de loi donnant aux activités postales un cadre juridique complet et capable d'assurer durablement l'avenir de La Poste, et ce avant le 31 décembre 1999 ? Qu'en est-il aujourd'hui ?
Il est urgent d'agir. Mais ce n'est pas d'une transposition par voie réglementaire du reliquat de la directive de 1997 dont La Poste a besoin. Il faut désormais « sauver La Poste », en suivant les propositions formulées par le Sénat.
La réforme de la poste allemande, entreprise à compter de 1994, qui a été évoquée longuement tout à l'heure par notre collègue Gérard Larcher, a reposé sur trois axes : transformation en société anonyme, réorganisation du réseau, évolution du statut du personnel. L'entrée en bourse de la Deutsche Post est prévue dans quelques jours. Cet opérateur est aujourd'hui un géant mondial, capable de racheter DHL à lui seul. C'est dire l'importance de ses résultats et de sa capacité à financer son développement externe.
La poste hollandaise a, elle aussi, conduit, ces quinze dernières années, un changement significatif.
Nous avons la possibilité de trouver la voie de la modernisation et de la modernité à travers une voie médiane entre ces deux opérateurs. Cela nous permettrait de donner à la poste française la dimension d'une entreprise mondiale pouvant aller conquérir des marchés à l'extérieur.
Le Gouvernement demande aujourd'hui d'adopter par ordonnance les dispositions restantes de la directive de 1997.
Depuis quelque temps, vous avez pris l'habitude de nous soumettre des projets de loi déclarés d'urgence. En l'occurrence, parce qu'il n'y a pas urgence, je considère, comme la majorité des membres de mon groupe, que ces mesures pourraient sans inconvénient majeur ni pour l'avenir de La Poste, ni pour « Natura 2000 » et l'aménagement de notre territoire, trouver leur place dans un projet de loi d'orientation postale et dans un projet de loi de transposition de « Natura 2000 ».
Telles sont les quelques remarques que je voulais présenter. J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez en tenir compte. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviendrai non seulement au nom du groupe des Républicains et Indépendants mais également en tant que membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, au sein de laquelle j'ai souvent pu mesurer le pouvoir limité des parlements nationaux.
Acteurs ou spectateurs ? Cette question posée voilà quelques années dans un rapport d'information de l'Assemblée nationale n'est pas seulement provocatrice. Elle traduit un profond malaise partagé par de nombreux élus, dans tous les Etats membres.
Le fossé se creuse entre les citoyens et la construction européenne.
Or les parlements nationaux peuvent jouer un rôle de médiation en amont, pour transmettre ou traduire les aspirations et les préoccupations des citoyens et, en aval, pour expliquer et adapter les décisions prises au plan européen.
Le Parlement de Strasbourg pourra peut-être, un jour, jouer ce rôle ; mais il reste une institution en devenir qui doit encore renforcer sa légitimité.
Les Français ont conservé l'habitude de se tourner vers leurs sénateurs ou leurs députés, qui leur semblent plus proches.
Dans ces conditions, si nous voulons rapprocher les citoyens, nous devons mieux associer les parlements nationaux à la construction européenne.
Malheureusement, ce n'est pas le chemin que prend le Gouvernement.
Le Parlement a déjà peu de pouvoirs en matière de décision communautaire, mais l'Etat veut lui enlever ce qui lui reste en le privant des dernières marges de manoeuvre dont il dispose à l'occasion de la transposition de directives européennes.
Il y a là une contradiction fondamentale entre l'objectif affiché d'une Europe politique et citoyenne et la réalité d'une Europe gouvernementale et technocratique.
Parmi la soixantaine de textes européens que le Gouvernement entend transposer par ordonnances, certains traitent de questions essentielles : La Poste, « Natura 2000 », les autoroutes, les mutuelles.
Sans entrer dans les détails de ces questions, chacun peut comprendre qu'elles nécessiteraient des débats de fond et des projets de loi spécifiques.
Or le Gouvernement se contente de nous proposer de légiférer à notre place.
Il nous demande une véritable « loi en blanc », certes encadrée, mais dont le libellé reste bien flou. Il ne pourra peut-être pas faire tout ce qu'il veut, mais il pourra déjà en faire trop en allant au-delà de ce qu'exige l'Europe et de ce que souhaite le Parlement français.
