SEANCE DU 16 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 41. - I. - Pour le calcul de la contribution due au titre de l'année 2001 en application du premier alinéa de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, le taux de 3 % est substitué au taux K mentionné dans le tableau figurant au deuxième alinéa du même article.
« II. - Le tableau du deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :



TAUX D'ACCROISSEMENT
du chiffre d'affaires T
de l'ensemble des entreprises

redevables

TAUX DE LA CONTRIBUTION
globale exprimé en %
de l'écart entre le chiffre
d'affaires hors taxes réalisé
au cours de l'année civile
et le chiffre d'affaires hors taxes
réalisé au cours de l'année civile

précédente majoré du taux K

T supérieur à K(*) et/ou égal à K + 0,5 point 50 %
T supérieur à K + 0,5 point et inférieur ou égal à K + 1 point 60 %
T supérieur à K + 1 point et plus

70 %

(*) K = taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie arrondi à la décimale la plus proche.


« III. - Les dispositions du présent article sont applicables à la contribution perçue à compter de l'année 2001. »
Par amendement n° 34, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit le II de cet article :
« II. - Le tableau du deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :


TAUX D'ACCROISSEMENT
du chiffre d'affaires T
de l'ensemble des entreprises

redevables

TAUX DE LA CONTRIBUTION
globale exprimé en %
de l'écart entre le chiffre
d'affaires hors taxes réalisé
au cours de l'année civile
et le chiffre d'affaires hors taxes
réalisé au cours de l'année civile

précédente majoré du taux K

T supérieur à K(*) et/ou égal à K + 1 point 40 %
T supérieur à K + 1 point et inférieur ou égal à K + 2 points 50 %
T supérieur à K + 2 points

60 %

(*) K = taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie arrondi à la décimale la plus proche.


