SEANCE DU 8 NOVEMBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 147, MM. Loridant, Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 442-1 du code du travail est complété in fine par les mots : "et à contrôler l'utilisation des fonds qui leur reviennent de droit". ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement porte, au-delà d'aspects relativement classiques de portée rédactionnelle, sur une question assez essentielle : l'utilisation des fonds issus de la participation et de l'intéressement ainsi que le contrôle que les salariés peuvent exercer eux-mêmes sur cette utilisation.
Notre amendement complète l'article L. 442-1 du code du travail qui constitue la clé de voûte du dispositif obligatoire de participation des salariés.
Cet article dispose en effet que « Toute entreprise employant habituellement au moins cinquante salariés, quelles que soient la nature de son activité et sa forme juridique, est soumise aux obligations de la présente section, destinées à garantir le droit de ses salariés à participer aux résultats de l'entreprise. »
Une fois admis le principe de la participation obligatoire, se pose la question fondamentale de la nature des sommes centralisées au titre de cette participation, qui, de notre point de vue - et nous l'avons exprimé en tant que tel au début de l'examen des articles de ce projet de loi - procèdent, quant au fond, de la même nature que les salaires.
Il s'agit en effet, quand on y réfléchit bien, de considérer la participation comme une utilisation de la valeur ajoutée assimilable à des éléments de rémunération, ce qui nous ramène d'ailleurs à un débat assez essentiel.
Si les salariés paraissent, selon les enquêtes d'opinion, plutôt favorables à l'épargne salariale, c'est d'abord et avant tout parce que cette épargne salariale est ressentie comme un élément complémentaire de rémunération, éventuellement susceptible de connaître une évolution plus sensible que l'élément principal.
Pour autant, l'expérience montre aussi que l'exception fiscale et sociale des régimes de participation et d'intéressement pose d'autres problèmes, notamment en termes de calcul du revenu de référence pour le droit à la retraite, qui ternissent quelque peu le tableau.
Pour en revenir au sujet évoqué par cet amendement, il nous semble tout à fait naturel que le contrôle des salariés puisse s'exercer sur l'utilisation des fonds de la participation, sous les formes appropriées, parce que ces fonds dans les faits, ne sont jamais que produits par le travail de l'ensemble des salariés.
Un trop grand nombre d'entreprises ont, nous semble-t-il, gagé la bonification de leur régime de participation obligatoire sur la modération, sinon la modicité, des évolutions de salaire pour que l'on puisse, d'une certaine manière, assimiler effectivement la participation à un élément de rémunération dont l'importance nécessite un examen attentif.
Un autre amendement, que nous examinerons ultérieurement vise d'ailleurs à laisser aux salariés l'exclusive responsabilité de la gestion des FCPE. Il participe donc pleinement de l'orientation ici fixée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur. La commission considère que cet ajout est flou. Quels sont les fonds qui reviennent de droit aux salariés ? De quel type de contrôle s'agit-il ? Les dispositions de contrôle sont prévues dans le texte. Aussi, la commission ne souhaite pas intégrer cet amendement, que je qualifierai de « droit mou », dans le code du travail. Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je comprends parfaitement le souci des auteurs de cet amendement de prévoir un droit de regard des salariés sur l'utilisation des fonds de la participation. C'est évident, logique et normal.
Cependant, le code du travail prévoit déjà explicitement que l'accord détermine des modalités d'affectation de la réserve spéciale de participation. De plus, l'article L. 442-19 du code du travail dispose que, chaque année, l'employeur doit fournir au comité d'entreprise ou à sa formation spécialisée un rapport sur l'utilisation des sommes de la réserve spéciale de participation. De surcroît, le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable.
Donc, ce que vous souhaitez existe déjà dans le code du travail. Les explications que je viens de vous fournir sont de nature à apaiser vos craintes en la matière, qui sont justifiées sur le principe. Aussi, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 147 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Non, monsieur le président, je le retire, compte tenu des propos de M. le secrétaire d'Etat.