Cette procédure exceptionnelle est justifiée par l'urgence des transpositions nécessaires. Pourtant, le Parlement n'est pour rien dans les retards accumulés depuis des années. On nous demande, une fois de plus, de payer les pots cassés de l'administration.
Le groupe des Républicains et Indépendants soutient la position des commissions, une position courageuse qui consiste à refuser que le Parlement ne soit qu'une simple chambre d'enregistrement.
La victoire des technocrates est une victoire par défaut. Les représentants du peuple doivent défendre leurs prérogatives.
Mme Nicole Fontaine est venue devant la Haute Assemblée, en mars dernier, pour souligner que ce combat était à la fois celui du Parlement européen et celui des parlements nationaux.
Le Conseil représente, certes, les Etats, mais, plus directement, leurs gouvernements. Il s'est longtemps approprié le monopole de l'adoption des directives et des règlements communautaires.
Le pouvoir exécutif veut maintenant légiférer à notre place, sur le plan national.
A force d'obstination, le Parlement européen a progressivement réussi à imposer son existence en tant que législateur. Les parlements nationaux doivent, eux aussi, avoir une place qui correspond à leur légitimité.
Nous connaissons les limites de l'article 88-4 de la Constitution. Ce qui compte, c'est non pas le nombre de résolutions, mais la manière dont ces dernières sont appliquées par le Gouvernement.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. James Bordas. A terme, la solution se trouve peut-être dans un Sénat européen, mais cela reste un objectif lointain. L'affirmation du rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne, si souvent promise, n'est même pas à l'ordre du jour de la conférence intergouvernementale.
Dans ces conditions, les parlementaires français doivent prendre leurs responsabilités et, d'eux-mêmes, chercher à étendre leur influence. Ils doivent s'imposer sur le plan politique pour mieux s'imposer sur le plan institutionnel.
Si la création d'une représentation permanente du Sénat à Bruxelles est un premier pas dans la bonne direction, il faut aller beaucoup plus loin. Mme Nicole Fontaine a proposé que s'établissent des « relations organiques de travail » entre les représentants de la France au Parlement de Strasbourg et le Parlement français. C'est une idée que nous devons développer concrètement.
Mais, pour aller de l'avant, le Parlement français doit commencer par ne pas reculer.
La procédure des ordonnances, par son caractère précipité et, surtout, par son ampleur, par l'importance de certains des sujets concernés, constitue un recul démocratique indéniable. Elle n'est pas acceptable quand il s'agit de dossiers majeurs sur le plan économique ou social.
Après avoir déploré les retards de transposition et le mauvais exemple donné par la France en la matière, Mme Fontaine avait souhaité que le Gouvernement et le Parlement mettent tout en oeuvre pour que notre pays redevienne « exemplaire ».
Mes chers collègues, ce serait donner un bien mauvais exemple que de suivre la méthode du Gouvernement. Notre pays doit être exemplaire, mais il doit d'abord l'être sur le plan de la démocratie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, comme l'ont rappelé la plupart des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune, le Gouvernement va évincer le Parlement de grands débats sur des sujets d'importance nationale en recourant à une procédure qui est certes constitutionnelle - personne ne le nie - mais qui ne doit être qu'exceptionnelle.
Mes observations se limiteront à la réforme du code de la voirie routière prévue à l'article 4 du présent projet de loi et, au-delà, à la nécessité de développer, en France comme en Europe d'ailleurs, une politique globale, cohérente et dynamique de nos infrastructures de transport.
Ma première observation porte sur le sentiment de frustration que vous avez tous exprimé, mes chers collègues, sentiment de frustration du Parlement qui n'a guère eu d'occasions de s'exprimer de façon globale et approfondie sur la politique des transports.
Chacun sait que le Parlement se bat depuis des années pour que son rôle soit revalorisé et sa fonction davantage reconnue, afin d'assurer un plus juste équilibre dans le partage des compétences de nos institutions démocratiques.
Souvenez-vous : il a fallu des années avant que le Parlement, par le biais de l'article 88-4 de la Constitution, puisse émettre des avis sur les actes communautaires à caractère législatif.