La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je rappelle que, lors de la réunion de la commission des comptes le 21 octobre 2000, à laquelle vous assistiez comme moi, madame le secrétaire d'Etat, Mme Aubry, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, avait indiqué que le Gouvernement entendait modérer nos dépenses de médicaments par des dispositifs structurels efficaces. Effectivement, à la lecture des chiffres de la CNAM de ce matin, je constate qu'il existe bien un problème quant aux dépenses de médicaments, nous y reviendrons tout à l'heure.
« Dispositifs structurels efficaces », nous avions trouvé cela bien, mais nous ne savions pas très bien ce que c'était. C'est simple, comme la République : on augmente les prélèvements sur l'industrie pharmaceutique. Inutile d'utiliser ce jargon, cela signifie que, pour le Gouvernement, régulation rime avec taxation !
M. Dominique Leclerc. Voilà !
M. Charles Descours, rapporteur. L'article 41 prévoit, lorsque le taux de progression dépasse 3 %, une taxation à 70 %, des bénéfices, ai-je cru comprendre dans un premier temps. Mais pas du tout, c'est 70 % du chiffre d'affaires ! Sommes-nous encore dans un système libéral ?
Le taux de 70 % proposé par l'Assemblée nationale et accepté par le Gouvernement est confiscatoire. Nous proposons donc un autre tableau qui permet de ramener le taux maximal à 60 %, ce qui est déjà considérable. Le prélèvement, au lieu de se situer systématiquement au-delà de 3 %, serait de 40 % entre 3 % et 4 % de progression du chiffre d'affaires, de 50 % entre 4 % et 5 % de progression du chiffre d'affaires et de 60 % au-delà de 5 % de progression du chiffre d'affaires.
Je crois vraiment qu'il s'agit là de raison ; les laboratoires pharmaceutiques ne sont tout de même pas des vaches à lait ! Aujourd'hui, il existe, en France, cinq ou six laboratoires à capitaux français, et leur chiffre d'affaires est inférieur à 1 milliard de francs. Tous les autres laboratoires appartiennent à des multinationales. La décision d'Avantis va probablement entraîner la perte du dernier siège français du regroupement entre Rhône-Poulenc et Hoechst.
Alors, si on adopte de telles dispositions où iront ces derniers laboratoires français ? Pas forcément dans des pays du tiers-monde, mais en Belgique, en Irlande, en Angleterre ou ailleurs. Bref, ils quitteront notre territoire et l'on ne trouvera plus en France de molécules, et il n'y aura plus de recherche.
Vraiment, je ne comprends pas. Madame le secrétaire d'Etat, je vous invite à rencontrer les dirigeants de ces grands laboratoires, qui d'ailleurs ne sont pas français pour la majorité d'entre eux. Vous savez, quand ils regardent l'Europe, c'est l'Europe. La France, c'est un petit bout d'Europe...
M. Jean Chérioux. Comme disait Valéry !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je voudrais quand même dire à M. le rapporteur que nous avons développé une politique structurelle pour limiter les dépenses d'assurance maladie. Je vais vous en donner quelques exemples.
Nous avons mis en place la politique du générique, ce qui n'avait jamais été fait précédemment, en accordant un droit de substitution aux pharmaciens, ce qui n'avait jamais été fait auparavant. Certes, il y avait eu quelques tentatives, mais par voie d'ordonnance. Nous, nous l'avons fait, en passant devant le Parlement, par la loi.
Par ailleurs, nous avons aussi mis en place le processus de service médical rendu.
Il n'y a pas donc aucune incohérence dans les dispositions qui vous sont proposées pour maîtriser les dépenses de santé.
La clause de sauvegarde, introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, permet à l'industrie pharmaceutique, qui bénéficie d'une forte croissance de son chiffre d'affaires pour les médicaments remboursables, d'en rétrocéder une partie à l'assurance maladie. En effet, cette croissance, qui devrait atteindre 7 % à 8 % en 2000, est facilitée et supportée financièrement par l'assurance maladie qui assure le remboursement de ces produits.
N'oublions pas, également, que pour l'année 2000, le poste médicament est, de très loin, le premier à expliquer le dépassement de l'ONDAM, avec plus de 6 milliards de francs sur les 11 milliards de francs constatés, ce que vous ne masquez pas de nous reprocher régulièrement.
Il faut être cohérent. Nous acceptons vos reproches en matière de dépassement de l'ONDAM, mais nous maintenons notre volonté de maîtriser ce dérapage.
En premier lieu, je vous rappelle que la récupération que nous proposons ne porte que sur la part de la croissance du chiffre d'affaires supérieure au taux de progression de l'ONDAM. Cela veut dire que l'industrie dispose d'une garantie de progression de chiffres d'affaires de la part de la collectivité.
C'est un avantage considérable. Au-delà du taux de l'ONDAM, le chiffre d'affaires ne supporte que des charges très réduites. Les coûts variables de production et de commercialisation sont en fait très faibles dans cette industrie.
En second lieu, permettez-moi de souligner que le seuil à partir duquel s'applique la récupération fixé à 3 % pour 2001 est supérieur à celui qui a été retenu les années précédentes : il était de 2 % en 2000. Nous intégrons ainsi les contraintes de l'industrie pharmaceutique. Nous les avons entendues.
Vous nous proposez, monsieur le sénateur, d'aménager le barème proposé en élargissant les seuils de déclenchement des tranches et en minorant les taux de récupération. L'Assemblée nationale a déjà aménagé le dispositif que nous avions proposé en introduisant une « dose » de progressivité. En fait, derrière votre proposition, se cache surtout la volonté de réduire la contribution de l'industrie pharmaceutique. La perte serait incontestable. Par exemple, pour une croissance du chiffre d'affaires de 7 % en 2001, soit une augmentation de près de 6 milliards de francs, le système actuel permet de récupérer 2 milliards de francs et le projet présenté 2,5 milliards de francs. Avec votre amendement, monsieur le sénateur, le rendement ne serait plus que de 2,1 milliards de francs, soit une réduction de 15 % de l'effet attendu de notre disposition.