Cela étant dit, je vous demande de nous excuser de ce qui semble prolonger le débat, mais nous souhaitons apporter un certain nombre de précisions afin de nourrir le débat.
M. le président. L'amendement n° 147 est retiré.
Par amendement n° 148, MM. Loridant, Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le cinquième alinéa (3) de l'article L. 442-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« 3. L'affectation des sommes constituant la réserve spéciale prévue à l'article L. 442-2 ci-dessus à un fonds que l'entreprise doit consacrer à des investissements à hauteur minimale du tiers de ces sommes. Les salariés ont sur l'entreprise un droit de créance égal au montant des sommes versées. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement, qui procède du même esprit que le précédent, revient sur la question récurrente de l'utilisation de la réserve spéciale de participation, car il prévoit que l'option d'utilisation de cette réserve destinée aux investissements de l'entreprise doit, d'une certaine manière, être encadrée.
L'article actuel du code du travail sur l'affectation des sommes issues de l'épargne salariale, à savoir cet article L. 442-5 dont nous débattons et débattrons encore, liste les possibilités d'affectation de la réserve spéciale, sans spécifier la part relative de chacun des investissements concernés. Nous entrons dans le détail.
Notre amendement vise donc, après que nous avons marqué dans la discussion de l'article 4 notre conception d'affectation prioritaire par la voie de l'incitation fiscale, à faire en sorte que le choix opéré par les participants aux plans d'épargne aille de pair avec la détermination du montant de la réserve spéciale directement versée au fonds d'investissement.
C'est en quelque sorte un choix « guidé », que nous souhaitons promouvoir, tendant dans les faits à consacrer au moins le tiers de la réserve spéciale à l'alimentation du fonds d'investissement.
Cette possibilité - obligation, ce qui peut paraître un peu contradictoire avec quelques-unes des dispositions du projet de loi et une part de sa philosophie, fondée sur le libre choix des participants, nous semble nécessaire afin de recentrer effectivement l'épargne salariale sur l'une de ses finalités.
Cette finalité consiste à donner aux entreprises participantes une possibilité d'autofinancement de leurs investissements futurs, et donc la possibilité d'asseoir leur développement.
Cette préoccupation est d'autant plus récurrente dans notre démarche que, s'agissant des petites et moyennes entreprises, et notamment de toutes celles qui ne sont pas cotées et n'ont donc pas accès à l'épargne publique, les difficultés d'accès au crédit persistent, l'affectation prioritaire de la réserve spéciale de participation peut représenter une solution parmi d'autres à ces difficultés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur. La commission considère que cela ne doit être qu'une possibilité prévue dans l'accord, et non une obligation fixée dans la loi. Aussi, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Que M. Fischer ne s'inquiète pas. Pour ma part, je considère que ce débat « apaisé » enrichit le texte, car nous avons déjà avancé.
M. Fischer voudrait que l'on utilise les fonds pour l'autofinancement de l'entreprise. Ce serait tout de même une absence de liberté. Au nom de quoi les salariés seraient-ils dans l'obligation de financer leur propre emploi ? Ce n'est pas très logique ! Une telle disposition restreindrait considérablement la liberté de choix des partenaires sociaux dans l'affectation des sommes de la réserve spéciale de participation, alors même que l'entreprise n'a pas forcément besoin des capitaux. Par ailleurs, je suis convaincu que si ces placements sont d'une autre nature, les salariés en retireront un bénéfice supérieur. Je dois préciser aussi que, actuellement, un tiers de la réserve spéciale est déjà affecté au compte courant bloqué.
Compte tenu du fait qu'une partie y va déjà obligatoirement, que cet autofinancement serait une restriction et n'irait dans l'intérêt ni de l'entreprise ni du salarié, je souhaite que vous retiriez cet amendement.
M. Guy Fischer. Je le maintiens !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 148, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5