Nous avons attendu des années avant qu'une réforme de la Constitution permette au Parlement de voter des lois sur le financement de la sécurité sociale.
Le Parlement, qui est pourtant le premier lieu de la démocratie, se voit à nouveau exclu des choix et des décisions importantes dans le secteur des infrastructures de transports qui conditionne le développement économique et l'avenir de l'aménagement de notre territoire.
Dans ces différents domaines, nous vivons actuellement une étonnante période de recul.
Quatre ans après la loi du 4 février 1995, le Gouvernement a estimé nécessaire de modifier profondément notre approche de l'aménagement du territoire. La loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire a supprimé le schéma national d'aménagement du territoire et les schémas de structure pour les remplacer par des schémas de service dont le contenu demeure encore, à ce jour, relativement incertain.
Depuis que vous êtes aux affaires, monsieur le ministre, le Parlement n'a débattu que de façon partielle des questions de transport, jamais de façon globale et approfondie. La politique de nos structures de transport a été davantage examinée dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire que par un texte soumis à la représentation nationale par le ministre des transports. C'est quand même une situation paradoxale !
Ma seconde observation porte sur la proposition de loi que j'ai déposée en 1999 et qui traitait justement des problèmes abordés dans l'article 4 du projet de loi.
Après d'autres collègues, je rappellerai que, dès 1997, le Sénat a constitué une commission d'enquête qui a déposé en juin 1998 un rapport intitulé Fleuve, rail, route : pour des choix nationaux ouverts sur l'Europe. Cette commission avait fait de nombreuses propositions concrètes pour relancer une politique globale d'infrastructures de transports. Elle avait d'ailleurs souhaité la transposition rapide des directives relatives au système autoroutier.
J'ai déposé, le 18 mai 1999, une proposition de loi sur la réforme du système autoroutier concédé, qui visait à traduire, sur le plan législatif, les propositions de cette commission d'enquête et, plus largement, à transcrire dans notre ordre juridique interne les règles communautaires visées à l'article 4 du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.
Ma proposition de loi visait à reconnaître de façon explicite que les procédures d'octroi des concessions autoroutières doivent respecter les principes européens de concurrence, de transparence et d'égalité de traitement énoncés dans la directive « Travaux » du 14 juin 1993 et explicités dans la communication interprétative de la Commission européenne sur les concessions en droit communautaire du 26 avril dernier.
Cette proposition de loi prévoyait également que le régime fiscal et comptable de droit commun devait s'imposer aux SEMCA, les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute, et proposait donc une ouverture progressive de leur capital.
Enfin, cette proposition de loi, cosignée par 116 sénateurs, a été discutée sous forme d'amendements au projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire ; dix articles sur quinze ont été intégrés dans la version votée par le Sénat le 31 mars 1999, mais ils ont tous été repoussés, ensuite, par l'Assemblée nationale. Il n'en reste donc rien !
Si cette proposition de loi avait été examinée ou si un projet de loi similaire avait été déposé par le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, nous n'aurions pas eu à recourir à cette procédure exceptionnelle de l'article 38 de la Constitution. Un tel examen aurait peut-être permis également d'éviter la condamnation de la France par la Cour de justice des Communautés européennes, le 12 septembre dernier, l'obligeant à respecter les dispositions de la sixième directive « TVA » sur les péages autoroutiers.
Ma troisième observation porte sur certains aspects des dispositions de l'article 4. La réforme du statut des SEMCA est tellement évidente que l'on est en droit de se demander pourquoi elle n'a pas été proposée plus tôt. Je voudrais insister davantage sur la pratique de l'adossement dont le Gouvernement a tiré un argument qui me semble facile pour freiner le développement de notre politique autoroutière.
Le Gouvernement a voulu considérer que la procédure de l'adossement était désormais condamnée au regard des règles européennes. Je m'interroge toujours sur une telle allégation, car la position de la direction « Marché intérieur » de la Commission européenne, que j'ai d'ailleurs rencontrée le 13 octobre dernier, est loin d'être aussi catégorique.
La position de la Commission européenne peut être résumée en trois constats.