Ce recul est bien calculé de votre part, mais nous ne pouvons pas l'accepter, compte tenu des objectifs que nous nous fixons en matière de réduction de dépassement de l'ONDAM, la part du médicament devant encore diminuer.
La clause de sauvegarde du médicament est un dispositif pérenne et lisible qui permet aux industriels d'intégrer leur contribution dans le processus normal de gestion de leur entreprise.
Je demande donc, monsieur le rapporteur, le rejet de votre amendement.
M. Charles Descours, rapporteur. Je ne crois pas que ce que je propose soit un recul, c'est plutôt un progrès !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 34.
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Sur ce dossier, les chiffres que vous avez donnés, madame le secrétaire d'Etat, ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux dont je dispose, lesquels m'ont été fournis par les responsables de l'industrie pharmaceutique que j'ai rencontrés. Mais ne discutons pas sur les chiffres.
D'après ces représentants de l'industrie pharmaceutique, la somme qui était proposée par le Gouvernement était de l'ordre de 2,45 milliards de francs, somme que l'Assemblée nationale a ramenée à 2,32 milliards de francs.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. C'est cela !
M. Bernard Cazeau. Si l'on appliquait les abattements proposés par M. le rapporteur, on arriverait, si je ne me trompe, à 1,84 milliard de francs.
Les responsables de l'industrie pharmaceutique proposent quant à eux une formule qui nous ramènerait à 2,2 milliards de francs, soit, si l'on se réfère à mes chiffres, 120 millions de francs de moins que ce qui est proposé par l'Assemblée nationale.
Je ne reviens pas sur les arguments qui ont été donnés par Mme le secrétaire d'Etat et que je fais d'ailleurs miens. Les dérapages sur les prix des médicaments ont bien des causes. On pourrait à cet égard revoir les dispositions applicables aux médicaments génériques, parce que les pharmaciens ne peuvent pas imposer les médicaments génériques à leurs clients.
Quoi qu'il en soit, le président du syndicat national de l'industrie pharmaceutique aurait apprécié que nous adoptions sa formule.
Les dépenses de l'industrie pharmaceutique en matière de promotion et de publicité des médicaments seraient de l'ordre de 12 milliards de francs, des forêts entières sont coupées pour imprimer des prospectus. L'importance de cette somme nous conduit à accepter le texte adopté par l'Assemblée nationale et à ne pas être favorables à l'amendement présenté par M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le secrétaire d'Etat, monsieur Cazeau, il ne faudrait pas rêver. L'amendement proposé par la commission ne concerne que les laboratoires qui ne signent pas une convention, ce qui est extrêmement rare.
Pour rédiger cet amendement, nous nous sommes référés à un texte extrêmement sérieux : le projet de loi de finances pour 2001, élaboré par le ministère des finances sous la responsabilité de M. Fabius, ce qui n'est pas rien. Or je lis dans ce document que les contributions à la charge des laboratoires pharmaceutiques non conventionnés avec le comité économique des produits de santé sont estimées, pour l'année 2000, à 75 millions de francs.
Je ne voudrais donc pas que le ministère des affaires sociales s'attende à recevoir environ 2 milliards de francs au titre de cette contribution. (Mme le secrétaire d'Etat marquant sa perplexité, M. le rapporteur lui remet le document.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 35, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après le II de l'article 41, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le troisième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant total de ces remises est inférieur au montant total de la contribution qui aurait été obtenue pour ces entreprises en application du deuxième alinéa du présent article. »
La parole et à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Il s'agit là encore de la politique conventionnelle, qui concerne la quasi-totalité du marché du médicament.
Cet amendement prévoit en effet que, après discussion avec le comité économique du médicament, les remises versées par les entreprises doivent être inférieures au montant attendu du fait de la clause de sauvegarde.
Cela paraît évident, mais il vaut mieux le préciser.
Même en cas d'objectif voisin de régulation conventionnelle et législative, la politique conventionnelle ne peut avoir pour effet de prélever, au titre des remises de régulation budgétaire versées à la clôture de l'exercice par les entreprises conventionnées, plus que le montant attendu de la clause de sauvegarde.
Il s'agit de préserver l'intérêt pour les entreprises d'entrer dans un cadre conventionnel qui permette de s'engager individuellement par contrat sur un certain nombre de sujets : les médicaments génétiques, la réévaluation de la gamme thérapeutique, les engagements promotionnels notamment, et, évidemment, le prix du médicament qui, je vous le rappelle, est négocié avec le comité économique du médicament et qui permet d'avoir une certaine modération.
Au-delà de la petite altercation que nous avons eue, je pense que c'est cela le coeur de la politique du médicament.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, à l'occasion de la discussion de l'amendement n° 34, vous m'avez fait remettre un document. Mais celui-ci ne mentionne que le montant des taxes, il ne tient pas compte de toutes les remises conventionnelles.
Le Gouvernement souhaite établir une sorte de parité entre les taxes et les remises conventionnelles. Or, avec l'amendement n° 35, la part des remises conventionnelles serait beaucoup plus importante que celle des taxes.
M. Charles Descours, rapporteur. C'est conventionnel !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Certes ! Mais nous souhaitons instaurer un peu plus de souplesse et je demande le rejet de votre amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 41, modifié.

(L'article 41 est adopté.)

Article 41 bis