Premier constat, l'adossement n'est pas, dans son principe, contraire au droit communautaire. Qu'on le dise et qu'on le répète ! Peu importe à la Commission que l'on finance le développement de notre réseau autoroutier par le péage, la subvention ou tel ou tel autre mode de financement. Ce qui compte, pour elle, c'est que les candidats soient clairement informés des règles du jeu et que ces règles soient les mêmes pour tous.
Le deuxième constat est que, tel qu'il est aujourd'hui pratiqué en France, l'adossement pose effectivement des problèmes au regard du droit communautaire, car les règles de jeu n'étaient pas connues de tous les candidats ; seules les sociétés déjà titulaires d'une concession sur le réseau français étaient informées d'une procédure de passation de marché.
D'où mon troisième constat : il ne tient qu'à nous de rendre le système de l'adossement compatible avec le droit communautaire en assurant la transparence requise par la directive « Travaux », en publiant des avis européens de mise en concurrence.
En d'autres termes, la procédure de l'adossement peut être légitime au regard du droit communautaire si les règles de transparence et de concurrence sont strictement appliquées et respectées.
Au-delà de ce problème, l'examen des dispositions de l'article 4 m'amène à m'interroger sur les intentions cachées - je dis bien « cachées » - du Gouvernement et me conduit à vous livrer mon avis sur sa politique routière et autoroutière.
Le texte qui nous est soumis comporte de nombreux risques pour l'avenir, car il reste silencieux sur un point essentiel.
En effet, le Gouvernement a obtenu de la Commission européenne l'accord pour des allongements très importants de la durée des concessions des SEMCA.
Au-delà des conséquences financières des réformes des SEMCA, qui, nous en convenons, entraînent des charges, l'accroissement de la durée des concessions est généralement justifié par un accroissement du programme de construction des sections autoroutières. Or, depuis trois ans, le Gouvernement n'a de cesse de réduire les programmes autoroutiers. Alors, quelle est la raison de cet allongement ?
Il serait souhaitable que vous puissiez informer le Parlement sur ce point, car cet allongement va entraîner un accroissement considérable des recettes des sociétés autoroutières. Ces recettes contribueront-elles à financer de nouvelles sections d'autoroutes ou à alimenter le budget général, qui prélève déjà près de 10 milliards de francs sur des recettes de péages, lesquelles s'élèvent, je vous le rappelle, à 34 milliards de francs cette année ? Qu'en sera-t-il des dividendes versés également à l'Etat, qui vont s'accroître considérablement ?
Toutes ces ressources supplémentaires serviront-elles à financer d'autres infrastructures de transport - qu'elles soient routières, autoroutières ou ferroviaires - ou simplement à alimenter le budget général de l'Etat ?
Ce texte, je le répète, ne contient aucune garantie pour le développement futur de nos réseaux routiers et autoroutiers. Le Parlement ne saurait signer, en l'espèce, un chèque en blanc au Gouvernement, face à une politique qui paraît pour le moins obscure et contradictoire.
Ma quatrième observation touche à la transparence. L'application d'un tel principe implique que chaque type de transport ait un système de financement clair et cohérent.
La transparence souhaitée par les instances européennes doit être à la fois globale et spécifique à chaque mode de transport : elle ne saurait se limiter à la seule procédure de passation des contrats.
Elle doit pouvoir s'appuyer sur des règles comptables claires et reconnues ; cela vaut tant pour le secteur autoroutier que pour la SNCF ou pour Réseau ferré de France, dont la comptabilité est parfois relativement obscure.
La tarification équitable des infratructures, l'application du principe de l'utilisateur-payeur impliquent que chaque type de transport ait un système de comptabilité et de financement aussi transparent que possible.
Dans cette logique, un système de transport ne saurait financer un autre système de transport - cela mérite d'être souligné - surtout si vous souhaitez, monsieur le ministre, développer les systèmes de péage.
Nous demandons au Gouvernement une information précise sur la situation financière de chaque mode de transport. Dans ce domaine, nous attendons beaucoup des règles européennes.
Je souhaite que cette réforme ne soit pas un prétexte pour le Gouvernement pour freiner le développement de notre système autoroutier, qui mérite encore d'être développé compte tenu de la croissance et de l'urgence des besoins.
Le problème de la réforme de notre politique autoroutière ne constitue, toutefois, qu'une partie du vaste problème des insuffisances d'une politique globale, dynamique et cohérente de nos infrastructures de transport, qui englobe à la fois le rail, la route, les autoroutes, les ports, les voies navigables ou les plates-formes aéroportuaires.
Les trois années écoulées m'amènent à penser que le Gouvernement n'a aucune politique ambitieuse de transport, alors même que la demande de transport dans nos sociétés ne cesse de croître. Nous vivons un contexte marqué par la mondialisation accrue des échanges, par l'intégration de l'espace européen et par le développement de l'économie.
Toutes les études prospectives comme tous les contrats rétrospectifs montrent que la demande des transports va croître à un rythme soutenu au cours des prochaines décennies, qu'il n'y aura pas de coup d'arrêt. Le taux de croissance moyen jusqu'en 2020 sera de 2,5 % par an pour le transport interurbain de voyageurs et de 2,3 % par an pour le transport de marchandises.
Pour la route et l'autoroute, les parts de marché, sauf à mener des politiques contraignantes et restrictives, ne feront que croître. Dans un tel contexte, monsieur le ministre, l'effort consacré à nos infrastructures de transport ne cesse de diminuer. C'est tout à fait incohérent avec le constat effectué.
Des phénomènes de saturation apparaissent dans l'ensemble des modes de transport : le ciel européen s'engorge ; les saturations d'autoroutes se développent, notamment aux abords de certaines agglomérations et dans la traversée des massifs montagneux ; enfin, le trafic du fret ferroviaire, contrairement à ce que nous souhaitons tous, n'est pas en mesure de se développer. En dépit de sa faiblesse, le trafic fluvial continue d'augmenter. Quant à nos sites portuaires, ils continuent de souffrir d'une insuffisance de desserte qui les place dans une position d'insuffisante compétitivité face à nos concurrents européens.
Le bilan du Gouvernement en matière de transport est particulièrement négatif, alors que la position géographique de la France confère à notre pays un rôle essentiel de plaque tournante des transports terrestres et, de ce fait, une responsabilité particulière sur la scène européenne.
L'enjeu du système de transport est essentiel non seulement pour le développement économique de la France, mais aussi pour la structuration de tous nos territoires. Ainsi, chacun comprendra - j'en reviens à mon propos du début - que nous ne saurions accepter que le Parlement soit exclu des débats et des décisions qui seront prises dans ce domaine.
En conclusion, notre amertume face aux dispositions de l'article 4 est si grande que, bien entendu, nous ne pourrons l'approuver. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord remercier les rapporteurs pour le travail très complet qu'ils ont accompli, pour l'examen méticuleux et approfondi qu'ils ont fait des projets qui leur étaient présentés, ainsi que tous les orateurs qui se sont exprimés.
Au terme de cette discussion générale, je veux simplement apporter une réponse d'ensemble puisque, outre moi-même, les ministres compétents fourniront des réponses plus précises à l'occasion de l'examen de chaque article.
D'abord, je note que les commissions du Sénat n'ont pas désapprouvé le principe du recours aux ordonnances, même si elles ont marqué des réserves, même si elles ont exprimé des critiques, parce qu'il y a urgence sur le plan européen.
Il s'agit, je le répète, d'une procédure exceptionnelle, qui vise à apurer le passé.
J'ai même noté qu'entre les commissions il pouvait y avoir des divergences sur l'appréciation de tel ou tel article ou de telle ou telle ordonnance, en particulier sur l'article 3, qui donnera lieu à débat, entre la commission des affaires sociales et la commission des finances.
La délégation de pouvoir législatif que nous sollicitons est temporaire et encadrée. Vous serez saisis des projets de loi de ratification - le Gouvernement s'y engage - dans le calendrier prévu.
Quand j'étais secrétaire d'Etat à l'outre-mer, les projets de loi ont été déposés et examinés par les assemblées. Une navette a d'ailleurs permis l'adoption définitive des ordonnances.
Nous aurons ainsi le temps, d'ici à la fin de la législature, d'examiner au fond les ordonnances, qui, à ce stade, ont une valeur réglementaire, seule la ratification ultérieure par le Parlement leur donnant une valeur législative.
Le droit d'amendement sera donc pleinement respecté et le contrôle du Parlement sera entier.
Au-delà de ces réflexions sur la mise en oeuvre de l'article 38 de la Constitution, le débat a porté sur l'application dans notre droit des normes européennes.
Au travers des diverses interventions, deux idées principales se dégagent.
La première, c'est qu'il faut à tout prix que l'Europe respecte le principe de la subsidiarité, ce qui signifie que les législateurs nationaux restent compétents pour les matières qu'ils ont à traiter, l'Europe n'ayant qu'un pouvoir d'évocation.
A voir la liste des directives prises dans les années quatre-vingt, on a parfois un peu le tournis en constatant que, sous prétexte d'harmonisation, elles concernaient telle ou telle profession, telle ou telle activité, alors que l'on est en droit de penser que c'est le législateur national qui, dans chaque pays membre de l'Union européenne, était le mieux à même de traiter de ces sujets.
La seconde idée concerne la démarche de ratification.
M. de Montesquiou a proposé tout à l'heure qu'il y ait un dépôt automatique devant le Parlement et un examen automatique. Je crains que, compte tenu de la surcharge de travail du Parlement, cela ne conduise à faire de celui-ci une simple chambre de ratification à l'échelon européen.
Peut-être faut-il réfléchir à une évolution en matière constitutionnelle. M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, l'a souhaité. On pourrait très bien imaginer que, comme en Italie, les commissions aient un pouvoir et que ne viennent en séance publique que les textes devant, selon elles, donner lieu à débat public. Peut-être n'aurions-nous pas, ainsi, ce retard que nous constatons aujourd'hui. En tout cas, c'est une suggestion que je fais.
Vous savez qu'une réflexion est engagée sur la réforme de l'ordonnance de 1959 en matière de droit budgétaire, pour l'actualiser. Il est vrai qu'aujourd'hui, devant la production des normes européennes et la légitime demande des parlementaires de pouvoir contrôler leur application, nous nous trouvons devant un conflit d'usages, de calendriers, qui nécessite une adaptation de nos règles. Il faut y réfléchir.
En tout cas, l'exemple que nous donnons ce soir ne peut pas être réédité dans quelques années, sous prétexte qu'à nouveau des textes se seraient accumulés et que nous n'aurions pas pu légiférer.
Quant à ce soir, admettez - c'est la proposition que nous vous faisons - que nous essayions d'apurer le plus possible ce passé, qui - nombre d'entre vous l'ont dit - nous désigne comme le plus mauvais élève de la classe européenne. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois. Monsieur le ministre, il me paraît difficile de laisser passer la formule que vous avez cru devoir employer, selon laquelle nous n'avons « pas désapprouvé » le recours aux ordonnance car nous ne l'avons pas approuvé non plus.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Ce n'est pas la même chose !
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois. Nous avons pensé qu'il valait mieux, comme vous l'avez dit plus justement dans votre dernière formule, « apurer le passé », parce que ce passé fait mal à l'Europe et que nous ne voulions pas, par un refus, bloquer le processus européen et mettre la France dans une posture absolument insupportable, particulièrement en ce moment.
Pour autant, nous avons tout à fait désapprouvé la conduite des gouvernements successifs, qui nous a conduits là où nous en sommes - tous les orateurs vous l'ont nettement fait comprendre. Nous l'avons désapprouvée parce que cette conduite est un défi au Parlement et au pouvoir législatif, mais aussi aux engagements - avec les rodomontades qui accompagnent ou qui expriment parfois ces engagements - que la France a pris vis-à-vis de l'Europe. C'est peut-être l'aspect le plus grave de la question.
Dans les deux cas, l'argument selon lequel vous avez manqué de temps pour soumettre au Parlement ces lois ne tient pas, vous le savez parfaitement. Nous avons tous été ici rapporteurs de textes d'un intérêt parfaitement secondaire, voire dérisoire. Par ailleurs, vous pouvez demander des sessions extraordinaires, et les obtenir.
En réalité, à travers tout cela, on constate que ces gouvernements n'ont pas rempli leur devoir... n'ont pas assumé leur mission, ont montré qu'ils étaient incapables de gérer les textes en question de manière correcte. Cela est très regrettable, et cela ne peut pas être approuvé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)